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La petite Danièle, ce prénom provient de l’hébreu « dân et el »qui signifie « juge et dieu » bien que très jeune, capricieuse et manipulatrice, la petite blonde aux tresses agit à son gré avec le narrateur et son père qui l’écoute. Cependant, elle a contribué à l’apprentissage du narrateur, ce genre de personnage a été déjà rencontré, sans nom, dans le premier et le deuxième roman de Mimouni, qui laisse penser que les françaises ont de l’autorité dès leur jeune âge.

Ces trois femmes françaises (la mère et ses deux filles) sont absolument maitresses de leur destin et leur vie ne tourne pas autour de celle de l’homme, qui n’est pas un point phare de leur existence. Bien qu’agissant sur les hommes : Mme Biget, en se donnant à Ali et plus tard aux militaires, Désirée tourmente par sa beauté et la petite Danièle fait marcher Tombéza et son père, ces femmes restent très autonomes et ont un pouvoir sur les hommes.

La période de la collaboration du narrateur avec l’autorité française est marquée par Malika et les autres femmes du village.

Malika

Malika, prénom d’origine arabe qui signifie celle qui possède, a effectivement possédé le cœur de Tombéza, tout ce qu’on sait d’elle c’est une femme-enfant issue d’une notable famille, concédée de force à Tombéza, ce

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dernier avait fait comprendre au père qu’il avait vu sortir de sa maison le maquisard recherché par l’armée. Après son sinistre mariage, Malika est laissée pour compte par sa famille. Craintive et rebutée par l’aspect de son mari, elle finit tant bien que mal, à force de patience, de persévérance et des encouragements de la part de la vieille Aïcha (prénom d’origine arabe qui signifie pleine de vitalité), par l’apprivoiser. Elle est jeune naïve et spontanée, elle tombera enceinte deux fois, mais ne put enfanter. Ses fausses-couches la vidèrent de son sang. Tombéza se fit stériliser, son sang incompatible à celui de Malika risquait de la tuer. Effectivement elle succomba, le mal étant déjà fait. C’est une innocente qui décède suite aux bonnes intentions de son mari qui représente le mal personnifié. « Cet oiseau pépiant » quitta la vie dans l’indifférence de sa famille qui n’a jamais su accepter les origines du gendre bâtard, ni pardonner à Malika son mariage, faute grave dont elle n’est même pas responsable. Tombéza n’évoquera plus Malika et il ne s’intéressera plus aux femmes, serait-elle celle qui l’aurait légèrement réconciliée avec les hommes ?

Les autres femmes du village subissent les exactions des Harkis. C’est la guerre, de tous les temps, les premières victimes sont les femmes qui sont abusées et violées au vu et au su de tout le monde. A la fin de la guerre, quelques hommes vengeront leurs femmes, les femmes flouées vont se venger et c’est du moins très compréhensible seulement, Tombéza emprisonné avec les Harkis, nous décrit une scène d’une incroyable violence où les femmes pire que les femelles défendant leurs petits, font preuve d’un cannibalisme primitif à l’encontre de leurs violeurs. Telles des bêtes sauvages arrachant à pleines dents, l’organe qui les a souillés, laissant leurs proies ensanglantées hurlant des affres de la douleur. Une scène surréaliste et déshumanisante digne d’un film d’horreur. Ce sont des femmes bestiales.

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Il y a également la vieille institutrice du village communiste et athée qui apprit à Tombéza à lire et à écrire mais aida aussi les maquisards en corrigeant leurs tracts. C’est la femme à principes.

D’autres femmes Françaises sont citées, celles-ci se démarquent par leur caractère volage et instable en poursuivant le beau capitaine de leurs assiduités.

La période de la présence de Tombéza à l’hôpital soit en tant que garçon de salle, soit en tant que malade, arborera des femmes travaillant à l’hôpital comme les femmes de salles et les infirmières mais aussi celles qui y séjournent en tant que malades.

Samira

Samira, c’est un nom d’origine arabe qui signifie « compagne de veillée », infirmière à l’hôpital, c’est en effet la fiancée et la compagne d’un infirmier qui n’arrive pas à trouver un toit pour les réunir, las d’attendre, ils vivent leur amour dans un coin de la salle des urgences par nuits calmes. Elle subit le poids de la précarité et l’indigence de l’honnête fonctionnaire ainsi que le fardeau des traditions d’une société à la dérive par sa mère qui ne cesse de critiquer son choix pour son fiancé sans le sou, au lieu du riche prétendant qui veut la prendre comme deuxième femme. C’est une victime d’une impossible conjoncture qui veut que la femme se vende au plus offrant.

