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Les femmes dans Le printemps n’en sera que plus beau

Partie I. Un auteur, une œuvre et une pluralité de personnages

3. L’analyse des personnages

3.1. Les femmes dans Le printemps n’en sera que plus beau

Les événements de ce roman coïncident avec la guerre de libération, l’atmosphère est sinistre, c’est le ressenti de Hamid, perdu et tourmenté par l’absence de sa « gazelle » Djamila, qu’il recherche désespérément. L’ami de Hamid, Malek, a lui aussi une quête, d’une toute autre nature, comme son père, il milite pour les droits des siens. La quête respective de chacun les amènera à adhérer à l’organisation secrète. Hamid pour retrouver sa gazelle, l’agent Djamila et Malek pour défendre les siens. Les femmes nombreuses croisent le chemin de ces deux personnages, seule la belle Djamila aux yeux bleus canalisera leur attention et celle du lecteur. Les femmes du récit s’éparpilleront dans les deux camps qui s’opposent : algérien et français. Selon le schéma de Greimas, la construction narrative du récit se construit comme suit :

39 Baudelle Yves, Poétique des noms de personnages, Colloque international. Le personnage romanesque. 14, 15, 16 Avril 1994.Textes réunis par Gérard Lavergne. Cahiers de narratologie n°6 Université de Nice-Sophia Antipolis publications de la faculté des lettres, arts et sciences humaines. p.81.

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Figure 1Schéma actantiel de Greimas dans Le printemps n’en sera que plus beau

Dans ce premier schéma, Hamid sujet de sa quête, a pour objet moteur la vierge inaccessible, la belle Djamila. Pour adjuvants il n’a que des femmes, sa mère nourricière qui le sauva d’une mort incertaine, mais l’exploita très tôt pour fructifier ses petites affaires. Les autres jeunes femmes dont la fille du directeur qui le fit admettre à son école, Hassina l’hébergea chez elle et l’infirmière qui l’aida à s’enfuir de l’hôpital. Toutes ces jeunes femmes furent ses maitresses à un moment donné de son parcours. Du côté des opposants, il y a son indigne mère qui se débarrassa de lui à sa naissance. Bien que toutes les femmes liées à Hamid n’apparaissent pas dans ce schéma, le personnage femme est actant et a une place dans la construction narrative du récit qui est centré sur Hamid le troublé, qui est le héros concave non protagoniste.

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Figure 2Schéma actantiel de Greimas dans Le printemps n’en sera que plus beau

Dans le schéma 2 représentant la quête de Malek, l’autre personnage principal du récit. Les femmes moins nombreuses, sont plutôt opposantes, avec en premier lieu sa mère, celle-ci après la mort de son mari, perd sa raison de vivre et ignore Malek. Monique, quant à elle l’accusera de l’avoir violée, dès lors il sera emprisonné. Djamila devient son amie, puisqu’elle n’a d’yeux que pour Hamid, elle l’aidera en intégrant l’organisation secrète. Malek est héros convexe non protagoniste.

Le fait le plus important qui se dégage de ces schémas actanciels, c’est d’abord la présence de deux protagonistes masculins à quête différente. La question qui s’impose, pourquoi Djamila l’agent secret n’est-elle pas personnage principal ? Elle se retrouve l’objet de la quête du premier protagoniste Hamid, elle redeviendra adjuvant pour son fervent admirateur Malek. Et second étrange constat, c’est le fait que les mères se retrouvent opposants à la quête de leurs enfants.

Les femmes, dans ce roman, qu’elles soient algériennes ou françaises, ne s’accaparent la parole qu’occasionnellement dans de courts dialogues. Elles ne font que partager le sort des braves hommes de leur entourage. Comme les personnages masculins sont le moteur des événements du récit et que les femmes

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sont entrainées, de par leurs liens aux hommes, dans l’engrenage de l’histoire, elles seront exposées successivement en rapport avec l’importance du protagoniste homme.

Djamila

Djamila, prénom d’origine arabe qui signifie belle, en effet cette belle « gazelle » aux yeux bleus, est l’amour absolu de Hamid et sa fiancée. Tout au long du roman, Hamid ne fait que la chercher encore et encore. Il n’intègre l’organisation secrète que pour la retrouver. Hamid en quête d’un inaccessible idéal, voit en Djamila cette innocente vierge. Il quittera tour à tour toutes les femmes qui se sont données à lui. Djamila insensible aux attentes de Malek, deviendra son amie et il l’intègrera dans l’organisation secrète. Si Hassan, chef de l’organisation, l’aimera comme sa fille, mais n’hésitera pas à donner l’ordre de l’éliminer pour la sauvegarde de l’organisation. Djamila est cette mystérieuse « louve » qui fascina le capitaine français, qui la fit suivre et fit des recherches sur son passé.

Djamila la belle et jeune étudiante en histoire est agent secret dans l’organisation. Elle est la fille du chef d’une grande tribu, tué par les soldats français le jour même de sa naissance. L’enfant est maudit, on veut le tuer mais sa mère s’enfuit avec elle, la sauvant d’une mort certaine. Elle l’éleva à l’abri des regards. Adulte, Djamila prit son envol et l’amour de Hamid la réveilla de son long sommeil.

Djamila est un personnage très présent dans le roman, mais il n’a aucune volonté exprimable, sauf peut-être son amour pour Hamid qui fut une révélation pour elle, lors de leur rencontre. Elle n’a pas de quête et sa conduite est motivée par son entourage majoritairement masculin, la chose qu’elle fait le mieux est de disparaitre, ce qui a perturbé énormément Hamid et a causé son internement en psychiatrie.

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Le personnage Djamila, jeune militante, évoque étrangement les Djamila Bouhired, Djamila Bouazza et Djamila Boupacha. Serait-ce un hommage à ces figures historiques de la révolution algérienne ? Malheureusement, on peut le dire, elles n’ont de ressemblant que leur prénom et pour certaines leur destin puisqu’elle meurt aux cotés de Hamid en martyr, criblée de balles. Selon la typologie de Jouve, elle n’est pas héroïne. Par contre Hamid, personnage peu remarquable aux aspirations exclusivement individuelles, répond au héros concave non protagoniste. Malek, personnage discret est héros convexe non protagoniste.