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Les 3 méthodes sont décrites en détail dans la Figure I – 5

III. Peut-on s’affranchir des limitations enzymatiques?

Plusieurs solutions sont envisageables pour obtenir la séquence authentique malgré les dégradations de l’ADN.

III.1 Fragmentation

Il est parfois possible d’obtenir la séquence cible malgré la fragmentation des molécules. Pour cela, de nombreuses réactions de PCR indépendantes doivent être réalisées. Les produits de PCR sont ensuite séquencés et alignés. Des fragments se superposent partiellement, et on peut ainsi remonter de proche en proche à la séquence authentique (Paabo, Poinar et al. 2004). La comparaison systématique de toutes les séquences obtenues permet de juger de la fidélité de la réaction de PCR quant à l’incorporation correcte des nucléotides malgré les lésions.

On notera qu’il est nécessaire d’obtenir une amplification, même d’efficacité très faible, pour pouvoir appliquer cette méthode, sans garantie de résultats cependant. La présence de lésions bloquantes dans le substrat initial peut empêcher toute amplification.

III.2 Crosslinks

Il est possible de briser certains crosslinks en traitant l’échantillon avec du

N-phenacylthiazolium bromide, un réactif clivant les sucres et produits dérivés de la réaction

de Maillard (Vasan, Zhang et al. 1996). Ainsi, des restes anciens n’ayant pas donné de résultats positifs d’amplification jusqu’alors ont pu être amplifiés, comme des os de l’homme de Néandertal Homo neanderthalensis datés de 42 ka (Krings, Capelli et al. 2000) ou des coprolithes datés de 20 ka (Poinar, Hofreiter et al. 1998). Le mécanisme de cette réaction de clivage n’est pas encore totalement élucidé (Willerslev et Cooper, 2005). Cette méthode, bien qu’efficace, ne peut être utilisée qu’a priori sur des échantillons d’ADN dont on n’obtient pas d’amplification. Il n’y a aucune garantie que les lésions bloquant l’amplification soient effectivement des crosslinks, et qui plus est, que ces crosslinks ne soient pas dus à des

protéines ou des acides gras.

III.3 Réparation enzymatique de l’ADN

Les cellules vivantes possèdent une armée d’enzymes dédiées à la réparation de l’ADN. Certains processus de réparation enzymatique ont pu être appliqués à des molécules d’ADN ancien, afin d’en améliorer la qualité avant d’effectuer des PCR.

Réparation par pré-amplification

Golenberg et al. (1996) ont démontré qu’il était possible d’améliorer les résultats de PCR en pré-traitant l’ADN par « polymérisation reconstructive ». En l’absence de primers spécifiques, l’ajout de Taq-polymérase pourra compléter les molécules dégradées (Figure I-8).

Figure I-8: Reconstruction enzymatique par polymérisation a)par action d’ADN

polymérase uniquement, b) par action de ligase uniquement, ou c) par action conjointe des 2 enzymes. (d’après Pusch et al., 1996 ; Di Bernardo et al., 2002).

Imitant ce principe, une autre méthode de restauration d’ADN dégradé a été mise au point afin de compléter les morceaux d’ADN manquant liés à la perte de bases et aux coupures simple-brin subies par les acides nucléiques. L’ADN-polymérase E. coli I remplit les « trous » et une ligase est utilisée pour fermer les coupures simple-brin (Pusch, Giddings et al. 1998; Di

Bernardo, Del Gaudio et al. 2002). Cette méthode de réparation a par exemple permis l’amplification avec succès d’ADN d’os d’équidés de Pompéi datés de 79 A.D. (Pusch et al., 1996), augmentant le taux de succès de 22 à 80 %.

Mitchell et al. (2005) proposent de faire agir d’autres enzymes comme l’oxyganine glycosylase ou l’uracile glycosylase en complément de cette restauration afin d’extraire certaines bases modifiées.

Redrejo et al. (2011)proposent récemment d’appliquer à l’ADN ancien une voie de réparation d’ADN utilisée dans les cellules vivantes, afin d’exciser les hydantoïnes et les pyrimidines oxydées avant réparation. Le chemin BER (Base Excision Repair) repose sur l’excision de la base modifiée, reconnue par une ADN-glycosylase, suivie par le remplissage du site abasique formé.

! Elimination des erreurs liées aux Cytosine désaminées

Deux stratégies sont appliquées afin de supprimer l’Uracile dans les molécules d’ADN ancien. D’une part, des polymérases incapables de traiter les Uraciles, comme la polymérase Phusion®, ont été utilisées avec succès par Rasmussen et al. (2010) pour le séquençage d’ADN d’Homo sapiens ancien à partir de mèches de cheveux de paléo-esquimaux. L’utilisation de ces enzymes limite l’accès aux molécules ou aux parties de molécules ne contenant pas d’Uracile.

