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Les 3 méthodes sont décrites en détail dans la Figure I – 5

IV. Nécessité d’une méthode non-enzymatique de détection d’ADN

IV.1 Bases du SE(R)RS .1 Effet Raman .1 Effet Raman

L’effet Raman, ou diffusion Raman (Raman scattering), a été découvert en 1928 par Chandrashekhara Venkata Râman (Raman and Krishnan 1928). Reposant sur la diffusion inélastique de la lumière, la spectroscopie Raman est une spectroscopie vibrationnelle, au même titre que la spectroscopie Infrarouge. Rapide et non-destructrice, la spectroscopie Raman permet de caractériser la structure et la composition moléculaire des matériaux analysés (Vo-Dinh, Stokes et al. 1999). Elle est utilisée dans des domaines variés, que ce soit pour la recherche fondamentale (e.g. (Griffith 1969; Picard, Daniel et al. 2007) la médecine (Kneipp, Kneipp et al. 1999), la médecine légale (Ali, Edwards et al. 2008) ou la pharmacie (Vankeirsbilck, Vercauteren et al. 2002).

Lors de l’interaction entre un faisceau lumineux incident et la matière, la majorité des photons diffusés sont de même fréquence que la lumière incidente ; ils ont subi une diffusion élastique, appelée diffusion Rayleigh (Figure I- 10). Une très faible proportion du faisceau incident, moins d’un millionième de son intensité, gagne ou perd de l’énergie. Cela traduit un processus de diffusion inélastique de la lumière par l’échantillon : c’est l’effet Raman.

Les raies Raman ayant perdu de l’énergie par rapport à la radiation incidente sont appelées raies Stokes, décalées vers les longueurs d’ondes rouges de plus faible énergie. Les raies Raman ayant gagné de l’énergie sont les raies Anti-Stokes, décalées vers les longueurs d’onde bleues de plus forte énergie. La diffusion Raman Anti-Stokes est plus faible que la diffusion Raman Stokes, et on étudie donc généralement les raies Stokes, de plus grande intensité. La différence d'énergie entre l'énergie incidente et l'énergie réémise signe une vibration interatomique dont la fréquence n'est pas dépendante de la longueur d'onde de la lumière incidente mais de la nature de la liaison interatomique visée.

IV.1.2 Exhaltation de surface : effet SERS

Le signal Raman est très faible, mais son intensité peut être augmentée de 6 ordres de grandeur si le composé d'intérêt est adsorbé sur une surface métallique rugueuse (e.g. (Graham, Smith et al. 1997; Vo-Dinh, Stokes et al. 1999; Maher, Etchegoin et al. 2002; Otto 2005; Howes, Scatragli et al. 2006). Cet effet d’amplification de surface constitue l’effet

SERS (Surface-Enhanced Raman Scattering) observé pour la première fois en 1974 lors de

l’étude de l’adsorption de la pyridine sur une électrode d’argent (Fleischm.M, Hendra et al. 1974). L’amplification du signal est du à un effet électromagnétique majoritaire, et à un effet électrochimique moins bien compris à ce jour.

L’effet électromagnétique est lié à une amplification locale du champ électrique au niveau de la surface métallique (Moskovits 1985; Moskovits 2005; Stiles, Dieringer et al. 2008; Halvorson and Vikesland 2010).

Figure I - 11 : Amplification du champ électromagnétique en surface de nanoparticules

métalliques de formes variées sous l’excitation par l’onde électromagnétique E. L’intensité attendue des spectres SERS est également représentée (Halvorson et al., 2010)

Cette amplification du champ électrique est principalement liée à la géométrie de la surface métallique : des régions de haute amplification, appelés points chauds, se constituent localement sous l’effet de l’excitation par une onde électromagnétique (Figure I – 11 i). Cet effet de pointe est parfois appelé « lightning rod ». La position de ces points chauds en surface des particules dépend de la forme et de la taille des particules, mais également de leur orientation par rapport à l’onde incidente. On observe également un très fort champ électromagnétique entre 2 particules très proches. L’amplification du champ magnétique est un phénomène local, et l’intensité du champ décroit très rapidement lorsque l’on s’éloigne de la surface.

