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Les maladies du Motoneurone

1) La dégénérescence du neurone moteur :

a) La Paraplégie Spastique Héréditaire (PSH)

Epidémiologie et symptômes

La paraplégie Spastique Héréditaire est la deuxième maladie du motoneurone la plus fréquente après la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA). Il s’agit d’une maladie d’origine génétique à transmission autosomique dominante, récessive ou liée à l’X ou encore mitochondriale (L. Parodi et al., 201730). Elle est présente sur tous les continents et sa prévalence globale est de 1,8/100000 personnes avec cependant une forte variabilité suivant l’aire géographique (Ruano & al.; 201431). Elle peut par exemple monter jusqu’à 7,4/100000 habitants en Norvège avec principalement des formes dominantes (AK. Erichsen & al. ; 200932) ou à 5,7/100000 habitants en Tunisie avec une majorité de formes récessives (A. Boukhris & al. ; 200933). Ses causes génétiques sont très variables : des mutations sur plus de 80 loci et 70 gènes causant cette pathologie ont été découvertes à ce jour (C. Blackstone 201834). Le symptôme commun à toutes ses formes de la maladie est une rigidité spastique progressive et symétrique des membres inférieurs provoquée par

Figure 17: Le signe de Babinski: le médecin stimule la voute plantaire du patient du talon vers les orteils. Le réflexe normal est, chez le nouveau né jusqu’à 6 mois environ, une extension dorsale des orteils (B) puis ce réflexe disparait pour être remplacé par un réflexe de flexion des orteils (A). Il s’agit d’un symptôme pathognomique d’une atteinte du faisceau pyramidal. Tirée de Neuroscience 3rd Edition

la dégénérescence du neurone moteur et menant à terme à une paralysie dite contractile. Cette spasticité est liée à des activités motrices réflexes normalement modulées par la voie cortico-spinale. D’un point de vue histologique, il y a dégénérescence de l’axone corticospinal projeté par le neurone moteur, menant à un isolement fonctionnel de la circuiterie spinale (voir figures 4 et 13). Les mécanismes de cette dégénérescence peuvent varier d’une forme de PSH à l’autre, mais il s’agirait d’un phénomène de « dying back » (Deluca & al. ; 2004). Au niveau neuronal, dans la majorité des formes de PSH, il n’y a pas de dégénérescence du neurone moteur. Dans certaines formes de la pathologie cependant, des études histologiques de tissus post-mortem de patients ont révélés que cette dégénérescence axonale pouvait être accompagnée ou suivie de la mort de neurones dans diverses régions cérébrales. Par exemple, il y a une forte perte neuronale dans le thalamus, le cortex frontal et la moelle épinière des patients SPG11. Cependant, il est difficile de tirer des conclusions générales sur la dégénérescence neuronale dans les PSH à cause du faible nombre de tissus post mortem de patients PSH ; de plus, parmi ces tissus, beaucoup proviennent de patients atteints de PSH sans précision de la forme de PSH. Enfin, certaines formes de la PSH réduisent l’espérance de vie au contraire d’autres, et/ou peuvent être associées à des comorbidités (formes complexes), il peut donc y avoir aussi un biais lors d’études histologiques par la confusion entre des altérations dues à l’âge, aux comorbidités et/ou à la PSH en elle-même.

La spasticité est souvent couplée à une augmentation du reflexe ostéo-tendineux et on observe la présence du signe de Babinski (voir Figure 17). Des études sur tissu post-mortem de patients PSH ont montré que les axones longs, dont la cible se situe dans la moelle lombaire, sont plus sensibles et dégénèrent en premier par rapport aux axones dont les cibles sont plus proximales (Deluca & al. ; 200435). Une faiblesse musculaire des mêmes membres est souvent observée, bien que secondaire par rapport à l’hypertonie. De plus, les patients peuvent développer des pertes sensitives distales à différents degrés. Chaque forme de la pathologie présente des caractéristiques qui lui sont propres en termes d’âge de début, progression, symptômes, régions cérébrales atteintes, voies cellulaires impliquées. On peut cependant diviser ces formes en deux groupes :

