• Aucun résultat trouvé

Apport des champignons mycorhiziens ou endophytes à la phytostabilisation

3. La phytostabilisation

3.2. Amélioration du potentiel de phytostabilisation des plantes

3.2.2. Association des plantes avec des champignons

3.2.2.2. Apport des champignons mycorhiziens ou endophytes à la phytostabilisation

Les champignons mycorhiziens ou endophytes possèdent de nombreux mécanismes de tolérance et

résistance aux ETM qui peuvent être un atout majeur pour protéger les plantes avec lesquelles ils

interagissent contre les effets néfastes de ces éléments. Ces mécanismes seront plus particulièrement

décrits dans le paragraphe suivant. Notamment, les champignons présentent une forte capacité à piéger les

ETM dans leurs hyphes et peuvent ainsi protéger les plantes contre les effets néfastes des ETM. En effet, de

nombreuses études ont permis de montrer l’implication des champignons endomycorhiziens et

ectomycorhiziens dans la tolérance aux ETM des plantes dont les principaux résultats sont résumés dans les

tableaux VII et VIII. En général, les auteurs ont étudié l’effet de quelques espèces fongiques (1 à 6) sur la

sensibilité aux ETM de quelques espèces végétales (1 à 2).

L’apport des champignons à la phytoremédiation a été particulièrement étudié dans le cadre de la

symbiose endomycorhizienne. Le tableau VII résume les études les plus récentes effectuées sur le sujet mais

de nombreuses études antérieures ont déjà été rapportées (Gaur & Adholeya, 2004). Dans la plupart des

cas, l’impact des champignons endomycorhiziens sur des plantes d’intérêt agronomique est étudié. En effet,

de nombreuses études portent sur le maïs (Chen et al., 2004 ; Shen et al., 2006 ; Wang et al., 2007 ; Xia et

al., 2007 ; Liang et al., 2009), l’orge (Chen et al., 2005b ; Chen et al., 2005c), le riz (Zhang et al., 2009) ou la

luzerne (Chen et al., 2005a ; Chen et al., 2008 ; Roos & Jakobsen, 2008 ; Redon et al., 2009). En général,

l’effet observé est une amélioration de la production de biomasse et donc de la tolérance des plantes

étudiées et une diminution de la translocation des ETM vers les parties aériennes ; ce qui présente un fort

intérêt en agronomie si les teneurs en ETM dans les parties aériennes se retrouvent en dessous des seuils

autorisés. Dans certains cas, la colonisation par un champignon endomycorhizien favorise l’accumulation des

ETM dans les parties aériennes, rendant alors les plantes plus intéressantes dans une optique de

62

Tableau VIII : Etudes récentes sur l’impact des champignons ectomycorhiziens sur la tolérance des plantes aux ETM et principaux effets

ETM testés Champignons ectomycorhiziens étudiés Plantes hôtes Type d'étude Effets Références Al Pisolithus tinctorius Pinus densiflora MA, CA augmente la tolérance de la plante, excrétion de citrate Tahara et al., 2005 Cd Laccaria bicolor, Paxillus involutus Picea abies Pots, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Jentscke et al., 1999

P. involutus, Suillus sp., Laccaria laccata,

Thelephora terrestris Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes

Colpaert & Van Assche, 1993

Amanita rubescens, Hebeloma

sinapizans Pinus sylvestris Pots, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Kozdroj et al., 2007 Suillus luteus Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Krznaric et al., 2009

Hebeloma crustuliniforme, P. involutus, P. tinctorius

Salix viminalis, Populus

canadensis Pots, SP augmente le transfert vers les parties aériennes Sell et al., 2005 Rhizopogon roseolus, Suillus bovinus Pinus pinaster Pots, CA augmente le transfert vers les parties aériennes Sousa et al., 2012 Cu S. bovinus, T. terrestris Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Van Tichelen et al., 2001