A l’effet d’antenne ou de pointe décrit ci-dessus s’ajoute l’excitation par l’onde électromagnétique des plasmons de surface, oscillation des électrons de valence due au champ magnétique (e.g. Stiles et al., 2008 ; Moskovits 2005). Si la fréquence d’oscillation des plasmons dipolaires est en résonance avec la fréquence de la lumière incidente, le champ électromagnétique local au niveau de la surface métallique est amplifié. Il est important que la taille des nanostructures de la surface métallique soit inférieure à la longueur d’onde de la lumière incidente (Moskovits, 1985 et 2005). Si les nanostructures sont trop petites, leur conductivité est moindre et il n’y a pas de résonance de plasmon dipolaire. Si les

nanostructures sont trop grosses, les plasmons multipolaires sont principalement excités mais

ils induisent une amplification bien moindre (Moskovits 2005). La résonance du plasmon

dipolaire de surface dans le cas d’une particule métallique sphérique est représentée en Figure I- 12.

Figure I- 12 : Résonance du plasmon dipolaire de surface (extrait de Stiles et al., 2008).

Les systèmes actifs en SERS fonctionnent généralement sur des particules / rugosités de tailles comprises entre 5 et 100 nm (Moskovits, 2005).

L’effet électrochimique induit une amplification plus faible que l’effet électromagnétique. Il naît des interactions électroniques entre la molécule adsorbée et le métal (Moskovits 1985 ; Vo-Dinh et al., 1999, Maher et al., 2002; Moskovits 2005 ; Otto et al. 2005 ; Stiles et al., 2008). Un complexe à transfert de charges se formerait entre les molécules adsorbées et la surface métallique. L’effet électrochimique n’est pas encore totalement élucidé, mais il pourrait expliquer que certaines molécules bénéficient d’une amplification SERS plus intense que d’autres.

IV.1.3 Résonance

Il est possible d'obtenir une amplification encore plus importante du signal, allant jusqu'à 14 ordres de grandeur (e.g. Maher et al.,2002) si la longueur d'onde d'excitation est suffisamment proche de la longueur d’onde d'absorption maximale de l’analyte qui entre alors en résonance (Graham, Smith et al. 1997; Graham, Mallinder et al. 2000; Faulds, Barbagallo et al. 2004;

Faulds, Graham et al. 2004). Cet effet est appelé SERRS (Surface Enhanced Resonant Raman Scaterring) et permet de travailler à de très faibles concentrations et dans certains cas sur une molécule unique (review par Kneipp 2008). L’effet de la résonance et donc la différence entre SERS et SERRS est illustré dans la Figure I – 13.

Figure I – 13 : Spectres SERS d’un mélange d’adénine et de riboflavine, acquis avec une

longueur d’onde d’excitation de 785 et 532 nm (Smith-Palmer, Douglas et al. 2010).

Un mélange d’adénine et de riboflavine est analysé par SERS avec deux longueurs d’ondes

d’excitation différentes, 785 et 532 nm. Pour λ0 = 785 nm, le spectre SERS est dominé par le

signal de l’adénine caractérisée notamment par un pic centré à 735 cm-1. Quand λ0 = 532 nm,

la riboflavine bénéficie de l’effet de résonance et domine le spectre Raman. Le signal SERRS

de la riboflavine est caractérisé par des pics très intenses notamment à 1590 et 1450 cm-1. La

contribution de l’adénine au signal est négligeable.

Dans la littérature, la distinction SERS vs SERRS n’est pas toujours utilisée. Par exemple, Nie et Emory (1997) rapportent la détection d’une molécule de Rhodamine 6G (R6G) en SERS avec une longueur d’onde d’excitation de 514.5 nm très proche de la longueur d’onde d’absorption maximale de la R6G de 524 nm (Graham and Faulds 2008). La R6G est donc en résonance lors de la mesure, et l’amplification du signal Raman correspond à un effet SERRS. Les mesures réalisées au cours de mon travail de thèse ont été effectuées spécifiquement dans

des conditions d’amplification de surface résonante afin d’obtenir le signal le plus intense possible.

IV.1.4 Substrats SERS

Toute surface métallique peut donner lieu à une amplification SERS, mais tous les métaux n’offrent pas les mêmes performances. Plus le métal est conducteur, plus l’amplification sera grande. Ainsi, les métaux alcalins, l’or et l’argent sont les meilleurs candidats, suivis par l’aluminium et le cuivre (Moskovits 2005; Rycenga, Cobley et al. 2011). Si l’or est parfaitement biocompatible, l’argent offre une meilleure amplification, et est environ 10 fois moins cher (Rycenga et al., 2011). On tendra donc à choisir l’argent.

