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6.3. État III Les transformations du XVI e siècle, le palais de justice

6.3.1. Phase 1 La tour d’escalier (avant 1553)

L’analyse du parement extérieur du mur ouest (UM4) donnant sur la petite place, l’ancienne cour

du palais, montre l’emprise de la tour d’escalier inscrite dans œuvre (ill. 11 et 12). Les verticales

de la tour sont évidentes en raison des chaînes d’angle qui l’encadrent en dépit des nombreuses reconstructions (UC4.2, 4.10) (fig. 18 à 21). Ces angles en molasse ont été restaurés pendant les travaux de 1985 et documentés grâce aux photographies d’Hélène Avan, où l’on voit les anciennes pierres tendres complètement rongées par les affres du temps. Les clichés montrent aussi à quel point les artisans ont démonté les chaînes d’angles ainsi que les deux fenêtres superposées qui éclairent la cage d’escalier pour les remplacer par un grès plus résistant aux intempéries et aux gelées. Les stigmates de cette restauration récente sont particulièrement visibles et apparaissent nettement sur les relevées archéologiques. Les photographies réalisées avant le chantier témoignent de l’état ancien de la façade de la tour d’escalier avec ses fenêtres déjà restaurées par Charles Suisse en 1900. Ainsi l’élévation de façade de la tour d’escalier fait l’objet de nombreuses restaurations avant celles de 2016. Toujours est-il qu’elles reprennent pour partie les dispositions d’origines. On sait par les chaînes d’angle que cette tour d’escalier était initialement hors-œuvre adossée à la maison-forte. Sa façade ouest mesurait 4,25 m de côté et celles situées au nord et au sud ne dépassaient pas 4 m. Si ses limites verticales sont faciles à circonscrire, l’étude détaillée de la maçonnerie a permis de mettre en évidence une césure horizontale située à 11,10 m du sol actuel (459 m NGF), alors que les murs de la tour d’escalier s’élèvent à 15,25 de haut (463,15 m NGF). Cette limite dans la construction s’observe aussi à l’intérieur de la cage, à un niveau plus bas. On note, en effet, un changement dans la dimension des marches à 8,14 m de haut (456,05 m NGF)

(fig. 22). Elles présentent aussi un traitement et une usure différente à compter de ce niveau. Ces

éléments confirment à l’évidence une première phase de travaux dans la construction de la tour. Cet arrêt de chantier se situe sur une même ligne que le haut des murs de la maison-forte. Les maçons ont, en toute logique, alignés les constructions les unes par rapport aux autres.

I Annecy (74) Palais de l’Isle « Élévations extérieures et charpentes »

Exceptées ces césures horizontales, les deux tiers inférieurs de la tour d’escalier se singularisent, des 4,15 m supérieurs, par la présence de six trous de boulin. Ces derniers présentent en parement une ouverture de 14 par 18 cm en moyenne pour un fourreau compris entre 42 et 68 cm de pro- fondeur au moins. Le bouchage, fait depuis l’intérieur de la tour d’escalier, laisse entendre que les opes étaient initialement traversant. Le comblement a été réalisé avec le même mortier que celui employé pour la construction des murs. Il conserve des négatifs du bois des boulins. Les six trous fonctionnent par paire, ils formaient ainsi trois lignes de platelage ancrées. Comme la première se trouve à 5,35 m du sol actuel (453,25 m NGF), il faut imaginer que l’échafaudage n’était pas ancré en partie basse, mais de plain-pied. L’écart entre les niveaux de platelage indique que les plateaux se répartissaient tous les 1,45 m et 1,65 m sur l’ensemble de la structure provisoire. Ces niveaux

Cour des prisons Cour du palais Le Thiou l'I sle de Passage Le Thiou N XVIe s.

État III - phase 1 0 5m

N S

0 5m

XVIe s.

État III - phase 1

ill. 11. Palais de justice vers 1553 - Plan Tour d’escalier - État III - phase 1 - (éch. 1/300).

ill. 12. Palais de justice vers 1553 - Mur OUEST

Tour d’escalier - État III - phase 1 - (éch. 1/300).

