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PREMIÈRE PARTIE : LA CRISE DU PERSONNAGE CHAPITRE 1: Statut et fonction du personnage

CHAPITRE 3 : Construction et déconstruction du personnage

3.1 Des personnages en construction

Dans El astillero, l’entrecroisement de la réalité et du monde illusoire permet au narrateur de présenter les personnages en évolution, en les décrivant dans des circonstances très différentes.

L’identité de Larsen apparaît segmentée, comme si ce personnage se construisait à partir de différentes optiques ou points de vue. Dans El astillero, le lecteur se trouve confronté à une série de visions simultanées du même personnage. Chaque rôle que Larsen assume développe une possibilité, c'est-à-dire que dans chaque domaine du roman, Larsen essaye une projection impossible en un autre être : « Avanzó lentamente la cabeza, impasible, casi inocente, gozándose en la solitaria delincuencia, sospechando confusamente que el juego deliberado de continuar siendo Larsen era incontables veces más infantil que el que jugaba ahora. » (p.111)261

.

Comme nous venons de voir dans la partie précédente, tout au long du récit, le narrateur fait plusieurs portraits des personnages. Cependant ils ne correspondent pas à des descriptions minutieuses des visages de ces derniers (d’ailleurs nous ne savons pas à quoi ressemble Larsen), mais plutôt à des descriptions de certains des détails qui les caractérisent. Nous avons vu que les sourires reviennent constamment. Mais à travers des descriptions qui les transforment la plupart du temps en grimaces, les portraits prennent la forme de caricatures qui se contredisent les unes les autres, en effaçant toute crédibilité à la description.

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Le chantier, op. cit. : « Il avança lentement la tête, impassible, presque innocent, prenant plaisir à sa culpabilité solitaire, pressentant vaguement que le jeu délibéré de continuer à être Larsen était infiniment plus infantile que celui qu’il jouait à présent. » (p.84).

Dans El astillero, la peur du néant conduit Larsen à masquer son insignifiance par un nouveau « moi » qui effacerait les antérieurs. Il adopte le mensonge comme mode de vie à cause de la crainte qu’il a du vide de l’existence, car il ne peut pas vivre sans croire en quelque chose, ou du moins sans faire semblant de croire, donc, il décide de rentrer complètement dans la farce : « (…) porque cada uno necesita, además, proteger una farsa personal. » dit Larsen (p.138)262. Il doit s’inventer une multitude de responsabilités qui ajournent la vérité, l’acceptation définitive de sa vieillesse, de son insignifiance de « (…) la indiscutida decadencia de Larsen (...). » (p.172)263. Depuis le début, depuis son arrivée à Santa María, Larsen sait qu’il va entrer dans un jeu absurde et irréel, mais c’est la seule issue pour avoir conscience d’être :

« Varias veces, a contar desde la tarde en que desembarcó impensadamente en Puerto Astillero, detrás de una mujer gorda cargada con una canasta y una niña dormida, había presentido el hueco voraz de una trampa indefinible. Ahora estaba en la trampa y era incapaz de nombrarla, incapaz de conocer que había viajado (…), para aquietarse en un refugio final desesperanzado y absurdo. » (p.78)264.

En effet ce piège duquel Larsen ne peut plus sortir, c’est celui de l’existence même. Larsen est un homme vaincu, vaincu par le temps qui passe, vaincu par les multiples échecs de son passé et de son présent, vaincu par l’existence : « Por las tardes, los cielos de invierno, cargados o desoladamente limpios, que entraban por la ventana rota podían mirar y envolver a un hombre viejo que había desistido de sí mismo (…). » (p.197).265

C’est dans ce contexte-là que sont construits les personnages. Mais, l’absence de tout espoir transforme Larsen et les autres personnages en caricatures

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Ibidem : « (…) chacun de nous a une comédie personnelle à protéger. » (p.120).

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Ibid. : « (…) l’évidente décadence de Larsen. » (p.166).

