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Penser et exprimer la mort dans la diversité des milieux juifs, avant et après la Shoah Shoah

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 75-89)

COMPOSITEURS DE CULTURES JUIVES ASHKENAZES

2. Penser et exprimer la mort dans la diversité des milieux juifs, avant et après la Shoah Shoah

« Voyez, je mets devant vous, aujourdřhui, la vie et le bien, la mort et le mal … Vous choisirez la vie de sorte que vous et vos enfants viviez ».

Deutéronome, 30, 15-19

2.1. Judaïsme et pratiques funéraires traditionnelles

Sřils présentent des spécificités propres aux époques ou aux aires géographiques de lřespace culturel ashkénaze, les rituels encadrant la mort, de lřagonie aux étapes du deuil et de la commémoration, puisent leur justification dans les racines bibliques et talmudiques. Les très nombreux mitsvoh ritualisent la mort, au sein des communautés traditionnelles, à travers un ensemble de cadres très contraignants, que lřagonisant puis les endeuillés et le reste de la communauté doivent respecter avec le plus grand scrupule. Cette mort envisagée collectivement, marque ainsi une étape à la fois essentielle dřun point de vue religieux et transcendant (par lřaffirmation de lřalliance dans la foi qui unit individu, communauté à Yahvé et par lřespérance de la résurrection en Terre promise) et - plus encore pour ce qui nous intéresse ici - du point de vue de la cohésion sociale elle-même. La codification rigoureuse de lřaccompagnement du mourant, de sa mise en terre et de lřhonneur fait à sa mémoire garantit la stabilité sociale : la mort juive traditionnelle est envisagée comme une transition individuelle et collective devant sřeffectuer dans la sérénité. Plus encore, ces prescriptions relatives aux rites funéraires tendent à gommer les effets de distinction au cœur du groupe : jusquřau XIXe siècle, au sein du monde ashkénaze, les pierres tombales dénotaient rarement la position sociale ou la richesse du mort.

Aussi, lřun des principes fondamentaux du judaïsme tient-il dans le respect dû au défunt (Kevod Ha-meth) auquel sřajoute un profond respect pour la douleur des survivants (le

« chagrin », dirait Roland Barthes). Le caractère vitaliste de la religion juive se retrouve dans la considération portée à lřagonisant, qui reste une personne intégralement vivante jusquřà la fin, avec les égards qui lui sont dû (lřaccompagnement par les proches, la récitation des psaumes) et les devoirs qui restent les siens (celui de demander pardon directement à ceux quřil aurait offensé). Lřobservance stricte des mistvoh, par la communauté dans laquelle

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lřagonisant reste associé jusquřà ce quřil expire, implique quřelle ait conscience de son unité et du rôle que cet encadrement de la mort et du deuil joue dans le maintien de son unité.

Moyen de tenir éloignée la menace du mal dans les mentalités traditionnelles, le maintien de ces cadres Ŕ à partir du XIXe siècle Ŕ peut également participer dřune lutte des élites traditionnelles contre les formes successives de modernité préservant lřessence des traditions comme dans la Haskala ou sřen affranchissant comme dans les courants anticléricaux, athées ou agnostiques.

2.1.1. Le moment de mourir et l‘accompagnement du mort (levayat ha-meth)

Lřabsence de dimension macabre mise en évidence par le psychiatre Jacques Hassoun dans une formule efficace, est particulièrement évidente lorsquřon sřattache aux égards portés à lřagonisant. Comme lřindique le sociologue Freddy Raphaël par une belle formule : « La dernière étape du Juif sur terre, c'est la quête de la sérénité155 ».

Le moment de la mort nřest pas vécu par ceux qui restent comme un anéantissement : en signe de deuil, les proches, par la kerya, déchirent leur vêtement pour marquer la séparation et prononcent les paroles « Bénis sois-tu, Juge équitable », affirmant par là lřinscription de la mort dans le cycle de la vie et lřAlliance unissant le peuple à Dieu.