Amria

Amria, c’est un prénom arabe qui fait référence à une tribu localisée dans la région de Sétif, c’est une femme sans âge de la même race que Tombéza que la vie a endurcie, c’est aussi une victime des circonstances et des hommes. Son père en premier qui l’abandonna pour aller en France après la mort de sa femme, son tuteur en second qui abusait d’elle en l’absence de sa femme et en dernière instance, pour survivre, elle a dû vendre son corps pour presque rien dans un

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tripot miteux. Elle continue à le faire pour arrondir les difficiles fins de mois d’une femme de salle à l’hôpital. C’est une femme parmi tant d’autres surexploitées par les hommes. Dans des trous à rats, pour un minable revenu, ces femmes à chair profuse et à âme absente subissent les tourments des laissés pour compte le temps de l’effet d’une infecte boisson alcoolisée. Ce sont les seules accessibles, les paysannes sont enfermées dès leur jeune âge, les citadines et les bourgeoises altières et fières ne font qu’échauffer les fantasmes des hommes. La précarité des conditions de vie des femmes les amène inlassablement à devenir une chair commercialisable. C’est la femme objet sexuel monayable.

Fatima

Fatima est la représentante d’une caste d’infirmière en voie de disparition, son nom en arabe signifiant la jeune chamelle, la chef de service de l’infectieux est une infatigable travailleuse, consciencieuse et blasée après vingt-ans de carrière. C’est Tombéza qui sera à l’origine de son licenciement fomenté par Amili. Car la brave femme avait dénoncé la faute de la soi-disant infirmière et amante d’Amili le redoutable chef du personnel. C’est une femme intègre qui n’use pas de son corps pour vivre, elle se fait quand même renvoyer, nul besoin de ses services et de sa compétence. Dans une société en dérive, le travail d’une honnête femme est superflu, on a juste besoin d’une femme à corps disponible.

Louisa

Louisa, nom issu du germain « hold et wig »qui signifie illustre et combattant, au Maghreb c’est le féminin de Louis en rapport avec la pièce d’or et Louiza dénote de la valeur de la pièce. C’est l’illustre, mais de peu de valeur, chef de service de la maternité, la quarantaine, belle et deux fois divorcée, aigrie, insensible, amère à souhait et venimeuse sans raisons, elle démontre une parfaite nonchalance dans son travail, indifférente et même insultante vis-à-vis des femmes qui viennent accoucher. C’est le canon d’une nouvelle caste

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d’infirmières qui brise certainement le mythe de l’infirmière ange terrestre. En effet, le roman abonde d’infirmières à l’éthique plus que douteuse, cela se traduit chez elles par de l’insouciance, à l’indisponibilité, au chapardage, à la grossièreté, à la violence et aux graves fautes professionnelles pour aboutir au meurtre c’est ce que suggère l’action de l’infirmière, en compagnie de Batoul à la fin du roman, venue voir Tombéza. Toutes les infirmières citées, à l’exception de Samira et de Fatima, gagnent à devenir des futures Louisa le démon terrestre sévissant dans les hôpitaux.

Dans le registre des femmes hospitalisées on retrouve :

Une femme insupportable avec tout ce qui porte une blouse blanche car son fils est gendarme, c’est l’ignorance mais aussi le comportement des infirmières avec les malades qui suscite pareille réaction.

La vieille femme abandonnée par son fils à l’hôpital comme on jette un objet usé qui ne sert à plus rien. Toute sa vie, elle s’est fatiguée à faire le ménage et à se donner au maître de la maison où elle travaillait, pour élever son fils, ce dernier, père à son tour de cinq garçons tous mariés n’a plus besoin d’elle. C’est un fardeau pour sa famille et il n y a que la mort pour soulager les siens de sa présence. C’est la femme objet usé inutile.

La jeune femme de vingt-trois ans qui attend sa fin, au service de l’infectieux, dans d’atroces douleurs après avoir chopé le tétanos, c’est une victime de l’abus de pouvoir du directeur de l’usine où elle travaillait, qui l’avait engrossée, également victime de la société qui ne pardonne rien aux femmes et surtout pas d’être une mère célibataire. Et enfin victime de son ignorance pour s’être fait avorter par de vieilles sorcières. C’est à croire qu’être une femme

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c’est déjà une tare et la moindre incartade, elle est placée sur le banc des accusés attendant l’ultime sentence.

