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Les travaux précédents, dans notre équipe et ailleurs se concentraient principalement sur les fonctions biologiques de la protéine Spatacsine codée par SPG11 et les mécanismes intracellulaires menant à la neurodégénérescence et aux symptômes subséquents (M. Slabicki & al. ; 2010132, J.Hirst & al. ; 201379, M. Boutry & al. ; 201882,.F. Pérez-Branguli & al. ; 2014133). Ce projet de thèse a eu pour objectif d’étudier les différentes dysfonctions électrophysiologiques accompagnant les atteintes motrices et cognitives observées dans notre modèle murin Spg11-/- .

Avec cette approche, nous espérions mieux comprendre les mécanismes menant auxdits symptômes et faire le lien entre les fonctions biologiques de la Spatacsine et les dysfonctions neuronales du modèle Spg11-/-. Ce travail a permis de mettre en évidence l’apparition d’évènements EEG anormaux sous la forme de Décharges Pointes Ondes (DPO ou SWD) corticales qui sont caractéristiques d’une forme d’épilepsie particulière : l’Epilepsie-Absence. De plus, ces évènements apparaissent bien avant les premières pertes neuronales et évoluent parallèlement aux atteintes motrices. Après avoir confronté notre modèle Spg11-/- caractérisé récemment (J. Branchu & al. ;201781) aux autres modèles d’études des maladies du motoneurone, je souhaiterais discuter de l’intérêt de ces découvertes, des hypothèses sur les mécanismes aboutissant à ces altérations notamment à partir de la perturbation de l’homéostasie calcique observée dans notre modèle (M. Boutry & al. ; 2019, being published) et son effet potentiel sur l’excitabilité neuronale et la plasticité synaptique.

I. Les modèles animaux d’études des maladies du

motoneurone : intérêts et comparaison

Si de nombreux modèles d’études existent en neurobiologie, de la drosophile au primate non humain en passant par le poisson zèbre et les méthodes computationnelles, le modèle murin reste le plus utilisé à ce jour : en 2014 plus de 10000 publications scientifiques en neurologie étaient basées sur un ou plusieurs modèles de souris et ce chiffre est en constante augmentation depuis 1990 (B Ellenbroek & J Youn ; 20161). L’utilisation du modèle rat est restée assez stable depuis les années 80 et aujourd’hui il y a autant de publications sur des modèles de rats que de souris. Au cours de l’évolution, le futur être humain et la future souris se sont séparés il y a 65 millions d’années. Si de nombreuses différences sont apparues durant ce laps de temps, nous avons conservé ≈90% d’homologie génétique avec les rats et souris. Malgré les progrès de la culture cellulaire ces dernières années, il est encore nécessaire d’expérimenter sur des animaux car une pathologie donnée est un ensemble de symptômes découlant de mauvaises interactions impliquant souvent plusieurs types cellulaires, plusieurs organes au sein d’un animal comme par exemple les maladies auto-immunes où les symptômes sont le résultat d’altération ou de dégénérescence de différents organes mais toujours causées par un système immunitaire défaillant, suréactif (souvent à l’origine même de la pathologie). L’éthique impose de ne pas pratiquer de techniques invasives sur les êtres humains (principe du « primum non nocere »), et ce principe est encore plus respecté lorsqu’il s’agit de travailler sur des jeunes patients. Travailler sur des tissus post-mortem a ses limites comme l’absence de dynamique moléculaire absolument nécessaire quand on étudie le système nerveux, dynamique par nature, ou encore l’impossibilité d’étudier les mécanismes d’une maladie avant la mort du patient. On a donc besoin d’un organisme complet et complexe pour pouvoir reproduire une maladie fidèlement, comprendre son mécanisme et proposer des traitements adéquats.

Parfois, des modèles murins spontanés existent comme dans le cas des mutants spontanés Reeler, Staggerer et Weaver pour les ataxies. Parfois elle existe dans un autre mammifère comme la mutation spontanée du gène KIF1C dans la vache charolaise (A. Duchesne & al. ; 2018134) qui mime l’ataxie spastique SAX2/SPG58. Mais dans la plupart des cas, la maladie étudiée chez

l’homme n’existe pas chez la souris ou le rat, il faut donc la reproduire. La meilleure manière est de modifier génétiquement une souche murine en lui intégrant la/les mutations observées chez l’humain.

Des différences génétiques entre les souris et les humains rendent cependant l’étude de certaines pathologies compliquées. Par exemple, les souris ne possèdent que 20 paires de chromosomes contre 23 paires chez l’humain (en comptant les paires sexuelles). Pour mimer la trisomie 21, due à une duplication du chromosome 21, les chercheurs intègrent un chromosome humain complet, ou créent des duplications sur les chromosomes 10, 16 et 17 qui présentent des homologies avec le chromosome 21 humain. Lorsque les gènes existent, ils peuvent subir des processus d’épissages différents, ou bien il peut aussi exister un nombre de copies différent du même gène comme le gène SMN (dont la perte de fonction mène à l’Amyotrophie Spinale (SMA): existant en 2 copies chez l’humain mais une seule chez la souris. En dehors de toutes ces différences, nous travaillons majoritairement sur des lignées consanguines, maintenant une certaine homogénéité afin de standardiser nos résultats, ce qui nous empêche de tenir compte de la variabilité interindividuelle très présente chez l’humain. De plus, il y a une énorme différence de complexité entre le système nerveux humain et celui de la souris. Ainsi, même si le gène étudié est parfaitement homologue, il n’est pas rare de voir une mutation donnée provoquer d’énormes dégâts chez l’être humain, mais être quasiment sans conséquence chez la souris. De plus, il est très difficile d’étudier l’impact de ces mutations sur des fonctions cognitives très complexes, quasiment absentes chez la souris comme dans le cas de la Schizophrénie ou de l’Aphasie Primaire Progressive non-fluente.

En conclusion, l’expérimentation animale est toujours nécessaire, bien que les limitations doivent être gardées en mémoire et les règles éthiques scrupuleusement suivies. De plus, de nouvelles techniques apparaissent chaque jour permettant de réduire progressivement l’utilisation d’animaux. Les expérimentations sur l’animal permettent surtout d’utiliser des méthodes invasives qui nous permettent par la suite de savoir où et quoi chercher chez l’humain par l’utilisation de méthodes non invasives, souvent moins précises ou plus complexes à mettre en œuvre et à analyser. De nombreux modèles animaux existent pour étudier les différentes maladies du motoneurone. Je vais, dans les paragraphes suivant, discuter ces différents modèles, tenter d’expliquer les différences qu’il peut y avoir entre eux et discuter de la possibilité de considérer notre modèle

Spg11-/- comme un modèle d’ALS. Il est bon de noter que la Spatacsine est une protéine très conservée dans l’évolution et les séquences d’acides aminés de la protéine humaine et son homologue murin possèdent plus de 75% de similarité (Stevanin & al. ; 200737). Cependant, étant donné que le gène SPG11 et son homologue murin possèdent 40 exons, il n’est pas impossible qu’un phénomène d’épissage alternatif mène à la synthèse de différentes isoformes de la Spatacsine.