_ Les formes pures (70-80% des cas) se caractérisant par des atteintes exclusivement motrices : hypertonie musculaire, Trouble sphinctériens et urinaires, tremblements et paralysie progressive. Dans ces formes la transmission est souvent autosomique dominante. Le gène le plus fréquemment muté est le gène SPG4 (40% des cas à transmission autosomique dominante, voir Figure 18) codant pour la Spastine. La PSH-SPG4 est parfois associée à des troubles cognitifs. Parmi les 60% restants, 10% des cas sont expliqués par des mutations dans le gène ATL1 (PSH-SPG3A) codant pour l’Atlastine-1. Le gène REEP1 (PSH-SPG31) est incriminé dans 4,5 à 10% des PSH pures. Enfin, des allèles pathologiques du gène KIF5A (PSH-SPG10) ont été observés dans 2,5% des cas. De plus, dans les formes pures, il est rare d’observer des atrophies cérébrales visibles à l’IRM.

_ Les formes complexes dans lesquelles les patients présentent en plus des troubles moteurs des formes pures, des atteintes cognitives et extraneurologiques : épilepsie, syndrome parkinsonien, ataxie, neuropathie, atteinte rétinienne… Ces formes présentent souvent une transmission autosomique récessive et le gène le plus fréquemment impliqué est le gène SPG11 (ou KIAA1840) (21% des cas à transmission autosomique récessive, voir Figure 18) (Ruano & al. ; 201431, C Tesson & al. ; 201536, G. Stevanin & al. ; 2007 et 200837,38) codant pour la Spatacsine. Les formes SPG5 et SPG7 comptent chacune pour 7% de ce groupe. De plus les patients peuvent développer

Figure18: Proportions des différents gènes impliqués dans l’apparition de formes autosomique dominantes (a) ou récessive (b). Tirée de C. Tesson & al.; 2015

des atteintes visibles à l’IRM telles qu’une atrophie du corps calleux, trait fréquent dans la forme SPG11.

Bases anatomiques et physiologiques de la spasticité et du signe de Babinski

La spasticité se caractérise par une augmentation de la résistance musculaire lors des mouvements causée par un réflexe d’étirement hyper réactif, une augmentation du tonus musculaire et l’apparition de contractions/relaxations involontaires lors de l’étirement du muscle (Burke & al. ; 197239). Cette augmentation de la résistance est transitoire lors d’un mouvement et disparait à la fin de la contraction musculaire, provoquant un phénomène appelé familièrement « le phénomène du couteau de poche » (clasp-knife phenomenon) car comme un couteau dépliable, la résistance lors d’un mouvement finit par disparaitre brutalement à la fin du dit-mouvement (Figure 19).

D’une manière générale, plusieurs mécanismes ne s’excluant pas l’un l’autre peuvent expliquer l’apparition de la spasticité. L’un d’origine spinale, l’autre supraspinale. Pour chacune de ces origines, il existe des mécanismes impliquant une perte d’inhibition et/ou un gain d’excitation (Figure 20).

Figure 19: Phénomène du couteau de poche : la spasticité se caractérise par une résistance musculaire au mouvement forcé qui se termine par un « effondrement » de cette résistance, phénomène caractéristique des sécurités sur les couteaux dépliables.

Pour les mécanismes spinaux d’excitation, il a été proposé que des modifications des propriétés membranaires des motoneurones α impacteraient leur excitabilité (J.C. Rekling & al. ; 200040, C.J Heckmann & al. ; 200341, C.H. Heckmann & al. ; 200542 ). Plus précisément, il pourrait s’agir de courants entrants persistants (Persistent inward currents ou PICs) Ca2+ et/ou Na+. Si cette hypothèse mécanistique a été émise entre autres chez le chat (D. Burke & al. ; 197243), on ne sait pas si elle est transposable à l’humain. Une deuxième hypothèse à retenir expliquant l’existence du signe de Babinski concerne une augmentation de la sensibilité des réflexes cutanés. Les neurones de la corne dorsale peuvent former des efférences longues distance ascendantes (rôle proprioceptif) ou de courte distance vers les motoneurones. Une lésion des fibres descendantes réticulospinales additionnée d’une perte d’inhibition locale par les interneurones GABAergiques peuvent perturber l’excitabilité des neurones sensitifs qui peuvent percevoir comme nocif un stimulus non nocif. A l’inverse, la surexcitation des interneurones propriospinaux (interneurones spinaux impactant différents segments de la moelle épinière impliqués dans l’intégration motrice et sensitive) peut mener à l’apparition de réflexes nociceptifs inappropriés (tels que le signe de Babinski).