Cour des prisons Cour du palais l'I sle de Passage Le Thiou N XVIe s.

État III - phase 1 0 5m

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6 - Les résultats de l’étude archéologique I

de travail constituaient des hauteurs parfaitement adaptées pour que les maçons dominent le mur qu’ils avaient à ériger. Ce mur de la tour d’escalier se compose essentiellement de moellons de calcaire irréguliers et de cailloux.

Les baies, éclairage et système de circulation – Les baies de cette première tour d’escalier four- nissent quelques renseignements sur les dispositifs d’éclairage et de circulation en lien avec les bâtiments mitoyens. Les deux fenêtres superposées de la façade sur cour (B8 ; 10), on l’a vu, ont été restaurées à deux reprises, en 1900 puis en 1984. Un dessin réalisé par Charles Suisse lors de la première campagne de travaux montre sur une coupe transversale sur l’entrée que les vestiges de la fenêtre supérieure étaient couverts d’un linteau orné d’un arc trilobé (ill. 13). On n’en sait pas plus sur l’aspect de ces fenêtres si ce n’est que leur emplacement est attesté depuis la cage d’escalier où il subsistent les encadrements intérieurs en molasse, mais sans ornement.

ill. 13. Charles Suisse, Annecy, Palais de l’Isle, état actuel (23/06/1900) - Coupe transversale sur l’entrée. Détail.

Médiathèque du patrimoine. 0082/074-Plans d’édifice de la Haute-Savoie (012192).

La porte en rez-de-cour (B5), surmontée d’un blason, est complètement associée à une importante reprise en sous-œuvre (État IV - phase 4). Dans son état actuel, elle ne fait évidemment pas partie de la première phase de travaux de la tour d’escalier (av. 1553), mais on n’est pas en mesure de dire si elle reprend l’emplacement d’une précédente ouverture.

L’étude nous a conduit à nous intéresser aussi aux portes intérieures malgré la présence des enduits qui masquent les parements qui les entourent. Dans sa première phase, la tour d’escalier comprend plusieurs portes (fig. 7a et b). Dans le mur sud, la porte du premier niveau (B95) et celle du second niveau (B97) communiquent toutes les deux avec les deux salles voûtées superposées du corps de bâtiment situé au sud de l’escalier. Si faute d’indices, rien n’indique que la première est en place, la seconde (B97) est surmontée d’un linteau orné d’arc en accolade comparable à celui dessiné au-dessus de la fenêtre de la façade ouest par Charles Suisse. La porte apparaît, d’après une photographie ancienne, parfaitement contemporaine de la tour d’escalier (fig. 23 et 24). La disposition de son seuil, réalisé dans la cage d’escalier au droit de la porte, le confirme. Ce seuil n’a, en effet, pu être ménagé qu’avec la construction de la tour et de la distribution des marches. Si cet indice prouve que la porte est en place, cela démontre aussi qu’un corps de bâtiment se développait au sud de la tour. Il s’agissait certainement d’un système de galeries sur deux niveaux et dont la

reprise des ouvertures en façade (B5, 6, 7, 9) au XVIIIe siècle a détruit le dispositif initial (fig. 19).

Ces galeries conservent leurs voûtes d’arêtes. Le passage entre celle du niveau supérieur et la porte à accolade surprend. Le ventail de cette dernière s’ouvre, en effet, dans la cage d’escalier alors que l’usage voudrait qu’elle ouvre dans le sens contraire. Ce dispositif inversé laisse à penser que la circulation se faisait prioritairement en direction de la cage d’escalier et du haut vers le bas. Il ren- force aussi l’importance du bâtiment située plus au sud, où se trouvait l’ancien atelier monétaire. La porte du niveau 3 (B100) n’existe pas encore dans cette première phase de construction (fig. 7c), elle ne sera percée dans le mur sud que lors de la surélévation de la tour d’escalier qui sera érigée

dans la seconde moitié du XVIe siècle. Avant ce rehaussement, profitant que les murs de la tour

d’escalier atteignaient ceux de la maison-forte, les travaux de maçonnerie vont laisser place à ceux de charpente.

6.3.2. Phase 2. Reprise des arases et des charpentes (1573-1574d)