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6.4. État IV Les grands travaux du XVIII e siècle

6.4.2 Phase 2 Les reconstructions de la décennie 1750

L’analyse archéologique des élévations démontre que des travaux ont été menés au cours de la décennie 1750 contre la chapelle et le mur sur la cour. Il s’agit de reconstructions mentionnées sur le plan de 1760 comme ayant déjà réalisées (en jaune) (fig. 4). Ces travaux sont aussi renseignés par des documents d’archives. Le croisement des sources donne une vision assez précise du dérou- lement des chantiers. Ces derniers ont concerné la reconstruction des deux murs de la cour des

prisons, celui de la chapelle (UM19) et le grand mur du bâtiment sud longeant le Thiou.

74. Barfelly (M.), Description d’Annecy et de quelques autres lieux de l’apanage de Genevois au XVIIe siècle. Éd. : Gardet

et Garin, 1942, édition d’un manuscrit qui aurait été écrit par Maurice Barfelly décrivant les principales localités du Genevois vers 1635, p. 2.

75. Regotoyer : redistribuer des tuiles déjà en place sur un toit pour éviter les infiltrations.. 76. ADS C 89 : le 31 mars 1738

6 - Les résultats de l’étude archéologique I

Cour des prisons Cour du palais Le Thiou l'I sle de Passage Le Thiou N XVIIIe s. État VI - phase 2 0 5m

ill. 27. Palais de justice, décennie 1750 - Plan - État IV - phase 2 - (éch. 1/300).

Cour des prisons Cour du palais Le Thiou l'I sle de Passage Le Thiou N XVIIIe s. État VI - phase 2 0 5m

Cour des prisons Cour du palais Le Thiou l'I sle de Passage Le Thiou N XVIIIe s. État VI - phase 2 0 5m S N 0 5m XVIIIe s. État IV - phase 2 E W Le Thiou 0 5m XVIIIe s. État IV - phase 2

ill. 29. Palais de justice, décennie 1750 - Corps de bâtiment SUD -

Mur SUD (UM2) - État IV - phase 2 - (éch. 1/300).

ill. 28. Palais de justice, décennie 1750 - Chapelle - Mur

» Les murs de la cour (UM17, 18) et celui de la chapelle (UC19.1)

Les deux murs de la cour des prisons (UC18.3, 17.1) ont été construits entre la chapelle et le Palais

(ill. 27 - fig. 66 à 70). Le mur nord (UC18.3) est lié avec la tour des latrines (UC18.2). Cette liaison

a entrainé le démontage d’une partie de sa chaîne d’angle (fig. 53). Le même mode opératoire a été suivi avec l’extrémité ouest de la chapelle. Ces nouvelles chaînes d’angle sont caractérisées par une maçonnerie de blocage disposées pêle-mêle dans une charge importante de mortier (UC18.2). À l’in- verse, (fig. 15) le mur sud (UC17.2) a été bâti entre les deux élévations préexistantes sans assurer de liaison entre les murs. En dépit de cette différence, les deux murs de la cour présentent le même type de construction. Ils ont été élevés en grand appareil de calcaire blanc dont les faces gardent des traces de pic et des ciselures relevées. Les assises sont régulières et mesurent entre 32 et 54 cm, les plus hautes se trouvent dans les niveaux inférieurs. Les modules de pierre sont compris entre 25 cm à 106 cm de long. Cette maçonnerie en grand appareil caractérise les travaux engagés dans les années 1750-1760. Ce mode de construction, en rupture avec les maçonneries précédentes en blocage, apparaît comme un

choix constructif clairement précisé dans le contrat du 1er juin 1758 et repris le 12 mai 175977. Il est fait

mention de rétablir les murs en « carreaux et boutisses de roc taillées (…) de [huit] pieds au-dessus du pavé de ladite cour et de continuer sur la hauteur d’autres huit pieds en gros moellons de roc épincés ». Le projet prévoyait de reconstruire les deux murs de la cour sur environ 5,42 m de haut. Ils s’éle- vaient donc plus haut que ceux que l’on connait aujourd’hui. Seule, la maçonnerie inférieure en pierre de taille a été conservée lors des travaux de restauration conduits par Charles Suisse en 1900. Plusieurs sources iconographiques donnent une idée de la disposition de ces deux grands murs autour de la cour

(fig. 2, 4 et 71).

Les contrats de travaux nous apprennent aussi que le mur ouest de la chapelle intégrait le projet des murs latéraux de la cour qui « doivent être rebâtis tous à la même hauteur pour que les déte-

nus ne tentent pas de se sauver78 » (ill. 29 et fig. 72). L’étude montre, en effet, que le mur ouest

(UC19.1) de la chapelle présente les mêmes caractéristiques que ceux de la cour. Le même type d’appareil mis en œuvre avec le même mortier se développe sur 4,35 m de haut (447,90-452,25 m NGF). Toutefois, l’absence de liaisonnement du mur de la chapelle avec ceux de la cour laisse

à penser que la réalisation de ces derniers a devancé celle de la façade d’entrée du lieu de culte79.