En plus des mécanismes spinaux d’excitation, il peut y avoir des perturbations de l’inhibition spinale. Ces mécanismes ont la faveur de la communauté scientifique dans certaines pathologies. Notamment, une réduction de l’inhibition présynaptique de l’afférence du neurone sensitif Ia (voir Figure 20) peut entrainer une surexcitation secondaire du motoneurone α. Il s’agit là du mécanisme privilégié pour expliquer la spasticité chez des patients atteints de Sclérose en Plaques (J. Nielsen & al. ; 199544,45). De plus, Les voies motrices descendantes contactent l’interneurone Ia ; ainsi, des dommages dans ces voies peuvent perturber l’activation de cet interneurone et ainsi diminuer l’inhibition spinale par ce mécanisme (appelé l’inhibition disynaptique réciproque médiée par l’interneurone Ia). Les autres mécanismes présentés dans la Figure 20 tels que l’inhibition récurrente par les cellules de Renshaw (un type d’interneurone

inhibiteur différent des interneurones Ia et Ib et permettant l’autoinhibition du motoneurone α) semblent ne pas être affectés chez la plupart des patients spastiques.

Les mécanismes supraspinaux (c’est-à-dire impliquant des régions cérébrales et donc les fibres motrices descendantes) sont particulièrement pertinents lorsqu’on étudie les maladies du neurone moteur telles que les PSH. La spasticité provoquée par ces mécanismes semble mettre en

jeu une perte d’inhibition exercée par le cortex sur la voie corticospinale et/ou sur le noyau vestibulaire (ou noyau de Deiters) et la formation réticulaire, impliqués dans les voies vestibulospinales et réticulospinales respectivement. Des lésions dans le cortex moteur seul ne suffisent pas à développer la spasticité, il faut que les dommages affectent aussi le cortex prémoteur et/ou les aires motrices supplémentaires. Les régions corticales de la motricité exercent un effet inhibiteur sur le tonus musculaire via la voie corticoréticulaire (et donc les fibres réticulospinales), on peut donc imaginer l’impact de lésions dans cette voie sur le développement de la spasticité. Pour ce qui concerne la voie vestibulospinale, on sait que ses fibres contactent en majorité des interneurones spinaux (mais aussi certains motoneurones spinaux) dans le but de maintenir un

Figure 20: Voies spinales pouvant être affectées lors du développement d'une spasticité. α : motoneurone alpha ;γ : motoneurone gamma. Tiré de A. Mukherjee & A. Chakravarty, 2010

certain tonus des muscles posturaux. Cependant, il semblerait que cette voie soit moins impliquée dans le développement de la spasticité que la voie réticulospinale (W. Fries & al. ; 199346)

Ainsi, de nombreux mécanismes peuvent mener à la spasticité et aux troubles des réflexes. Cependant, chez les patients atteints de PSH, la spasticité des membres inférieurs proviendrait de la perte d’inhibition des arcs réflexes spinaux médiée par les afférences corticales, elle-même causée par la dégénérescence (ou la déafférentation) du neurone moteur.

