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I. Grippage et tribologie

III.2. c. Composition chimique

La composition chimique définit la nuance des matériaux et gouverne en grande partie la

microstructure et les propriétés mécaniques de ceux-ci. Au sein d’une même famille de

matériaux, le taux d’éléments d’insertion varie en fonction de l’utilisation souhaitée.

On considère le plus souvent que l’usure adhésive et le grippage sont favorisés lorsque la nature

chimique des échantillons en contact est proche [64].

Cependant, une faible quantité d’études dans la littérature relie précisément la composition

chimique à la résistance au grippage. Des corrélations indirectes entre résistance au grippage et

composition chimique sont obtenues par le biais de l’étude de l’Energie de Faute d’Empilement

(EFE), définie ci-dessous. Les effets de deux éléments d’alliage particuliers, le manganèse et le

silicium, sur le seuil de grippage sont également discutés. Les effets de ces deux éléments ont

été étudiés dans la littérature du fait de l’existence d’une nuance d’acier inoxydable réputée

pour sa haute résistance au grippage : le Nitronic60, qui présente des taux de silicium et de

manganèse élevés.

 Energie de faute d’empilement

Une faute d’empilement correspond à un défaut à deux dimensions, le plus souvent induit lors

de la déformation plastique d’un matériau [65]. L’énergie associée à cette faute d’empilement

s’exprime en mJ.m

-2

et correspond à l’énergie créée par un défaut par rapport à un cristal idéal.

Cette EFE donne des indications sur la réponse d’un matériau vis-à-vis de la déformation

plastique [66]. Cette EFE est régulièrement étudiée dans le cadre de problématiques

tribologiques ou lorsque la déformation plastique du matériau est importante [3], [53].

En effet, l’EFE permet de prédire le mécanisme de déformation majoritaire d’un matériau

donné. Pour une EFE faible (EFE ≤ 18 mJ.m

-2

) le mécanisme de déformation privilégié est la

transformation de phase. Pour une EFE intermédiaire (18 mJ.m

-2

< EFE ≤ 45 mJ.m

-2

), le

mécanisme de déformation principal est le maclage. Pour finir, dans le cas où l’EFE est élevée

(EFE > 45 mJ.m

-2

), la déformation plastique et l’écrouissage sont principalement contrôlés par

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Une EFE faible limite la mobilité des dislocations et la probabilité de changement de plan de

celles-ci [53]. La capacité d’écrouissage est également augmentée lors de la diminution de

l’EFE. Au niveau des aspérités, cela se traduit par un arrachement de celles-ci au lieu d’une

déformation plastique et d’une adhésion, ce qui permet de limiter l’apparition du grippage.

Dans le cas des aciers inoxydables, de la martensite peut se former à la suite d’une déformation

[53], [67]. Cette martensite est, en fonction de la sollicitation et de l’EFE, soit une martensite

α’ cubique centrée soit une martensite ε hexagonale compacte. La martensite ε se forme

préférentiellement pour des valeurs d’EFE faibles [68],[69] et est bénéfique vis-à-vis du

grippage, au contraire de la martensite α’ [70], comme il a été montré dans la partie III.2.b.

Par conséquent, une EFE faible est le plus souvent considérée comme bénéfique vis-à-vis de la

résistance au grippage [71]–[74].

 Taux de silicium et de manganèse

Une des nuances d’acier inoxydable connue pour son seuil de grippage élevé est le Nitronic60

développée par Schumacher et al. en 1975 [75].

Selon ces auteurs, ce seuil de grippage élevé s’explique principalement par le taux de silicium

de cet acier. Un taux de silicium compris entre 3 %

wt

et 5 %

wt

implique une augmentation du

coefficient d’écrouissage ainsi que la formation d’un oxyde mixte riche en silicium en extrême

surface Fe

y

-(Cr,Si)-O

z

. Cet oxyde est plus stable vis-à-vis de la déformation et adhère plus à la

surface que les oxydes de chrome habituellement formés en l’absence de silicium [76].

L’addition de silicium, alphagène, implique cependant une augmentation du taux d’éléments

gammagènes comme le nickel ou le manganèse pour conserver une phase austénitique. Le taux

maximum de silicium pouvant être inséré tout en conservant une phase austénitique est limité

à 7 %

wt

.

Parmi les éléments gammagènes insérés pour conserver la phase austénitique, Schumacher et

al. en 1975 [75] insistent sur l’importance du taux de manganèse. En effet, cet élément stabilise

la phase austénitique et permet également de conserver l’azote en solution solide. Selon ces

auteurs, le manganèse joue donc simplement un rôle gammagène et n’influe pas sur la résistance

au grippage.

Pour confirmer que le silicium influe sur le seuil de grippage plutôt que le manganèse, des

études ont été réalisées sur la gamme des aciers Nitronic, dont trois nuances présentent des taux

de silicium et de manganèse variables (Nitronic50, Nitronic32 et Nitronic60, classés par taux

de silicium croissants dans le Tableau 4).

Tableau 4 : Composition chimique des aciers Nitronic50, Nitronic32 et Nitronic60 tel que défini sur le site internet du

fournisseur HPAlloys

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Le seuil de grippage des différentes couples de matériaux est présenté sur la Figure 23.

Figure 23 : Seuils de grippage issus de la littérature [77] pour les aciers Nitronic50, Nitronic32 et Nitronic60

On observe que le seuil de grippage excède la limite supérieure de la machine (350 MPa) pour

tous les couples de matériaux pour lesquels au moins un des deux composants est en Nitronic60.

Le Nitronic50 testé contre un contre-matériau de même nuance présente le seuil de grippage le

plus faible.

Le Nitronic60 présente des taux de Cr, Ni, Mo, Mn et C intermédiaires entre le Nitronic32 et le

Nitronic50. En revanche, celui-ci se distingue par un taux d’azote légèrement inférieur et un

taux de Si significativement supérieur à ceux des autres nuances. Le seuil de grippage semble

donc bien être augmenté par le taux de silicium, ce qui conforte donc l’hypothèse présentée par

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