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Atteinte des deux motoneurones : la Sclérose Latérale Amyotrophique

Les maladies du Motoneurone

2) Atteinte des deux motoneurones : la Sclérose Latérale Amyotrophique

a) Epidémiologie et symptômes

La Sclérose Latérale Amyotrophique ou maladie de Charcot est une maladie du motoneurone affectant les deux motoneurones inférieur et supérieur et toujours fatale, la plupart du temps par insuffisance respiratoire due à un affaiblissement des muscles respiratoires. Elle est très hétérogène cliniquement et génétiquement et peut présenter un chevauchement génétique et symptomatique avec différentes formes pathologiques particulières : la Sclérose latérale Primaire (SLP, symptômes dues à la dégénérescence du corps cellulaire du neurone moteur) et l’Atrophie Musculaire Progressive (AMP, symptômes dues à la dégénérescence du motoneurone secondaire). On la divise en deux formes suivant le site de début : Spinale (atteinte des motoneurones innervant les membres) ou bulbaire (atteinte des motoneurones innervant les muscles faciaux). Elle présente une progression rapide avec 90% de décès après cinq ans depuis les premiers symptômes (Kiernan MC & al. ; 201185, Vucic S & al. ;201486). Elle présente une prévalence globale de 4-6/100000 habitants. Il s’agit d’une maladie multifactorielle avec sans doute une grande importance de l’environnement car seulement près de 10% des patients sont des cas familiaux. Il est encore difficile de conclure sur l’importance de l’héritabilité dans l’apparition des symptômes : une étude sur des jumeaux montre que l’héritabilité expliquerait 60% des risques d’ALS tandis que les facteurs environnementaux seraient à 40%, mais une autre étude propose que l’héritabilité n’expliquerait que 21% des causes (Al-Chalabi A & al. ; 201087, Keller MF & al. ; 201488).

b) Diagnostic et traitements.

Les critères de diagnostics de la SLA nous sont donnés par le « Airlie House Diagnostic Criteria ». Pour pouvoir conclure à une SLA, il faut :

1) Démontrer qu’il y a dégénérescence du motoneurone spinal par un examen clinique, électrophysiologique ou neuropathologique.

2) Prouver la dégénérescence du neurone moteur par examen clinique.

3) qu’il y ait une propagation progressive des symptômes dans d’autres régions du corps humain (via examen clinique ou des tests électrophysiologiques).

4) Qu’il y ait absence de paramètres électrophysiologiques, d’imagerie, ou neuropathologiques pouvant être liés à d’autres pathologies.

De ces différents tests, les cliniciens pourront sortir trois catégories de diagnostics :

1) Une SLA définitive : S’il y a preuve de la dégénérescence du neurone moteur et spinal dans au moins une région bulbaire et deux régions spinales ; ou dans trois régions spinales.

2) Une SLA probable : S’il y a preuve de la dégénérescence des deux motoneurones dans deux régions spinales avec le neurone moteur affecté situé à une position plus rostrale que le motoneurone spinal affecté.

3) Une SLA possible : S’il y a preuve de la dégénérescence des deux motoneurones dans une seule région, ou de la dégénérescence du neurone moteur seul dans deux régions ou plus.

On peut noter que l’hyperexcitabilité corticale est une caractéristique propre à toutes les formes de SLA familiales et sporadiques. On peut notamment la mesurer par stimulation magnétique transcranienne : la mesure du Short-Interval Intracortical Inhibition (SICI) et de la facilitation intracorticale renseignent sur l’état de la balance Excitation/Inhibition médiée par les circuits d’interneurones corticaux. (Figure 28). Cette hyperexcitabilité corticale est précoce mais finit par s’estomper avec la progression de la maladie. (N. Delestrée & al. ; 201489, S. Vucic & al. ; 200990)). Elle pourrait être due à des altérations

Figure 28: Mesure du Short-Interval intracortical Inhibition (SICI) (1 à 7 ms interstimulus) et de la facilitation intracorticale (10-30 ms interstimulus) par stimulation magnétique transcranienne chez les patients atteints d’ALS (bleu) et chez les contrôles (rouge). Tirée de N. Geevasinga & al. ; 2016

(W. Zhang & al. ; 201691) et/ou gliales (L. Ferraiuolo & al. ; 201692), faisant partie de l’hypothèse « cell non-autonomous » ou à des modifications des propriétés intrinsèques du motoneurone (hypothèse « cell-autonomous ») (BJ. Wainger & al. ; 201493), ces différentes hypothèses ne s’excluant pas entre elles.

Aucun traitement curatif n’existe à ce jour. Le Riluzole est très largement utilisé. Il s’agit d’une molécule dont le mode d’action n’est pas encore totalement compris, mais elle agirait sur la transmission glutamatergique en l’inhibant. Si elle possède de nombreux effets secondaires (fatigue, perturbation du transit intestinal…), elle permet aussi d’allonger la durée de vie des patients et de retarder le recours à la ventilation mécanique. De plus, la kinésithérapie et le sport d’intensité modérée permettent de ralentir la progression de la pathologie

c) Gènes en cause et voies cellulaires impliquées

Parmi les gènes incriminés, les plus courants sont SOD1, FUS, TDP-43 et C9ORF72. Une des caractéristiques de la SLA est l’apparition d’inclusions protéiques ubiquitinylées dans les tissus post-mortem de patients. La très grande majorité de ces inclusions contiennent la protéine TDP-43, ce qui suggère une forte implication de cette protéine, ou des voies intracellulaires dans lesquelles elle est recrutée dans la pathogénèse de la SLA (voir Figure 29).