Néanmoins, tant quřil vit, cřest-à-dire tant que le souffle sřéchappe encore156, lřagonisant est considéré, sans distinction, comme un membre de la communauté, méritant le même respect et devant se plier à ses devoirs. Ainsi, lřagonisant doit mourir dignement : pardonner à celui quřil a offensé, donner lřaumône Ŕ sřil le peut Ŕ au mendiant qui vient la lui demander. La communauté, quant à elle, assiste lřagonie par la récitation des psaumes et veille au recueillement et à la sérénité. Il doit également mourir en paix : toute manifestation trop explicite ou bruyante de lřémotion dřun proche doit être évitée. Ainsi, les enfants ou lřépouse qui ne retiendraient pas leurs larmes et rendraient ainsi la mort plus douloureuse, devraient quitter la pièce.

La récitation du Viduy, prière de repentir, constitue le moment clé du passage vers la mort. Dans le judaïsme, contrairement au catholicisme par exemple, la confession sřeffectue dans un lien direct entre le fidèle et Dieu et lřagonisant prononce la confession par ailleurs

155 RAPHAEL, Freddy, « La représentation de la mort chez les Juifs dřAlsace », article en ligne : http://judaisme.sdv.fr/traditio/deuil/repres/repres.htm. Dernière consultation 7 juillet 2010.

156 Au moment de lřexpiration, cřest en plaçant une plume devant la bouche du défunt que lřon constate la mort.

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contenue dans les rituels de Yom Kippour. Enfin, il prononce le Sh‘ma Israel : « Ecoute Israël, l'Eternel notre Dieu l'Eternel est un ».

Le corps sans vie est appelé meth. Sřil est pris en charge, si on en conserve lřintégrité, ce nřest pas à la dépouille mortelle que lřon voue un culte : il nřexiste pas, dans le judaïsme, de fascination macabre pour le corps. Taharah, ou purification, est le nom donné à la toilette funéraire. La double règle du respect dû au mort Ŕ surtout, donc à lřhomme quřil a été - et de lřéconomie de paroles qui lřaccompagnent valent tout particulièrement pour cette étape généralement prise en charge par la hevra kaddisha (sainte confrérie). Elle a pour charge dřaccomplir la mitsvah consistant à purifier le corps et à le revêtir dřune part de son châle de prière, le talith, et dřautre part des habits de lin blanc, portés par les Juifs lors de Rosh ha-shana et Yom Kippour, cřest-à-dire ces « jours redoutables » de repentir où le croyant se présente au Dieu-juge et implore son pardon. Cřest également en signe de pardon, que les proches procède au rituel du me‘hila, devant le cercueil.

Lřenterrement ou kevoura a généralement lieu le jour même du décès. Le rabbin prononce lřéloge funèbre (hesped) aux portes du cimetière. Il revêt à la fois une fonction de consolation des endeuillés - fonction relayée dans le cimetière par les mots prononcés au passage de la famille : « Que le Tout-Puissant vous console avec tous les autres endeuillés de Sion et de Jérusalem » - et dřhommage au défunt157. Le caractère collectif de lřhommage rendu au mort et la démonstration de fraternité faite aux proches se retrouve dans lřescorte du cortège funéraire et particulièrement dans la coutume consistant à se lever à son passage et de lřaccompagner quelques pas. Bien sûr, cette image des cortèges funèbres, rassemblant des foules plus ou moins importantes, nřest pas lřexclusivité du judaïsme et il tiendrait certainement de la gageure dřinterpréter les convois les plus célèbres comme des moments dřexpression dřune cohésion de groupe : ainsi, les milliers de personnes qui accompagnent à New York, en 1908, la dépouille dřAbraham Goldfaden du People‘s Theater de Bowery Street à Manhattan jusquřau Washington Cimetery de Brooklyn, constituaient essentiellement la foule des admirateurs, Juifs américains ou Américains non juifs, du « Père du Yiddish Theatre ».

De plus, le rite de la terre déposée pour combler la tombe constitue une mitzvah, que chaque personne, membre de la famille ou simple assistant, accomplit par lui-même (la pelle

157 Il est à noter que lřéloge funèbre, par sa sobriété et son caractère bref, ne doit pas verser dans la flatterie et lřexagération des qualités du défunt.

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est replantée à cet effet par chaque personne) dans un geste collectif, en récitant cet extrait de la Genèse (3:19) : « Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière ».