La vieille femme souffrant de calcules biliaires est victime des rouages et des tracasseries d’une bureaucratie hégémonique infiltrant même le secteur vital de la santé, elle perd tout espoir de guérison.

Les paysannes qui viennent accoucher à la maternité de l’hôpital ne sont pas la première préoccupation de leurs maris qui se soucient plus du vêlage de leurs vaches. La maternité, lieu par excellence féminin où jaillit la vie, est une boucherie à chair et à sang humain, jonchée de détritus que jettent ces femelles débridées qui ont épuisé leur instinct maternel.

La belle jeune fille de dix-sept ans, cet être fragile délaissé par ses parents et que ronge une mystérieuse maladie paralysante, se fait violer par Aissa le borgne et succombe finalement à la mort. C’est à croire qu’on n’a aucun scrupule à trouver du plaisir avec une femme quel que soit son état, dut elle mourir !

La femme du préfet, un gros tas de graisse que le poste de son mari rend insupportable avec tout le monde mais surtout avec son chauffeur, elle le traite comme un moins que rien, c’est le genre de femmes qui se permet toutes les libertés, le poste qu’occupe son mari la rend intouchable.

D’autres femmes sont citées, dans cette période, qui sont en lien direct avec Brahim, infirmier à l’hôpital. D’abord, il ya sa femme qui se trouve loin de lui dans sa ville natale Jijel et qu’il ne voit que pendant les fêtes, le temps de lui faire un enfant. C’est l’équivalent d’un organe génital disponible chez soi, mère de ses enfants, elle constitue un semblant de famille. Et puis il y a les autres femmes de la ville qu’il lorgne pour passer le temps sortant d’un chic salon de

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coiffure, elles sont inaccessibles et objets de tous ses fantasmes. Il y a encore cette femme voilée qui se prostitue à la va-vite dans des bains, qu’il a rencontré au détour d’une ruelle. Elle c’est le déversement d’un trop plein de désir avec l’illusion d’un factice attachement. Il ya également Amria, l’experte des plaisirs charnels qui lui propose monts et merveilles pour une somme modique, les femmes de magazines pornographiques, glissée entre elles la photo de sa femme, pour les difficiles fins de mois. Enfin, il y a cette secrétaire hospitalisée qui s’amouracha du bon Brahim, là c’est l’amour de la patiente pour son infirmier. Brahim, loin de sa femme trouve du plaisir dans d’autres bras, a-t-il vraiment un point d’attache ? Les femmes en chair ou en papier qui peuplent sa vie ne sont pour lui qu’objet de plaisir.

Percevant les voix de deux infirmières qui échangeaient leurs impressions sur un mariage auquel elles avaient assisté, Tombéza nous façonne l’aspect mercantiliste des femmes dans le mariage, point de sentiments, il est question de bonne ou mauvaise affaire pour atteindre le statut de l’irréprochabilité et du respect dans la société ; celui de femme mariée, qu’elle fortifie en produisant chaque année un bébé.

Une autre vision des femmes nous parvient mais cette fois-ci, elle concerne les hommes prudents dans leur choix de leurs compagnes, qui s’évertuent à dénicher le parfait oiseau rare tant physiquement qu’intellectuellement. Là non plus, le choix est tributaire de qualités physiques et morales réunies que de liens affectifs.

La période où Tombéza est homme d’affaire et notable citoyen est marquée par les femmes suivantes :

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Dalila

Dalila, prénom coranique qui signifie guide et preuve, c’est le genre de femme belle, sure de ses charmes et tentatrice. Elle se retrouve voilée et mariée par son imam de père au simplet et muet Omar, très vite elle se débarrassa de lui et de sa belle-mère pour devenir la maitresse de Batoul, ce dernier convoitait la grande maison coloniale de Boukri et pourquoi pas agrémentée par l’ensorceleuse Dalila, celle-ci est le modèle de femme sans scrupules, sans foi ni loi qui n’a rien hérité ni appris des préceptes prêchés par son père. C’est une femme qui voue un culte à son corps et à l’attention des hommes que lui procure ce dernier.