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Ibid. : « Plusieurs fois, depuis le soir où il avait débarqué inopinément à Port-Chantier derrière une grosse femme chargée d’une corbeille et d’une petite fille endormie, il avait pressenti le trou vorace d’un piège indéfinissable. À présent il était dans ce piège et il était incapable de lui donner un nom, incapable de reconnaître qu’il avait voyagé (…), pour espérer finir en paix dans un refuge absurde et sans espoir. » (p.40).

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Ibid. : « L’après-midi, les ciels d’hiver nuageux ou désespérément clairs qui entraient par les vitres cassées, pouvaient voir et envelopper un vieil homme qui avait renoncé à lui-même (…). » (p.198).

d’êtres humains qui ne s’intéressent plus à rien. Ils s’amusent à parodier une existence active et normale, mais ce ne sont plus des êtres humains, ce sont des fantômes vides, déchirés par la décrépitude de l’hiver et de leur existence : « (…) ella no era una persona sino el acto, la facultad de mirar ; y lo mirado (…). » (p.190)266 dit le narrateur à propos de la femme de Gálvez.

La duplicité de Larsen, aussi présente chez les autres personnages, se caractérise par la théâtralité de la mise en scène des différents jeux de situation. Tout d’abord, le lieu où se met en place la farce est décrit comme s’il s’agissait d’un espace de représentation : « (…) hacía sonar los tacos sobre el piso polvoriento de la gran sala vacía. » (p.88)267

. Les gestes des personnages sont décrits méticuleusement par le narrateur. À propos de Gálvez : « La revelación periódica lo obligaba a interrumpirse y caminar, ir y volver por la gran sala desierta, las manos en la espalda (…). » (p.86)268

. Nous avons l’impression que les descriptions prennent la forme de didascalies théâtrales. Il s’agit en effet d’une véritable mise en scène : « (…) pensó que la casilla formaba parte del juego, que la había construido y habilitado con el solo propósito de albergar escenas que no podían ser representadas en el astillero. » (p.123)269

.

Les personnages sont des acteurs qui jouent des rôles ; ils représentent ce qu’ils ne sont pas. Larsen joue le rôle de sous-directeur : « (…) y ahora llegaba cada mañana antes que nadie, pensaba, temblando de frío, sin admitir que sólo había aventajado a Gálvez y a Kunz para instalarse en la pieza designada como asiento de la Gerencia General (…). » (p.86)270. Larsen met également en place d’autres rôles : « (…) e imaginaba a veces ser el viejo Petrus, manejar sus experiencias y

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Ibid. : « (…) elle n’était plus une personne, mais l’acte, la faculté de regarder ; et ce qui était regardé (…). » (p.189).

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Ibid. : « (…) il faisait sonner ses talons sur le plancher poussiéreux de la grande salle vide. » (p.53).

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Ibid. : « Cette révélation périodique l’obligeait à s’interrompre et à marcher de long en large dans la grande pièce déserte, les mains derrière le dos (…). » (p.50).

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Ibid. : « (…) il pensa que la cabane faisait partie du jeu, qu’on ne l’avait construite et habitée que pour abriter des scènes qui ne pouvaient être jouées au chantier. » (p.99-100).

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Ibid. : « (…) et maintenant il arrivait chaque matin avant tout le monde, pensait-il, tremblant de froid, sans vouloir admettre qu’il n’avait devancé que Galvez et Kunz et il s’installait dans la pièce élevée au rang de bureau de la sous-direction (…). » (p.50-51).

sus intereses. » (p.87)271

. Peut-être assume-t-il de jouer des rôles pour avoir le rôle qu’il aurait voulu tenir dans son passé. Larsen et son rôle sont comme deux miroirs qui s’affrontent et qui finissent par se mettre en question l’un l’autre, et donc par mettre en doute la vraisemblance de sa propre réalité.