Diagnostic et traitements des PSH

Le chevauchement des symptômes et causes génétiques dans les différentes formes de maladies du motoneurone a imposé l’utilisation de puissants outils diagnostiques, tant cliniques que biologiques, et de proposer une nouvelle nosographie à ces maladies. Pour pouvoir conclure à une forme ou une autre de la PSH, il faut que le patient présente un syndrome pyramidal (associé ou non d’autres éléments caractéristiques de certaines formes) non inexplicable par d’autres causes telles que des anomalies structurales (tumeur, compression..) ou infections (HTLV1, SIDA…) ou d’autres pathologies chevauchantes comme une leucodystrophie ou une sclérose en plaque (nécessité de réaliser des IRM…).. De plus, vérifier l’historique clinique de la famille du patient peut beaucoup aider à discriminer certaines formes, surtout pour les maladies neurodégénératives héréditaires. Des biomarqueurs structurels existent pour certaines d’entre elles tels que l’atrophie du corps calleux dans certaines formes complexes de la pathologie, ou fonctionnels tels que l’étude du Potentiel Evoqué Moteur (PEM) et l’utilisation de techniques d’électrophysiologies (Geevasinga N & al. ; 201545). Enfin, le séquençage de l’ADN au niveau des gènes potentiellement mutés dans telle ou telle pathologie, s’il révèle la présence d’allèles potentiellement pathogènes, permettra de confirmer le diagnostic.

Jusqu’à maintenant, seuls des traitements symptomatiques sont proposés aux patients : Injection de toxine botulique ou prise de myorelaxants tels que le baclofène pour traiter la spasticité par exemple (Synofzik and Schüle, 201747). La kinésithérapie et les exergames (jeux video pilotés par les mouvements du corps) permettent aussi de ralentir la progression de la pathologie.

Voies cellulaires impliquées

Dans sa revue de 2018, C. Blackstone48 résume les différentes voies cellulaires les plus souvent atteintes dans cette pathologie (voir Figure 21). Parmi les voies les plus affectées, on notera : _ La fonction et l’intégrité des voies endolysosomales, une des voies les plus souvent impliquées, notamment avec la spatacsine (SPG11) et la spastizine (SPG15) que je décris plus en détail dans la partie dédiée. Cela concerne aussi la Spastine (SPG4), au contact entre le Réticulum Endoplasmique (RE) et les endosomes et dont l’absence est responsable de dysfonctions lysosomales (R Allison & al. ; 201749).

_ La fonctionnalité du transport axonal, très sensible à la longueur de l’axone avec KIF5A et KIF1A, qui codent pour des protéines de la famille des Kinésines ou encore la Spastine (SPG4) qui est impliquée dans les processus dynamiques de formations/déformations des microtubules et du RE via des interactions avec REEP1, Atlastine1 et reticulon 1 (J.C. Lindsey & al. ; 200050, 49Evans et al. 200651, Mannan et al. 200652, Sanderson et al. 200653, Park et al. 201054)

Figure 21: Répartition des différents gènes impliqués dans la pathogénèse des PSH en fonction des fonctions biologiques de leur protéines respectives. ER : Réticulum Endoplasmique Tiré de C. Blackstone, 2018

_ Le métabolisme lipidique avec CYP2U1 (SPG56) (CM. Durand & al. ; 201855, Citterio A & al. ;201456, C. Tesson & al. ; 201257) étudiée dans notre laboratoire et CYP7B1 (SPG5) impliquées dans le métabolisme des acides gras à longue chaine et du cholestérol respectivement.

_ Les fonctions mitochondriales car la transmission nerveuse est un processus particulièrement couteux en énergie. On citera la Paraplégine (SPG7) une ATPase mitochondriale dont la dysfonction provoque une des formes le plus courantes de PSH complexe ainsi que quelques formes pures avec atrophie cérébelleuse (Cesnekova J & al. ; 201858, Coarelli G & al. ; 201959) . _ Le façonnage des différents compartiments intracellulaires avec l’Atlastine 1 (SPG3A), une GTPase impliquée dans le traffic entre le RE et l’appareil de Golgi, ainsi que la signalisation médiée par BMP et deuxième cause la plus courante de PSH pure (A. Abel & al. ; 200460, Zhu P-P & al. ; 200661 et 201462).

b) Le cas de la PSH de type 11 (SPG11)

