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A.   Le tournant de 1801 51

3.   Les pertes d’œuvres 58

Au-delà de subir la ruine de ses différents ornements, l’église Saint-Roch éprouva d’irrémédiables pertes d’œuvres d’art qui l’agrémentaient à la veille de la Révolution.

Nous devons ici souligner que deux ensembles éditoriaux constituent des sources essentielles pour quiconque se penche sur la vie des œuvres lors de la période révolutionnaire. Il s’agit pour le premier des trois volumes des Archives du Musée des monuments français éditées entre 1883 et 1897245, et pour le second des douze éditions successives du catalogue de ce musée par son conservateur, Alexandre Lenoir, et dont la liste récapitulative se trouve en

241 Correspondance, un paroissien de Saint-Roch à Claude-Marie Marduel, Paris, 20 oct. 1808, A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

242 Correspondance, un paroissien de Saint-Roch à Claude-Marie Marduel, Paris, 17 mars 1809, A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

243 Correspondance, un paroissien de Saint-Roch à Claude-Marie Marduel, Paris, 20 oct. 1808, A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

244 Correspondance, un paroissien de Saint-Roch à Claude-Marie Marduel, Paris, 18 nivôse an XIII (8 janv. 1805), A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

245 MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS, Inventaire général des richesses d'art de la France. Archives du Musée des monuments français, 3 vol., Paris, E. Plon - Nourrit et Cie, 1883- 1897. Lorsque nous nous servons de ces ouvrages, nous choisissons d’indiquer l’abréviation AMMF, suivie du numéro de tome utilisé et du numéro de la pièce concernée.

[Doc. 12]246. Bien que l’étude des œuvres dans le musée des Monuments français ne fasse pas à priori partie de notre sujet, « Le mouvement – considérable et encore mal éclairci – des œuvres au sein de l’établissement est à lui seul une page de l’histoire du patrimoine national »247. C’est pourquoi nous avons choisi de dépouiller les différentes éditions du catalogue. Ceci nous permet d’une part de pallier l’inexactitude des auteurs lorsque ceux-ci attribuent à l’œuvre un numéro d’inventaire dudit musée sans en signifier l’édition du catalogue, et d’autre part de vérifier les informations quant aux dates d’entrée et de sortie des œuvres dudit musée.

Dans le cadre de cette étude portant sur les pertes de l’église, nous pouvons répartir ces œuvres en deux grands ensembles. D’une part les œuvres perdues à jamais [Doc. 13] et d’autre part des œuvres perdues pour Saint-Roch mais mises à la disposition d’autres lieux de conservation [Doc. 14].

L’analyse du premier ensemble nous permet de dissocier les œuvres en cinq sous-catégories. La première de ces sous-catégories est formée des œuvres dont nous savons qu’elles furent détruites au moment de la Révolution [Doc. 15]. Tel est le cas pour le Christ en croix de bois par Michel Anguier qui ornait le Calvaire et fut retrouvé entièrement brisé248, et les deux

anges adorateurs de Paul-Ambroise Slodtz qui encadraient le tabernacle de l’autel de la chapelle de la Communion249. Amédée Boinet250, de même que Jean Cousin251, avancent dans leurs études de l’église Saint-Roch que les deux anges de Slodtz échappèrent au vandalisme révolutionnaire et furent placés en 1845 sur le nouveau reliquaire de la chapelle de la Communion, avant de disparaître peu avant 1860. Quant à Jean-Pierre Babelon, il n’évoque pas le devenir de ces anges. Les archives nous démontrent que ceci est erroné. Claude-Marie Marduel fit remplacer les deux anges brisés par deux nouveaux en plâtre qu’il souhaitait voir traités dans le marbre252. Rien dans les archives ne nous renseigne sur la suite de ce projet. Il

246 Lorsque nous nous servons d’un catalogue du musée des Monuments français, nous choisissons d’indiquer l’abréviation CMMF, suivie du numéro et de son année d’édition.

247 POULOT Dominique, « Le musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir », dans Patrimoine, temps, espace. Patrimoine en place patrimoine déplacé, Actes des Entretiens du patrimoine, sous la présidence de Furet François, Paris, 22-24 janv. 1996, Paris, Fayard, Collection « Actes des Entretiens du patrimoine », Paris, 1997, p. 101.

248 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

249 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

250 BOINET Amédée, op. cit., 1962, p. 367. 251 COUSIN Jules, op. cit., 1859, p. 133.

252 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

est certain que les auteurs confondirent au moment de leur écriture les anges de Slodtz avec les plâtres commandés par Claude-Marie Marduel.

Le second sous-ensemble regroupe les œuvres qui furent fondues. Seules deux têtes d’enfants en bronze, réalisées par Falconet, rentrent dans cette catégorie [Doc. 16]. Remises au citoyen Roze, commissaire pour le Comité de Salut public, elles furent collectées dans le cadre de recherche de matières premières nécessaires aux armées253.

Suivent les œuvres pour lesquelles aucune source ne nous renseigne sur leur devenir après la fermeture de l’église Saint-Roch [Doc. 17]. Il en est ainsi du Monument funèbre de M. le duc

de Caylus254 dont la fabrique réclamait le retour en 1818255. Si nous ne connaissons plus la forme que certaines prenaient, comme les monuments funéraires d’Antoinette de la Garde et de Jeanne-Angélique Delpèche ou la statue de Saint Charles Borromée de Simon Challe, pour d’autres heureusement subsistent quelques indices. Citons par exemple le Monument de

Fortunat Rangoni (1681-1723) réalisé par René Charpentier (1680-1723) en 1723 et dont le

musée Carnavalet conserve un dessin. Il se composait d’une colonne posée sur un socle, tout deux en marbre. Divers éléments de bronze agrémentaient cette structure. On y voyait notamment à gauche une vertu voilée prenant appui sur le socle et tenant un crâne entre ses mains. Le soubassement portait l’épitaphe du personnage [Fig. 52]. Il en est de même pour le

Monument de Claude-Philippe Fyot de la Marche par Jacques François Joseph Saly (1717-

1776). Placé sur un soubassement, le sarcophage de marbre était orné de trophées militaires et surmonté d’une pyramide tronquée, parcourue à sa base de branches de verdure. Elle était dominée par une urne funéraire du couvercle de laquelle retombaient des guirlandes de feuillages servant de suspension à la draperie sur laquelle était inscrite l’épitaphe du personnage aujourd’hui perdue [Fig. 53].

