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A.   Le tournant de 1801 51

2.   L’état de l’église 55

Si nous avons pu évoquer succinctement l’état de l’église au moment de sa restitution aux citoyens du culte le 10 prairial an V (29 mai 1797), nous devons nous pencher désormais sur l’état général de l’église au lendemain de sa remise définitive à Claude-Marie Marduel avant de pouvoir évoquer le devenir des œuvres en particulier.

Par chance, les Archives Historiques du diocèse de Paris conservent deux documents d’un caractère précieux pour notre étude dans lesquels l’administration de la paroisse nous offre le détail des éléments en place avant la Révolution et les dégradations infligées. Le premier est une note non datée intitulée « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état »227, le second « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis »228, présenté au Préfet du département le 22 prairial an XII (11 juin 1804).

Pour ce qui concerne le portail de l’église, les groupes en pierre sur les piédestaux du 1er ordre

et des piédroits des deux angles ont été détruits, de même que les deux figures d’anges couchés et la croix du fronton [Fig. 47, Fig. 48]. L’auteur du document sur lequel nous nous appuyons insiste sur l’intérêt pratique de ces éléments qui, au-delà de leurs qualités décoratives, empêchaient l’infiltration des eaux entre les pierres de la façade. Il craint ainsi que l’humidité ne pénètre les joints et les fasse éclater. Il s’appesantit également sur l’importance de restaurer la façade de l’église, laquelle ne doit pas être « regardée seulement comme un édifice consacré au Culte mais aussi comme un monument public placé dans le

225 « Observations du curé de St. Roch pour l’accroissement de la Paroisse présentée à son Éminence M. L’archevêque de Paris », 15 floréal an X (5 mai 1803), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

226 Correspondance, Anonyme à Claude-Marie Marduel, Paris, 27 mars 1808, A.H.D.P., Z.6, Dossier 231. 227 « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état », s.d., A.H.D.P., Z.6, Dossier 230.

228 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

quartier le plus brillant, d’une structure aussi noble qu’élégante et qui non seulement ne doit rien présenter de défectueux, mais où tout doit être grand et de bon goût »229. Un portail à proximité des environs du Palais du Gouvernement « dégradé et mutilé seroit une dissonance choquante »230.

À l’intérieur de l’édifice, « le buffet d’orgue ainsi que tous ses tuyaux et ses différents jeux a été totalement mutilé et une grande partie enlevée» 231. Les deux parties de menuiseries sous celui-ci, à gauche et à droite de la grande porte, qui formaient l’œuvre des marguilliers du Saint Sacrement sont démantelées. De la grande décoration du XVIIIe siècle ne subsistent que les deux anges musiciens de Claude Francin [Fig. 49, Fig. 50], les décorations des parties hautes de la chapelle de la Vierge et les figures couchées de la Foi et de la Charité de l’arcade centrale du Chœur [Fig. 51].

Les revêtements de menuiseries et les planchers qui autrefois garnissaient les chapelles des bas-côtés droit et gauche ainsi que les grilles en fer formant leurs entrées sont perdues. La quasi intégralité des revêtements de marbre de Flandres, que ce soit ceux des piliers de la nef, de la chapelle Sainte-Geneviève ou Saint-Denis, manquent, de même que les panneaux de marbre de couleurs variées des piliers du Chœur, les balustrades et les différentes grilles. Dans la chapelle de la Vierge les deux candélabres figurant des lys sont perdus. L’ensemble de la décoration de la chapelle du Calvaire est entièrement ruiné, excepté la montagne. Pour ce qui concerne le mobilier liturgique, « il y avoit dans l’Eglise huit autels dont plusieurs en marbre fins et de différentes couleurs et ornés de bronzes dorés et parfaitement ciselés ; il n’en existe plus rien »232. Les huit bénitiers ont été arrachés. Le banc d’œuvre de la fabrique anciennement disposé en face de la chaire n’existe plus. La chaire a été épargnée dans une certaine mesure. Il en reste le plancher du tambour, une partie de la rampe et de ses enroulements, ainsi que l’abat-voix « mutilé dans plusieurs parties ainsi que la trompette »233. Enfin, les dalles du pavement qui étaient disposées « de manière à marquer le milieu de la nef et des bas-côtés, ce qui facilitait l’arrangement des chaises, l’établissement des couloirs à

229 « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état », s.d., A.H.D.P., Z.6, Dossier 230.

230 « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état », s.d., A.H.D.P., Z.6, Dossier 230.

231 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

232 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

233 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

établir dans les jours d’un grand concours, et la marche des processions »234, « ont été brûlées ou calcinées par les feux établis dans la tenu de la révolution. Beaucoup ont perdu leur niveau, et exposent les passants à des chutes funestes »235.

