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PERFORMANCE DES ANALYSES MOLÉCULAIRES

Dans le document 2001 01 fr (Page 81-86)

L’évaluation des tests de génétique moléculaire se heurte, de façon peut être plus aiguë que pour d’autres tests, à la difficulté de choisir un test de référence (ou « gold standard ») adéquat. Par ailleurs, on distingue deux formes de validation, selon que le phénotype de la maladie ou le génotype est considéré comme référence. On parle de validité clinique ou diagnostique dans le premier cas, de validité analytique dans le second.

Pour certaines maladies, les signes cliniques et les résultats de tests diagnostiques traditionnels suffisent à classifier les sujets chez qui le diagnostic est évoqué en sujets atteints ou exempts de la maladie et ainsi à servir de référence pour la validité clinique des tests moléculaires. Cependant, un diagnostic de certitude ne peut pas toujours être établi sur la base de la clinique et les tests de génétique moléculaire sont en voie de devenir des outils de référence, servant même souvent à reconceptualiser les entités cliniques (la nosologie génétique supplantant la nosologie clinique). Tel est, entre autres, le cas pour le syndrome du X fragile dont les symptômes sont variables et pour lequel aucun signe clinique n'est pathognomonique. De plus, la performance de l'analyse cytogénétique, la seule approche diagnostique disponible auparavant, a été sérieusement remise en question depuis le développement des tests moléculaires.

En ce qui concerne la validité analytique, aucune méthode prise isolément ne semble constituer un outil de référence absolu pour le génotype. Les nouvelles méthodes sont donc habituellement comparées aux plus anciennes. Pour le syndrome du X fragile, les techniques ayant contribué à l'identification de la mutation dynamique et du

gène, en particulier la méthode du Southern blot, forment encore la base des protocoles d'analyse aux fins diagnostiques. Ces techniques, ainsi que les techniques développées par la suite, sont détaillées à l'annexe II.

De manière générale, en recherche comme en routine, chaque technique s’accompagne d’un certain nombre de contrôles internes qui contribuent à minimiser le taux d’erreurs.

Certains contrôles s’effectuent lors de la préparation des réactifs, d’autres doivent être répétés à chaque réaction. Il est primordial de vérifier la concordance des résultats obtenus pour chaque membre d’une famille concernée avec les données généalogiques et, le cas échéant, de vérifier, pour chaque sujet, la concordance des différentes techniques utilisées entre elles.

4.1 VALIDITÉ CLINIQUE

La mutation dynamique est de loin la mutation la plus fréquemment décrite dans le syndrome du X fragile. De rares mutations ponctuelles ont également été identifiées dans le gène FMR1 (De Boulle et al., 1993 ; Lugenbeel et al., 1995), ainsi que quelques délétions complètes ou partielles du gène. En 1997, Hammond et al. (1997) recensaient 24 familles chez qui une délétion avait été documentée. Depuis, quelques cas additionnels ont été rapportés dans la littérature (Petek et al., 1999 ; Parvari et al., 1999 ; García Arocena et al., 2000). Il n'en demeure pas moins que ces familles représentent une minorité des familles touchées par le syndrome, vraisemblablement moins de 2 %. Dès lors, pour une méthode détectant toutes les expansions, la sensibilité clinique théorique pour le diagnostic des sujets atteints pourrait être estimée à 98 %.

Toutefois, une estimation plus rigoureuse de la sensibilité clinique devrait reposer sur une étude comportant une recherche plus systématique des mutations ponctuelles et délétions lorsque la mutation dynamique n'est pas mise en évidence.

Quand la mutation dynamique a déjà été documentée dans une famille et que l'on y procède au dépistage des porteurs de cette mutation, le problème de la sensibilité clinique ne se pose pas80.

4.2 VALIDITÉ ANALYTIQUE

L’établissement de la validité analytique d’un test moléculaire consiste à vérifier si tous les porteurs de l’expansion (vrais positifs) peuvent être identifiés, que l’expansion soit petite ou grande, et inversement si le test ne conclut pas à l’existence d’un allèle muté chez des sujets qui possèdent deux allèles normaux (faux positif).

Au départ, la méthode de Southern a été comparée à l’analyse cytogénétique.