La quatrième catégorie d’œuvres est composée de tableaux qui furent remis à l’administration du dépôt de Nesle, situé rue de Beaune, pour être vendus [Doc. 18], à laquelle il faut ajouter une liste de tableaux qui furent quasiment tous reçus le 25 germinal an II (16 avril 1794) au dépôt des Petits-Augustins256, mais considérés comme ne tenant point à la collection du musée des Monuments français [Doc. 19]. Au vu de l’avancement de nos recherches, nous ne pouvons affirmer avec certitude que ceux-ci furent vendus, toutefois cette hypothèse reste

253 AMMF, t. II, pièce CXLIV, p. 205. 254 AMMF, t. III, pièce DII, p. 267.

255 Il ne faut pas confondre ce monument commémoratif avec le monument funéraire de l’église de Saint- Germain-l’Auxerrois dont les éléments figurèrent bien aux catalogues du musée des Monuments français. 256 Tous, mis à part La Mort de Louis IX par Antoine Coypel dont nous ne connaissons pas la date d’entrée au dépôt des Petits-Augustins.

envisageable. À cette catégorie, nous choisissons d’ajouter deux épitaphes de marbre dites entrées au dépôt le 29 thermidor an II (16 août 1794) et dont nous perdons par la suite la trace, ne sachant si elles faisaient partie d’un monument anciennement conservé dans l’église [Doc. 20].

Viennent enfin les œuvres qui entrèrent au musée des Monuments français et qui firent l’objet de notices dans les catalogues dudit musée, pour ensuite en disparaître, sans que l’on sache ce qu’il en advint [Doc. 21, Doc. 22]. Il en est ainsi pour le monument élevé sur la tombe des frères Anguier. Sculpté dans un marbre blanc, il se composait d’un jeune enfant debout, « posé sur une espèce de cénotaphe soutenant une espèce de tableau »257 sur lequel était gravé leur épitaphe commune. L’étude des catalogues du musée des Monuments français nous a permis de retrouver l’épitaphe d’Alexis Piron (1689-1773), enterré à Saint-Roch, dont l’Épitaphier du vieux Paris affirmait ne pas connaître la teneur258 : « Ci git qui ne fut rien Pas

même académicien »259. Le buste en terre cuite qui accompagnait cette épitaphe au catalogue ne provenait pas de l’église Saint-Roch et appartient aujourd’hui aux collections du musée des Beaux-Arts de Dijon [Fig. 54].Font également partie de cet ensemble les œuvres qui ornaient anciennement la chapelle de la Vierge, à savoir les deux figures de plomb doré représentant

David et Isaïe de Falconet et le groupe de l’Annonciation par le même, reçu le 4 fructidor an

II (21 août 1794) au dépôt des Petits-Augustins260. Si nous ne savons pas ce qu’elles devinrent après 1799, nous serons toutefois amenés à reparler de leur sort par la suite.

Comme nous le mentionnions plus tôt, un second groupe d’œuvres se distingue. Il s’agit de celles perdues pour l’église mais dont nous savons qu’elles furent déposées dans d’autres lieux de conservation [Doc. 23]. Il faut noter tout d’abord un tableau de Michel Corneille261 représentant l’Apothéose de saint François d’Assise, que ne mentionne pas Alexandre Lenoir et qui, selon Amédée Boinet, est conservé aujourd’hui à l’église Saint-Paul- Saint-Louis de Paris262. À cela s’ajoute une toile de François Lemoyne représentant une

Nativité qui, toujours d’après Amédée Boinet citant Claude Frégnac263, pourrait être celle

257 CMMF, éd. 9, 1810, n°255, p. 269.

258 VERLET Hélène (dir.), op. cit., 1998, p. 372.

259 Poète et auteur dramatique dont Louis XV refusa de ratifier l’élection à l’Académie française. 260 AMMF, t. II, pièce CXLIV, p. 204.

261 Nous sommes dans l’impossibilité de déterminer s’il s’agit d’une toile réalisée par Michel Corneille l’Ancien (1601-1664) ou Michel Corneille le Jeune, son fils (1642-1708).

262 BOINET Amédée, op. cit., 1962, p. 370. 263 Ibidem, p. 374.

conservée dans l’église de Montcenis, en Saône-et-Loire264. La dernière pièce de ce groupe est un monument sculpté. On voyait avant la Révolution le tombeau de Nicolas Ménager dessiné par Simon Mazière (1655-1722) [Fig. 55]. Sur un soubassement orné des armes du personnage était posé le sarcophage en marbre noir gravé de l’épitaphe [Doc. 24]. S’y élevait une pyramide de marbre blanc sur laquelle était suspendu le médaillon du défunt. Elle était également surmontée d’un aigle de bronze doré, et agrémentée d’un sablier et de deux caducées croisés. De chaque côté, deux lampes sépulcrales complétaient l’ensemble Si le tombeau a vraisemblablement été ruiné, le médaillon fut envoyé à Versailles en 1835265 [Fig. 56].