Les personnages changent de masque, ils se dédoublent et changent d’identité. Le champ lexical correspond à celui d’une représentation théâtrale ; le mot « scène » est souvent employé, ainsi que le mot « masque » qui revient constamment dans le récit : « El tórax de niño, las piernas raquíticas, y hasta las mismas manos hechas de alambre y papeles viejos, se aplanaban sin bulto entre las mantas. Nada más que la cabeza ciega e indiferente, la máscara preparada para un susto sobre la almohada. » (p.146)272

, ou encore : « La mujer tenía el pelo grasiento peinado sobre los ojos y la mueca repetida de la negativa era ya una segunda cara, una máscara móvil y permanente de la que sólo se despojaba, tal vez, en el sueño. » (p.151)273

. L’exemple le plus significatif est celui de Gálvez. Ce n’est qu’avec la mort que tombe son masque et que nous découvrons son véritable visage :

« (…) ahora está sin sonrisa, él tuvo siempre esta cara debajo de la otra, todo el tiempo, mientras intentaba hacernos creer que vivía, mientras se moría aburrido entre una ya perdida mujer preñada, dos perros de hocico en punta, yo y Kunz, el barro infinito, la sombra del astillero y la grosería de la esperanza. » (p.221)274.

Comme nous l’avons vu, les femmes sont décrites d’une façon très grotesque, comique à force de dérision : « Las mujeres eran pocas, raídas, chillonas y

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Ibid. : « (…) il s’imaginait parfois être le vieux Petrus en train de brasser ses expériences et ses intérêts. » (p.52).

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Ibid. : « Le thorax d’enfant, les jambes rachitiques, et même les mains faites comme de fil de fer et de vieux papier ne se remarquaient même pas sous les couvertures. Rien que cette tête aveugle et indifférente, le masque prêt à toute éventualité. » (p.131).

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Ibid. : « La femme avait une frange grasse qui tombait sur ses sourcils et sa moue répétée de refus était devenue un second visage, un masque mobile, durable, qu’elle ne déposait, peut-être, que dans le sommeil. » (p.137).

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Ibid. : « (…) il n’a plus son sourire à présent, il a toujours eu ce visage sous son sourire, pendant tout le temps qu’il a essayé de nous faire croire qu’il vivait, alors qu’il mourait d’ennui entre une femme enceinte fichue elle aussi, deux chiens au museau pointu, Kunz et moi, la boue à l’infini, l’ombre du chantier et la grossièreté de l’espoir. » (p.230).

baratas. » (p.150)275

. Angélica Inés est constamment dévalorisée : « Vimos a la hija de Jeremías Petrus –única, idiota, soltera– (…). » (p.62)276. Et les différents portraits que dresse le narrateur sont contradictoires : « (…) era alta y rubia, tenía a veces treinta años y otras cuarenta. Le quedaban restos de infancia en los ojos que entornaba para mirar (…) un poco en el pecho liso, en la camisa de hombre y el pequeño lazo de terciopelo al cuello (…). » (p.65)277. Plus loin dans le récit, il la décrit ainsi : « Era alta, redonda, pechugona, con grandes nalgas (…). » (p.163)278. Et quand elle va voir Larsen dans le chantier, il dit : « (…) esa tarde estaba disfrazada de mujer (…). » (p.171)279. La notion de portrait est mise en évidence ; le lecteur ne peut pas savoir comment elle est puisqu’à chaque fois elle est décrite d’une façon différente.

Le narrateur construit les personnages dans ce contexte de farce et de duplicité. Ils ne sont pas ce qu’ils font semblant d’être, ni ce qu’ils veulent croire qu’ils sont, pour échapper à un piège. Mais l’entrecroisement des deux plans nous montre l’ambiguïté de leur vie, de leur être. À la fin, ce qui nous reste, ce sont des caricatures de personnages ambigus.

* * *

Dans Los adioses, entre la narration et le lecteur se place le narrateur, un narrateur témoin qui est aussi un personnage. Comme nous l’avons vu, le lecteur n’apprend presque rien sur lui, il est anonyme, mais nous savons où il travaille, et l’endroit depuis lequel il observe le protagoniste, et à partir duquel il construit le récit et donc les personnages. Puisque ce récit se constitue à partir de son point de vue, à travers ce qu’il observe, ce qu’il déduit : « De modo que pude jugar con calma a

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Ibid. : « Les femmes étaient peu nombreuses, passablement usées, criardes et bon marché. » (p.136).

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Ibid. : « Et nous vîmes aussi la jeune fille de Jérémias Petrus – unique, idiote et célibataire (…). » (p.16).