Rapidement, cependant, la méthode de Southern a supplanté la cytogénétique comme outil de référence étant donné que la cause des discordances a pu être attribuée à des erreurs de la cytogénétique. C'est ainsi que nombre de résultats positifs avec la cytogénétique résultaient de l’existence de sites fragiles à proximité du site FRAXA. De ce point de vue, la génétique moléculaire a contribué à établir une distinction entre deux causes de retard mental (liées aux sites fragiles FRAXA et FRAXE) et donc à reconceptualiser l'entité clinique même. À l’inverse, plusieurs résultats négatifs à la cytogénétique correspondaient en fait à de faibles expansions décelables par la méthode de Southern, donc à des faux négatifs de la cytogénétique. Ces erreurs diagnostiques

80 Jusqu’à présent aucune nouvelle mutation n’a été documentée dans une famille comportant un cas index.

attribuables à l’analyse cytogénétique sont survenues aussi bien lors de diagnostics chez des sujets potentiellement atteints qu’en diagnostic prénatal (Rousseau et al., 1994 ; Jenkins et al., 1995 ; Morton et al., 1997).

Depuis 1993, la méthode de Southern a remplacé la cytogénétique pour le diagnostic du syndrome du X fragile (Oostra et al., 1993). Le protocole le plus largement adopté comporte une double digestion enzymatique qui permet d’apprécier la taille des allèles et de déterminer le statut de méthylation du gène (Rousseau et al., 1991a). Cette méthode permet la visualisation d'une vaste gamme d'allèles, mais pas une résolution fine du nombre de répétitions. Plus la taille de l'expansion trinucléotidique est importante, plus l'estimation de la taille est difficile en raison des mosaïques somatiques qui se manifestent soit par la présence de multiples bandes d'hybridation, soit par une bande diffuse ("smear"). Pour les mutations complètes, les estimations faites sur un même gel par différents observateurs avertis divergent le plus souvent d'environ 250 à 500 pb, mais des différences de plus de 1 kb ont aussi été notées (Fisch et al., 1996a). Ces divergences n'ont apparemment pas conduit à des erreurs de classification entre prémutations et mutations complètes (Fisch et al., 1996a) et, de toute manière, c'est le statut de méthylation qui est déterminant pour établir cette distinction.

La discrimination entre prémutations et allèles normaux est par contre plus problématique et des faux négatifs pourraient survenir, selon l'expertise du laboratoire (au niveau de la résolution des gels et de leur interprétation), si seule la méthode de Southern avec les enzymes EcoRI et EagI était utilisée (Fisch, 1996a). Il faut donc, lorsqu’un allèle semble se situer à la limite supérieure de la normale, compléter l’analyse par une digestion

enzymatique résultant en des fragments plus petits, au moyen des enzymes PstI, ou par la méthode de la PCR. Cette dernière méthode, avec séparation électrophorétique sur gel de polyacrylamide, semble être l'approche généralement privilégiée (Snow et al., 1993), puisqu'elle peut faire, dans les meilleures conditions, la distinction entre allèles différant par une seule répétition trinucléotidique seulement. Enfin, la possibilité de résultats faussement positifs, liés à une digestion incomplète par l'enzyme EcoRI, a été évoquée, de sorte que quelques chercheurs préfèent recourir aux enzymes HindIII et EagI (Storm et al., 1998).

En somme, même si la méthode de Southern est considérée comme la méthode de choix pour le diagnostic du X fragile, l’existence d'artéfacts pouvant prêter à confusion et de différences de lecture entre observateurs quant à la taille des allèles souligne l’expertise requise pour l’inter-prétation des résultats. Quant à la réalisation de ce type d’analyse, elle est également tributaire des conditions expérimentales précises, de sorte que la performance des tests est susceptible de varier d’un laboratoire à l’autre.

La méthode de la PCR utilisée comme technique d’appoint à la méthode de Southern pour quantifier la taille des allèles et discriminer entre allèles normaux et petites prémutations s'inspire généralement de la méthode développée par Fu et al. (1991) pour étudier la stabilité de ces allèles. Avec un gel de polyacrylamide, il est possible d’obtenir, dans les meilleures circonstances expérimentales, une séparation entre deux allèles différant par un triplet, ce qui est primordial pour la discrimination entre les allèles normaux et les prémutations. En effet, une erreur de classification résultant en un diagnostic faussement négatif porterait probablement peu à conséquence en ce qui a trait au pronostic de

l’individu lui-même, mais lui procurerait une fausse réassurance quant aux dangers que court sa descendance, qui risque en effet de porter des expansions plus importantes.

