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La PSH-SPG11 et l’Epilepsie d’Absence

3) Physiopathologie et modèles animaux

Si les DPO chez l’humain ont une fréquence interne moyenne de 3Hz, les modèles de rats et de souris qui ont été proposés pour étudier la physiopathologie de l’épilepsie d’absence présentent des DPO en général à 7-8 Hz de fréquence. Parmi les rats on peut citer le rat GAERS (pour Genetic Absence Epilepsy Rat from Strasbourg) qui provient d’une souche de rats

Wistar développant spontanément quelques DPO avec absence. Parmi les souris on peut citer la souris lethargic (lh/lh) qui présente des ataxies et AE à cause d’une mutation perte de fonction sur le gène Cchb4 (un canal calcique voltage dépendant sous unité 4) (DL. Burgess & al. ; 1997157, DA. Hosford & al. ; 1995158), la Slow wave qui présente des ataxies, des crise tonico clonique, des AE avec DPO de 3Hz de fréquence, ceci du à une mutation perte de fonction sur le gène Nhe1, codant pour une pompe échangeuse H+/Na+ (GA. Cox & al. ; 1997159). Il existe aussi la souris C3H/HeJ qui présente uniquement des AE avec des DPO différentes suivant l’âge : les DPO-like courtes à 5-6Hz de fréquence après la naissance et des DPO plus longues et plus nombreuses à 7-8Hz à partir de 2 mois à cause d’une mutation dans le gène Gria4 codant pour une sous-unité du récepteur AMPA (DJ. Ellens & al. ; 2009160). Enfin deux modèles haploinsuffisants en Scn2a et Stxbp1 publiés récemment présentent des AE avec DPO qui propagent dans le striatum dorsal plutôt que dans le thalamus, ceci dû à une insuffisance en Munc18-1 (Stxbp1) importante pour le relargage de neurotransmetteur et en Nav1.2 (Scn2a). Ils ont observé une perte de transmission excitatrice du cortex vers les interneurones GABAergiques striataux Fast Spiking (FSI) qui pourrait avoir un rôle dans l’ictiogénèse sans passer par les noyaux thalamiques (H. Miyamoto & al. ; 2019161).

Les mécanismes physiopathologiques menant à l’apparition de DPOs ne sont pas encore totalement compris, notamment, il a été pendant longtemps difficile de trancher quant à l’origine corticale ou thalamique des DPO à cause de l’interconnexion de ces régions, mais des pistes sont maintenant disponibles. A ce titre, le modèle de rat GAERS a beaucoup participé à la

compréhension de cette pathologie. En enregistrant simultanément l’activité locale de différentes régions cérébrale et l’activité intracellulaire de différents types cellulaires au sein de ces mêmes régions, l’équipe de Stéphane Charpier a pu proposer en 2017 un scénario d’initiation et de maintien des DPOs. Des enregistrements EEG et ECoG (Electrocorticogramme) montrent que les DPOs tirent leur origine des cortex (principalement le cortex somatosensoriel dans le cas GAERS), et se propagent aux autres régions corticales directement et sont maintenues via le Thalamus (Figures 42, 44 et P-O Polack & al. ; 2007162).

Plus précisément, le premier neurone générant la DPO (appelé neurone ictogène) est un neurone pyramidal des couches profondes du cortex. Des oscillations pathologiques mais non ictales (interictales) de 10-12Hz surviennent régulièrement dans ces neurones, signes d’altérations synaptiques et/ou de modifications des propriétés intrinsèques de ces neurones. La mise en éveil calme de l’animal a pour corrélat électrophysiologique des oscillations très synchronisées de 10-12Hz, diminuant à 7-8Hz en quelques cycles (voir Figure 40). Les neurones pyramidaux des couches plus superficielles (L2-3) vont propager l’activité épileptique vers les autres cortex ipsilatéraux et contralatéraux puis aux noyaux thalamiques connectés au cortex Somatosensoriel (VPm, POM et VM) ou non tels que les interneurones GABAergiques du nRT et ainsi généraliser la crise. Les neurones thalamiques, ainsi que les neurones étoilés et les interneurones corticaux vont entretenir et maintenir cette boucle thalamico-cortico-thalamique et la synchronicité des décharges ictales (Figure 41).

Ces formes d’épilepsies impliquent donc majoritairement les régions corticales, le thalamus et peut-être d’autres régions telles que les ganglions de la base (C. Derensart, A. Depaulis. 2002163), notamment le striatum (H. Miyamoto & al. ; 2019146). C’est donc une forme d’épilepsie particulière qui ne fait pas appel à l’hippocampe pour son apparition ou maintien.