Le contrat révèle aussi que les maçons ont été tenus de démolir les anciens murs « jusques à l’en- contre des assises de roc taillées qui paraissent en fondations pratiquant à cet effet les batardeaux

et pompements d’eau nécessaires à atteindre le solide des mêmes fondations80 ».

Le choix de la pierre de taille dans les reconstructions du Palais apparaît comme une solution pour lutter contre l’évasion des détenus, qui démolissent les vieilles maçonneries faites « de petits moellons et d’un très mauvais mortier sans consistance solide ». Des travaux sont ainsi également conduits pour refaire les trois voûtes des cachots et celles des corridors et des parements intérieurs « pour la parfaite sûreté des détenus l’on ne saurait se dispenser de continuer à les rétablir par por-

tions en carreaux et boutisses de roc sans moellons brutes81 ». La pierre de taille est également le

matériau choisi pour la reconstruction du mur longeant le Thiou du corps de bâtiment sud.

77. ADS C 101 : le 1 juin 1758 et ADS C 102 : le 12 mai 1759. 78. ADS C 102 : le 12 mai 1759.

79. La reconstruction du mur de la chapelle a entrainé de « Refaire à neuf d’ardoises le toit de la chapelle, la charpente est encore de bon service, il ne manquera que les pannes sablières qu’on placera à double l’un contre l’autre et quelques chevrons » 80. ADS C 101, le 1 juin 1758.

6 - Les résultats de l’étude archéologique I

» Le mur longeant le Thiou du bâtiment SUD (UC2.1, 2.2, 2.4)

Le mur longeant le Thiou du corps de bâtiment sud figure également comme ayant été démolis,

et reconstruit à neuf sur le plan des travaux dressé 1760 (ill. 29 et fig. 14-15). Si cette indication

donne la période de chantier, l’étude archéologique apporte un lot d’informations sur la réalité des travaux exécutés (UC2.1, 2.2, 2.4).

Le mur gouttereau du corps de bâtiment sud a été reconstruit sur pratiquement toute sa surface 12,50 m de haut (446,50 et 458,90 m NGF) par 17,65 m de long. L’étude montre qu’une partie des élévations préexistantes ont été conservées au niveau des soubassement et en élévation, à l’ouest (UC2.16), mais surtout à l’est (UC2.6). Côté ouest, le mur se terminait par une extrémité harpée. Ce dispositif d’attente laissé à l’extrémité du mur sud (UC2.16) a certainement eu pour objet d’as- surer sa liaison avec le mur ouest du bâtiment dont le plan de 1760 indique qu’il sera à démolir, et à reconstruire (en rouge) (fig. 4).

Le mur sud a été érigé en trois pans successifs de manière à s’adapter à la forme courbe de l’île. Il est ainsi marqué par de légères arêtes verticales qui se développent sur toute la hauteur du mur. Dans la moitié inférieure du mur, les modules de pierre ont été exécutés dans un calcaire blanc. Dans la moitié supérieure, ils sont essentiellement réalisés dans un calcaire orangé. La transition entre ces deux calcaire forme une suite de limites horizontales (450,25 m, 451,50 m et 453,70 m NGF). Ce changement dans l’approvisionnement, en cours de chantier, n’a pas eu d’incidence sur le façon- nage des modules de pierres. Ces dernières présentent systématiquement en parement des traces de pic et parfois des ciselures relevées. Un trou de louve ponctue la partie centrale de nombreux blocs situés dans la partie basse du mur. Ces creusements qui permettent d’assurer une prise à une machine de chantier, ne concernent que certains modules. Il s’agit peut-être de réemplois, ce qui ne serait pas surprenant. Le principe s’observe ailleurs sur l’élévation. Le piédroit orné de la baie (UC2.4) a été réutilisé dans la construction du mur et la corniche installée en couronnement est

caractéristique de celles placées sur les élévations du XVIe siècle (État III - phases 2 à 5). Entre les

éléments réemployés ou les pierres de taille, on trouve entre les joints de pose de petites cales de tuiles, de briques ou de bois. Ce procédé de construction apparaît plus fréquent dans le montage des piédroits, des appuis et des linteaux des baies. Les fenêtres sont contemporaines de la construc- tion du mur, même si certains encadrements ont fait l’objet de reprises (B15, 199, 24, 27). Réalisées en calcaires blancs, elles présentent des traces de boucharde et des ciselures relevées qui les sin- gularisent du parement en pierres de taille, dressé au pic. Cette différence de traitement suggère que les éléments des fenêtres ont été spécifiquement produits pour la construction du mur et, par conséquent, que les pierres de taille sont bien des remplois.

Après les travaux de la décennie 1750 sur les murs de la cour, la chapelle et le mur du bâtiment sud, le procès-verbal du 12 mai 1759 indique qu’ « il ne restera plus qu’à restaurer un mur de refend vers la salle d’audience […] et les trois murs de façade visant le palais qui se trouvent par- semés de plusieurs fentes d’haut en bas ce que pour réparer il le faudrait démolir et reconstruire

à neuf tant est mauvais leur construction82 ». Toutefois, le texte précise que rien ne presse, il est

prévu d’attendre deux ou trois ans avant de débuter le chantier, car la sécurité des lieux n’est pas compromise et ces travaux de reconstruction coûteront fort cher.