_ Les mutations de C9ORF72 constituent la cause génétique la plus fréquente de la SLA. Elles présentent une transmission autosomique dominante. Des expansions hexanucléotidiques GGGGCC dans la région promotrice ou dans le premier intron du gène C9ORF72 provoquent 39% des formes familiales et 7% des formes sporadiques (E. Majounie & al. ; 201294) ; de plus, ce gène serait aussi lié à la Démence Fronto-Temporale (DFT). D’ailleurs certaines formes de SLA sont appelées DFT-SLA car présentant des caractéristiques et symptômes des deux pathologies. Il peut résulter de l’expansion non-codante G4C2 deux mécanismes pathologiques : l’un gain de fonction, l’autre perte de fonction. Qu’il y en ait un prédominant sur l’autre ou non n’est pas encore bien compris. Le mécanisme perte de fonction serait une haploinsuffisance provoquée par une diminution de l’expression des ARNm. Le mécanisme gain de fonction comprend deux sous-mécanismes. Le premier propose qu’il y ait formation de foci d’ARN contenant les répétitions

Figure 29: Principales inclusions protéiques intracellulaires retrouvées dans les tissus post-mortem de patients atteints d’ALS (haut) et visualisation des agrégats TDP43 par immunohistochimie dans les neurones de la corne antérieure de la moelle épinière de patients ALS (bas). Notez les différentes formes que peuvent prendre les agrégats TDP43 : en forme de pelotte (a & b), circulaires (c) fibrillaires (e & f), pointillées (g). Tirée de Ling & al.; 2013 (Haut) et de F. Mori & al. ; 2008 (bas)

hexanucléotidiques et qui séquestrerait des protéines liées à l’ARN. Le deuxième postule une neurotoxicité des agrégats de dipeptides répétés qui sont issus de la traduction non-ATG dépendante des ARN avec expansion (RAN translation). Ces deux mécanismes gain de fonction auraient pour conséquence de provoquer un stress nucléolaire et des défauts du transport nuclécytoplasmique (Haeusler & al. ; 201495)

_ SOD1 a été le premier gène historiquement découvert comme impliqué dans la SLA (Rosen DR & al. ; 199396). Des mutations sur ce gène expliquent 15 à 20% des formes familiales de la SLA et 1% des cas sporadiques et se transmettent de manière autosomique dominante. Ces mutations vont mener à un mécanisme pathologique de gain de fonction toxique. (Ilieva H & al. ; 200997). De plus, les modèles d’études de la SLA les plus couramment utilisés et les mieux caractérisés sont des modèles murins SOD1 (exemple SOD1 G93A) même si la représentativité des mécanismes impliqués dans ce modèle au sein des formes de SLA reste discutée.

_ Des mutations sur le gène TARDBP sont retrouvées dans 5% des formes familiales de la SLA. La transmission de cette forme est autosomique dominante. Ce gène, même s’il est rarement muté, code pour une protéine retrouvée dans les agrégats protéiques dans la grande majorité des formes de SLA (Figure 29). Les mutations de TARDBP provoquent à la fois un gain de fonction toxique qui mènerait à l’agrégation de la protéine, mais aussi une perte de fonction puisque la protéine soluble normalement présente dans le noyau se retrouve séquestrée dans les agrégats et/ou dans le cytoplasme où elle est clivée et hyperphosphorylée (W. Guo & al. ; 201198) .

Concernant la progression de la SLA, il existe 3 hypothèses principales (Figure 30):

_ La progression « mort vers l’avant » ou « dying forward » stipule que la pathologie commence via le neurone moteur. Une perte d’inhibition corticale (et/ou une hausse d’excitation corticale) locale via la mort ou la dysfonction des interneurones GABAergiques (et/ou la suractivation ou dysfonction des interneurones glutamatergiques) peut mener à la mort du motoneurone secondaire via l’excitotoxicité du glutamate. Cette hypothèse est soutenue par le fait qu’il y ait une hyperexcitabilité corticale précoce et commune à toutes les formes de SLA. Cette hypothèse est majoritairement par les études de TMS démontrant l’existence d’une hyperexcitabilité corticale précoce chez les patients atteints de formes sporadiques et familiales.

_ La progression « mort en retour » ou « dying back » dans laquelle la SLA tient son origine de la mort du motoneurone spinal. Dans cette hypothèse, la dégénerescence commence au niveau des muscles ou de la jonction neuromusculaire et progresse ainsi de façon rétrograde le long de l’axone pour finir par toucher le corps cellulaire du motoneurone spinal. Le neurone moteur, privé de ces cellules cibles, finit par dégénérer lui aussi de façon rétrograde (M.C. Kiernan & al. ; 201185). _La progression par « mort indépendante » ou « independant degeneration » dans laquelle les processus menant à la mort des neurones moteurs et spinaux sont indépendants les uns des autres.