Epidémiologie

La paraplégie spastique de type 11 tire son origine de mutations sur le gène SPG11 (Figure 22) situé sur le chromosome 15q13-15 ; il s’agit d’une forme très particulière de la PSH. Elle représente 6,7 % des formes familiales de la PSH et 20% des formes à transmission autosomique récessive. Il s’agit d’une forme très sévère, à progression lente, fatale entre 30 et 40 ans après le

Figure 22: Répartition et nature des différentes mutations responsables de PSH-SPG11 recensées sur le gène SPG11. Notez la surabondance de mutations dans l’exon 32 Adaptée de G. Stevanin & al. ; 2008

décennie (De Bot & al. ; 201363). La particularité première de cette pathologie est la dégénérescence des deux motoneurones et non seulement du premier. De plus, les patients développent en grande majorité des formes complexes de la PSH, mais aussi un syndromes parkinsoniens (M. Anheim & al.; 200964, A. Guidubaldi & al. ;201165), une ataxie (G. Stevanin & al. ; 200866), un déclin cognitif et retard mental (G. Stevanin & al. ; 200737 & 200866), des épilepsies (Al-Yahyaee & al. ; 200667), des dysphagies et des pertes visuelles (De Souza & al. ;2017), des neuropathies sensorielles (KN. Karle & al. ; 201368), une forme de sclérose latérales amyotrophiques juvéniles (Orlacchio & al.; 201069) et des symptômes proches de la sclérose en plaques (M. Mukai & al. ; 201870). On appelle d’ailleurs ALS5 la forme de SLA juvénile médiée par SPG11. A ce jour, il est difficile d’expliquer pourquoi certains patients vont développer une PSH tandis que d’autres vont développer une SLA juvénile par la seule génétique, il est possible que l’environnement ou des gènes facilitateurs puissent influer sur la pathologie développée. Si des mutations sur le gène SPG11 peuvent mener à des formes juvéniles de Parkinsonisme, des chercheurs ont évalué l’intégrité du système dopaminergique chez les patients SPG11 et ont révélé une dégénérescence de la substance noire ainsi qu’une baisse de la densité du transporteur de la dopamine. Certains patients SPG11 présentent une amélioration significative de leur état grâce à la L-DOPA (E. Kara & al. ;201671), au contraire d’autres (I. Faber & al. ; 201872). A l’IRM, on peut observer une atrophie du corps calleux chez les patients SPG11 (voir Figure 23). Cette atrophie est considérée comme un symptôme développemental de la HSP-SPG11 car elle serait due à l’incapacité des projections corticofugales à trouver leur cible (J.K. Fink, 201370). On parle alors d’agénésie (ou hypoplasie) du corps calleux. Toutefois, chez certains patients, l’atteinte de cette structure est tardive, voire même n’apparait jamais. Au niveau histologique, des pertes neuronales ont été observées dans le CNS de nombreux patients SPG11, notamment le thalamus, le cortex frontal (neurones pyramidaux ou cellules de Betz) et la moelle épinière. A ce sujet, la PSH-SPG11 est

Figure 23: Image IRM en coupe sagittale d’un cas contrôle (gauche) et d’un patient atteint de PSH- SPG11 avec Atrophie du corps calleux (droite, flèche blanche). Tirée de F. Franco da Graça & al. ; 2019

assez atypique car, bien qu’elle soit la plus représentée des formes AR-HSP, la dégénérescence de corps cellulaires neuronaux est un phénomène rarement observé dans les PSH. Par exemple, dans la forme SPG4, la seule dégénérescence observée est légère et se situe dans l’hippocampe et le cortex enthorinale (KD. White & al. ;2000)

Parmis les nombreux symptômes secondaires observés chez les patients SPG11, nous avons été interpellés par la présence de crises d’épilepsies chez certains d’entre eux. Plusieurs études sur des cohortes de patients font état de crises d’épilepsies généralisées, sans toutefois les caractériser précisément ( Environ 20% des patients SPG11 développent des crises) (PS. Denora & al. ; 201673, V. Pensato & al. ; 201574). Sur une cohorte de 74 d’enfants atteints de PSH dans 31 familles différentes, 17% d’entre eux ont présenté des épisodes épileptiques juvéniles (R. Koul & al. ; 201372). Réciproquement, des données non publiées dans notre institut font une surabondance de variants SPG11 potentiellement pathologiques (faux sens ou délétion) parmi des patients diagnostiqués épileptiques (Pr E Leguern, données personelles) mais leur causalité reste non démontrée.

