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A/ L’ostéocalcine : une hormone active sur le métabolisme énergétique in vivo

A/ L’ostéocalcine : une hormone active sur le métabolisme

énergétique in vivo

I- Introduction

Dans la première partie nous avons vu comment la leptine par son action cérébrale inhibait la formation osseuse de façon centrale et indirecte par l'intermédiaire du système nerveux sympathique 9

Cette première partie indique que la graisse contrôle la masse osseuse ; autrement dit que le métabolisme énergétique régule la masse osseuse. Selon le raisonnement habituel en physiologie endocrinienne, lorsqu’un organe exerce une action sur un autre organe, il existe nécessairement un mécanisme de retour d’informations

. Pour cela la leptine « serre le frein

du tonus sympathique » c'est-à-dire qu’elle agit en bloquant l’action positive des

neurones sérotoninergiques du tronc cérébral (raphé) dont les axones projettent sur le noyau VMH de l’hypothalamus qui contrôle à son tour le tonus sympathique.

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. Ces mécanismes de boucles de rétrocontrôle négatif permettent le maintien de l’homéostasie et une réponse appropriée 80. Ce raisonnement soulève la question de l’action de l’os sur le métabolisme énergétique.

II- Hypothèse de travail

Le squelette permet d'assurer la locomotion qui a été une fonction essentielle pour la survie de notre espèce tout au long de l’évolution. Pour assurer cette fonction, le squelette doit être capable de se réparer seul en cas de fracture et au quotidien d'absorber des charges d'intensité importante durant l’activité physique ou en des temps plus anciens lors de la recherche de nourriture, la fuite et le combat. Il apparaît dès lors crucial pour les vertébrés de maintenir une bonne qualité osseuse et des excellentes propriétés biomécaniques osseuses. Cette capacité de renouvèlement constant pour réparer les micro- et macro-traumatismes et maintenir une bonne qualité osseuse passe par le remodelage osseux. Le remodelage osseux est un phénomène biphasique qui comprend d'abord la destruction de l'os préexistant par les ostéoclastes, c'est l’ostéorésorption, avant que de l'os nouveau soit formé par les ostéoblastes, c'est l'ostéoformation 81-83. Chez l'adulte sain, la résorption et la formation osseuse sont en équilibre. A l’échelle du corps humain, le remodelage osseux apparaît comme une fonction homéostatique pour maintenir la masse osseuse et représente une fonction de survie. Comme toutes les fonctions homéostatiques 8, il est contrôlé en partie par l'hypothalamus 9

Le remodelage osseux intervient simultanément en de multiples points du squelette et est un phénomène actif fortement consommateur d'énergie. Il serait

énergétique en fonction de ses besoins. Dans ce travail, deux questions ont été posées : l’os exerce-t-il une action sur le métabolisme énergétique et si oui est-ce un contrôle hormonal ?

III- Résumé de l’étude

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La recherche d'une telle hormone est partie d'une approche génétique pour déterminer quels étaient les gènes spécifiquement exprimés par les ostéoblastes. Une fois ces gènes identifiés, la stratégie fut de générer des souris déficientes pour ce gène et d'étudier si ces souris avaient un phénotype métabolique. Dans cette étude j’ai participé à la réalisation des tests métaboliques et aux analyses statistiques.

1) Phénotype Esp-/-et souris surexprimant Esp

L'un des gènes identifiés a été Esp qui code pour une protéine appelée OST-PTP (=Ptprv). OST-OST-PTP est une tyrosine phosphatase exprimée uniquement dans les ostéoblastes, les cellules ES et les cellules de Sertoli mais pas dans le pancréas ou les adipocytes. Les souris Esp-/- ont une mortalité périnatale anormalement élevée qui n’est pas liée à des anomalies squelettiques mais à des hypoglycémies sévères à la naissance avant toute ingestion de lait. Par la suite, la glycémie reste basse et s’accompagne d’une hyperinsulinémie. Les tests de tolérance au glucose et de sécrétion d’insuline après stimulation au glucose ont montré une augmentation considérable de la sécrétion d’insuline et de la tolérance au glucose des souris Esp-/-. L’analyse histologique du pancréas a révélé une augmentation de la taille et du nombre d’îlots de Langerhans, ainsi que de la prolifération des cellules d. Les souris

Esp-/- se révélèrent aussi être plus sensibles à l’insuline tout en ayant moins de graisse viscérale. Cette insulinosensibilité vérifiée de multiples manières est paradoxale car l’augmentation de la sécrétion est habituellement cause d’une baisse de la sensibilité à l’insuline.