Une multitude de variantes de la méthode de la PCR destinées à remplacer la méthode de Southern en première intention ont été développées afin de faciliter l’utilisation du test moléculaire à grande échelle. Si ces alternatives ont pu marquer des points par rapport à la méthode initiale sur le plan de l’amplification problématique des grandes expansions ou de la séparation ou visualisation des fragments d'amplification, la majorité des auteurs s’accordent pour dire qu’il persiste, quelle que soit la variante considérée, un problème majeur du fait que l’amplification préférentielle des allèles de petite taille peut compromettre l’identification des mutations complètes. Les cas problématiques sont essentiellement les mosaïques alléliques chez les hommes, qui risquent d’être méprises pour des prémutations (Erster et al., 1992 ; Snow et al., 1993 ; Brown et al., 1993 ; Haddad et al., 1996), et les mutations complètes chez les fœtus féminins, chez qui des faux négatifs sont aussi survenus (Abd-El-Aleem et al., 1995 ; Brown et al., 1996). Les quelques faux positifs décrits résultaient d’une contamination maternelle lors d’un diagnostic prénatal par biopsie chorionique. Enfin, plusieurs chercheurs tentent de déterminer le statut de méthylation du gène grâce à la PCR, mais ces méthodes demeurent encore du domaine de la recherche.

Par ailleurs, bien que plusieurs chercheurs aient procédé à une comparaison limitée de leur technique au Southern blot, la validation de ces techniques laisse généralement à désirer (voir détails en annexe II). En particulier, le taux d'erreurs auquel il faut s'attendre devrait être

établi sur la base d'une étude comparative systématique avec la méthode de référence (Levinson et al., 1994). Des différences importantes existent entre les divers protocoles publiés et il est pratique courante pour les laboratoires de génétique moléculaire d’apporter diverses modifications aux protocoles d’analyse et aux conditions expérimentales. Or, à notre connaissance, aucune étude comparative rigoureuse, indépendante et évaluée par les pairs n’a été effectuée entre les différentes techniques, ni entre elles et la méthode de Southern, pour estimer leur validité dans le cadre de services diagnostiques, plutôt que dans le cadre d’outils de recherche.

De surcroît, la survenue d'erreurs de classification ne dépend pas seulement de la performance technique des tests, particulièrement sensible aux conditions expérimentales, mais également de l’interprétation qui est faite des analyses et des procédures de contrôle qui en découlent, en l'occurrence de la confirmation judicieuse des analyses par la méthode de Southern. Or, il ne se dégage pas non plus de consensus de la littérature sur les indications précises pour procéder à la PCR en première intention ni sur les circonstances devant présider au contrôle des résultats par la méthode de Southern.

Au-delà de la validité même des tests, qui doit encore être documentée, l’implantation de tels tests dans un laboratoire de services requiert à la fois l’expertise nécessaire pour mettre au point la technique et en assurer, localement, la qualité (calibration, vérification de la performance, reproductibilité, etc.), l’expertise pour l’inter-prétation des résultats, et l’adhérence, sur une base récurrente, à un système de contrôle externe.

En conclusion, la méthode de Southern, ayant contribué à l’identification de la mutation dynamique et du gène, est encore utilisée à des fins diagnostiques. Cette méthode est appliquée en première instance et est suivie, si nécessaire, par la méthode de la PCR pour déterminer avec précision la taille des allèles normaux et des faibles expansions. Ce protocole séquentiel constitue la méthode de référence pour le diagnostic et le dépistage du syndrome et permet d’établir le diagnostic génotypique chez la grande majorité des individus concernés.

Plusieurs chercheurs préconisent des protocoles se basant initialement sur la méthode de la PCR avec confirmation sélective au moyen du Southern blot et, de par le monde, quelques laboratoires de services cliniques ont adopté cette approche. Cependant, aucun consensus ne se dégage de cette littérature quant au protocole optimal et aux indications précises du recours à ces protocoles. De surcroît, aucune étude systématique et rigoureuse de la validité analytique de ces techniques (par rapport à la méthode de Southern) n’a été effectuée, ce qui devrait constituer un préalable à leur implantation en clinique.

L’instauration plus systématique de contrôles de qualité serait également souhaitable, la performance des tests pourrait en effet fluctuer en fonction des conditions expérimentales, même si de multiples précautions techniques et modalités de contrôle interne sont développées pour minimiser les risques d’erreurs. L’expertise requise pour l’interprétation des résultats souligne l’importance d’une collaboration étroite entre les laboratoires de recherche et de services.

Dans le document 2001 01 fr (Page 81-86)