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I. Phases et énergie de faute d’empilement

I.1. Phases en présence _______________________________________________ 137

La composition chimique, les traitements thermiques et les sollicitations mécaniques jouent un

rôle sur l’existence des différentes phases cristallographiques. C’est particulièrement le cas pour

les aciers, pour lesquels les phases peuvent être ferritiques, austénitiques, martensitiques,

perlitiques, etc…

L’existence éventuelle de changements de phase lors de l’essai de grippage a été investiguée.

En effet, la phase austénitique, présente dans la majorité des aciers de cette étude, est susceptible

de se transformer sous l’effet de la température ou de la déformation. Dans le cadre des essais

de grippage, la température reste faible mais la déformation plastique peut entrainer une

transformation martensitique communément appelée martensite induite par déformation (Strain

Induced Martensite SIM) [1]. La contrainte étant maximale en proche surface, l’éventuelle

transformation de phase est donc attendue en priorité à ce niveau.

Cette transformation de phase peut intervenir selon plusieurs séquences selon le niveau

d’Energie de Faute d’Empilement (EFE), qui sera étudiée dans la partie suivante. Dans le cas

d’une EFE faible, l’austénite γ se transforme d’abord en martensite ε hexagonale compacte,

puis, pour des sollicitations prolongées, en martensite α’ cubique centrée [2]–[5]. Lorsque

l’EFE est plus élevée, la séquence privilégiée est la transformation directe d’austénite γ en

martensite α’ cubique centrée [6]. Selon la littérature (cf chapitre 1), une phase hexagonale

compacte est bénéfique vis-à-vis de la résistance au grippage, au contraire des phases cubiques

centrées [7], [8].

L’existence de transformation de phase dépend principalement de la stabilité de la phase

austénitique vis-à-vis de la déformation exercée. Cette stabilité est liée à la composition

chimique de l'acier et est caractérisée notamment par l’indice MD

30

.Cet indice correspond à la

température à laquelle 50% de martensite se forme pour une déformation vraie de 30%. Plus

cette température est basse, plus la stabilité de l'austénite vis-à-vis de la déformation est élevée.

L’équation d’Angel [9] est une des plus répandues dans la littérature pour déterminer la valeur

de l’indice MD

30

[10] et a donc été sélectionnée.

MD30 = 413 - 462 * %C - 9.2 * %Si - 8.1 * %Mn - 13.7 * %Cr – 9.5 * %Ni - 18.5 * %Mo (1)

Les résultats des calculs de MD

30

sont présentés dans la Figure 1.

Par conséquent, en fonction de l’EFE, la martensite induite par déformation peut donc être

bénéfique vis-à-vis du grippage (formation de martensite hexagonale compacte ε) ou au

contraire préjudiciable (formation de martensite cubique centrée α’).

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Figure 1 : Valeurs de MD30 obtenues pour les aciers austénitiques sélectionnés et sur la phase austénitique de l’Uranus45N.

Les valeurs de MD

30

sont les plus élevées (de l’ordre de 0°C), pour les aciers 316L et

Uranus45N, ce qui indique que l'austénite est particulièrement susceptible de se transformer en

martensite pour ces aciers au cours de l'essai de grippage. Les nuances de 316LN et d’AISI660

présentent les valeurs de MD30 les plus faibles (de l’ordre de -100°C), signe d’une stabilité

plus importante de la phase austénitique. Le Nitronic60 présente une stabilité de la phase

austénitique intermédiaire.

Cette transformation de phase a été investiguée par des analyses DRX (Figure 2). A noter

cependant que la distinction entre les martensites α’ et ε ne peut pas être réalisée de manière

satisfaisante par cette technique [5].

Figure 2: Formation de martensite au cours de l’essai de grippage pour le 316-NT-175 après une rotation de 30° et de 360°.

Le diffractogramme se concentre sur les pics principaux de l’austénite et de la martensite.

La transformation de phase est donc la plus probable pour les nuances de 316L et Uranus45N.

Pour les aciers 316LN et AISI660, la valeur MD

30

indique une bonne stabilité de la phase

austénitique.