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Ibid. : « (…) elle était grande et blonde, elle avait tantôt trente ans et tantôt quarante. Il y avait des traces d’enfance dans ses yeux clairs qu’elle fermait à moitié pour vous regarder (…) un peu d’enfance encore dans la poitrine plate, dans la chemise d’homme et dans le petit ruban de velours qui nouait le col (…). » (p.21).

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Ibid. : « Elle était grande, bien en chair, mamelue, avec de larges fesses (…). » (p.153).

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pronósticos y adivinaciones, preocuparme seriamente por sus defectos, calcular sus años, su bondad. “Estaría más cómodo si la odiara”, pensaba. » (p.68)280 ; et ce qu’il entend dire à autrui : « La muchacha resurgió en los chismes del enfermero (…). » (p.91)281. Car, comme nous, lecteur, lui non plus, il ne connaît rien sur le protagoniste, ni sur les deux femmes.

Le narrateur s’investit tellement dans cette histoire qu’il devient un de ses personnages. Un personnage essentiel car c’est le seul qui a droit à la parole. En effet, dans Los adioses, tout passe par le philtre du narrateur. Les trois personnages les plus importants, à savoir le malade et les deux femmes, ne sont pas autonomes, ils n’ont pas droit à la parole, c’est le narrateur qui leur octroie les actes, les intentions et les pensées, toujours transmis au lecteur à travers lui : « “Es la primera vez que habla, pensé al entrar en el almacén; todo lo anterior fueron monosílabos, gruñidos, gestos, una sola palabra. Está borracho, pero no de alcohol, y necesita seguir hablando, como si se despeñara y quisiera terminar cuanto antes.” » (p.88)282

.

Le narrateur est apparemment un observateur. Cependant, entre l’homme et lui un lien s’établit grâce aux lettres que le malade reçoit : « (…) los que llegaban regularmente escritos por las mismas manos. Eran dos tipos de sobres, unos con tinta azul, otros a máquina (...). » (p.23)283

. Comme nous l’avons vu, le narrateur reviendra plusieurs fois sur ce détail, car à la fin c’est la seule vérité qu’il détient et qu’il connaît avec certitude de la vie du malade.

Le malade est arrivé au village pour se faire soigner, mais depuis le début, le narrateur nous fait comprendre qu’il ne guérira pas. Sa maladie a, dans le texte, une fonction essentielle, celle d’approfondir une réflexion sur l’existence au sens

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Les adieux, op. cit. : « De sorte que je pus jouer en toute quiétude aux pronostics et aux devinettes, me préoccuper sérieusement de ses défauts, évaluer son âge, sa bonté. “Je serai plus à l’aise si je la haïssaisˮ, pensai-je. » (p.96).

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Ibidem : « Puis la jeune fille réapparut ; selon les racontars de l’infirmier (…). » (p.137).

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Ibid. : « “C’est la première fois qu’il parleˮ, pensai-je, en entrant dans le bistrot ; “jusqu’à maintenant, il n’y a eu que des monosyllabes, des grognements, des gestes, un seul mot. Il est ivre, mais pas d’alcool, et il sent le besoin de continuer à parler, comme s’il était en chute libre et qu’il voulait en terminer au plus vite.ˮ » (p.131).

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Ibid. : « (…) celles qui arrivaient régulièrement, écrites par les mêmes mains. Il y en avait deux sortes ; celles qui étaient écrites à l’encre bleue et celles qui étaient tapées à la machine. » (p.25).

philosophique. De cet approfondissement dans l’âme surgit une particulière conception du monde fondée sur une aliénation obsessionnelle, très présente dans la structure du récit.

Il y a deux structures majeures dans Los adioses, la plus évidente est l’histoire des relations entre le protagoniste et les deux femmes. Le récit fondé sur les observations du narrateur nous fait penser que la relation qui s’est établie entre les trois personnages est celle d’un triangle amoureux. Ainsi, dans le roman se crée un suspense qui est maintenu jusqu’à la fin.

