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Madame Omar

3.4. Les femmes dans Tombéza

Depuis le débarras d’un hôpital, qui fait aussi office de W-C, une conscience aigüe et omniprésente, le « je » d’un corps inerte, va se charger de nous relater les événements de ce récit qui se déroulent entre un cuisant présent et un amer passé. Le récit durera le temps que l’enquête prendra pour n’aboutir à rien. On transférera le narrateur du pavillon des notables de la ville au débarras et du débarras à son inéluctable fin.

Ce roman s’inscrit dans la forme privilégiée de Mimouni, à savoir la rétrospection, le narrateur, un dominant « je », qui prendra ultérieurement le nom de Tombéza, s’impose dès la première page en tant que voix du récit, il s’affirme tout au long du récit par son ubiquité, son omniscience mais surtout par son implication tant physique que morale dans le déroulement des événements. Parfois héros, parfois antihéros, égal à lui-même, ce commun des mortels poursuivra son chemin tant bien que mal aux côtés d’autres personnages qui croiseront sa route, seul fait notable c’est son don de devin. Il connait la vie des autres mais comprend la nature humaine dans tous ses états, balloté entre le mal et le bien. Il nous racontera son combat et celui d’autres personnages en lien direct avec lui ou pas, dans différents endroits et à différentes époques, cependant

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le roman élira domicile à l’hôpital, lieu d’une ineffable misère, monde singulièrement peuplé de femmes de tous bords, Tombéza plus perspicace racontera leurs vécus. Notre héros traversera cinq importantes périodes où sa quête changera à chaque fois, jusqu'à la cinquième où là, il n’a plus de quête, c’est la période de son immobilité, il ne peut ni bouger, ni parler mais très conscient il va nous raconter à nous lecteurs sa vie et la vie des personnes qui ont peuplés son univers. C’est la période de la narration des évènements qui l’ont amené à l’hôpital, univers des infirmières qui ont droit de vie ou de mort sur les patients. Donc il est pertinent de représenter quatre schémas actanciels de Greimas :

Période de son enfance :

Figure 5Schéma de Greimas dans Tombéza

Le narrateur « je », est destinataire, sujet et destinateur, sa quête c’est vivre, et c’est la mort de sa mère qui le lui a permis, Messaoud, chef de la famille, en tabassant la jeune fille violée a failli la tuer, Fatma sa grand-mère a essayé d’interrompre la grossesse de sa fille, ils sont tous deux les opposants à la survie du narrateur, après la naissance de l’enfant, elle l’a accessoirement alimenté, elle redevient adjuvant ainsi que Meriem, la voisine au mari évanescent, qui le nourrira en cachette.

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Période de son travail dans la ferme des Biget :

Figure 6Schéma de Greimas dans Tombéza

« Je » est toujours destinataire, sujet et destinateur, mais sa quête a changé c’est l’apprentissage du travail mais aussi celui de la langue française, le parlé et l’écrit. Ali le recrutera et la petite Danièle, unique personnage féminin représenté dans ce schéma, l’initiera à la lecture, en contre partie, elle voudra voir son sexe. Pour les autres membres de la famille des Biget, il est transparent.

76 Figure 7Schéma de Greimas dans Tombéza

« Je » a désormais une carte d’identité, il s’appelle Tombéza, sa première quête est d’avoir une place parmi les siens, il s’imposera en collaborant avec l’armée française. Son autre quête tout aussi importante, c’est d’être aimé par Malika, la vieille Aicha poussera Malika à accepter son mari cependant, toute la famille de son épouse les renieront. Tombéza voulait apprendre à lire et c’est le curé et la vieille institutrice qui l’aidèrent.

Période après l’indépendance à l’hôpital et après l’hôpital en tant qu’homme d’affaire

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Tombéza voulait avoir sa place dans la société citadine, cette fois-ci en ville. L’hôpital est son point de départ, Amili qui le recruta en tant qu’homme à tout faire dans le service de l’infectieux, et c’est grâce à Palino qu’il conquit le monde des affaires. C’est indiscutablement un monde d’hommes où aucune femme n’a sa place.

C’est le roman de Mimouni, le plus riche en personnages féminins, dans les quatre schémas proposés de Greimas, ne figure que quelques-unes d’entre elles, en lien direct avec Tombéza, tout simplement car le héros n’est qu’un fil conducteur de son propre destin, mais cela ne l’empêche pas de nous rapporter les histoires de certaines femmes dans chacune de ses périodes. Selon la typologie de V. Jouve, Tombéza est le héros narrateur qui focalise en grande partie l’attention sur sa personne, loin d’être parfait ni exemplaire, il est juste humain : c’est le héros concave protagoniste.

« Tombéza » est une remarquable fresque vivante de la société algérienne traversant différentes époques marquées par l’histoire. Les femmes largement représentées dans la société décrite, ne participent certes pas dans la construction narrative du texte, néanmoins, elles sont éminemment importantes pour la compréhension du sens. C’est un élément majeur de la famille et par conséquent de la société. Elles seront classées en fonction des quatre périodes de l’évolution du héros.

La période de son enfance, on retrouvera les femmes de son sang et de son douar : c’est une société paysanne, patriarcale régie par les traditions ancestrales. Les femmes qui y figurent sont :