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DISTRIBUTION ARCHÉOLOGIQUE, OCCUPATION HUMAINE ET RÉSEAU

2. La dynamique du peuplement dans les bassins fluviaux

2.4. Perspectives d’ensemble

2.4.1. Aspects généraux et tendances lourdes

Les graphiques de répartition des sites par période, présentés par bassin, montrent l’évolution singulière de chacun d’entre eux. Bien souvent, les résultats sont conditionnées par l’inégalité de la documentation selon les régions, mais aussi, selon les périodes, par l’activité et des préoccupations de recherche inégales. Ces inégalités peuvent donc induire des biais qu’il est difficile d’évaluer très précisément dans un bilan. Malgré cela, des diagnostics régionaux peuvent être établis et des tendances semblent se dégager. Les figures qui suivent (fig. 29 à 31) permettent d’appréhender de façon synthétique les rythmes du peuplement dans nos trois grands secteurs, le Languedoc occidental, le Roussillon et l’Ampourdan.

En Languedoc occidental, on peut distinguer quatre grandes phases. La première, qui est comprise entre la fin de l’âge du Bronze et le VIIe s., correspond à une progression du nombre de sites. Cela est particulièrement perceptible dans les bassins de l’Aude et de l’Hérault. La légère baisse qui caractérise la vallée de l’Orb au même moment n’est pas significative d’un réel mouvement de recul dans ce bassin.

Fig. 29 : Evolution par période du nombre des sites dans les bassins fluviaux du Languedoc occidental

IXe s. VIIIe-VIIe s. VIe-début Ve s.Ve s. IVe s. IIIe s. fin IIIe-début IIe s.

Hérault Orb Aude

La seconde phase (VIe-premier quart du Ve s.) correspond à un développement ou à un maintien du peuplement à un niveau assez élevé. Cependant, des disparités apparaissent entre les différents bassins, car, comme on peut le voir à la figure 29, la fin du premier âge du Fer marque un pic d’occupation dans la vallée de l’Hérault, tandis que pour l’Orb, la progression est moins spectaculaire et que pour l’Aude, le nombre de sites reste plutôt stable. A partir du Ve s., et jusqu’au IIIe s., on assiste à une diminution du nombre des sites dans tous les bassins, tandis qu’un recul général caractérise l’ensemble de la région au IIIe s. La dernière phase, qui se situe vers 200 av. n. è., affiche une reprise nette. Toutefois, celle-ci l’est surtout dans les vallées de l’Aude et de l’Hérault, où on atteint des chiffres proches de ceux de la fin du premier âge du Fer, tandis que l’Orb est touché dans une moindre mesure par ce mouvement.

En Roussillon, les disparités sont beaucoup plus grandes entre les bassins, d’où des difficultés à extraire des tendances. Globalement, on peut rapprocher les bassins de l’Agly et du Tech, la Têt se caractérisant par un comportement singulier entre le Bronze final IIIb et le IVe s.

Fig. 30 : Evolution par période du nombre des sites dans les bassins fluviaux du Roussillon

Pour l’Agly et le Tech, une baisse de l’occupation s’aperçoit entre la fin de l’âge du Bronze et le début du premier âge du Fer. Celle-ci est très forte dans le bassin du Tech où le Bronze final IIIb était la période la mieux attestée. Dans celui de la Têt, au contraire, le nombre de gisements est en augmentation, ce qui rejoint le mouvement observé en Languedoc occidental pour cette période. Cette même inversion des tendances apparaît à la phase suivante, entre le VIIIe s. et le premier quart de Ve s., puisque les vallées de l’Agly

IXe s. VIIIe-VIIe s. VIe-début Ve s.Ve s. IVe s. IIIe s. fin IIIe-début IIe s.

