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Endocrine Regulation of Energy Metabolism by the Skeleton

V- Perspectives et évolution du modèle

1) La carboxylation, mode de régulation de l’ostéocalcine

Le degré de carboxylation de l’ostéocalcine pourrait participer à la régulation de son activité. La carboxylation consiste en l’ajout post-traductionnel enzymatique vitamino-K-dépendant de résidu Gla. L’ostéocalcine possède trois sites de carboxylation. Avant d'être sécrétée par l'ostéoblaste, ostéocalcine subit une carboxylation vitamine K dépendante de ces trois résidus Gla qui lui procure ainsi une forte affinité pour la matrice extracellulaire osseuse. Une faible partie de l'ostéocalcine reste non-carboxylée (Glu) et est sécrétée dans le sang 87. D’après nos résultats, l'ostéocalcine non carboxylée est la forme active. La forme non carboxylée est la forme recombinante obtenue in vitro. L'ostéocalcine non carboxylée est efficace en coculture. Elle est plus élevée chez les souris Esp-/-. On considère actuellement qu’OST-PTP régulerait la carboxylation de l’ostéocalcine. L’inhibition de la carboxylation par un antivitamine K telle la warfarine offre un bon rationnel pour expliquer la résistance au diabète induit chez les souris traitées par warfarine 88.

2) Singularité de l’action de l’ostéocalcine

L’action de l’ostéocalcine sur l’équilibre glycémique est innovante à double titre. Il s’agit de la première démonstration d’une régulation du métabolisme énergétique par le tissu osseux. Ensuite le mécanisme d’action lui-même de l’ostéocalcine est singulier puisque cette hormone est bénéfique simultanément sur l’insulinosécrétion et l’insulinosensibilité sans prise de poids associée. Elle ouvre un nouveau champ dans la physiopathologie du métabolisme énergétique et des perspectives thérapeutiques importantes chez l’homme. Durant cette phase de transfert thérapeutique chez l’homme, l’identification du récepteur sera une étape essentielle.

3) Rétrocontrôle du pancréas sur l’ostéoblaste par l’insuline

Depuis ce travail initial, plusieurs nouvelles découvertes sont venues incrémenter et préciser le modèle que nous venons de présenter. Les faits majeurs sont la démonstration qu'il existe un rétrocontrôle du pancréas sur le remodelage osseux par l'intermédiaire de l'insuline et l’établissement du rôle de la résorption osseuse qui possède également une action sur le métabolisme énergétique 89.

Le récepteur de l'insuline est présent à la surface des ostéoblastes. Sa délétion spécifique dans les ostéoblastes est responsable d’une intolérance au glucose indiquant que la voie de signalisation de l'insuline dans l'ostéoblaste est impliquée dans le contrôle énergétique et favorise la production d'ostéocalcine, donc l’insulinosécrétion et l’insulinosensibilité des tissus périphériques. Trois articles complémentaires ont déchiffré la voie de signalisation et les mécanismes sous des angles différents en aboutissant aux mêmes résultats.

transcription impliqués. Adapté de . IRS Ostéocalcine Esp FoxO1 OSTEOBLASTE Insuline OCN OST-PTP OCN carboxylée OCN noncarboxylée (active) Opg OPG OPG RANKL Résorption osseuse Twist 2 Runx 2

l'insuline dans l'ostéoblaste (InsR ) qui est responsable d'une diminution de la formation osseuse et de la production d'ostéocalcine. Dans cet article, le travail sur la voie de signalisation de l'insuline dans l'ostéoblaste montre que l'insuline inhibe Twist2 qui est un inhibiteur du facteur de transcription Runx2. Ainsi la délétion du récepteur de l'insuline dans l'ostéoblaste libère Twist2 qui inhibe la production d'ostéocalcine 91.

Ensuite, dans un autre article il a été démontré que le récepteur de l'insuline était un substrat de OST-PTP 89. La voie de signalisation de l'insuline dans l'ostéoblaste fonctionne de façon classique comme dans de nombreux tissus en inhibant FoxO1. Dans l’ostéoblaste, Foxo1 est un facteur de transcription qui inhibe quantitativement la production d'ostéocalcine et qualitativement en stimulant la carboxylation par l'induction de Esp 89 , 92. Cette compréhension des mécanismes intracellulaires explique en fait le phénotype des souris Esp-/- qui s'apparentent à une augmentation d’activité de la voie de signalisation intraostéoblastique de l'insuline ce qui produit in fine plus d'ostéocalcine active (non carboxylée). Figure 7.

