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PREMIÈRE PARTIE : FLEUVES, BASSINS ET MILIEUX

2. Le Languedoc occidental 1. Le bassin de l'Hérault

3.2. Le bassin de la Têt 1. Le bassin versant

3.2.1.1. Les limites du bassin

Le bassin versant de la Têt couvre une surface totale d'environ 1400 km2 et présente une forme allongée, d'est en ouest (fig. 53). La source de la Têt est voisine de celle de l'Aude, sur le versant est du Carlit. La limite septentrionale du bassin est déterminée par celle du bassin de l'Agly, tandis que le lac des Bouillouses en marque l'extrémité ouest. Au sud, sa limite suit la ligne de crête et les cols successifs du massif du Canigou. La délimitation du bassin dans la plaine, avec l'Agly au nord, est beaucoup plus problématique dans la partie aval de ces deux cours d'eau en raison de "l'absence d'écoulement bien défini" (Curt, Davy 1990, 122). C'est aussi le cas au sud avec le bassin du Réart qui est cependant séparé de celui de la Têt par la ligne des collines du Quaternaire ancien, entre Château-Roussillon et Canet.

Dans la haute vallée, le bassin de la Têt s'étend jusqu'à l'aval du débouché de Mont-Louis, mais de surface réduite et fermé par le barrage-réservoir des Bouillouses, il est négligeable et on distingue globalement deux principaux bassins, le bassin supérieur, en amont de Rodès et le bassin inférieur en aval de cette ville. La vallée est très encaissée jusqu'au bassin de Prades qui constitue, vers l'est, un prolongement plus ou moins accidenté de la plaine. Comme pour l'Agly et les cours d'eau cévenols, on retrouve une fois de plus, la dualité montagne-plaine, avec ici les Pyrénées et la plaine du Roussillon.

3.2.1.2. Le réseau hydrographique

Les bassins des affluents de la Têt sont de surface réduite ne dépassant jamais les 100 km2. Ceux de la rive droite sont les plus nombreux, concentrés dans le bassin supérieur (fig. 53). Leur source se situe pour l'essentiel dans le massif du Canigou et ils drainent tout le Conflent. Parmi les plus importants, la Rotja couvre 75 km2 et rejoint le fleuve à l'amont de Villefranche-de-Conflent, de même que la rivière de Cady qui se trouve à proximité. La Lentilla (98 km2) se jette dans les eaux de la retenue de Vinça en aval de Marquixanes. Vient ensuite à partir de Rodès, le Boulès dont la confluence avec la Têt se fait entre Millas et Saint-Féliu-d'Amont.

Les tributaires de la rive gauche se concentrent également en amont de Rodès. Le ruisseau de Cabrils couvre une surface de 92 km2 et se jette dans le fleuve à Olette. La Castellane a un bassin de surface équivalente et rejoint la Têt à Catllar. Ces deux rivières prennent leur source dans le Madrès.

3.2.1.3. Les caractéristiques de l'écoulement

La Têt naît au pied du Carlit à 2810 m d'altitude et parcourt 120 km jusqu'à son embouchure. Son cours supérieur, avec un lit profondément encaissé, est marqué par une pente importante, de l'ordre de 65 à 60‰ entre le lac des Bouillouses, qui régule son cours, et Fontpédrouse. De là à Villefranche-de-Conflent, la pente diminue régulièrement et de Prades à Vinça, le lit s'élargit avec une pente de 12‰. Après la chute du barrage de Vinça, en aval de Rodès, la Têt entre dans son bassin inférieur et la pente est réduite de moitié, mais conserve encore un caractère torrentiel. Ce n'est finalement qu'à partir de Perpignan que le profil s'adoucit pour atteindre 2‰ jusqu'à l'embouchure (Curt, Davy 1990, 126-127).

Les pentes du bassin de la Têt sont très accusées ce qui confère au fleuve un caractère torrentiel sauf là où il atteint la plaine, où la pente reste toutefois soutenue. A partir du bassin de Prades, le fleuve décrit des méandres dans le lit majeur.

Le fleuve traverse successivement des ensembles géologiques variés : les hauts massifs pyrénéens avec, comme points culminants, le Canigou et le Madrès formés pour l'essentiel, de roches dures imperméables : granites et gneiss ; le bassin du Conflent bordant la vallée au sud avec des terrains principalement métamorphiques (gneiss, granites, schistes, calcaires et aussi alluvions récentes) ; la plaine roussillonnaise dans laquelle s'inscrit un système de terrasses plus ou moins hautes correspondant à une sédimentation continentale du Quaternaire ancien (sols limoneux et caillouteux) et des alluvions récentes fluviatiles sablo-limoneuses pour le lit majeur.

