• Aucun résultat trouvé

Perte osseuse sous anti-aromatase : résultats des sous-protocoles osseux des études princeps

Estrogen-dependent increase in bone turnover and bone loss in postmenopausal women with breast cancer treated with

1) Perte osseuse sous anti-aromatase : résultats des sous-protocoles osseux des études princeps

Les sous protocoles osseux des études de phase III sur le traitement adjuvant des cancers du sein hormonodépendants par anti-aromatase ont été publiés parallèlement à notre travail. Eastell et al. ont présenté les résultats de l'étude ATAC à deux ans dans un sous-groupe de 308 femmes ménopausées réparties dans chacun des trois groupes de traitements : tamoxifène, anastrozole ou traitement combiné par anastrozole plus tamoxifène. Comme dans notre travail, les patientes traitées par anastrozole ont une activation précoce du remodelage osseux (mesure à 3, 6 et 12 mois) observée pour chacun des marqueurs osseux: CTX, NTX urinaires, P1NP et PAL osseuses. L'activation du remodelage osseux s’associe à une perte significative de masse osseuse aussi bien en lombaire (-4.1% sous anastrozole vs +2.2% tamoxifène) qu’en fémoral (-3.9% sous anastrozole vs +1.2% sous tamoxifène) 254. A cinq ans, une nouvelle évaluation densitométrique montre la poursuite de la perte osseuse avec toujours un décalage entre anastrozole et tamoxifène: -6.08% sous anastrozole versus -2.77% sous tamoxifène à la colonne lombaire et -7.24% vs -0.74% à la hanche totale 255. Les résultats présentés sous forme de catégorie densitométrique (ostéoporose, ostéopénie, normal) sont également en défaveur de l'anastrozole avec 11 % des patientes à 36 mois dans le groupe « ostéoporose ou ostéopénie » versus 7% dans le groupe tamoxifène. Néanmoins la balance bénéfice/risque reste jugée favorable pour l'anastrozole par rapport au tamoxifène 256.

Le sous protocole osseux de l'étude MA17, étudiant le létrozole en relais après cinq ans de tamoxifène, a inclus 226 patientes (122 dans le groupe létrozole, 104 dans le groupe placebo). L'âge moyen des patientes était de 60,7 ans et plus de 80 % des patientes avaient moins de 70 ans. Après 24 mois de traitement, les patientes sous létrozole ont une diminution de masse osseuse significativement plus importante que celles sous placebo aussi bien à la hanche (-3.6% vs -0.71%; p <0.05) qu’à la colonne lombaire (-5.35% vs -0.70%; p=0.008). Cette perte osseuse s'accompagne d'une augmentation de la résorption osseuse (NTX urinaires) à 6,12, et 24 mois 257. Dans cette étude aucune des patientes n'a franchi le seuil densitométrique d'ostéoporose à la hanche. En somme, dans ce deuxième type de schéma d’hormonothérapie basée sur l'ajout d’une anti-aromatase après cinq ans de tamoxifène en adjuvant, le létrozole est responsable d'une fragilisation osseuse avec réduction de la densitométrie osseuse et augmentation de la résorption.

L'exemestane (25mg/j) a une structure stéroidienne. Elle est la troisième anti-aromatase utilisée comme hormonothérapie adjuvante. Il n’était pas prévu de sous-protocole osseux dans l’étude princeps. Un sous-protocole osseux contre placebo réalisé en double aveugle chez 147 femmes ménopausées présentant un cancer du sein localisé hormonodépendant est par contre disponible. Les résultats à deux ans sont exprimés sous forme de vitesse moyenne de perte osseuse annuelle. Le résultat n'est pas significatif au niveau lombaire mais est significatif au site fémoral avec une vitesse de perte de 2.72% sous exemestane vs 1.48% sous placebo (p=0.024).

augmentation significative du remodelage osseux par rapport au placebo . Dans une autre étude adjuvante ouverte allemande répartissant les patientes entre exemestane (n=78) pendant 5 ans versus tamoxifène (n=83) pendant 2 ans 1/2 suivi d'exemestane 2 ans 1/2, la mise sous exemestane s'accompagne d'une accélération du remodelage osseux (PAL osseuses, CTX, P1NP et ostéocalcine) précoce dès trois mois qui reste ensuite significative à 6 mois et 12 mois. À l'inverse la mise sous tamoxifène s'accompagne d'une diminution du remodelage osseux 259.

A la vue des résultats de l’étude de Lönning 258

Dans ce débat, on note que l'anastrozole a été évalué non pas contre placebo mais contre le tamoxifène qui appartient comme le raloxifène à la classe des SERM et a donc un effet protecteur osseux. Ceci a probablement majoré la différence par rapport à la comparaison directe avec un placebo.