4) Lien entre la résorption osseuse et le métabolisme énergétique

Il a également été déchiffré un mécanisme d'action indirecte de l’insuline sur le métabolisme énergétique par l'intermédiaire de la résorption osseuse. Le point de départ fut la constatation d'une nette diminution de résorption chez les souris déficiente en récepteur de l'insuline dans les ostéoblastes (InsRob-/-) qui ont un phénotype diabétique par opposition à l'augmentation de résorption observée chez les souris Esp-/-. L'explication est en fait commune puisque l'insuline via Foxo1 dans l'ostéoblaste diminue l'expression de l'ostéoprotégérine (Opg) et donc stimule l’activité de résorption osseuse par les ostéoclastes en modifiant le ratio RankL/ ostéoprotégérine 89. La démonstration du lien entre la résorption osseuse et le métabolisme énergétique a ensuite été apportée par la génération de souris déficientes en pompe à proton dans les ostéoclastes (Tcirg1-/-). Ces souris n’ont plus de résorption osseuse car elles sont incapables d'acidifier la chambre extracellulaire et donc de dissoudre la phase minérale de la matrice extracellulaire. Il est apparu que la phase d'acidification (PH 4.5) durant la résorption osseuse permettait une décarboxylation de l'ostéocalcine piégée dans la matrice extracellulaire et le relargage dans la circulation d’ostéocalcine non carboxylée active sur le métabolisme énergétique. Figure 8.

De façon intéressante, en clinique humaine, les patients présentant une ostéopétrose ont une ostéocalcine non carboxylée circulante basse et une insuline basse 89. Pour l'instant il n'y a pas de donnée publiée disponible sur le lien entre bisphosphonate au long cours et apparition d'un diabète.

Adapté de .

P

Matrice extracellulaire Lacune de résorption

Insuline InsR OPG ESP Ostéoblaste Gla-OCN (inactive) Glu-OCN (active) pH4.5 Tcirg1 Ostéoclaste Cellules du pancréas Glu-OCN adiponectine r Insulino-sensibilité r"Insulino-sécretion r Prolifération cellules graisse muscle f oie Adipocyte Glu-OCN

5) Potentiel thérapeutique de l’ostéocalcine chez la souris

Afin de tester le potentiel thérapeutique de l’ostéocalcine non carboxylée, des souris sauvages adultes ont été traitées avec différentes doses d’ostéocalcine recombinante (donc non carboxylée) pendant quatre semaines en continu à l’aide de pompes implantables. À la fin du traitement, lors d’hyperglycémies provoquées, les souris traitées présentaient une meilleure tolérance au glucose avec un pic glycémique moins élevé et un retour plus rapide au niveau initial. Les souris traitées avaient également une insulinémie augmentée de façon dose dépendante, ainsi qu’une meilleure insulinosensibilité périphérique associée à une réduction de leur graisse viscérale. Enfin, lors d’épreuves de régime hypercalorique riche en graisses, l’ostéocalcine non carboxylée ralentissait l’apparition de l’obésité et du diabète 93.

Plus récemment, une expérience similaire de traitement avec l'ostéocalcine non carboxylée recombinante vient d'être publiée en utilisant un protocole de traitement séquentiel intrapéritonéal. Les souris traitées avaient une augmentation de leurs dépenses énergétiques de base. Dans l'expérience utilisant un régime riche en graisses, l'ostéocalcine permettait une régression de la stéatose hépatique 94. Le résultat est concordant avec l'expérience de l'ostéocalcine administrée en continu. Un tel résultat est très encourageant en vue du transfert thérapeutique futur chez l'homme.

6) Contrôle central de l'ostéoblaste et du métabolisme énergétique

Il était déjà connu depuis quelques années que la leptine avait une action directe inhibitrice de la sécrétion d'insuline sur le pancréas 95, 96. La démonstration de l’effet de la leptine sur l’activité de l’ostéocalcine et donc la production d’insuline par le pancréas est arrivée secondairement. Hinoi et al. ont montré que la leptine régulait la sécrétion d'insuline de façon indirecte par l'intermédiaire du système nerveux sympathique et de l'ostéoblaste 27. Dans ces expériences, on observe que la leptine stimule le tonus sympathique qui est transmis dans l'ostéoblaste par l'intermédiaire de la voie de signalisation des récepteurs bêta 2 adrénergiques. La voie de signalisation bêta 2 adrénergique dans l'ostéoblaste stimule le facteur de transcription ATF4 qui stimule l'expression du gène Esp.