La deuxième moitié du texte est l’« épilogue » de l’histoire plus intime qui s’établit entre le narrateur et le protagoniste. Cette relation plus intime pousse le narrateur à réfléchir sur l’existence que mène le malade tout en sachant que la fin est proche ; et à réfléchir sur sa propre vie. C’est au moment où le narrateur parle d’épilogue que cette relation semble arriver à son point culminant :

« Ella me sonrió mientras encendía otro cigarrillo; continuaba sonriendo detrás del humo y de pronto, o como si yo acabara de enterarme, todo cambió. Yo era el más débil de los dos, el equivocado; yo estaba descubriendo la invariada desdicha de mis quince años en el pueblo, el arrepentimiento de haber pagado como precio la soledad, el almacén, esta manera de no ser nada. Yo era minúsculo, sin significado, muerto. » (p.68)284.

L’histoire intime permet au narrateur de découvrir d’une façon lente et incertaine, sa propre aliénation et son néant quotidien. La première moitié du récit est consacrée à cette découverte, mais par la suite une distance s’établit entre protagoniste et narrateur. La structure de cette relation intime est close.

Cette relation entre le protagoniste et le narrateur nous aide à saisir l’aliénation et la solitude qui occupent une grande place dans ce texte :

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Ibid. : « Elle me sourit pendant qu’elle allumait une autre cigarette. Elle continuait à sourire derrière la fumée puis, soudain, ou comme si je venais de m’en apercevoir, tout changea. J’étais le plus faible des deux, celui qui se trompait ; je prenais tout à coup conscience de l’inexorable infortune de mes quinze années dans le village, du regret de ce que j’avais obtenu en retour : la solitude, le bistrot, cette façon de n’être rien. J’étais minuscule, insignifiant, mort. » (p.96-97).

« Así quedamos, el hombre y yo, virtualmente desconocidos y como al principio ; muy de tarde en tarde se acomodaba en el rincón del mostrador para repetir su perfil encima de la botella de cerveza (…) para forcejear conmigo en el habitual duelo nunca declarado : luchando él por hacerme desaparecer, por borrar el testimonio de fracaso y desgracia que yo me emperraba en dar ; luchando yo por la dudosa victoria de convencerlo de que todo esto era cierto, enfermedad, separación, acabamiento. » (p.37)285.

Aussi, comme nous avons vu dans l’étude des portraits, la façon de décrire les personnages, leurs gestes et leurs mouvements ont tendance à les immobiliser, les déshumaniser en les aliénant. Le regard du narrateur capte des moments de la vie des personnages, des gestes de ces derniers, et il crée des images fixes.

Onetti fait entrer le lecteur dans la conscience du narrateur qui le guide dans une version crédible des faits, et qui lui fait accepter sans hésiter, sa crédibilité. Mais le narrateur situe l’histoire et les personnages dans un domaine incertain, comme le suggère la fin du récit. Le critique Omar Prego l’indique très justement :

« Toda la óptica de la novela está teñida, entonces, por prejuicios, por la mediocridad, por los temores y por las fobias del bolichero. Ese individuo, que también es un personaje, nos obliga a aceptar, nos impone su punto de vista y al mismo tiempo nos aconseja, muy a la sordina, que desconfiemos de lo que nos cuenta. Pero el lector no tiene otro camino que aceptar su versión. Y jugar al descarte. El lector tiene que meterse en la historia, tiene que participar, como se dice ahora, y nunca estará seguro de nada, salvo de los hechos primarios. Pero ¿qué significan los hechos en su crudeza total, en su

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Ibid. : « Nous étions là, l’homme et moi, pratiquement inconnus, comme au début. Il venait encore s’installer dans le coin du comptoir, mais de moins en moins souvent ; il offrait son profil au-dessus de la bouteille de bière (…) pour m’affronter dans cet éternel duel jamais déclaré, où il luttait pour me faire disparaître, pour effacer le témoignage d’échec et de malheur que je m’entêtais à rendre, et où je luttais, moi, pour la douteuse victoire de le convaincre que tout cela était réel : maladie, séparation, fin. » (p.45). Cette traduction ne restitue pas, à nos yeux, la poétique onettienne. Peut-être pourrions-nous proposer une autre traduction : « Nous étions là, l’homme et moi, virtuellement inconnus et comme au début. (...); luttant de mon côté, pour la douteuse victoire de le convaincre que tout cela était vrai, maladie,

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