Le régime de la Têt est de type méditerranéen montagnard, pluvio-nival. Il subit l'influence nivale du bassin supérieur mais montre une relative modération des variations, par rapport aux autres rivières méditerranéennes, en raison d'un régime pluviométrique moyen régulier (Curt, Davy 1990). On note cependant un maximum de printemps en raison de la fonte des neiges qui commence dès le mois d'avril et d'apports pluviaux. Des étiages rigoureux touchent notamment le bassin inférieur où les eaux sont prélevées pour les besoins de l'irrigation. Durant l'automne, les débits, soutenus, varient suivant les bassins et la fréquence des pluies, mais cette saison peut connaître des fortes crues. Les débits d'hiver demeurent soutenus.

3.2.2. Le paysage dans la plaine alluviale 3.2.2.1. Les sources antiques

Athénée rapporte que Polybe connaissait, dans la plaine du Roussillon, le fleuve Roskynos, entre le cours de l'Aude et les Pyrénées et une ville du même nom (XXXIV, 10, dans Athénée, VIII, 332a).

Au début du Ier s. de n. è., Strabon cite également le fleuve Ruscino, venant des Pyrénées ; il est impropre à la navigation des gros navires mais permet cependant de joindre, grâce à des petites embarcations, les villes qui bordent son cours (Géographie, IV, 1, 6). La forme Telis, qui a donné son nom actuel au fleuve, apparaît pour la première fois dans la Chorographie (II, 5, 84) de Pomponius Méla qui fait allusion à sa violence lors des crues. Pline l'Ancien ignore ce cours d'eau alors qu'il connaît le nom de la ville de Ruscino (Histoire Naturelle, III, 32).

L'hydronyme Ruscino réapparaît dans la Géographie (II, 10) de Ptolémée pour donner les positions de l'embouchure du fleuve. Il connaît aussi les coordonnées de la ville qui porte le même nom. Aviénus mentionne également le Rhoscynus dans la plaine roussillonnaise où il sillonne un rivage sableux, dit Cynétique (v. 568), mais ne fait pas état d'une ville du même nom.

3.2.2.2. Le tracé du fleuve dans la basse vallée

Entre Perpignan et Sainte-Marie, les divagations de la Têt ne sont envisageables qu'au nord de la ligne des collines du Quaternaire ancien, ayant servi d'assise à Château-Roussillon et à Canet et qui dominent la partie sud de la plaine de la Salanque. Nos connaissances sur les modifications du cours du fleuve reposent en partie sur des archives médiévales et modernes. En premier lieu, de nombreuses mentions assimilent l'ancien lit de la Têt à l'Agouille de l'Auque (fig. 48), un canal d'assèchement situé au nord du lit actuel du fleuve et rejoignant le Bordigoul (Vidal 1995). Au XVIIe s., Pierre de Marca considère que la Têt se jette à la mer vers Toreilles et que son embouchure forme un petit port, tandis que le fleuve est alors navigable. Il doit son tracé actuel à un impératif de sécurité (Vidal 1995). Mais, pour l'heure, l'hypothèse de ce bras septentrional demeure non étayée (Marichal et al. 1997, 281-282) et encore moins celle d'un port sur la commune de Toreilles.

Plusieurs sondages ont permis de faire des observations quant au tracé du fleuve aux environs du site de Ruscino. Ils ont révélé un écoulement fluvial qui est venu creuser la partie basse de l'escarpement à la base du flanc occidental de la colline, où est implanté l'habitat antique (fig. 49). Cette érosion aurait provoqué un effondrement de la butte qui semble être la cause de la disparition d'une partie des vestiges de l'époque républicaine sur ce versant. Donc, durant l'Antiquité, un cours d'eau, probablement la Têt, aurait bordé le site de Ruscino en contrebas de la pente occidentale et non au nord comme c'est le cas aujourd'hui (Marichal et al. 1997, 281-282).

A l'aval de Ruscino et jusqu'à l'embouchure, le tracé restitué par Marichal et al. 1997 demeure entièrement hypothétique (fig. 48). Pour le Moyen Age, C. Puig (2003) a mis en évidence un ancien méandre sur la rive gauche du fleuve à la hauteur de Château-Roussillon, marquant vraisemblablement une limite de finage au XIIIe s., encore visible dans le parcellaire actuel (Puig 2003).

En ce qui concerne l'embouchure, un ancien chenal de la Têt (fig. 48), la Crouste, est visible sur la carte IGN au 1/25000e, au nord du tracé actuel et fonctionnerait encore avant la fin du XIIIe s. d'après les archives médiévales (Puig 2003).

3.3. Le bassin du Tech