Le second document que nous citions plus tôt, ainsi qu’un « Rapport fait par Claude Marie Marduel curé de St Roch à la fabrique lors de sa formation pour constater l’état de l’église »236 daté du 28 brumaire an XII (20 novembre 1803), nous apprennent que le curé entreprit dès 1800 d’importantes réparations dans son église et que « depuis trois ans l’Eglise de St Roch prend un aspect superbe et redevient une des curiosités de la Capitale »237. Ainsi, les vitreries sont réparées et les portions les plus défectueuses du pavé rétablies. Les chapelles du bas-côté gauche du Chœur ont été ornées de grilles. Les manquantes sont déjà commandées. La chapelle des Fonts Baptismaux a été ornée de bassins en marbre et garnie d’une balustrade en bois. Une partie des piliers de la nef et des bas-côtés ont été recouverts de marbre en partie issu des débris retrouvés dans la chapelle du Calvaire. Les encadrements de stuc des tableaux des chapelles Sainte-Geneviève et Saint-Denis sont réparés. Enfin, tout l’intérieur de l’église a « été nétoyé et badigeonné et les dorures nétoyées avec soin »238.

L’état de l’église au début du XIXe siècle fit l’objet de commentaires de la part des

paroissiens, louant les travaux réalisés dans sa première décennie, sans omettre de signifier les améliorations à effectuer. « Si l’Eternel prolonge vos jours, de manière à ce que vous puissiez réparer dans notre église tout les dégâts qui y ont été causés, par les vandales révolutionnaires ; […] nos derniers neveux béniront avec respect votre nom, en apprenant à leurs enfants tous ce que vous aurez fait pour leur intérêt de la Religion »239. Toutefois, « si les cérémonies du Culte excluent le faste, elles réclament, en même temps, la propreté et la décence »240. « Tant le maître-autel dans tous son ensemble, que le lutrin du chœur qui est encroûté de vert-de-gris, de même que les grilles latérales du chœur, qui sont couvertes de

234 « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état », s.d., A.H.D.P., Z.6, Dossier 230.

235 « État des réparations à faire à l’Église Saint-Roch pour la remettre dans son ancien état », s.d., A.H.D.P., Z.6, Dossier 230.

236 « Rapport fait par Claude Marie Marduel, curé de St Roch, à la fabrique lors de sa formation pour constater l’état de l’église », 28 brumaire an XII (20 nov. 1803), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

237 « Rapport fait par Claude Marie Marduel, curé de St Roch, à la fabrique lors de sa formation pour constater l’état de l’église », 28 brumaire an XII (20 nov. 1803), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

238 « Description de l’Église de St Roch, de l’état où elle se trouvait en l’année 1789 et des dégradations qui y ont été faites depuis », 22 prairial an XII (11 juin 1804), A.H.D.P., Z.1, Dossier 10.

239 Correspondance, de M. Geoffroy (paroissien de Saint-Roch) à Claude-Marie Marduel, Paris, 9 sept. 1806, A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

240 Correspondance, d’un paroissien de Saint-Roch à Claude-Marie Marduel, Paris, 18 nivôse an XIII (8 janv. 1805), A.H.D.P., Z.6, Dossier 231.

deux à trois lignes d’épaisseur de poussière, et entre les barreaux desquelles on voit constamment filer une quantité prodigieuse d’araignées »241. On déplorait également les aménagements provisoires que le curé fit pour rendre l’église accessible au culte. « Vous parlerai-je Monsieur, […] de l’affligeante et misérable structure du tabernacle qui est composé de quatre planches vermoulues […] des vieux lambeaux qui couvrent les carcasses des deux bancs placés aux deux côtés de ladite entrée »242. Le banc-d’œuvre est ironiquement qualifié de « ramassis de vieilles planches toutes vermoulues, aussi gauchement rapiécées qu’elles sont mal ajustées. De pareilles monstruosités, M. le curé, sont indignes de figurer à côté des beaux marbres qui décorent les piliers de l’église ; elles serrent le cœur des vrais amis des arts, et de ceux de vos paroissiens qui désirent que ce charmant temple, soit débarrassé de ces rebutantes vilainies »243. Pour faire entendre ses supplications et renforcer l’action de Claude-Marie Marduel, un paroissien n’hésitait pas à titiller l’égo du curé en soulignant l’importance que prenait la paroisse concurrente de Saint-Eustache. « Je désire que cet espoir ne soit point trompé, […] la foule ne sera plus aussi renforcée dans Saint-Eustache, et Monsieur votre confrère, ne sera pas tans gonflé sous ses ornemens cardinalistiaux »244.