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4. Mécanismes de résistance et tolérance des champignons aux ETM

4.4. Complexation intracellulaire des ETM

Malgré les mécanismes de régulation de la quantité d’ETM présents dans le cytoplasme cités

ci-dessus, les ETM peuvent être présents en grande quantité dans la cellule. Une solution pour détoxifier les

cellules est alors la chélation des ETM à l’aide de ligands. Chez les champignons, il a été mis en évidence que

les métallothionéines, le glutathion et dans une moindre mesure les phytochélatines pouvaient jouer ce rôle

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Figure 20 : Caractérisation des gènes ZrfA, ZrfB et ZrfC d’Aspergillus fumigatus par complémentation

fonctionnelle en levures (A) et chez le champignon (C) (d’après Amich et al., 2010).

A : Test de complémentation de la levure mutante Zhy3(délétée des gènes ScZrt1 et ScZrt2) déficiente en

absorption du zinc (-), exprimant un gène d’A. fumigatus, AfZrfA (zrfA), AfZrfB (zrfB), AfZrfC (zrfC) ou AfZrfC

délété de son extrémité N-ter (zrfC

ΔN

), ou exprimant le gène ScZrt1 (ZRT1) ; ou de la levure sauvage (wt)

transformée avec un plasmide vide.

La souche - sert de témoin négatif alors que les souches wt et ZRT1 servent de témoins positifs. Des gouttes contenant 104 cellules de levures ont été déposées sur un milieu pauvre en zinc à pH 4,4 (acid) ou 7,5 (alkaline) supplémenté de zinc aux concentrations indiquées. A pH acide, l’expression des gènes AfZrfA et B restaurent la croissance de la souche mutante. A pH alcalin, l’expression du gène AfZrfC restaure la croissance de la souche mutante ; la suppression de l’extrémité N-terminale de la protéine AfZRFC supprime cette fonction.

B : Plan des boites de Pétri utilisées pour le test de complémentation de la souche AF2511 d’A. fumigatus,

déficiente en absorption du zinc.

zrfA+: souche mutante exprimant le gène AfZrfA ; zrfB+: souche mutante exprimant le gène AfZrfB ; zrfC+: souche mutante exprimant le gène AfZrfC ; zrfCΔN: souche mutante exprimant le gène AfZrfC délété de son extrémité N-ter.

C : Test de complémentation de la souche AF2511 d’A. fumigatus, déficiente en absorption du zinc.

Des implants fongiques ont été déposés sur un milieu de culture pauvre en zinc à pH 4,5 ou 7,5 supplémenté de zinc aux concentrations indiquées. A pH acide, l’expression des gènes AfZrfA et B restaurent la croissance de la souche mutante. A pH alcalin, l’expression du gène AfZrfC restaure la croissance de la souche mutante ; la suppression de l’extrémité N-terminale de la protéine AfZRFC supprime cette fonction.

A B

(Bellion et al., 2006). Chez les plantes, ces trois molécules sont également largement impliquées dans la

tolérance aux ETM (Yadav, 2010).

Les métallothionéines (MTs) furent découvertes en 1957 à partir de l’isolement du cortex d’un rein

de cheval présentant une petite protéine à forte teneur en cadmium (Margoshes & Vallee, 1957). Elle fut

nommée « métallothionéine » en raison de son importante concentration en métaux et d’une protéine riche

en soufre : la thionéine. Ce sont de petites protéines (30 à 70 acides aminés), riches en cystéine (environ

30 %), ne formant pas de ponts disulfures (Figure 22 (A)). Les métallothionéines sont capables de complexer

plusieurs ETM différents comme par exemple le cadmium et le cuivre chez Paxillus involutus ou Hebeloma

cylindrosporum (Bellion et al., 2007 ; Ramesh et al., 2009), l’argent chez Amanita muscaria (Osobova et al.,

2011)et le cuivre chez Glomus intraradices (Gonzalez-Guerrero et al., 2007). Ces protéines sont codées par

des gènes spécifiques et peuvent être régulées différemment par les ETM en fonction de l’isoforme produite

(Osobova et al., 2011).

Le glutathion (GSH) est un tri-peptide contenant une cystéine, responsable de son activité biologique

et est synthétisé par voie enzymatique (Figure 22 (B)). La nature nucléophile du groupement SH porté par la

cystéine lui permet également de complexer les ions métalliques. Le pouvoir complexant du glutathion a

notamment été mis en évidence chez le champignon ectomycorhizien Paxillus involutus, dont la production

de glutathion est stimulée en cas de stress induit par les ETM comme le cadmium (Courbot et al., 2004 ;

Hegedus et al., 2007). Le rôle du glutathion comme un chélateur d’ETM chez les champignons est désormais

clairement établi (Pocsi et al., 2004). De plus, il a été montré que la transcription du gène codant l’enzyme

impliquée dans la synthèse du glutathion, la glutathion S-transférase est stimulée lorsque le taux d’ETM

extracellulaire (Cd, Cu et Zn) augmente chez le champignon endomycorhizien G. intraradices (Waschke et al.,

2006).

Les phytochélatines (PC) constituent une famille de petits peptides riches en cystéines capables de

fixer les ions métalliques via leurs groupes SH. Les phytochélatines sont constituées de plusieurs dipeptides

de glutamate et cystéine répétés n fois (généralement n = 2 à 5 mais pouvant aller jusqu’à 11) et suivis d’un

résidu glycine terminal (Figure 22 (C)) (Pal & Rai, 2010). Les phytochélatines sont synthétisées de façon

enzymatique, par la phytochélatine synthase, à partir de γ-glutamylcystéine qui est un composé

intermédiaire de la voie de biosynthèse du glutathion. Les phytochélatines se retrouvent principalement

chez les plantes et les algues, mais quelques espèces de champignons en possèdent. Par exemple, des

phytochélatines ont été identifiées chez des levures comme Schizosaccharomyces pombe (Clemens & Simm,

2003) ou Candida glabatra (Zhou & Goldsbrough, 1994) ou chez des champignons ectomycorhiziens comme

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Figure 21 : Localisation par immunofluorescence de protéines ScZRT1 sauvages (WT) et mutantes (K195R,

S208A et Δ205-211) (Gitan et al., 2003).

La souche de levure mutante Zhy3 exprimant les gènes ScZrt1 sauvage ou mutants ont été cultivées dans un milieu pauvre en zinc (T0) puis transférées et cultivées pendant 4 heures dans un milieu pauvre en zinc (-) ou supplémenté de 2 mM de zinc (+). Les cellules ont ensuite été récoltées et analysées par immunofluorescence indirecte. La protéine ScZRT1 est localisée à la membrane plasmique en absence de zinc et présente dans de petites vésicules d’endocytose en présence de zinc dans le milieu. La mutation de la lysine en position 195 ou de la sérine en position 208, ou la délétion des acides aminés 205-211 empêchent la dégradation de la protéine ScZRT1 ; ces acides aminés situés entre les domaines transmembranaires III et IV sont certainement impliqués dans le signal d’ubiquitination.

Figure 22 : Principales molécules impliquées dans la complexation intracellulaire des ETM.

A : exemple de métallothionéine,

les cystéines apparaissent en jaune et les ETM complexés en vert12 ;

B : molécule de glutathion

(auteur : NEUROtiker) ;

C : structure d’une phytochélatine,

n = 2 à 11 (auteur : Fvasconcellos).

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http://www.protein.pl/?name=molecular_mechanisms_of_zinc_homeostasis

A