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Etude th´ eorique de la synchronisation

4.2.1 Instants d’´emission des harmoniques

L’´etude th´eorique quantique que nous avons pr´esent´ee au chapitre1a permis de calculer les instants complexes d’ionisation et de recombinaison des ´electrons. Nous analysons dans ce paragraphe leur lien avec l’instant d’´emission associ´e `a chaque harmononique, d´efini comme la d´eriv´ee de la phase harmonique : te(ωq) = ∂ϕ/∂ω.

Rappelons que la phase du dipˆole harmonique ϕ est donn´ee par l’´equation suivante :

ϕjq= ωqtr− Z tr ti  (p + A(t))2 2 + Ip  dt (4.3) Sa d´eriv´ee s’´ecrit : ∂ϕ ∂ω = ∂tr ∂ω ∂ϕ ∂tr +∂ti ∂ω ∂ϕ ∂ti + ∂~p ∂ω ∂ϕ ∂~p (4.4)

Nous avons montr´e `a partir des trois ´equations de point selle 1.18 `a 1.20et de l’´equa- tion 4.3 que cette expression se simplifie en te = ∂ϕ∂ω = <(tr) (Mairesse et al. (2003), Supporting Online Material ) :

L’instant d’´emission d’une harmonique est la partie r´eelle de l’instant com- plexe de recombinaison de l’´electron sur la trajectoires correspondante.

Dans le plateau, chaque harmonique est donc associ´ee `a deux instants d’´emission cor- respondant aux deux trajectoires ´electroniques courte et longue. Les ´etudes th´eoriques ont montr´e la possibilit´e de s´electionner la contribution d’une seule famille de trajec- toires pour obtenir un profil temporel attoseconde plus r´egulier. Nous en exposons les principaux r´esultats dans le paragraphe suivant.

4.2.2 S´election des trajectoires courtes

Le profil temporel th´eorique pr´esent´e en ligne discontinue sur la figure4.4est la r´eponse d’un atome unique au champ infrarouge intense, calcul´ee parAntoine et al.(1996b) dans l’approximation du champ fort. Il pr´esente deux impulsions attosecondes principales par demi-cycle optique, caract´eristiques de l’existence de deux familles de trajectoires ´

electroniques dans le continuum. Nous nous int´eressons ici aux moyens d’´eliminer les contributions d’une de ces familles afin d’obtenir une impulsion unique par demi-p´eriode laser.

Exp´erimentalement, le milieu ´emetteur est un jet de gaz constitu´e d’une multitude d’atomes dont les champs rayonn´es eq vont s’additionner de mani`ere coh´erente pour construire le champ ´electrique macroscopique Eq : Eq= P

atomes eq.

4.2. ETUDE TH ´EORIQUE DE LA SYNCHRONISATION

Fig. 4.4: Profils temporels th´eoriques de la superposition des harmoniques 41 `a 61 g´en´er´ees dans le n´eon par une impulsion laser d’´eclairement au foyer 6.6 × 1014 W/cm2. Les lignes

discontinues repr´esentent la r´eponse de l’atome unique, et les lignes continues la r´eponse macroscopique. Le laser est focalis´e 2 mm avant le jet sur la figure (a), et dans le jet sur la figure (b). D’apr`esAntoine et al.(1996b)

Le d´etail des interf´erences entre les contributions microscopiques d´epend des phases relatives des diff´erents ´emetteurs, et donc de la g´eom´etrie de l’interaction avec le laser. Il s’agit d’un probl`eme d’accord de phase dans lequel la structure spatiale du faisceau laser joue un rˆole essentiel.

La condition g´en´erale d’accord de phase de la g´en´eration d’harmoniques d’ordre ´elev´e peut s’´ecrire (Balcou et al.,1997) :

kq= qk1+ 5ϕq (4.5)

o`u ϕq est la phase du moment dipˆolaire harmonique q. Or, nous avons vu au chapitre

1 que la phase du dipˆole harmonique variait approximativement de mani`ere lin´eaire avec l’´eclairement : ϕq = −αjqI. La focalisation du laser dans le milieu g´en´erateur peut induire d’important gradients longitudinaux et transverses d’´eclairements, et va donc fortement influencer l’accord de phase. De plus, comme les coefficients αjqsont tr`es diff´erents selon la famille de trajectoires consid´er´ee, l’accord de phase sera diff´erent pour les trajectoires courtes et longues. Cet effet peut ˆetre exploit´e en ajustant la g´eom´etrie de g´en´eration afin de s´electionner les contributions d’une famille.

