• Aucun résultat trouvé

PREMIÈRE PARTIE : FLEUVES, BASSINS ET MILIEUX

2. Le Languedoc occidental 1. Le bassin de l'Hérault

2.2. Le bassin de l'Orb 1. Le bassin versant

2.2.1.1. Les limites du bassin

Le bassin versant de l'Orb adopte grossièrement la forme d'un triangle dont les angles sont marqués au sud par Valras-Plage, à l'ouest par Saint-Pons et au nord par Ceilhes-et-Rocozels (fig. 41). Il est encadré au sud par le bassin versant de l'Aude et à l'est par ceux de l'Hérault et du Libron. Sa limite nord est déterminée par la bordure méridionale de la Montagne Noire en rive droite et par les derniers escarpements méridionaux du plateau du Larzac en rive gauche. Du sud-ouest au nord-ouest, ce sont les Monts de l'Espinouse et les monts d'Orb, appartenant aux Cévennes méridionales. Il occupe ainsi une surface totale de 1680 km2.

Le bassin supérieur, de la source jusqu'à Cessenon-sur-Orb, est majoritairement montagneux avec un substratum schisteux. Le fleuve s'écoule dans une vallée encaissée, au relief accidenté où l'on distingue deux ensembles : les plateaux du Larzac et la retombée de la Montagne Noire. La forêt cévenole constitue l'essentiel de la végétation, excepté au nord de Ceilhes-et-Rocozels où prédomine la garrigue. On note dans cette zone de fortes précipitations qui s'atténuent toutefois considérablement à partir de Roquebrun (Morange 1993).

Le bassin moyen est, de son côté, marqué par des terrains secondaires et tertiaires variés qui forment les coteaux du Biterrois. A partir du défilé de Réals, le fleuve parcourt les basses terrasses alluviales (annexe 17). Le tracé de l'Orb s'inscrit alors dans un emboîtement de terrasses dont l'altitude est rarement inférieure à 20 m. Au nord de Béziers, entre Lignan-sur-Orb et Murviel-lès-Béziers (annexe 6), le fleuve a délaissé une série de terrasses entre 25 et 40 m, qui, au Pliocène, limitaient son lit. L'Orb se caractérise par de profonds méandres dans les bassins moyen et inférieur, dont notamment celui de Cessenon (annexe 7), qui doublent son parcours (136 km au sol contre 70 km à vol d'oiseau). Sa sinuosité s'explique d'une part par la faiblesse de la pente et d'autre part par le manque de dureté des terrains traversés (Balso 1954, 10). A Béziers, l'Orb longe une colline calcaire (annexe 16). Puis, ses apports alluviaux tendent à s'étaler vers l'est pour rejoindre finalement ceux du Libron, ce qui d’ailleurs ne permet pas d’établir la limite franche entre les deux bassins. A l'embouchure, les apports sédimentaires de l’Orb, combinés au courant méditerranéen est-ouest, provoquent un ensablement et un élargissement de la bande littorale.

L'Orb se caractérise par des traits communs aux cours d'eau cévenols : un cours supérieur encaissé, à forte pente avec la présence de gorges à la traversée des collines sous-cévenoles, un cours moyen parcourant des bassins tertiaires et enfin un cours inférieur sillonnant la plaine alluviale de formation récente (Morange 1993).

2.2.1.2. Le réseau hydrographique

Le réseau hydrographique de l'Orb (fig. 41) draine pour l'essentiel le versant sud de la Montagne Noire et accuse ainsi un déséquilibre non négligeable entre les affluents de la rive droite et ceux de la rive gauche. Sur la rive droite, la Mare, qui rassemble les eaux de plusieurs torrents de l'Espinouse, rejoint l'Orb à Hérépian. Le Jaur constitue l'affluent principal de l'Orb. Il naît à Saint-Pons à 1033 m dans le Somail, reçoit le Salesse et parcourt les communes de Riols et d'Olargues avant de rejoindre l'Orb à quelques kilomètres en amont de Vieussan. L'Orb reçoit le Vernazobre en amont de Cessenon. Entre ces deux tributaires, s'écoule le Riouberlou. Enfin, le Lirou se jette dans l'Orb à Béziers.

Les tributaires de la rive gauche sont beaucoup plus modestes, leur bassin versant occupant 40 à 65 km2. On compte dans le bassin supérieur de l'Orb, le Gravezon qui le rejoint au Bousquet-d'Orb. Les autres se situent dans le bassin inférieur : le Landeran sur la commune de Cessenon, le Rieutort et le Taurou qui lui est parallèle. Ces deux ruisseaux ont un écoulement intermittent.