La PSH-SPG11 est très proche de la forme PSH-SPG15 en terme clinique et les deux protéines codées par ces gènes (respectivement la Spatacsine et la Spastizine) sont connues pour interagir très fortement ensemble et s’entre réguler (Slabicki & al. ;201072, J Chang & al.; 201475, R-E Varga & al.; 201576, Hanein & al.; 200877). Comme dit précedemment, SPG11 code pour la Spatacsine (pour SPAsticity with Thin or Atrophied Corpus callosum SYNdrome).

La protéine Spatacsine

La Spatacsine est une protéine de 2443 acides aminés. Elle est très conservée durant l’évolution puisque son domaine C-terminal s’aligne avec le domaine C-terminal de la protéine orthologue d’Arabidopsis thaliana. Elle est exprimée ubiquitairement (RP. Murmu & al. ; 201178). Si sa structure tertiaire est inconnue, il est possible qu’elle possède jusqu’à 4 domaines transmembranaires (Aucune expérience fonctionnelle ne l’a démontré à ce jour) (G. Stevanin & al. ; 200737). Elle se retrouve colocalisée avec de nombreux compartiments intracellulaires (J. Chang & al. ; 201475, J. Hirst & al. ; 201379, R-P Murmu & al. ; 201178) et interagit avec de nombreuses protéines impliquées dans le trafic membranaire. Parmi elles, la Spastizine (SPG15) et AP5Z1 (SPG48) sont des protéines dont la perte de fonction provoque aussi des formes de PSH (Hirst & al. ;2013, Slabicki & al. ; 2010, Hanein & al. ; 2008). Des études menées in vivo et ex vivo chez la souris ont montré que l’absence de ces deux protéines endommageait le trafic endolysosomal et le recyclage des lysosomes (R-E Varga & al. ;201576, M. Khundadze & al. ;201380). De plus, une étude in vitro montre que la déplétion de spatacsine ou spastizine provoque l’accumulation d’autolysosomes et que ces deux protéines en conditions physiologiques interagissent avec l’autolysosome via le domaine FYVE de la Spastizine et le phosphoglycéride PI(3)P (J. Chang & al. ; 201475). Des études menées dans notre laboratoire sur des fibroblastes de patients, des cultures de neurones murins et chez la souris Spg11 KO (voir chapitre sur le modèle Spg11 -/-) suggèrent un rôle de la Spatacsine dans le recyclage de la

Figure 24: Accumulation de gangliosides marqués par GM2 dans les lysosomes marqués par Lamp1 des neurones de la couche V du cortex moteur des souris Spg11-/- à l’objectif X60 en haut, X20 en bas Tirée de M Boutry & al.; 2018

membrane des lysosomes, en aval de la voie des clathrines, via son interaction avec la Dynamine 1 (DNM1). En conséquence, la perte de fonction de la Spatacsine mène à une accumulation de matériel autofluorescent dans les lysosomes des neurones affectés. Ce matériel s’est avéré être composé principalement de gangliosides GM2 et leur accumulation est directement liée à la mort neuronale (Figure 24) et a aussi été observée dans les cerveaux de patients lors d’études neuropathologiques (Denora et al 201673)Enfin, il semblerait que l’inhibition de la voie de biosynthèse des gangliosides GM2 puisse être une voie d’intérêt thérapeutique (J. Branchu & al. ; 201781, M. Boutry & al. ; 201882). Cette accumulation de matériel anormal dans les lysosomes est une caractéristique déjà retrouvée dans d’autre modèles de PSH : SPG4, SPG8, SPG31, SPG15 et SPG48 (Allison & a. ; 201749, Hirst & al. ; 201583, Renvoisé & al. ; 201484) dont les deux derniers gènes codent pour des protéines interagissant avec la Spatacsine.