L’´etude th´eorique de la structure attoseconde du rayonnement harmonique par Phil- lippe Antoine et al. a montr´e qu’il ´etait possible de s´electionner macroscopiquement les contributions des trajectoires courtes (Antoine et al.,1996b). Le calcul du champ ma- croscopique rayonn´e, obtenu en propageant les contributions microscopiques eq grˆace aux ´equations de Maxwell, r´ev`ele une grande sensibilit´e `a la position relative du foyer laser et du jet. Les auteurs montrent ainsi que le profil temporel du champ macrosco- pique correspondant `a la superposition des harmoniques 41 `a 61 ne comporte qu’une

Fig. 4.5: (a) R´eponse de l’atome unique correspondant `a la superposition des harmoniques 41 `a 61 g´en´er´ees dans le n´eon par une impulsion laser de 4 × 1014 W/cm2. (b) R´eponse

macroscopique obtenue avec un laser focalis´e 2 mm avant le jet et d’´eclairement 4 × 1014

W/cm2dans le milieu. D’apr`esAntoine et al.(1997)

impulsion par demi-p´eriode laser lorsque le laser est focalis´e suffisamment avant le jet (figure 4.4(a)). Cette impulsion a quasiment la mˆeme synchronisation par rapport au champ fondamental que dans la r´eponse de l’atome unique : elle est ´emise aux alentours de t = 0.5 cycle optique. Cela signifie que dans ces conditions, les trajectoires courtes sont accord´ees en phase, tandis que les contributions microscopiques des trajectoires longues interf`erent destructivement. En revanche, si le faisceau laser est focalis´e au centre du jet, les contributions des deux familles de trajectoires sont pr´esentes sur le profil temporel, avec une pr´edominance des trajectoires longues (figure4.4(b)).

Il est important de noter que dans le cas o`u la s´election des contributions des tra- jectoires courtes est effectu´ee par accord de phase, la synchronisation des impulsions attosecondes par rapport au champ laser reste tr`es proche de celle de la r´eponse de l’atome unique. D’autre part, la dur´ee d’impulsion est dans ce calcul ´egalement pra- tiquement inchang´ee par la propagation. Il semble donc que la propagation joue le simple rˆole de filtre temporel. Cet aspect est essentiel puisqu’il montre que l’on peut acc´eder macroscopiquement `a (une partie de) la r´eponse d’un atome unique en champ fort. Un b´emol `a cette affirmation est apport´e par l’article suivant de Antoine et al.

(1997). Les calculs sont effectu´es dans des conditions similaires, `a un ´eclairement l´e- g`erement diff´erent. Les r´esultats pr´esent´es sur la figure 4.5confirment l’efficacit´e de la s´election des trajectoires courtes, ainsi que la stabilit´e de la synchronisation par rap- port au fondamental. En revanche, un ´elargissement du profil temporel de l’impulsion correspondant aux trajectoires courtes apparaˆıt : la dur´ee passe d’environ 170 as dans la r´eponse atome unique `a 300 as sur le profil macroscopique. Cet effet, qui est en contradiction avec les donn´ees de (Antoine et al.,1996b), n’est pas discut´e. Des calculs r´ecents effectu´es par Thierry Auguste sont en accord avec le second article (Antoine et al., 1997), et il semble que les r´esultats pr´esent´es dans (Antoine et al.,1996b) com-

4.2. ETUDE TH ´EORIQUE DE LA SYNCHRONISATION

portaient une erreur dans l’int´egration spatiale. Ainsi, selon les calculs macroscopiques dans l’approximation du champ fort, la s´election de trajectoire par accord de phase s’accompagnerait d’un ´elargissement temporel. Nous discuterons de cet effet dans la comparaison avec l’exp´erience.