2.2.1.3. Les caractéristiques de l'écoulement du fleuve

Sur un peu moins de 2 km, jusqu'à Romiguières, l'Orb présente une pente raide, se réduisant ensuite, interrompue par le barrage et le lac d'Avène. A partir de là, sa déclivité s'atténue. De Tarassac à Cessenon, il poursuit son cours dans une vallée encaissée, avec une pente de l'ordre de 3‰. Passées les gorges et après Cessenon, l'Orb s'épanouit dans une zone de terres basses où la vallée s'élargit. De là jusqu'à Béziers, il présente une faible pente, inférieure à 2‰, mais son parcours est marqué par le défilé de Réals, placé à la limite entre le bassin moyen et le bassin inférieur de l'Orb en aval de Cessenon. De Béziers à la mer, la pente s'adoucit encore un peu plus pour atteindre moins de 1‰.

On note une diversité des roches rencontrées, mais le bassin versant est globalement imperméable, sauf vers l'aval où l'on a des espaces calcaires karstifiés. Dans le bassin supérieur, jusqu'à Cessenon, ce sont les retombées de la Montagne Noire d'une part avec une épaisse série de terrains plissés de faible perméabilité (schistes, granites, gneiss), et d'autre part, les plateaux calcaires du Larzac. Les avant-Causses présentent des calcaires lisiaques fortement karstifiés, très perméables. Le bassin moyen est marqué par le chaînon de Saint-Chinian, qui offre terrains secondaires et tertiaires composites et plutôt imperméables. Les basses terrasses alluviales sont, quant à elles, taillées dans des formations récentes (molasses miocènes marno-gréseuses, argiles et marnes) plus ou moins perméables. A cela s'ajoutent les dépôts colluviaux quaternaires, consistant en des alluvions grossières et fines.

Le régime de l'Orb est plutôt irrégulier et, aujourd'hui, il est peu perturbé par les aménagements (barrage d'Avène et usine hydroélectrique de Montahut). Géographiquement parlant, il est moins perturbé par les retenues karstiques que par les influences nivales. Dans l'ensemble, "l'alternance de terrains durs et tendres qu'il traverse sur la majorité de son cours, ses méandres nombreux, lui assurent une alimentation d'eau

continue et freinent son allure" (Balso 1954, 12). Cependant, le fleuve sort fréquemment de son lit en automne et au printemps. On distingue quatre saisons hydrologiques : été très sec, automne et hiver très humides, une saison de deux maxima pluvieux dus aux pluies torrentielles d'automne (en octobre et en novembre) et à une fonte des neiges précoce à faible altitude.

Au niveau de Béziers, son débit moyen mensuel varie entre 44 m3/s et 16 m3/s d'octobre à juin mais ne dépasse pas 8 m3/s entre le mois de juillet et le mois de septembre. Le débit moyen annuel est alors d'environ 25 m3/s à Béziers et de 27 m3/s entre Cessenon et Tabarka (débits moyens relevés de 1966 à 1997, Watel 1998, 37-38).

2.2.1.4. Le Libron

Situé entre les bassins de l'Orb et de l'Hérault (fig. 33), le Libron appartient au Biterrois. Tout comme la Berre dans l'Aude, c'est un véritable oued languedocien. Depuis le XVIIe s., son cours est canalisé à partir de Coussergues.

Depuis sa source, en amont de Laurens, il parcourt environ 40 km, avec un profil très accentué. Jusqu'à Magalas, il coule au milieu d'un paysage de collines et à partir de Lieuran-lès-Béziers, sa vallée s'élargit. Sur les deux tiers de son cours, il connaît un étiage de six mois par an. J. Coulouma (1926) relate qu'au début du XXe s., son lit asséché servait de chemin aux vendangeurs. Son assèchement est en constante progression depuis des siècles. A l'époque romaine, il était utilisé pour accroître le débit de l'aqueduc de Gabian-Béziers. La présence d'anciens moulins à Magalas et à Laurens montre qu'autrefois, son débit était sans doute plus régulier. Ses crues violentes s'expliquent d'abord par l'imperméabilité et le déboisement des terrains qu'il traverse, et par une forte pente (Balso 1954).