S.luteus Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes, tolérance de

la plante améliorée si le champignon est tolérant Adriensen et al., 2005

Ni Pisolithus albus Eucalyptus globulus Pots, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Jourand et al., 2010b

Zn S. bovinus Pinus sylvestris MA, CA augmente la tolérance de la plante Adriensen et al., 2006

P. involutus, S. bovinus Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Colpaert & Van Assche,

1992

T. terrestris Pinus sylvestris MA, CA augmente le transfert vers les parties aériennes Colpaert & Van Assche, 1992

S. bovinus Pinus sylvestris MA, CA augmente la tolérance de la plante Adriensen et al., 2004

Cd, Zn inoculum naturel Populus tremula Pots, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Langer et al., 2012

S. luteus, P. involutus Pinus sylvestris MA, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Krznaric et al., 2010 Cr, Ni Pisolithus sp. Eucalyptus urophylla MA, CA augmente la tolérance de la plante Aggangan et al., 1998 Cu, Pb Inoculum naturel du sol étudié Betula pendula Pots, SP diminue le transfert vers les parties aériennes Bojarczuk &

Kieliszewska-Rokicka, 2010 Cd, Pb, Zn Hebeloma mesophaeum, P. involutus Salix alba, Populus nigra Pots, SP diminue le transfert vers les parties aériennes Mrnka et al., 2011

Scleroderma citrinum, Amanita

muscaria, Lactarius rufus Pinus sylvestris Pots, CA diminue le transfert vers les parties aériennes Krupa & Kozdroj, 2007

Al, Cd, Cu,

Ni, Zn H.crustuliniforme Picea abies MA, CA

diminue le transfert vers les parties aériennes, ETM (sauf Cu)

présents dans le réseau de Hartig et Zn dans le manteau Brunner & Frey, 2000

MA : milieu artificiel ; Pots : test en pots ; CA : contamination artificielle en ETM ; SP : substrat issu de site pollué ; en vert : profil intéressant en phytostabilisation ; en rouge : profil intéressant en phytoextraction ; en bleu : profil intéressant en phytoremédiation

phytoextraction (Turnau & Mesjasz-Przybylowicz, 2003 ; Toler et al., 2005 ; Marques et al., 2007). Cet effet

peut être « espèce fongique »-dépendant, par exemple la colonisation de la luzerne par Glomus mosseae

diminue la translocation de cadmium ou zinc vers les parties aériennes alors que la colonisation par

G. intraradices la favorise (Redon et al., 2009). Il a également été montré que l’ajout d’un amendement

phosphaté influence la translocation des ETM vers les parties aériennes de la plante (Xia et al., 2007).

L’apport des champignons ectomycorhiziens à la phytostabilisation a également été étudié, le

tableau VIII en résume les principales études. Celles-ci portent sur une douzaine d’espèces végétales

seulement, appartenant au genre Pinus pour la plupart. De même, seule l’interaction avec une dizaine de

genres fongiques a été explorée. Les plus étudiés appartiennent aux genres Suillus, Paxillus, Pisolithus ou

Hebeloma.D’une manière générale, la mycorhization par des champignons ECM augmente la tolérance des

plantes et diminue le transfert des ETM vers les parties aériennes. Il a aussi été montré que les champignons

tolérants aux ETM étaient plus performants pour protéger la plante de leurs effets toxiques et amélioraient

ainsi sa tolérance (Adriaensen et al., 2005 ; Colpaert et al., 2011).