D’autre part, les résidus Uracile peuvent être retirés des molécules dégradées. L’Uracile-N-glycosylase (UNG) est capable de reconnaître et cliver les Uraciles d’une molécule d’ADN, laissant des sites abasiques. Cette propriété a été mise à profit afin d’éliminer les produits de désaminations des Cytosines, notamment par Hofreiter et al. (2001) et Gilbert et al. (2003). Elle permet de réduire les artéfacts causés par la présence d’Uracile dans les séquences d’ADN ancien. Cependant, cette approche crée des sites abasiques, lésions bloquant la PCR, et on obtient donc des séquences dépourvues des erreurs dues à la présence d’Uracile, mais

plus courtes ou en moins grande quantité à cause de la présence de site abasique. L’UNG n’est donc pas utilisée systématiquement dans l’analyse d’ADN ancien, car elle risque de rendre l’ADN non-amplifiable par PCR et donc non-détectable.

D’autres enzymes impliquées dans les systèmes de réparation intracellulaire peuvent être utilisées, notamment les endonucléases. Chez E. coli par exemple, l’endonucléase IV reconnaît les sites abasiques et clive la molécule d’ADN du côté 5’ du site abasique (Haring, Rudiger et al. 1994). Briggs et al. ont utilisé conjointement l’UNG et l’endonucléase VIII afin d’éliminer les Uraciles tout en réparant les sites abasiques résultant de l’action de l’UNG (Briggs, Stenzel et al. 2010). L’endonucléase VIII clive les molécules d’ADN des 2 côtés des sites abasiques formés (Figure I-9).

Figure I-9 : Exemple de réparation d’ADN par action conjointe de 2 enzymes,

l’uracile-N-glycosylase et l’endonucléase VIII (d’après Briggs et al, 2010). a) Après phosphorylation des extrémités 5’ par l’enzyme T4 PNK phosphorylase, Les résidus Uracile sont clivés par l’Uracile-N-Glycosylase ; b) L’endonucléase VIII coupe la molécule d’ADN de chaque côté du site abasique résultant ; c) la PNK clive les éventuels groupes phosphate en 3’, permettant à la T4 polymérase de remplir les trous. Les adaptateurs nécessaires au séquençage par 454 seront par la suite liés par ligase.

Avant de débuter une procédure de réparation d’ADN, il est possible d’évaluer le taux de lésions d’un échantillon, soit en prenant en compte les conditions de préservation comme son âge thermique (Molak and Ho 2011), soit en réalisant une première série de PCR/séquençage

sur l’échantillon. Si un amplicon est obtenu, un programme de bioinformatique tel que mapDamage (Ginolhac, Rasmussen et al. 2011) reconnaît les « patterns » de dégradation de l’ADN, tels que la fragmentation, les mis-incorporations. Cela permet de juger de l’authenticité des séquences obtenues, ainsi que de la quantité et du type de dommages. On peut ainsi orienter les réparations de l’ADN à réaliser. Cependant, cela n’est réalisable que sur de l’ADN que les polymérases ont pu amplifier, c’est à dire ne contenant que des lésions non-bloquantes.

La connaissance limitée des chemins de dégradation des acides nucléiques rend très difficile les prédictions quant au contenu d’un échantillon, tant au niveau de la qualité que de la quantité d’ADN. Pour optimiser les chances de réparation de l’ADN, il faudrait idéalement lancer toutes les procédures de réparation. Or des échantillons peuvent ne pas contenir d’ADN. Beaucoup de temps et d’argent sont donc parfois dépensés sans toutefois obtenir au final de résultat probant.

III.4 De nouvelles enzymes plus performantes

La réparation de l’ADN reste à ce jour compliquée et peu utile si la molécule à réparer n’est pas « lisible » par les polymérases. Cela a suscité l’émergence de nouvelles enzymes chimériques, plus performantes (Shapiro 2008).

McDonald et al. (2006) ont identifié une nouvelle famille de polymérases, « Y-family polymerase » qui peuvent traiter une grande variété de lésions de l’ADN. Mais si l’efficacité d’amplification augmente, ces enzymes sont significativement moins fidèle au substrat initial que ne le sont les polymérases classiques de la famille A (Shapiro 2008).

De nouvelles polymérases, capables de traiter des molécules contenant des sites abasiques et des hydantoïnes, ont également été développées en se basant sur les gènes codant pour la Taq-polymérase (d'Abbadie, Holliger et al. 2007; Gloeckner, Sauter et al. 2007). Ces enzymes sont effectivement plus efficaces que celles classiquement utilisées en PCR pour certains

échantillons, mais cette hausse d’efficacité n’est pas garantie, notamment lors de l’étude d’ADN ancien (Heyn et al., 2010). De plus, la fidélité de ces enzymes par rapport au substrat initial n’est pas optimale, ces enzymes ont tendance à incorporer préférentiellement de l’Adénine en face des lésions, ce qui augmente les incertitudes dans les séquences obtenues (Shapiro, 2008 ; Heyn et al., 2010).

Ainsi ni la réparation enzymatique ni le développement d’enzymes plus performantes ne règlent totalement les problèmes intrinsèques à l’utilisation d’enzymes. Il est donc souhaitable de disposer d’une méthode de détection non-enzymatique, permettant de connaître rapidement le contenu d’un échantillon avant de se lancer dans les procédures complexes de la réparation et de l’amplification.