Agly Têt Tech

et du Tech montrent des valeurs à la hausse, comme en Languedoc occidental, tandis que dans celle de la Têt, le nombre des sites chute jusqu’au Ve s. Dans le bassin du Tech, l’emprise plus grande du peuplement s’accentue aux Ve-IVe s., alors que dans celui de l’Agly, une baisse de l’occupation commence dès le début du second âge du Fer. Les disparités disparaissent entre les trois bassins entre le IVe et le IIIe s. A partir de ce moment là, on constate que le nombre de sites diminue partout jusqu’à atteindre un seuil minimal au cours du IIIe s. Ce mouvement est aussi celui qui est observé en Languedoc occidental. De même, la tendance est à la reprise vers 200 av. n. è.

En Ampourdan, deux principaux mouvements se distinguent assez clairement entre le premier et le second âge du Fer, à travers lesquels on perçoit quelques variations entre les bassins.

Fig. 31 : Evolution par période du nombre des sites dans les bassins fluviaux de l’Ampourdan

La première phase est comprise entre le Bronze final IIIb et le Ve s. av. n. è. où le nombre de sites reste bas dans toute la région. Une très légère augmentation des gisements caractérise les bassins du Fluvià et du Ter jusqu’au début du Ve s., mais elle n’est pas comparable à celle qui touche le Languedoc occidental et une partie du Roussillon. Dans le bassin de la Muga, les sites sont en constante diminution de l’extrême fin de l’âge du Bronze au Ve s. A partir de cette date, la tendance va s’inverser. Le nombre des sites augmente partout, ce qui contraste avec la situation languedocienne et roussillonnaise. Toutefois, en Ampourdan, les rythmes sont disparates d’un bassin à l’autre. Le plus dynamique est celui du Ter où on remarque une véritable rupture par rapport à la phase

IXe s. VIIIe-VIIe s. VIe-début Ve s.Ve s. IVe s. IIIe s. fin IIIe-début IIe s.

Muga Fluvià Ter

précédente. Dans les vallées de la Muga, après une légère reprise, le nombre de site se stabilise du IVe s. au début du IIe s. Quant au bassin du Fluvià, la courbe est plus fluctuante, avec notamment une occupation très limitée au IIIe s. En revanche, une reprise se produit vers la fin de ce siècle.

Des rythmes différents définissent chaque grande région. Toutefois, des constantes rapprochent nettement le Languedoc occidental et le Roussillon, tandis que l’Ampourdan se caractérise par un comportement très singulier, quasiment à toutes les phases. En particulier, deux périodes expriment ces disparités ; l’une se situe à la fin du premier âge du Fer, l’autre au IIIe s. av. n. è. Il convient à présent, dans une démarche plus tranversale, d’essayer de déterminer et de comprendre les phénomènes qui engendrent ces divers schémas d’occupation.

2.4.2. Le Bronze final IIIb : stabilité des implantations et diversification des espaces occupés

En premier lieu, pour cette phase, on soulignera qu’il est fréquent que des sites prolongent des implantations existant déjà au Bronze final II ou IIIa, notamment en bordure des lagunes littorales. C’est aussi le cas pour quelques sites de hauteur ou de plaine. De même, bien que la fréquentation des grottes soit en diminution, ce qui est un phénomène commun à la France septentrionale (Daubigney 2002, 364), celles qui sont encore occupées font perdurer un système ancien. De ce point de vue, le Bronze final IIIb semble correspondre à l’aboutissement d’une dynamique d’implantation formulée antérieurement, plutôt qu’ouvrir une ère nouvelle, même si se confirme dans le même temps la mise en place de nouveaux espaces de peuplement. On ne peut parler d’une rupture nette avec à la phase précédente, mais envisager le Bronze final IIIb comme une phase de transition.

En ce qui concerne les formes d’occupation — sites perchés et/ou groupés et établissements de plaine — la situation est fortement contrastée selon les vallées, si bien qu’il est difficile d’évaluer leur importance quantitative respective dans ce bilan. On indiquera tout de même que dans les bassins où les habitats sont les plus nombreux (Hérault, Orb et Aude), la balance est relativement équilibrée. En fonction du milieu, deux caractéristiques architecturales apparaissent. Dans les basses plaines, sur les terrains souples et en bordure de zones humides, les constructions sont plutôt sur poteaux porteurs et utilisent des matérieux périssables, alors que sur les plateaux rocheux, parfois dans un soucis d’adaptation à la topographie, les fonds des cabanes semblent de préférence creusés dans la roche, sans doute avec des élévations du même type du premier groupe ou en pierre sèche.