Dans les premi`eres mesures RABBITT qui ont ´et´e effectu´ees (Paul et al.,2001;Aseyev et al.,2003;Dinu et al.,2003), ainsi que dans celles que nous avons pr´esent´ees au d´ebut du chapitre une seule impulsion attoseconde par demi-cycle optique est pr´esente. Le faisceau laser est en effet focalis´e un peu avant le jet de gaz de mani`ere `a effectuer la s´election des trajectoires courtes. Cette op´eration permet `a la fois d’obtenir un train d’impulsions attosecondes plus r´egulier, et du point de vue fondamental d’´etudier en d´etail le comportement d’une famille de trajectoires.

4.2.3 Comparaison entre th´eorie et exp´erience

Les r´esultats du calcul quantique des instants d’´emission dans l’argon `a un ´eclairement de 1.2 × 1014W/cm2 ont ´et´e pr´esent´es au chapitre1et sont reproduits sur la figure4.6. Les instants d’´emission associ´es aux deux trajectoires sont clairement s´epar´es dans le plateau : les trajectoires courtes ´emettent autour de 1500 as au milieu du plateau, tandis que l’´emission des longues est plutˆot vers 2300. Cette s´eparation explique la pr´esence de deux impulsions par demi-cycle optique dans les calculs de Antoine et al. (1996b), s´epar´ees d’environ 0.3 cycle optique, c’est `a dire 800 as. Dans la coupure, aux alentours de l’ordre 35, les deux familles de trajectoires se rejoignent. L’instant d’´emission devient constant, ce qui est ´egalement coh´erent avec les calculs de Antoine et al.(1996b) : les harmoniques sont donc synchronis´ees dans la coupure.

Dans le plateau, il existe une d´esynchronisation importante des harmoniques au sein de chaque famille de trajectoire. Le comportement de te en fonction de l’ordre est quasi-lin´eaire, avec une pente positive pour les trajectoires courtes et n´egative pour les longues. Ainsi, pour les trajectoires courtes, les harmoniques les plus faibles sont ´emises avant les plus ´elev´ees. Ce r´esultat concorde avec les observations exp´erimentales que nous avons effectu´ees. Afin de quantifier cette comparaison, nous avons repr´esent´e sur la figure4.2(b) les instants d’´emission calcul´es pour la trajectoire courte. L’accord entre th´eorie et exp´erience est bon. Un ajustement lin´eaire des donn´ees th´eoriques permet d’´evaluer la d´esynchronisation entre deux harmoniques successives : ∆tthe = 81 ± 3 as. Cette valeur est l´eg`erement inf´erieure au ∆texpe = 106 as obtenu dans la mesure. N´eanmoins, il faut garder `a l’esprit que le mod`ele que nous utilisons est un calcul de la r´eponse d’un atome unique. Nous consid´erons que le seul effet de la propagation est de s´electionner les contributions des trajectoires courtes. De plus, le calcul est effectu´e pour une unique valeur d’´eclairement, que nous estimons ˆetre l’´eclairement crˆete du laser. Exp´erimentalement, la mesure est une moyenne temporelle et spatiale et fait donc

11 15 19 23 27 31 0 500 1000 1500 2000 2500 trajectoire longue instants de recombinaison P art ie ré el le d u t em p s co m p le x e (a s) Ordre harmonique instants d'ionisation trajectoire courte

Fig. 4.6: Partie r´eelle des temps complexes d’ionisation et de recombinaison calcul´es dans l’argon `a 1.2 × 1014 W/cm2. Les lignes continues sont les r´esultats pour les trajectoires

courtes, et les pointill´es pour les longues.

intervenir un ´eclairement effectif plus faible, ce qui peut expliquer certains ´ecarts entre th´eorie et exp´erience comme nous le verrons plus tard. L’accord entre les mesures et les valeurs calcul´ees est donc remarquable. En particulier, le fort ´elargissement temporel observ´e macroscopiquement dans les calculs deAntoine et al.(1997) n’apparaˆıt pas ici. Afin de v´erifier la g´en´eralit´e de cette conclusion, il est n´ecessaire de r´ealiser une ´etude syst´ematique des instants d’´emission en fonction de l’ordre harmonique dans diverses conditions de g´en´eration.