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Perspectives : caract´ erisation d’impulsions attosecondes

La technique que nous avons d´evelopp´ee a ´et´e utilis´ee avec succ`es pour mesurer le profil temporel d’harmoniques d’ordre ´elev´e. La caract´erisation compl`ete a permis de mesurer l’´evolution de la phase du dipˆole harmonique en fonction de l’ordre, et d’´etudier le confinement temporel de l’´emission par une porte de polarisation. Nous avons d´emontr´e la possibilit´e d’effectuer des mesures monocoups, ce que seule cette m´ethode permet `a notre connaissance.

Nous nous sommes int´eress´es `a la caract´erisation d’harmoniques individuelles. Une ca- ract´erisation compl`ete du champ r´esultant d’une superposition de plusieurs harmo- niques n’´etait pas possible exp´erimentalement par cette m´ethode, puisque le spectre harmonique comporte des points d’amplitude spectrale nulle qui interdisent la recons- truction de la phase. N´eanmoins, en utilisant des impulsions lasers plus courtes, il est envisageable d’´etendre nos mesures au domaine attoseconde.

Les ´etudes de la g´en´eration d’harmoniques par des impulsions de dur´ee inf´erieure `a 40f s montrent qu’il est possible d’obtenir des spectres sans discontinuit´e sur plusieurs ordres harmoniques (Sansone et al.,2004). Les spectres sont constitu´es des pics harmo- niques, entour´es de composantes spectrales plus faibles mais non nulles. En utilisant un Dazzler pour produire des couples d’impulsions harmoniques d´ecal´ees temporellement et spectralement, on obtiendrait alors deux trains attosecondes d´ecal´es temporellement et spectralement. Notons que dans ce cas, le d´ecalage spectral ne serait pas constant sur tout le spectre mais lin´eaire en fr´equence, puisque chaque harmonique est d´eca- l´ee d’une quantit´e proportionnelle `a son ordre. Une ´etude th´eorique r´ecente a montr´e la possibilit´e d’effectuer des mesures SPIDER de trains attosecondes dans un tel cas (Cormier et al.,2005).

2.7. PERSPECTIVES : CARACT ´ERISATION D’IMPULSIONS ATTOSECONDES

La mise en place d’une telle caract´erisation attoseconde pr´esenterait de nombreux avan- tages, mais est soumise `a certaines contraintes sur la source (laser tr`es bref) qui re- streignent sa g´en´eralit´e. Afin de pallier `a ces probl`emes nous avons d´evelopp´e une m´e- thode de caract´erisation compl`ete d’impulsions attosecondes arbitraires, FROG CRAB, qui sera d´etaill´ee au chapitre5.

Chapitre 3

Principe de mesure des phases

relatives des harmoniques :

RABBITT

Les phases relatives des harmoniques conditionnent la structure attoseconde du rayon- nement. Dans ce chapitre, nous consid´erons les harmoniques comme discr`etes : chaque harmonique se voit attribuer une amplitude Aq et une phase ϕq. Le profil temporel du rayonnement est obtenu par transform´ee de Fourier :

I(t) = N X q=1 Aqexp(−iωqt + iϕq) 2 (3.1)

En cons´equence de cette discr´etisation spectrale, la structure temporelle est p´eriodique de p´eriode T0/2. Le train d’impulsions attosecondes obtenu correspond donc `a un profil moyen sur la dur´ee totale de l’´emission harmonique.

Les amplitudes Aq sont ais´ement mesurables sur un spectre de puissance du rayonne- ment. En revanche, les mesures de phase spectrale dans le domaine UVX sont d´elicates, comme nous l’avons expos´e au chapitre2, et n´ecessitent d’employer des techniques sp´e- cifiques. Ce probl`eme est d’autant plus difficile `a r´esoudre concernant les phases relatives des harmoniques que la mesure doit ˆetre effectu´ee sur une gamme spectrale tr`es large, pouvant s’´etendre jusqu’`a plusieurs dizaines d’eV. Les phases ϕq sont par cons´equent longtemps rest´ees inconnues.

La premi`ere mesure de phases spectrales a ´et´e r´ealis´ee parPaul et al. (2001). La tech- nique utilis´ee porte le nom de RABBITT (Reconstruction of Attosecond Beating By Interference of Two-photon Transitions, reconstruction de battement attoseconde par interf´erence de transitions `a deux photons) (Muller,2002), et est bas´ee sur la photoioni- sation `a deux photons, deux couleurs (Veniard et al.,1996). Elle a permis de caract´eriser

en amplitude et en phase un groupe de 5 harmoniques cons´ecutives g´en´er´ees dans l’ar- gon, et ainsi de mesurer des impulsions de 250 as, ce qui est tr`es proche de la limite de Fourier. Une extension de cette technique est survenue lorsque Dinu et al. (2003) ont montr´e qu’elle permettait dans certaines conditions d’acc´eder `a la synchronisation des impulsions attosecondes par rapport au laser g´en´erateur, autorisant des comparaisons directes avec les simulations de la r´eponse de l’atome unique. En effectuant la mesure des phases de 5 harmoniques cons´ecutives g´en´er´ees dans des gaz diff´erents,Aseyev et al.

(2003) ont montr´e une influence des conditions de g´en´eration sur cette synchronisation.

