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Mécanismes de tolérance et résistance et phytostabilisation

4. Mécanismes de résistance et tolérance des champignons aux ETM

4.7. Mécanismes de tolérance et résistance et phytostabilisation

Parmi les mécanismes de tolérance et résistance aux ETM décrits, certains peuvent participer

activement à la phytostabilisation. En effet, la précipitation extracellulaire des ETM permet de limiter le

transfert de ces éléments du sol vers d’autres compartiments, notamment hydriques et/ou végétaux. De

plus, la capacité des champignons à fixer les ETM au niveau de leur paroi et/ou à absorber et séquestrer ces

éléments dans leurs hyphes permet de limiter la fraction d’ETM biodisponible dans le sol pour la plante.

Cependant, dans une optique de phytostabilisation, il est alors important que les champignons

endomycorhiziens ou endophytes ne favorisent pas le transfert des ETM du sol à la plante lors de leurs

échanges trophiques.

La toxicité engendrée par les éléments traces métalliques (ETM) présents dans de nombreux sites

pollués par les activités agricoles ou industrielles, présente un risque sanitaire important pour l’homme. Parmi

les techniques de réhabilitation de sites pollués, la phytostabilisation, assistée ou non par des champignons,

constitue une alternative « douce » et « verte » aux objectifs de gestion d’un site pollué dans le cas où la durée

de traitement n’est pas une contrainte. Cependant, cette technique doit apporter des avantages par rapport

aux autres techniques de remédiation disponibles et se révéler économiquement viable. Il est alors important

de valoriser économiquement les sites traités par phytostabilisation. Une des stratégies visée est de valoriser la

biomasse produite dans des filières non alimentaires notamment pour la production de bioénergie.

Expérimenté depuis quelques décennies sur sols pollués, le peuplier s’avère être un genre intéressant

pour les phytotechnologies, eu égard de sa tolérance aux ETM, de son potentiel de croissance, produisant une

biomasse annuelle élevée (> 10 t/an/ha en TTCR). Il est aussi largement exploité en France, avec environ

2,5 millions de m

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de bois produits par an ce qui le place en deuxième position des espèces feuillues récoltées,

alors que la populiculture représente seulement 1,6 % de la forêt française (source : AFOCEL). L’exploitation du

peuplier est également facilitée puisque la plantation se fait par bouturage à l’aide de plançons de 2 m. Il a

également été montré que dans un cadre de valorisation énergétique de la biomasse pérenne contaminée, en

excluant la biomasse foliaire, les teneurs en ETM dans le combustible d’entrée peuvent être limitées. Les

teneurs en ETM retrouvées dans les fumées sont dix fois inférieures aux normes imposées par exemple dans

les usines d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) pour autant qu’un filtre à manche soit installé sur la

chaudière (Chalot et al., 2012). Enfin, le peuplier est capable de former des associations symbiotiques à la fois

avec des champignons endomycorhiziens et ectomycorhiziens. Or, ces champignons pourraient participer à la

phytostabilisation en immobilisant les ETM dans leurs hyphes et/ou en limitant les transferts vers la plante.

L’objectif général de ma thèse, financée par l’ADEME et la région Lorraine, était alors de développer

une stratégie de réduction des teneurs en ETM dans la biomasse du peuplier dédiée à la valorisation

énergétique, par l’utilisation de filtres biologiques naturels, ses champignons associés. Le projet ANR

PHYTOPOP (programme PRECODD) a permis de mettre en évidence des cultivars de peupliers présentant une

combinaison extrême de forte biomasse et faible accumulation d’ETM. Mes travaux de thèse s’intégraient dans

le projet ANR international BIOFILTREE, qui a débuté au printemps 2011 et qui vise à réduire les ETM dans la

biomasse du peuplier à l’aide d’organismes symbiotiques mycorhiziens. Les objectifs majeurs du projet

BIOFILTREE sont (i) la réalisation originale in situ d’essais de phytostabilisation à grande échelle, basés sur des

co-cultures de peupliers et d’aulnes en mode taillis à courte rotation (TCR) associés à des champignons endo-

et ectomycorhiziens ; (ii) l’utilisation de la biomasse produite dans un but de valorisation énergétique

(combustion ou gazéification) ; (iii) la sélection de symbiotes microbiens participant à la réduction de la teneur

en ETM dans les parties aériennes des arbres ainsi que l’étude aux niveaux physiologique et moléculaire des

mécanismes de tolérance de ces champignons.

C’est dans le cadre du projet BIOFILTREE que s’est déroulée ma thèse dont les trois objectifs principaux

sont décrits ci-dessous :

l’identification des communautés fongiques mycorhiziennes du peuplier sur sol pollué :

Une partie de cet objectif consistait à s’assurer de la présence de champignons en association avec le

peuplier sur un site pollué. Pour cela, le pourcentage de racines mycorhizées (par des champignons ecto- ou

endomycorhiziens) a été analysé par une approche de microscopie. Une observation de racines fines au

microscope photonique, après traitement et coloration, a permis de quantifier le taux de mycorhization du

système racinaire de peupliers prélevés sur un site pollué. Une deuxième partie de cette objectif consistait à

identifier au niveau moléculaire (amplification des séquences ITS fongiques et séquençage) les espèces

fongiques associées aux racines afin de sélectionner des candidats potentiellement adaptés à la pollution et

intéressants dans une optique de phytostabilisation.

l’isolement et la sélection de souches fongiques performantes dans la séquestration des ETM :

Ce deuxième objectif visait à sélectionner des souches fongiques performantes dans la séquestration

des ETM permettant une amélioration du potentiel de phytostabilisation de leur plante hôte. Cette sélection

s’est alors déclinée en plusieurs étapes successives : i) isolement de souches ectomycorhiziennes à partir de

racines ou de carpophores ; ii) identification et caractérisation des souches isolées ; iii) étude de leurs capacités

de tolérance aux ETM ; iv) étude de leurs capacités de mycorhization ; v) étude du potentiel de

phytostabilisation des souches d’intérêt en conditions contrôlées et sur le terrain.

L’isolement de souches endomycorhiziennes a été dévolu au partenaire industriel Agronutrition dans le

cadre du projet BIOFILTREE, et mon travail de thèse a donc porté uniquement sur les souches

ectomycorhiziennes.

la caractérisation des mécanismes de séquestration des ETM par les champignons mycorhiziens :

Deux mécanismes principaux de séquestration des ETM par les cellules ont été démontrés dans la

littérature (Bellion et al., 2006) : biosorption non spécifique au niveau des parois cellulaires et absorption

intracellulaire puis séquestration des ETM dans les organites intracellulaires impliquant des transporteurs

spécifiques. Les transporteurs impliqués dans l’absorption et la séquestration des ETM sont encore mal connus

chez les champignons mycorhiziens. Le génome d’un champignon ectomycorhizien modèle, Laccaria bicolor,

récemment séquencé (Martin et al., 2008), a permis de comparer ses données génomiques à celles d’autres

champignons déjà étudiés (S. cerevisiae principalement). Une approche post-génomique de caractérisation

fonctionnelle de quelques gènes candidats a également été mise en œuvre. Les familles de transporteurs ZIP,

impliqués dans l’absorption des ETM, et CDF, impliqués dans la séquestration, ont été particulièrement ciblées.

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Figure 24 : Différentes zones d'épandage des eaux usées de Paris dans les départements du Val d’Oise et des

Yvelines

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.

La localisation des dispositifs expérimentaux de Pierrelaye est représentée par le cercle rouge.

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