ATF4 est un facteur de transcription fortement spécifique des ostéoblastes avec Runx2 et Osterix 97-100. Runx2 et Osterix sont surtout impliqués dans la différenciation ostéoblastique à partir des cellules souches mésenchymateuses. ATF4 est lui impliqué dans le contrôle des activités spécifiques des ostéoblastes : la formation de la masse osseuse et le contrôle du métabolisme énergétique par l'ostéoblaste en régulant Esp et donc l'activité de l'ostéocalcine. En effet lorsque le produit de Esp, OST-PTP, est augmenté il favorise d'une part la production d'ostéocalcine carboxylée inactive (Gla) et d'autre part freine la voie de signalisation intra-ostéoblastique du récepteur de l'insuline donc de la production d'ostéocalcine 75

nerveux sympathique sur l'ostéoblaste. Adapté de . PANCREAS

Insuline

SNS

Leptine

TISSU ADIPEUX Hy Récepteur 2 adrenergique Ostéocalcine Esp ATF4 OSTEOBLASTE OCN OST-PTP OCN carboxylée OCN noncarboxylée (active) Insuline Récepteur de l’insuline

7) Ostéocalcine médiateur clé mais pas unique dans la régulation du métabolisme énergétique par l’ostéoblaste

Récemment, une autre approche complémentaire pour mettre en évidence l'implication de l'ostéoblaste dans le métabolisme énergétique a été publiée et est basée sur la réalisation d'une délétion cellulaire globale des ostéoblastes 101. Cette technique s'est déjà révélée un outil efficace pour délimiter la fonction d'un type cellulaire dans différents organes comme le cœur 102, le tissu adipeux 103 ou les cellules dendritiques de la peau 104. Les auteurs ont donc généré tout d'abord une lignée de souris transgéniques appelée DTAfl/fl capable d'exprimer la toxine diphtérique A (DTA) sous l'action de la Cre recombinase. Lorsque le type cellulaire exprime la toxine diphtérique, celle-ci est toxique pour la cellule et la détruit. Ils ont ensuite croisé ces souris avec une lignée de souris transgéniques (Oc-CreERT2) exprimant, en présence de tamoxifène, la Cre recombinase uniquement dans les cellules exprimant l'ostéocalcine (Cre associée au promoteur de l'ostéocalcine). Ce modèle génétique permet donc l’expression de la Cre recombinase uniquement dans les cellules produisant de l’ostéocalcine (ostéoblastes matures) lorsque les souris sont traitées avec du tamoxifène dans l’eau de boisson.

L'expérience a permis de détruire près de 50 % des ostéoblastes. Au plan osseux il existe une diminution de la masse osseuse et de la formation osseuse associée à une augmentation de la résorption osseuse. L'importance de l'ostéoblaste dans le contrôle du métabolisme énergétique a été clairement observée avec l'apparition d'une hyperglycémie, d'une intolérance au glucose, d’une diminution de la sensibilité à l'insuline et d'une diminution de la masse maigre. Ce phénotype est très proche de celui observé chez les souris déficientes en ostéocalcine et souligne le rôle de l'ostéoblaste dans le contrôle du métabolisme énergétique. Par la suite le traitement avec de l'ostéocalcine recombinante administré à des souris dont les ostéoblastes sont détruits, a montré une normalisation de leur glycémie à jeun, une correction de l'insulinémie et du nombre de cellule du pancréas. En revanche l'insulinosensibilité périphérique ne fut que partiellement corrigée et la dépense énergétique de base ne fut pas modifiée. L'analyse de l'expression génique du tissu adipeux a montré en particulier qu'en cas de destruction des ostéoblastes, il y avait augmentation d'une adipokines appelée la résistine.

Cette expérience indique que l'ostéocalcine n'est sans doute pas la seule hormone sécrétée par les ostéoblastes à être active sur le métabolisme énergétique. Les travaux sont en cours pour déterminer quelles sont les autres hormones d'origine ostéoblastique active sur le métabolisme énergétique, les tissus cibles de l'insuline et la dépense énergétique de base.