Au Bronze final IIIb, les bassins se caractérisent par une occupation peu dense et dispersée. Malgré cette faible emprise territoriale, les espaces occupés sont assez

diversifiés, aussi bien d’un point de vue environnemental que d’un point de vue topographique. On trouve des habitats en bordure d’étangs littoraux. Des noyaux de population émergent sur des hauteurs le long des artères fluviales. On voit également se développer des villages, des hameaux ou des fermes autour de zones basses humides à l’intérieur des terres et sur les versants dominant de petits vallons. Plusieurs grottes sont encore fréquentées dans les zones de piémont (Causses, Minervois, Corbières, Fenouillèdes, Garrotxa). Dans les mêmes secteurs, des habitats de plein air se développent sur des plateaux arides.

La diversité des espaces investis est un trait commun à l’ensemble de nos bassins, qui présentent à cet égard une certaine homogénéité, en dépit d’éventuels écarts dans le volume de la documentation. Cette caractéristique est identique à celle qui a été observée d’abord en Provence (Arcelin 1992, 308) puis en Languedoc oriental (Nuninger 2002, 187). Cette impression d’unité est renforcée par les données de la culture matérielle qui révèlent un faciès commun de l’Ampourdan aux Alpes, même s’il existe des particularités régionales (Guilaine 1972 ; Pons 1984 ; Janin 2000). En revanche, le modèle d’occupation semi-sédentaire, élaboré notamment sur le principe de la transhumance entre les plaines littorales et l’arrière-pays, proposé par M. Py pour le Languedoc oriental (1990, 28-30 ; 1993, 77-81), et ses variantes (transferts saisonniers de résidence : Nuninger 2002, 189-192), ne peut être calqué sur nos régions. Un certain nombre d’arguments plaide en effet en faveur de la stabilité du peuplement. L’apparition de grands complexes funéraires, quelquefois associés à des habitats (Mailhac, Vendres, Parralli), indique clairement l’existence de pôles d’occupation fixes et durables (Ugolini 1997, 168 ; Carozza et al. 1998, 155 ; Gasco 2000c ; Mazière 2001, 101). De plus, le développement d’établissements perchés, parfois de grande superficie, ceinturés par un fossé ou protégés par un rempart (Carsac, Vendres, Malvieu), suppose une forme pérenne et solide de cohésion sociale (Gasco, Carozza 1992, 290), allant de pair avec un ancrage permanent des communautés dans leur terroir et la volonté de partager des intérêts communs. De même, il indique certainement une organisation rigoureuse où une forme d’autorité permet d’assurer la coordination du groupe, bien que l’habitat ne rende pas compte d’une hiérarchie sociale (Daubigney 2002, 371-372). On décèle également à travers ces sites, opposés aux petites installations de plaine, une forme de classification de l’habitat, qui trouve un parallèle dans la diversité de tailles des nécropoles (Carozza 2000, 20-21). Celles qui rassemblent quelques sépultures excluent l’idée d’une concentration de l’habitat. A l’inverse, la nécropole du Moulin à Mailhac, associée au site perché du Cayla, suggère la prééminence de ce dernier dans la trame d’occupation du Languedoc occidental au Bronze final IIIb.

Il est vrai cependant qu’on perçoit une mobilité des lieux de vie dans des espaces à petite échelle, liée à l’épuisement des sols (Mazière 2001, 101-102 ; Garcia 2004, 34-37). Une telle situation se retrouve également dans la région de Barcelone ou dans le bassin de l’Ebre (Sanmarti et al. 2000 ; Sanmarti, Santacana 2005, 39). Dans ce système, comme cela a été démontré dans le bassin de l’Orb, la nécropole constitue un point fixe, autour duquel l’habitat se déplacera selon des rythmes agricoles (Mazière 2001), ce qui est