A ce jour, peu d’études ont été réalisées sur l’impact des champignons endophytes sur la

phytoremédiation. Le genre Neotyphodium a particulièrement été étudié. Dans le cas d’une contamination

du substrat au cadmium, il augmenterait la tolérance de la plante étudiée et en favoriserait la translocation

vers les parties aériennes de Lolium arundinaceum ou Festuca arundinacea et pratensis (Soleimani et al.,

2010 ; Ren et al., 2011). En revanche, dans le cas d’une contamination au zinc, Neotyphodium lolii protège et

limite le transfert de cet élément vers les parties aériennes de Lolium perenne (Monnet et al., 2001). Le

même effet est observé pour le cadmium, le plomb et le zinc dans le cadre de l’interaction entre le maïs et

un champignon DSE Exophiala pisciphila (Li et al., 2011). De même, un champignon endophyte,

Piriformospora indica, associé au blé, permet de réduire la translocation du cadmium vers les parties

aériennes, et cet effet est plus marqué en cas de co-inoculation de la plante avec le champignon

endomycorhizien G. mosseae (Shahabivand et al., 2012). De plus, des études portant sur les communautés

fongiques associées aux racines du saule marsault (Salix caprea) ont montré une importante diversité de DSE

sur sol pollué et ont noté une colonisation des racines plus importante par les DSE sur les sols les plus

pollués (Likar & Regvar, 2009 ; Regvar et al., 2010). Les auteurs ont alors suggéré que ces DSE pouvaient

améliorer la croissance du saule sur les sites fortement pollués.

Cependant, l’interaction entre les champignons et les plantes est souvent observée en conditions

contrôlées (test en pots en chambre de culture, hydroponie ou substrat artificiel de culture) sur un substrat

contaminé artificiellement par des sels d’ETM facilement disponibles, ce qui ne reflète pas les conditions du

terrain. De plus, la plupart des études réalisées se focalisent uniquement sur la production de biomasse des

plantes colonisées ou non par les champignons et sur les quantités d’ETM présentes dans les racines et les

parties aériennes. Seules quelques équipes ont montré que la tolérance de la plante est améliorée grâce à

l’excrétion d’acides organiques par le champignon (Tahara et al., 2005 ; Klugh & Cumming, 2007) ou par la

stimulation de la production de molécules détoxifiantes comme les enzymes antioxydantes (Garg &

Aggarwal, 2012) ou les métallothionéines (Cicatelli et al., 2010). Enfin, pour des espèces végétales capables

de former plusieurs types d’interactions mycorhiziennes comme le peuplier ou le saule, peu de données sont

disponibles. Dans la plupart des cas, seule l’interaction avec une espèce endomycorhizienne (Todeschini et

al., 2007 ; Lingua et al., 2008 ; Cicatelli et al., 2010) ou ectomycorhizienne (Sell et al., 2005 ; Langer et al.,

2012) a été étudiée. Seule l’équipe de Mrnka et al. (2011) a testé l’apport d’une mycorhization par des

champignons endo- (G. intraradices/claroideum) et ectomycorhiziens (H. mesophaeum, P. involutus) sur le

potentiel de phytoremédiation du peuplier (P. nigra) et du saule (S. alba). Une diminution de la translocation

des ETM vers les parties aériennes a été observée principalement due à la présence d’Hebeloma

mesophaeum.

Tous ces résultats indiquent qu’il existe une variation interspécifique dans la capacité des

champignons à réduire la sensibilité de la plante hôte. Dans la plupart des cas, les champignons améliorent

la tolérance de leur symbiote vis-à-vis du métal considéré. Cependant, l’amélioration de la tolérance de leurs

symbiotes dépend, entre autres, de l’espèce fongique considérée, de la combinaison d’ETM présents dans le

sol et aussi de l’apport de fertilisants. De plus, les champignons diminuent la quantité d’ETM transférés dans

les parties aériennes de la plante dans la plupart des cas. Si cette diminution réduit la quantité d’ETM

accumulée en dessous des seuils autorisés, la biomasse produite peut alors être récoltée et exploitée sans

représenter un danger pour la population. En revanche, dans quelques cas, le transfert des ETM vers les

parties aériennes est augmenté. Il est donc important d’étudier la combinaison métal-plante-champignon

influencée par les conditions du sol et le ou les mécanismes de tolérance mis en place, afin d’obtenir un

couple champignon mycorhizien-plante performant en terme de phytostabilisation.