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Performances et limites des modèles macroéconométriques

Puis nous décrirons les instruments et outils de modélisation, en particulier ceux de la modélisation macro-économétrique,

C) Performances et limites des modèles macroéconométriques

Les modèles macroéconométriques sont loin d’avoir été la panacée en matière de repré-sentation du fonctionnement de l’économie, même s’il paraît difficile aujourd’hui de leur trouver des successeurs aussi pratiques [351] – ceux-ci n’ont cependant pas consacré le rejet de l’économétrie. Depuis ses trente dernières années, la critique des modèles macroé-conométriques s’est développée dans deux directions différentes ([635], pp.534–67). D’une part, elle a porté sur l’évaluation des performances à partir de la qualité de leurs prévi-sions. Nous verrons d’autre part, qu’un certain nombre de critiques plus fondamentales ont été formulées à l’égard de la pertinence même de ce type d’outil.

1) Critères de qualité de prévision des modèles macroéconométriques

La mise en place de système de prévision (à visée prospective) ou de simulation (à visée explicative et exploratoire) nécessite une fois les calculs effectués, un examen des écarts par rapport aux chiffres réels observables. Pour tester les propriétés de fiabilité

du modèle, on réalise deux types de simulations. Les simulations ex post – on prend les valeurs observées des variables exogènes30 et on connaît celles des variables endogènes -et d’autre part, les simulations ex ante – on utilise des valeurs non observées des variables exogènes. Les indicateurs de qualité de prévision assez couramment utilisés sont ceux de H.Theil [883, 884], le MAE (Mean Absolute Error) et le RMSE (Root Mean Square Error) basés sur une mesure de l’écart prévision-réalisation31. Mais H.Theil a également mis au point un indicateur U (Coefficient d’inégalité de Theil) basé sur l’écart de la prévision courante à une prévision naïve - i.e. la variable est nulle ou constante sur la période suivante32 - voir les formules.

RM SE = 1 ¯x v u u t 1 N N X t=1 (ˆxt− xt)2 (1.1) EAM = 1 N N X t=1 ˆxt− xt xt (1.2) U =vu RM SE u t1 N N X t=1 ˆx2 t+ v u u t1 N N X t=1 x2t (1.3)

Figure 1.5 – Indicateurs de Theil

En dépit de leur grande simplicité et de leur grand succès, ces indicateurs ont été depuis remis en cause. En effet, l’obtention de bonnes valeurs n’impliquait pas néces-sairement que le modèle continuerait de rester fiable - voir C.W.J.Granger & P.Newbold [417] à propos d’une critique de fond de ces indicateurs. En outre, ce type d’investigations peut également conduire à des conclusions erronées lorsque le modèle est non linéaire (voir [466] à propos des simulations ex post). En fait, la difficulté de mise au point d’un bon indicateur provient du fait qu’il ne peut y avoir de mesure absolue du degré de prévisi-bilité d’une série [915]. De plus il serait faux de croire que toutes les variables présentent 30. - Dans les modèles dynamiques, après la première période de simulation, on utilise les valeurs calculées des variables exogènes.

31. - Avec t, la période, N, le nombre de périodes de simulation, xt, la valeur observée, ˆxt, la valeur simulée et ¯x, la valeur observée moyenne.

32. - H.Theil a également proposé de prendre comme indicateur de qualité des prévisions, le nombre de points de retournement de conjoncture prévus par le modèle.

les mêmes caractéristiques de prévisibilité33.