Les substrats SERS doivent présenter une surface nanostructurée de forme et de taille appropriée et contrôlée. Le principal défi consiste donc à obtenir des surfaces reproductibles. Des balbutiements de la méthode à aujourd’hui, de nombreuses solutions ont émergé grâce aux avancées des nanotechnologies donnant lieu à l’obtention de surfaces nanostructurées maitrisées. La gamme de substrats SERS a ainsi été élargie (Moskovits 1985; Vo-Dinh, Stokes et al. 1999; Banholzer, Millstone et al. 2008; Stiles, Dieringer et al. 2008). Un résumé des substrats SERRS les plus utilisés est présenté en Figure I - 14.

Plusieurs méthodes sont utilisées pour obtenir des surfaces rugueuses. Des films métalliques peuvent être déposés sur une lame de verre, formant ainsi des petits îlots de métal de 5 à 20 nm (Moskovits 1985; Fan, Andrade et al. 2011). Pour obtenir des nanostructures plus régulières et maitrisées, on utilise la lithographie sur nanosphères (Figure I-14) (Haynes and Van Duyne 2001). Des nanobilles de polymères sont déposées sur un substrat (une lame de verre par exemple) puis du métal est déposé sur ce réseau hexagonal de billes, soit dans les espaces intersphériques afin de créer des triangles (15-100 nm), soit par-dessus les sphères en un tapis de 200 nm (Haynes et Van Duyne, 2001 ; Stiles 2008).

Figure I - 14 : Principaux types de surfaces actives pour le SERS (D’après Vo-Dinh et al,

1999, Stiles et al., 2008 ; Shanmukh et al., 2006 ; Wang et al., 2007 ; Banholzer et al, 2008)

On a aussi pu voir émerger des réseaux de pointes métalliques (Figure I-14) (Shanmukh, Jones et al. 2006; Wang, Pile et al. 2007). Des substrat actifs en SERS peuvent aussi être déposés à l’intérieur de fibres optiques, créant ainsi un nouveau type de capteur (Stokes and Vo-Dinh 2000).

Les surfaces actives en SERS peuvent également se présenter sous une forme de suspension colloïdale (Creighton, Blatchford et al. 1979; Lee and Meisel 1982; Vo-Dinh, Stokes et al. 1999; Littleford, Dent et al. 2004). Différentes formes de particules peuvent être obtenues (voir rev. par Rycenga et al., 2011). Zhang et al. (2010) réussissent par exemple à synthétiser des nanocubes d’argent, dont la taille influence la réponse spectrale des colloïdes ; plus le cube est grand plus l’amplification est forte (Figure I-15).

Figure I-15 : Spectres SERS de la molécule 1,4-Benzènedithiol obtenus avec des

nano-cubes d’argent avec des tailles différentes de 57, 82, 125, 170 nm respectivement de bas en haut (d’après Zhang et al, 2010).

Les colloïdes d’argent les plus utilisés sont de type Creighton (Creighton, 1979) ou de type Lee & Meisel (Lee et Meisel, 1982), et présentent des particules sphériques ou pseudo-sphériques (Figure I-16).

Figure I-16 : Image en microscopie électronique à transmission d’un colloïde d’argent

synthétisé par la méthode de Lee et Meisel (1982). La réponse spectrale de ce colloïde est également représentée.

Ces suspensions colloïdales sont faciles à synthétiser par réduction de nitrate d’argent et sont peu onéreuses. De plus, ce substrat SERS a jusqu’à présent montré la meilleure amplification du signal (Strelau, Kretschmer et al. 2010). C’est donc le substrat le plus utilisé (Faulds, Graham et al. 2004; Chourpa, Lei et al. 2008; Cialla, Marz et al. 2012). Les particules d’un

colloïde peuvent s’agréger en « clusters » sous l’action d’agents agrégateurs par perturbation de la couche de solvatation des particules métalliques. Des « hot spots », ou sites très actifs, sont créés localement. Faulds et al. (2004) rapportent une amplification du signal par un facteur 6. Plusieurs composés peuvent servir d’agent agrégateur tels les sels NaCl, Na2SO4, ou des molécules organiques comme la spermine (Graham et al., 1997).