Toutes ces ´etudes exp´erimentales ´etaient limit´ees `a la caract´erisation d’un groupe de 5 harmoniques, en raison de la s´electivit´e spectrale de certaines optiques dans le dispositif exp´erimental ou de la faiblesse du niveau de signal. Les profils temporels mesur´es ont toujours ´et´e proches de la limite de Fourier. Si cette propri´et´e restait vraie sur une plus large gamme spectrale, alors la g´en´eration d’impulsions de quelques attosecondes serait possible en superposant plusieurs centaines d’harmoniques. Une ´etude large bande des phases relatives des harmoniques ´etait par cons´equent n´ecessaire. Nous pr´esentons dans ce chapitre le principe de la m´ethode RABBITT, ainsi que le dispositif large bande que nous avons utilis´e pour r´ealiser des mesures de phases harmoniques de plusieurs dizaines d’harmoniques. Les exp´eriences ont eu lieu `a Saclay en collaboration avec Leszek Frasinski et Marek Stankiewicz de l’universit´e de Reading (Grande Bretagne), et Catalin Dinu et Harm Muller du FOM `a Amsterdam (Pays Bas). Nous avons ´egalement b´en´efici´e du support th´eorique de Richard Ta¨ıeb du LCPMR `a Paris.

3.1

Ionisation `a deux photons, deux couleurs

Lorsqu’un atome interagit avec un champ UVX, il peut ˆetre ionis´e et lib´erer des ´elec- trons dont l’´energie cin´etique est la diff´erence entre l’´energie du photon ionisant et le potentiel d’ionisation. Ainsi, en focalisant des harmoniques d’ordre ´elev´e dans un jet de gaz, on produit des photo´electrons dont le spectre refl`ete celui des harmoniques situ´ees au dessus du potentiel d’ionisation du gaz cible. Si l’on ajoute au rayonne- ment harmonique un faible champ infrarouge (”d’habillage”), de nouvelles transitions de photoionisation sont possibles. Ce sont des transitions `a deux photons et deux cou- leurs : absorption simultan´ee d’un photon harmonique et d’un photon infrarouge, et absorption d’un photon harmonique et ´emission simultan´ee d’un photon infrarouge. Il apparaˆıt de nouvelles composantes dans le spectre de photo´electrons sous la forme de pics satellites (sidebands) situ´es entre les harmoniques (figure3.1). Nous consid´erons la situation o`u le champ infrarouge d’habillage a la mˆeme fr´equence que celui qui g´en`ere les harmoniques. Les satellites sont alors ´equidistants des harmoniques adjacentes. Si l’´eclairement du laser est trop ´elev´e, plusieurs photons infrarouges peuvent ˆetre absor- b´es ou ´emis, ce qui cr´ee des satellites d’ordre ´elev´e. Si on l’augmente encore, le champ

3.1. IONISATION `A DEUX PHOTONS, DEUX COULEURS Hq-2 Hq Energie Hq+2 S ig n al

Fig. 3.1: Principe de l’ionisation `a deux photons, deux couleurs par un champ harmonique en pr´esence d’un champ infrarouge. Les photons harmoniques sont repr´esent´es en noir et les photons infrarouges par les fl`eches grises. Le spectre de photo´electrons est repr´esent´e en haut et est constitu´e de pics harmoniques (en noir) et de satellites (en gris).

infrarouge peut `a lui seul ioniser le gaz. Nous nous pla¸cons dans un cas o`u aucun de ces deux ph´enom`enes n’a lieu, c’est-`a-dire avec des ´eclairements d’habillage de l’ordre de quelques 1011 W/cm2.

Le pic satellite d’´energie (q + 1)ω0 re¸coit une contribution des deux harmoniques adja- centes q et q + 2. Deux chemins quantiques diff´erents m`enent `a la mˆeme ´energie finale, et il se produit un ph´enom`ene d’interf´erence. Val´erie V´eniard et al. ont montr´e que l’amplitude du satellite (q + 1) comportait un terme oscillant

Sq+1 = Sq+10 cos (2ϕIR+ ϕq− ϕq+2+ ∆ϕat) (3.2) o`u ϕIR est la phase du champ infrarouge d’habillage et ∆ϕat un terme de phase ato- mique caract´eristique de l’atome consid´er´e (Veniard et al.,1996). La phase de ce terme contient donc l’information sur la diff´erence de phase entre deux harmoniques cons´e- cutives. En introduisant un d´elai τ entre les faisceaux infrarouge et harmonique, il est possible d’imposer une phase du laser ϕIR = ω0τ +ϕ0, o`u ϕ0est une phase de r´ef´erence. Lorsque le d´elai varie, l’amplitude des satellites est modul´ee et oscille `a la fr´equence double du laser, avec une phase ϕsat= ϕq− ϕq+2+ ∆ϕat+ 2ϕ0.

Afin d’extraire la diff´erence de phase entre les harmoniques q et q + 2 de l’oscillation du satellite, il est n´ecessaire de connaˆıtre le terme de phases atomiques ∆ϕat. Richard Ta¨ıeb du Laboratoire de Chimie Physique Mati`ere et Rayonnement `a Paris, et ind´epen- damment Catalin Dinu et Harm Muller du FOM `a Amsterdam ont calcul´e ces phases en fonction de l’ordre harmonique, pour diff´erents gaz de d´etection (Mairesse et al.,2003). Nous repr´esentons sur la figure 3.2 le terme correctif `a la phase du satellite, exprim´e

12 20 28 36 44 52 60 68 -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 ∆ϕ a t /( 2 ω 0 ) (a s ) Ordre du satellite

Fig. 3.2: Corrections de phase atomique dans l’argon (carr´es) et l’h´elium (cercles).

en attosecondes. Les corrections sont de l’ordre de quelques dizaines d’attosecondes, et tendent vers 0 pour l’h´elium lorsque l’ordre harmonique augmente.