2) Les critiques de fond des modèles macroéconométriques

Lorsque l’on examine plus fondamentalement le processus de modélisation, trois cri-tiques plus importantes ont été mises à jour. En premier lieu, les fondements théoriques de modèles macroéconométriques, en particulier les fondements microéconomiques, sont souvent contestables. On parle souvent de modélisations ad hoc voire de modélisations validées théoriquement a posteriori , [144] ; nous retombons là dans le fameux débat Vining-Koopmans. La deuxième critique a été formulée par C.A.Sims [845]. L’inventeur des modèles VAR (Variables Auto-Régressives) critique la spécification trop exclusive des modèles macroéconométriques. D’après lui, la procédure d’estimation économétrique des modèles macroéconométriques risque de masquer les causalités pertinentes. Non seule-ment la spécification est pauvre mais en outre elle manque de cohésion ; il y a juxta-position d’équations obtenues séparément les unes des autres. De plus, la modélisation des cycles économiques est trop sensible à la spécification. La procédure d’estimation des modèles VAR qu’il a mise au point permet de mettre en évidence des causalités. Le pro-blème de la causalité avait été abordé par C.W.J Granger & P.Newbold [418] lorsque les auteurs ont suggéré que les équations économétriques étaient susceptibles de comporter des informations de court et long terme, et que faute de séparer ces deux composantes, on s’exposait à obtenir des régressions fallacieuses. La critique la plus sérieuse qui a frappé les modèles macroéconométriques est celle qu’a formulée R.E.Jr. Lucas [624]. L’auteur souligne que les simulations des modèles reposent sur un prolongement mécanique des tendances du passé alors qu’en fait le comportement des agents consiste à anticiper les modifications de leur environnement (variables macroéconomiques, mesures de politique économique etc) y compris les changements de tendance. Ainsi, les équations des modèles sont estimées dans le contexte d’une politique économique donné alors que l’on veut en-33. - "Certains événements sont courants, d’autres rares. Quand la probabilité de réalisation pour la

cible de la prévision est élevée, l’incertitude est faible et la prévision est facile, mais peu informative. Ainsi, lorsque la variable suit un trend, sa volatilité est faible et son évolution parfaitement prévisible. A l’inverse quand la probabilité est faible, la prévision est difficile mais très informative [884, 928]."

suite tester d’autres politiques économiques pour lesquelles les équations ne sont plus valides. Soulignons pour notre part, que les comportements économiques sont représentés de manière trop frustes pour permettre de reproduire la réaction des agents en cas de modification de leur environnement34, notamment en cas de modification structurelle.

1.2 La modélisation en tant que gestion de système

d’informations

La modélisation économique est une démarche impliquant le recours à des informa-tions économiques notamment quantitatives et à des instruments de calculs. Les infor-mations quantitatives ne peuvent être hétérogènes sous peine de ne pas être exploitables pour l’analyse prospective et rétrospective de l’économie. C’est pourquoi la Comptabi-lité Nationale a été créée comme cadre conceptuel de description conventionnelle de la réalité économique. A ce titre elle définit une relation entre des concepts et la réalité statistique. Les modélisateurs peuvent alors librement construire des schémas théoriques dans lesquels les variables économiques trouveront une correspondance empirique dans les données de la Comptabilité nationale. C’est là, du moins une liaison théorie-empirie très heuristique, d’une part parce qu’il n’est pas toujours possible de disposer exactement des données correspondant à des concepts théoriques nouveaux35, et d’autre part parce qu’il n’est pas toujours possible de collecter toutes les informations nécessaires aux spé-cialistes. Nous examinerons donc la démarche de modélisation à travers ses deux aspects, à la fois conceptuel (issue de la Comptabilité nationale) et pratique (issue des outils in-formatiques) tout en montrant que la séquence des phases analyse-synthèse de données peut être enrichie.

34. - Voir à ce propos [185] dans lequel nous avions évoqué la piste d’une formulation "analogique" des équations de comportement.

35. - Les modélisateurs doivent souvent "bricoler des données" J.H.P.Paelinck [35] propos des techniques de "formattage" des données.

1.2.1 Les outils conceptuels : les systèmes de comptabilité

na-tionale

Les sciences physiques et expérimentales disposent pour progresser dans leur capacité de mesure, d’une branche spécifique : la métrologie. Les sciences sociales ne peuvent procéder exactement de la même manière, mais il n’en demeure pas moins, qu’il leur est nécessaire de disposer d’une telle branche. A cet égard, c’est un des rôles que joue la Comptabilité nationale. En définissant précisément les principaux concepts, elle doit fournir un cadre rigoureux permettant de mesurer l’évolution des principales grandeurs économiques. Mais la difficulté tient dans le fait que les structures changent et que les concepts peuvent évoluer, de sorte que leur pertinence ne paraît plus assurée et qu’il faut s’adapter à ces changements.