, la question était de savoir si l'exemestane était responsable d'une perte osseuse moindre que celle observée avec les autres anti-aromatase (létrozole, anastrozole). Ce fut l'objet d'une intense controverse entre les firmes pharmaceutiques évoquant notamment la structure stéroïdienne de l'exemestane pour jouer un rôle protecteur.

Concernant le létrozole, la comparaison a été réalisée contre placebo mais après cinq ans de tamoxifène exerçant là encore probablement un effet protecteur osseux modéré. L'arrêt du tamoxifène a certainement majoré la résorption osseuse.

Il n’existe pas d’étude de large envergure comparant directement l’effet osseux des anti-aromatases. Seule est disponible une étude japonaise comparant le tamoxifène, l'exemestane et l'anastrozole. Les effectifs sont faibles. Il existe une différence entre la perte osseuse induite par les anti-aromatases et le tamoxifène mais pas de différence entre les deux anti-aromatases 260. Il existe également une étude de phase I ouverte qui montre à 24 semaines une accélération similaire du remodelage osseux entre les différentes anti-aromatases. Dans cette étude, l’exemestane avait un profil lipidique altéré par rapport aux autres anti-aromatase avec une baisse du HDL-cholestérol et une altération du ratio LDL/HDL incitant à la prudence chez les patientes aux antécédents cardio-vasculaires 261. Des études plus détaillées sur les modifications du profil lipidique sont en cours.

Dans notre travail, nous avons observé que l'élément déterminant était l'intensité de la castration œstrogènique, soit parce que le niveau était indosable soit parce que la variation de l'œstradiolémie avant et après 1 an de traitement était >50%. Les trois anti-aromatases possédant un pouvoir anti-œstrogènique intense (>95 %) et similaire, à notre avis, l'activation du remodelage osseux et la perte osseuse rapide observées sous anti-aromatase relèvent plutôt d'un effet de classe. Les anti-aromatases font donc partie des traitements anticancéreux responsables d'une perte osseuse (Cancer Treatment Induced Bone Loss - CTIBL) et il est nécessaire de réaliser une évaluation osseuse avant la mise sous traitement hormonal adjuvant chez les patientes présentant un cancer du sein hormonodépendant localisé 262 , 263.

Nous avons observé que le risédronate chez les patientes ostéoporotiques à l'inclusion permettait une prévention efficace de la perte osseuse induite par les anti-aromatases. Deux autres études réalisées avec le risédronate sont disponibles. La première menée par Serge et al. montre une prévention efficace de la perte osseuse chez les patientes ostéopéniques (T-score <-2 DS) ou avec un antécédent fracturaire (T score >-2DS et au moins une fracture). D'autres études ont montré l'efficacité de la prévention de la perte osseuse par le risédronate chez les patientes stratifiées en fonction de leur T-score densitométrique. Dans ces études, les patientes à faible risque densitométrique n'étaient pas traitées et ont eu une perte osseuse significative comme attendu. Les patientes à risque densitométrique élevé ont été traitées systématiquement par le risédronate avec une bonne efficacité préventive de la perte osseuse. Enfin les patientes à risque intermédiaire étaient randomisées entre placebo et risédronate. Le risédronate prévenait la perte osseuse des patientes à 12 et 24 mois 264, 265 .

Logiquement, le traitement préventif de la perte osseuse a été évalué avec l'acide zolédronique. Différents schémas ont été utilisés. L'étude de Hines et al. a utilisé un schéma d’injections semestrielles. Après un an de traitement par létrozole, l’acide zolédronique prévient la perte osseuse induite 266. C'est également le cas pour l'étude de Safra et al. réalisée chez des femmes traitées deux ans et demi par tamoxifène suivi de deux ans et demi de létrozole 267.

Plus récemment, les résultats d’une stratégie différente, comparant l'utilisation de l’acide zolédronique semestriel dès l’instauration de l'anti-aromatase ou de façon retardée une fois que les patientes présentaient soit une fracture soit un T-score <-2 DS, ont été présentés. Ces deux études jumelées Z-FAST et ZO-FAST ont montré l'intérêt du traitement immédiat dont l'efficacité est nettement supérieure pour prévenir la perte osseuse induite par l'anti-aromatase. En revanche ces deux études n'ont pour l'instant pas mis en évidence de bénéfice antitumoral malgré un suivi de cinq ans 268-270.

Il existe encore peu d'études avec le dénosumab en prévention de la perte osseuse induite par les anti-aromatases. Dans une étude préliminaire réalisée contre placebo (n=127), le dénosumab à doses semestrielles (60 mg en sous cutané) s'est révélé efficace avec un gain de masse osseuse à un an à la colonne lombaire de 5.5% 271. Plus tard, un sous-groupe d’une étude de phase III a confirmé l'intérêt du denosumab en adjuvant sur la prévention de la perte osseuse induite par les anti-aromatases 272.