A l’inverse, l’hyperexpression d’Esp dans les ostéoblastes a montré une détérioration de la tolérance au glucose, de la sensibilité à l’insuline, du taux d’adiponectine, de la taille et du nombre des îlots de cellules d du pancréas.

Ce phénotype métabolique est fort puisque dans des conditions expérimentales visant à induire une obésité chez les souris soit par destruction des cellules d du pancréas avec de l’aurothioglucose (GTG) soit par un régime riche en graisses, les souris Esp-/- sont restées protégées de l’obésité et de l’intolérance au glucose.

En somme, ces résultats montrent qu’une protéine spécifique de l’ostéoblaste est capable de moduler le métabolisme énergétique du corps. Ils suggèrent qu’OST-PTP régulerait l’activité d’une molécule sécrétée par les ostéoblastes et active sur le métabolisme énergétique.

La coculture d’ostéoblastes matures sauvages et d’îlots de Langerhans augmente de 40% l’expression d’insuline tandis que des cellules proches des ostéoblastes telles que les fibroblastes n’ont pas d’effet. L’utilisation d’ostéoblastes

Esp-/- matures stimule davantage encore l’expression d’insuline. L’expression du

glucagon n’est pas modifiée. Selon le même schéma, la coculture d’adipocytes

montre une stimulation d’adiponectine, deux fois plus importante avec les ostéoblastes Esp-/- que sauvages. Des résultats similaires ont été obtenus en cultivant des îlots ou des adipocytes en présence de milieux conditionnés d’ostéoblastes Esp-/- ou sauvages confirmant que les ostéoblastes secrètent une hormone active sur le métabolisme énergétique.

Une protéine spécifique des ostéoblastes matures et susceptible de jouer ce rôle est l’ostéocalcine car il avait été noté précédemment lors de l’étude du phénotype osseux 85 que les souris déficientes en ostéocalcine (Ocn-/-) avaient une

augmentation de leur graisse viscérale. L’étude du phénotype métabolique des souris Ocn-/- s’est révélé être un phénotype en miroir de celui des souris Esp-/- avec, comparativement aux sauvages, une glycémie à jeun plus élevée, une hypoinsulinémie, une détérioration de leur tolérance au glucose, de leur sensibilité à l’insuline et de leurs dépenses énergétiques. L’histologie et l’expression génique ont confirmé ce profil métabolique. En coculture, les ostéoblastes Ocn-/- ou les ostéoblastes immatures sont incapables d’augmenter l’expression d’insuline ou d’adiponectine. En revanche l’expression d’insuline ou d’adiponectine est augmentée en coculture avec des cellules COS produisant de l’ostéocalcine, ou simplement en cultures d’îlots ou d’adipocytes traitées par de l’ostéocalcine recombinante non carboxylée. Enfin, génétiquement, l’ablation d’un allèle d’Ocn chez des souris Esp-/- a permis de normaliser leur phénotype confirmant qu’OST-PTP et ostéocalcine appartiennent bien à une même voie génétique.

3) L’ostéocalcine module l’insulinosensibilité via l’adiponectine

Parmi les différentes adipokines connues, seule l’expression et le taux circulant d’adiponectine sont augmentés chez les souris Esp-/- et diminués chez les Ocn-/-. Chez les souris (Ocn+/- ;Adn+/-), il existe une baisse importante de l’adiponectine

sérique et de l’insulinosensibilité tandis que glycémie, insulinémie et insulinosécretion sont normales. L’insulinosensibilité induite par l’ostéocalcine serait donc au moins en partie régulée par l’adiponectine.

CONCLUSION

L’ostéocalcine non carboxylée est une hormone sécrétée par l’ostéoblaste. Elle stimule l’insulinosécrétion par son action sur le pancréas en favorisant la prolifération

écrétion d’insuline. Elle stimule également l’insulinosensibilité des tissus cibles périphériques (muscle, foie, tissu adipeux) via son action sur les

Figure 6 : l’ostéocalcine est une hormone osseuse qui, régule le métabolisme

énergétique en agissant simultanément sur l’insulinosécrétion et l’insulinosensibilité. Tiré de 86.

IV- Article