Figure 30: Représentation schématique des hypothèses dying back, dying forward et dégénerescence indépendante proposées pour expliquer la dégénérescence des neurones moteurs (Rouge) et secondaires (Bleu) dans l’ALS. Tirée de N. Geevasinga & al. ; 2016. Adaptée de S.Vucic & al. ; 2013.

Au niveau cellulaire, de nombreuses voies sont proposées pour expliquer la dégénérescence de l’un ou l’autre des motoneurones (Figure 31). Notamment, l’hyperexcitabilité ou l’excitotoxicité du glutamate pourrait provenir d’une mauvaise recapture du glutamate par les astrocytes via leur transporteur EAAT2 (excitatory amino acid transporter 2) (Heath PR. & Shaw P.J. ; 200299). Cette idée est entretenue par le fait qu’une réduction de l’expression du transporteur EAAT2 est observée chez le modèle SOD1 et chez des patients SLA (Rothstein JD. & al. ; 1995100, Trotti D. & al. ; 1999101). Cette sous expression semble être spécifique des phases présymptomatiques. Enfin, l’augmentation de l’expression de EAAT2 a un effet neuroprotecteur chez les souris SOD1 (Rothstein JD. & al. ; 2005102).

Figure 31: Mécanismes physiopathologiques intracellulaires impliqués dans la neurodégénérescence liée à la SLA. Tirée de N. Geevasinga & al.; 2016.

A terme, la surabondance de glutamate provoque trop d’activation des récepteurs α-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazolepropionic acid (AMPAR) et N-methyl-d-aspartate (NMDAR) (récepteurs ionotropiques du glutamate) qui vont suractiver des voies enzymatiques dépendantes du Calcium, menant à l’accumulation intracellulaire de Ca2+ et la génération de radicaux libres (stress oxydatif) (Spalloni A & al.; 2013103, Jaiswal MK ; 2014104, Urushitani M & al. ; 2001105, Sanelli T & al. ; 2007106)). Enfin, des modifications de l’efficacité de GluR2 (une sous-unité de l’AMPAR), par altération des modifications post traductionnelles des ARNm ont été démontrées. Cette différence d’efficacité serait directement liée à la mort neuronale par perméabilisation du récepteur AMPA au Ca2+, chez l’animal (Van Damme P & al. ; 2005107, Kwak S. & al. ; 2005108) et chez l’humain (Takuma H & al. ; 1999109) Les récepteurs au glutamate de type Kainate, sembleraient moins impliqués dans l’apparition de la SLA. Le lien entre hyperexcitabilité et mort neuronale est contrastée cependant par plusieurs études sur l’animal qui ont démontré que l’hyperexcitabilité corticale précoce ne menait pas à la mort neuronale, et qu’il y aurait même un effet neuroprotecteur de l’excitabilité dans des modèles murins de SLA (Saxena & al. ; 2013110, Leroy F & al. ; 2014111).

De plus, les modèles animaux reproduisant la SLA due à SOD1 ont révélé que les différentes unités motrices (FF, FR et S) présentent une sensibilité différente à la dégénérescence. Notamment, les FF innervant les muscles des membres inférieurs sont les premières à perdre leurs projections, suivis par les FR, tandis que les unités motrices S sont peu touchées. D’autres mécanismes sont donc peut-etre en cause. Notamment, les mutations de SOD1 peuvent provoquer son agrégation, augmenter le stress oxydatif indépendamment des récepteurs AMPA et NMDA. Les agrégats SOD1 peuvent aussi bien affecter la dynamique des neurofilaments et du transport axonal qu’altérer la survie des fibres musculaires. Un modèle murin exprimant la protéine SOD1 spécifiquement dans le muscle a d’ailleurs été créer et présente dégénérescence des motoneurones et un phénotype évoquant la SLA, ce qui soutient le modèle « dying back » (M. Wong, L. J. Martin, 2010112). Les mutations TDP43/FUS et C9ORF72 vont plutôt mener à des dysfonctions du métabolisme de l’ARN. Enfin, un mécanisme neuroinflammatoire est aussi proposé car la sécrétion de molécules pro-inflammatoire peut provoquer ou accentuer la dégénérescence motoneuronale. (Voir Figure 31).

Aujourd’hui, bien que les mécanismes menant à la dégénérescence de l’axe corticospinal dans la SLA ne soient pas encore bien connus, des premières pistes émergent et l’hypothèse « dying forward » semble privilégiée.

La PSH-SPG11 est une forme complexe de la PSH dans laquelle des atteintes cognitives telles que des retards mentaux se voient associées aux atteintes motrices. Notre modèle murin Spg11-/- présente lui aussi des atteintes cognitives, une partie de ce travail a donc consisté à étudier les corrélats biologiques et électrophysiologiques de la perte de mémoire observée dans notre modèle. Notamment, nous nous sommes concentrés sur l’hippocampe, région centrale du processus de mémorisation, atrophiée dans notre modèle.