2.2.2 L'hydrographie ancienne dans la plaine alluviale 2.2.2.1. Les sources antiques

a. L'Orb

L'Orb est mentionné dans la Géographie de Strabon sous le nom de Orbis (IV,1,6) ; sur son cours se place la ville de Béziers. L'auteur écrit qu'il descend des Cévennes et que comme l'Arauris, le Ruscino ou l'Ilibirris, il permet, avec de petits bateaux, de rallier les villes établies sur son cours.

Pomponius Méla a aussi mentionné l'Orbis, après Béziers (Chorographie, II, 5, 80) et Ptolémée connaît les positions de l'embouchure de l'Orobis (Géographie, II,10). Curieusement, ce nom n'apparaît pas dans l'œuvre de Pline (Histoire Naturelle, III, 32), alors qu'il mentionne un de ses tributaires, la Liria (Lirou). Dans cet extrait, il est possible que l'auteur confonde le fleuve et son affluent, comme c'est le cas pour l'Agly et le

Vernodubrum (Verdouble). Pline fait également référence aux étangs situés le long du rivage, entre l'Orb et l'Hérault ; après avoir évoqué la côte narbonnaise et le littoral jusqu'à la Liria, il ajoute que pour le reste, « les villes sont rares à cause des étangs qui bordent la côte ».

Dans l'Ora Maritima (v. 591), Aviénus évoque l'Orobus et décrit la cité de Besara (Béziers) à l'état de ruines entre le début du IIIe s. et le début du IIe s. av. n. è. (Ugolini, Olive 1987). Le nom Orbis peut être tiré du latin orbis, qui désigne le cercle et, dans ce cas, il peut être mis en rapport avec les nombreux méandres décrits par le fleuve. R. de Felice (1906, 161) a offert comme hypothèses, soit un rapprochement avec le toponyme grec Orobiai, qui désigne une ville d'Eubée donnée par Thucydide, soit un lien avec le nom commun grec orobos, soit encore une parenté avec le terme oros, c'est-à-dire la montagne et dans ce cas, notre hydronyme pourrait prendre le sens de "fleuve de la montagne" (de Felice 1906). De son côté, F. Hamlin (1988) propose une origine pré-indo-européenne de sens inconnu, qui entre dans la composition de nombreux hydronymes.

Tout comme l'Hérault, l'Orb apparaît dans les textes comme un fleuve secondaire en Languedoc occidental, comparé à l'Aude, et les auteurs ont donné peu de précisions sur son cours. Aucune mention ne serait antérieure à l'époque romaine et son nom est associé à celui de Béziers.

b. Rivières et ruisseaux : Liria, Heledus et Thyrius

Pline mentionne dans son Histoire Naturelle (III, 32), après l'Arauris, la Liria. Ce nom est à rapprocher de celui du principal affluent de l'Orb, le Lirou qui rejoint l'Orb au niveau de Béziers. Mais comme nous avons pu le voir plus haut, il fait sans doute une confusion d'hydronyme entre l'Orb et le Lirou, son premier affluent, qui rejoint le fleuve à Béziers.

Dans l'Ora Maritima, deux cours d'eau sont également évoqués. Il est d'abord question de l'Heledus, situé vraisemblablement près de la cité de Béziers et voisin de l'Orb (v. 591). Il s'agit peut-être là aussi du Lirou comme le propose A. Berthelot (1934, 122) ou bien du Libron, sur l'autre rive de l'Orb ; ce petit fleuve côtier aurait eu anciennement une embouchure située vers Portiragnes, au sud-est de Béziers.

Quelques vers plus loin (v. 594), il est question du Thyrius. Aviénus signale qu'il n'est pas très éloigné de l'Orobus et de l'Heledus. L'hypothèse de H. Guiter (Guiter 1992, 219), selon lequel le Thyrius ne désigne pas un cours d'eau mais une élévation de terrain - il pense en particulier à Portiragnes - est contestable car Aviénus a déjà employé cet hydronyme sous la forme Tyrius, pour désigner un fleuve d'Ibérie (v. 482). Il est difficile cependant de trancher dans la mesure où Taur est un radical aussi bien hydronymique qu'oronymique (Hamlin 1988). Deux rivières pourraient en tout cas lui être assimilées. La première est le Taurou, ruisseau affluent de l'Orb ; on remarquera que le nom antique et le nom actuel sont assez proches, ce qui est un argument en faveur de l'assimilation du Taurou avec le Thyrius. La seconde est la Thongue, affluent de l'Hérault qui prend sa

source dans le massif de Cabrières. Ce cours d'eau passe entre autres par le site de Cessero à Saint-Thibéry, connu pour être situé sur le tracé de la Via Domitia.