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La quantification précise du taux de phase n’est pas possible sans utilisation d’étalon et n’a par

conséquent pas été réalisée dans cette thèse. Seul le ratio des hauteurs des pics principaux de la

martensite par rapport à celle de l’austénite (ratio de hauteur 111

martensite

/110

austénite

) est présenté

en tant qu’indicateur de présence de la phase martensitique (Figure 3). Cette figure indique

qu’une transformation de phase intervient pour des pressions excédant le seuil de grippage.

Figure 3:Evolution du rapport des pics du plan (110) de la phase α’ ou ε par rapport au plan (111) de l’austénite γ au sein

du Nitronic60 non traité pour différentes pressions d’essai

En accord avec les valeurs de MD

30

calculées, la transformation en martensite a été observée

après grippage en l’absence de traitement pour les nuances 316L, Uranus45N et Nitronic60.

Aucun pic de martensite n’a été observé pour le 316LN et l’AISI660.

Un traitement thermique a été réalisé pour remplacer la phase austénitique du 316L par une

phase martensitique (98% de martensite après traitement), sans modification significative du

seuil ni de la sévérité du grippage (cf Annexes I.6). La transformation de phase en condition

traitée n’a pas pu être étudiée du fait du caractère évasé des pics (cf Annexes I.7).

On rappelle que la formation de martensite hexagonale compacte ε est favorisée par une Energie

de Faute d’Empilement (EFE) faible. L’EFE de chaque nuance est par conséquent calculée pour

déterminer le type de martensite attendu.

I.2.Calcul de l’Energie de Faute d’Empilement

Une faute d’empilement est un défaut par rapport à l’empilement parfait d’un cristal.

L’irrégularité créée s’accompagne d’une énergie variable selon le matériau considéré.

L’Energie de Faute d’Empilement (EFE) qui en résulte est un des paramètres clés contrôlant la

capacité des dislocations à changer de plan cristallin [11]. Ainsi, la réponse d’un matériau

vis-à-vis de la déformation est fortement modifiée en fonction de son EFE [11]–[13].

La formation de martensite induite par déformation est donc confirmée par l’analyse DRX.

Cette transformation de phase est observée pour toutes les nuances austénitiques excepté

l’AISI660 et le 316LN, ce qui est cohérent avec les valeurs de MD

30

. Toutefois, l’analyse menée

ne permet pas de déterminer la nature de la phase martensitique obtenue (phase ε ou α’). Cette

dernière sera par conséquent étudiée par le biais d’autres techniques.

140

Une diminution de l’énergie de faute d’empilement donne lieu à une augmentation de l’énergie

nécessaire pour qu’une dislocation change de plan. De plus, la diminution de l’EFE donne lieu

à une prolongation de la phase d’écrouissage du matériau et une diminution de la ductilité [14].

Les travaux de Hirth et al. notamment [15] relient la résistance à l’usure d’un matériau à son

EFE. La liaison entre EFE et grippage est moins fréquente dans la littérature mais plusieurs

auteurs, comme Bhansali et Miller [14], indiquent qu’abaisser l’EFE donne lieu à une

augmentation du seuil de grippage.

On rappelle (cf chapitre 1) qu’en fonction de l’EFE, on peut prédire plusieurs mécanismes de

déformation [16] (Tableau 1).

Tableau 1 : Mécanismes de déformation prévus en fonction de l’EFE

La détermination de l’EFE est non triviale et donne lieu à de nombreuses dissensions au sein

de la communauté scientifique [16]. En effet, la détermination expérimentale de l’EFE est ardue

et les calculs ab initio et thermodynamiques présentés dans la littérature ne sont pas toujours en

accord. Des équations simplificatrices ont alors été proposées, prenant principalement en

compte la composition chimique de l’alliage considéré.

Dans le cadre de cette thèse, l’objectif est d’estimer l’EFE pour avoir un aperçu des mécanismes

de déformations prévus. De ce fait, les modèles simplificateurs basés sur la composition

chimique du matériau sont amplement suffisants et ont été choisis. Dans ces modèles, les effets

de la taille des grains, de la texture cristallographique, de la température ou du niveau de

contrainte de la pièce sont négligés et le calcul est réalisé pour une phase cristallographique

donnée [17], [18].

Parmi les nombreuses équations développées au fil des années [19]–[23], celle récemment

présentée par Meric de Bellefon et al. [24] a montré une bonne adéquation avec les données

expérimentales et a été sélectionnée.