Notre modèle de souris Spg11-/- répond à certains des principaux critères utilisés par les cliniciens spécialistes de l’Epilepsie d’Absence (Figure 42 et A. Depaulis & al. ; 2016152) pour définir une AE: Apparition de DPOs dans un foyer cortical, concomitant à un arrêt comportemental et répondant de façon dose dépendant à des drogues pro et anti épilepsie d’absence (respectivement Tiagabine et Ethosuximide). Quelques différences et critiques sont à relever cependant : les DPOs dans notre modèle sont d’une durée bien plus faible que celles observées dans des modèles murins d’épilepsie absence et chez les patients épileptiques. De plus nous n’avons pas pu observer de myoclonies faciales telles que celles observées chez les patients et le modèle GAERS. Des contraintes techniques peuvent l’expliquer : la présence de l’examinateur dans la salle peut empêcher l’animal de rester dans un état de veille calme (l’état favorisant l’apparition des DPO) et la résolution des vidéos utilisées ne nous permettaient pas de bien visualiser les mouvements de vibrisses de l’animal. Enfin, nos enregistrements EEG révèlent que bien peu de ces DPOs se

Figure 42: Caractéristiques à remplir pour définir qu’une épilepsie est une Epilepsie d’Absence d’après les spécialistes de l’épilepsie. Tiré de A. Depaulis & al. ; 2016

D’autres modèles murins d’épilepsie absence ont permis de proposer le striatum et les ganglions de la base comme régions intermédiaires entre le thalamus et les aires corticales (Figure 43 et H. Miyamoto & al. ; 2019161) pour l’ictogénèse. L’étude de deux modèles murins d’épilepsie absence (Stxbp1+/- et Scn2a +/-) révèlent qu’une perturbation de la transmission excitatrice des pyramidales corticales aux interneurones Fast Spiking striataux (FSI) peut mener à l’apparition de DPO. Plus précisément, une diminution de l’excitation des FSI par le cortex va suractiver –en diminuant son efférence inhibitrice- les Neurones Etoilés striataux (MSN) dont l’efférence inhibitrice vers le globe pâle externe (GPe) va se retrouver augmentée. Le GPe se retrouve alors surinhibé ce qui réduit la force de son efférence inhibitrice vers le noyau subthalamique (STN) dont l’activité excitatrice vers le Globe pâle interne et les interneurones Gabaergiques de la susbtantia nigra pars reticulata (Gpi/SNR) est donc accentuée. Les interneurones du GPi/SNR ainsi suractivés voient leurs efférences inhibitrices vers les neurones thalamiques augmenter. Les neurones thalamiques expriment fortement des canaux calciques de types T, des canaux calcique voltage dépendants particuliers car activés par des courants dépolarisants. (W.A. Catteral ; 2011164, Y. Chen & al. ; 2014165). De par ces caractéristiques, ces canaux calciques sont très importants

Figure 43: Schéma du modèle incluant le striatum pour l’ictogénèse des DPOs. A : représentation de la circuiterie Cortico-striato-thalamique physiologique. B : Représentation de la même cirtcuiterie perturbée par une happloinsufisance en Stxbp1 ou Scn2a. CPu : Caudate Putamen (striatum) MSN : Medium Spiny Neuron. FSI : Fast Spiking Interneuron. GPe: Globus Pallidus externus (globe pâle externe, partie des ganglions de la base). STN: Subthalamic Nucleus. GPi/SNR: Globus Pallidus internus/Substantia Nigra pars reticulata. Glu= glutamate. SWD= Spike and Wave Discharges (décharges pointes ondes). La largeur des flèches en B représente la modification de l’intensité des connections. Les flèches rouges sont l’origine des modifications des autres connections. Tirée de H. Myamoto & al. ; 2019.

pour la fonctionnalité de neurones à activité rythmique ou répétitive tels que les neurones thalamiques, qui servent de relais pour toutes les informations sensorielles. Ainsi, une surinhibition des noyaux thalamiques provoquerait une hyperpolarisation des neurones thalamiques, provoquant l’ouverture de ces canaux, ce qui va activer ces neurones et ainsi maintenir la DPOs dans la boucle cortico-thalamique. L’éthosuximide utilisé pour traiter l’épilepsie absence est connue pour inactiver ces canaux calciques de type T, bien que sa spécificité et son mode d’action précis ne soient pas encore assurés.

Hypothèses et perspectives sur les mécanismes d’apparition des