2.2.2.2. L'Orb au sud de Béziers

Pour ce secteur du littoral, on constate une carence des recherches sur la Protohistoire et l'Antiquité, et pour l'heure, les études restent en grande partie fondées sur les documents d'archives médiévales et modernes (cartes et sources écrites), sur l'observation des cartes actuelles (IGN au 1/25000) et des photographies aériennes. Ces dernières montrent entre l'Orb et l'Hérault, une instabilité hydrographique dans la zone littorale.

Pour les époques antique et médiévale, on suppose traditionnellement l'existence de plusieurs embouchures n'ayant pas toutes fonctionné en même temps (fig. 42). Le paysage garde encore le souvenir très précis de terres hydromorphes correspondant à d'anciens lits aujourd'hui abandonnés.

Au XIVe s., dans le livre de compte du marchand narbonnais Jaume Olivier (Blanc 1899, 401-405 et 418-427), une « procédure de 1270-1273, sur la leude de Béziers, nous apprend que quelque trente ans auparavant, l'Orb se jetait dans la mer plus à l'est, près de Portiragnes, et que par la suite la plus grande partie des eaux du fleuve prit la direction de Sérignan, l'ancien lit demeurant généralement à sec, l'hiver excepté » (Combes 1950, 15). C'est l'ouverture de ce nouveau grau qui aurait permis le développement des activités économiques du port de Sérignan à Valras entre le XIVe s. et le XVIIe s. Donc, d'après ce document, jusqu'au milieu du XIIIe s., l'Orb se serait jeté dans la mer au sud de Portiragnes, sans doute au lieu-dit Tour-de-l'Orb si l'on se réfère à la toponymie. Ce bras oriental aurait à ce moment-là suivi le tracé préfigurant le futur lit du canal du Midi. Mais un autre bras, avant d'être ensablé vers 1600, était supposé se détacher du cours principal entre Maussac et Sauvian pour aboutir à la mer par le grau de la Grande-Maïre, en suivant le cours actuel de ce ruisseau qui apparaît vraisemblablement, à la lecture de la carte topographique, comme un ancien lit de l'Orb (Clavel 1970, 39-40 ; Morange 1994, 52). Aujourd'hui, il sert de limite de cantons.

De son côté, H. Pineau considère, sans argumenter, que de l'embouchure de l'Aude à celle de l'Orb, l'existence d'une ancienne et vaste lagune aurait servi de débouché à l'Orb au lieu-dit la Jassette, jusqu’au IXe s. (Pineau 1961, 151). Au milieu du XVIIIe s., à la suite d'une grande inondation et sur demande des états provinciaux, une digue fut construite à partir du moulin de Saint-Pierre, déportant les eaux du fleuve du côté de Sauvian et traçant le cours actuel de l'Orb (Morange 1994, 52).

Comme pour les embouchures de l'Hérault, ces reconstitutions sont le fruit d'études fondées principalement sur des documents d'archives médiévales ou modernes qui peuvent ne pas être transposables à une période beaucoup plus ancienne. Pour l'époque qui nous concerne, l'ancien parcours de l'Orb demeure conjectural. Les textes antiques confirment au moins son passage par Béziers. S'il apparaît vraisemblable qu'au sud de cette ville son

tracé ait été alors plus oriental par rapport au cours actuel, son embouchure n'est pas pour autant localisée et l'on doit aussi tenir compte de l'évolution du tracé du littoral dans ce secteur. Pour l'époque historique, on sait que le cours inférieur du fleuve a beaucoup divagué entre Valras-Plage et Portiragnes-Plage. Quant à l'allure passée, les anciens tracés de l'Orb, repérables au sud de Béziers sur la carte IGN au 1/25000e, décrivent de profonds méandres en rive gauche (fig. 43). Selon les observations de P. Ambert (1987, 42), le lit de l'Orb aurait connu un exhaussement important durant l'Holocène à Béziers en raison de ses crues qui touchent, encore actuellement, les faubourgs de la ville. Ici, le seul argument avancé est la découverte faite, au milieu du XIXe s., à la Chambre Verte (ou "Gué Français"), lors de la construction du Pont Canal, de vestiges archéologiques datés du Néolithique à l'époque romaine, au pied de la butte de Béziers, sous une épaisse couche de sédiments fluviatiles (Bonnet 1857). En 6000 ans, l'alluvionnement aurait atteint 5 m d'épaisseur.