EFE (mJ.m

-2

) = 2,2 + 40* %

C

– 3,6* %

N

- 0,016* %

Cr

+ 1,9* %

Ni

– 2,9* %

Si

+ 0,5* %

Mn

+0,77 * %

Mo

(2)

Les calculs d’EFE ont été réalisés pour les échantillons non traités et estimés pour les

échantillons traités. Pour les calculs réalisés sur les échantillons traités, on considère que la

composition chimique est identique à celle des échantillons non traités à l’exception d’un ajout

de carbone. Pour les traitements K33 et KD, Jacquot et al. [25] et Stauder et al [26] mesurent

que le taux de carbone moyen sur les 10 premiers microns est de 11%

at

(≈ 2 %

wt

), valeur utilisée

pour ce calcul d’EFE.

Le Tableau 2 présente les valeurs d’EFE calculées pour les quatre nuances austénitiques ainsi

que pour la phase austénitique de l’Uranus45N.

141

Tableau 2 : Energie de faute d’empilement calculée à partir de Meric de Bellefon et al. [24] pour les différents aciers

austénitiques dans le cas non traité et dans une approximation du cas traité S3P. L’EFE est ensuite comparée aux seuils de

grippage expérimentaux ainsi qu’aux mécanismes de déformation prévisionnels pour ces EFE.

En l’absence de traitement, le Nitronic60 et l’Uranus45N se distinguent des autres nuances

austénitiques par un niveau d’EFE particulièrement faible. Au contraire, le niveau élevé d’EFE

de l’AISI660 indique un mode de déformation contrôlé par le mouvement des dislocations. Les

aciers 316L et 316LN présentent quant à eux des niveaux d’EFE intermédiaires indiquant une

accommodation de la déformation par maclage.

Après traitement K33, on note une augmentation importante (de l’ordre de +90 mJ.m

-2

en

moyenne) de l’EFE, ce qui indique que la déformation est essentiellement gouvernée par le

mouvement des dislocations.

L’estimation de l’EFE indique que les mécanismes de déformation sont susceptibles de différer

entre les nuances étudiées. En particulier, le Nitronic60 se distingue par une EFE

particulièrement faible en l’absence de traitement S

3

P.

L’application des traitements S

3

P augmente fortement l’EFE des matériaux, qui indique une

déformation contrôlée par le mouvement des dislocations.

A l’issue des investigations liées aux phases en présence et à l’EFE, il en ressort que :

 L’austénite peut se transformer en martensite dans le cas des échantillons austénitiques, en

particulier pour les aciers 316L et Nitronic60. La martensite issue de cette transformation

de phase peut se retrouver sous deux phases cristallographiques : hexagonale compacte (ε)

ou cubique centrée (α’), respectivement bénéfique ou préjudiciable à la résistance au

grippage. La martensite hexagonale compacte améliore la résistance au grippage, au

contraire de la martensite cubique centrée.

 Les mesures d’EFE indiquent que différents mécanismes de déformation sont attendus en

fonction des nuances considérées. En particulier, le Nitronic60 se distingue par une EFE

faible qui favoriserait la transformation de phase avec l’apparition probable de martensite

en phase hexagonale compacte. Au contraire, les échantillons traités (ainsi que l’AISI660)

présentent une EFE élevée, impliquant que la déformation est principalement contrôlée par

le mouvement des dislocations.

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Evolution de la microstructure avec la profondeur

L’apparition du grippage donne lieu à une modification de la surface comme de la

microstructure des échantillons. Cette partie a pour objectif d’étudier l’évolution de la

microstructure avec la profondeur en deux temps :

Dans un premier temps, les phénomènes observés pour toutes les nuances étudiées seront

présentés. Ces phénomènes sont présentés par le biais de coupes longitudinales pour observer

la microstructure à une profondeur donnée. Différentes coupes sont alors réalisées pour étudier

l’évolution de la microstructure avec la profondeur.

Dans un second temps, les spécificités de chaque nuance en fonction de sa catégorie de grippage

seront détaillées. Au contraire du cas précédent, les coupes métallographiques réalisées sont

transverses pour étudier l’évolution de la microstructure avec la profondeur.