En ce qui concerne le Libron, la carte IGN au 1/25000e indique un "ancien grau", à 2 km à l'ouest de l'embouchure actuelle et voisin de la Grande Maïre. Son ancien lit est lisible à la hauteur du domaine de Preignes-le-Neuf (fig. 42). A l'aval, il est marqué par le Fossé de la Maïre qui longe le Canal du Midi. D'après H. Pineau, un autre lit existait à l'est et aboutissait dans l'étang du Clos de Vias (Pineau 1961, 151).

2.2.2.3. Le littoral entre Valras et l'embouchure du Libron

Là encore, les connaissances portant sur l'évolution du littoral dans ce secteur sont hypothétiques et reposent sur des observations du paysage ou sur des données archéologiques ponctuelles. En règle générale, on connaît les grands traits du paysage, mais les phases successives de son évolution restent difficiles à déterminer.

La présence, durant l'Antiquité, d'un plan d'eau entre le cordon littoral de Valras et jusqu'à Sauvian avait été proposée, au départ, notamment sur la base de l'existence, sur cette commune, du site romain de La Domergue, interprété anciennement comme une exploitation conchylicole (Ambert et al. 1993, 131) (aujourd’hui, la fouille de cet établissement a établi qu’il s’agissait en réalité d’une villa). Cette zone du littoral avait été considérée comme favorable à ce type d'activité en raison d'un milieu supposé lagunaire. L'étang, alors ouvert sur la mer grâce à des graus, permettait une navigation lagunaire (Ambert 1987, 36). Vers l'est, cette lagune se serait étendue jusqu'à Villeneuve-les-Béziers et Portiragnes et aurait servi de débouché au Libron selon H. Pineau (1961, 151). La Grande Maïre et l'étang du Clos de Vias en constitueraient aujourd'hui le dernier état (fig. 42). Les défluviations de l'Orb seraient à l'origine des atterrissements de la lagune littorale (Ambert 1987, 42 ; Ambert 1991, 166-167).

Le principal argument avancé concernant l'existence de cet étang tient dans l'absence de traces de cadastre romain dans le secteur de Villeneuve - Portiragnes, ce qui peut s'expliquer par le fait que la zone est immergée (Ambert 1987, 42). Le réseau B du cadastre précolonial de Béziers, « outil d’avancée vers la zone littorale » est en effet quasiment absent de la rive gauche de l’Orb (Clavel-Lévêque 1994, 98). Le colmatage se

serait effectué tardivement au cours du Moyen Age et de la période moderne, par phénomène d'alluvionnement de l'Orb et en ce sens, Villeneuve est un toponyme qui évoquerait l'exploitation de terres récemment conquises sur la mer puis mises en valeur (Ambert 1987). Cependant, A. Perez identifie un système cadastral inédit dans l’ager baeterrensis (Béziers D), implanté jusqu’au littoral sauf dans les zones de l’ancien delta du Libron "récemment égouttées" (Perez 1995), c’est-à-dire la Grande Maïre, structurant fortement le tissu rural, sur le territoire de ces deux localités, le long du fleuve. Ceci tendrait à démontrer que les atterrissements de l’ancien delta de l’Orb seraient plus anciens que ceux qui sont annoncés par P. Ambert.

Contre cette vision d'un milieu très humide et saumâtre dans toute la basse plaine de l'Orb jusqu'au Moyen Age, et comme cela a pu être aussi le cas au XXe s. avant les grands aménagements touristiques du littoral, plusieurs arguments archéologiques peuvent être avancés. Tout d'abord, les fouilles de la ferme protohistorique (fin du VIe s./début du Ve s. puis fin du IVe s. av. n. è.) de Casse-Diables (Ugolini, Olive 1998) sur la commune de Sauvian, ainsi que la présence de la villa romaine de La Domergue démontrent la permanence de l'exploitation agricole de ce terroir entre la fin du VIe s. av. n. è. au moins et jusqu'à l'époque romaine. Ceci tend plutôt à réfuter l'idée d'une zone marécageuse et par conséquent inculte, à cet endroit pour les périodes protohistoriques et romaines. En revanche, la présence de poids de filet de pêche et de nombreuses coquilles sur le site des Jonquiès à Portiragnes, dans les niveaux datés du Bronze Final IIIb, témoigne d'une exploitation des ressources de la lagune (Grimal 1979). De plus, la commune de Villeneuve-les-Béziers a livré plusieurs gisements protohistoriques, datés entre la fin du VIe s. et le IVe s. av. n. è., à l'emplacement de la zone actuellement inondable, montrant une occupation ancienne de ce secteur probablement liée à l'exploitation agricole du terroir