2.1.2. Les périodes du deuil ou Avelouth

La périodicité du deuil est indiquée par quatre termes, que les différentes traditions retiennent : aninouth, couvrant la période du décès à lřinhumation, shivoh, les sept jours consécutifs à lřinhumation, sheloshim, les trente jours qui suivent lřinhumation et enfin shana, désignant lřannée de deuil.

Lřinhumation a mis fin au premier stade du deuil, appelé aninouth. Quřil sřagisse du respect scrupuleux du rituel de déchirure du vêtement à lřemplacement du cœur (la Qeri‘ah) toujours respecté par les orthodoxes ou du port dřun simple ruban déchiré (comme chez les libéraux), les endeuillés manifestent lřabsence du défunt par cette rupture symbolique.

Durant la première période du deuil, la Shiv‘ah Ŕ durant sept jours Ŕ les endeuillés récitent la prière de sanctification du nom, en araméen, le kaddish, accompagnés dřun groupe dřune dizaine de proches (quorum qui est appelé minyan). Cette récitation du kaddish des endeuillés est répétée quotidiennement à la synagogue pendant une année.

Sheloshim correspond à la période de trente jours de deuil, pendant laquelle, dans le judaïsme traditionnel, les hommes ne se rasent pas et où les endeuillés ne peuvent se marier.

Lřannée suivant le décès, shannah, constitue la période où progressivement les endeuillés retournent à la vie ordinaire : ils récitent toujours, dans la synagogue, le kaddish quotidiennement et lřécoute de musiques Ŕ en particulier joyeuses, comme à lřoccasion des mariages qui sont à nouveau autorisés Ŕ est toujours limitée. Lřobligation, dans le judaïsme orthodoxe que le kaddish soit exclusivement récité par les hommes, nřest pas maintenue dans les communautés libérales. Cřest également au cours ou au terme de cette période (la pratique diffère selon les communautés) que la plaque mortuaire (matzevah) est placée sur la tombe.

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Figure 1 - Prière du Kaddish en araméen avec sa transcription phonétique.

Au moment du Yahrzeit, premier anniversaire du décès, les endeuillés récitent le kaddish des endeuillés la veille, le matin du jour et lřaprès-midi. Les proches allument une bougie brûlant vingt-quatre heures. Généralement, au Yahrzeit comme aux jours de jeûne précédents Rosh Hashana et Yom Kippour, les endeuillés se rendent sur la tombe du défunt et y déposent une pierre.

Le kaddish nřa rien, en lui-même dřun chant funèbre et le rapprochement abusif parfois opéré avec la prière chrétienne pour le repos des morts nřest pas fondé. Prière pour la sanctification du Nom, il est récité à chaque office pour honorer Dieu. La récitation par les

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proches lors du décès du kaddish de lřorphelin ou kaddish des endeuillés en fait alors une prière associée à la mort et au travail de deuil.

Le Yizkor (ou Souvenance) est une prière du rite ashkénaze où la congrégation demande à Dieu d'accorder le repos aux âmes des défunts. Le Yizkor memokh buch (ou livre du Yizkor), originellement un genre médiéval consacré à la mémoire des martyrs de la cause juive, progressivement tombé en désuétude, est réintroduit à partir des années 1930 avec lřavènement du nazisme et tout particulièrement avec la Shoah. Rédigés souvent dans les années qui ont suivi, par des landsmanshaftn (des groupes de personnes originaires des lieux, villes ou shtelekh auxquels le mémorial est consacré).

Prière silencieuse, le Yizkor est récité par les endeuillés quatre fois par an, dans la synagogue en présence dřun quorum de fidèles.

Dřautres prières sont destinées à la mémoire des défunts, comme le Av HaRa‘hamim, originellement composée après la persécution des communautés juives ashkénazes de Rhénanie lors de la Première croisade.

Ce système dřaccompagnement du mourant puis des endeuillés, ce système de rituels puisant ses racines dans le Talmud et les textes rabbiniques, renvoie effectivement à ce qui, pour lřanthropologue Georges Balandier, constitue un « défi » lancé aux communautés : articulation du temps individuel à lřéchelle dřune vie et du temps collectif (les conceptions téléologiques des religions), le rapport à la mort implique une vision commune que le respect du rite est censé garantir. On comprend, alors, lřenjeu du glissement moderne au sein des

Figure 2 - Frontispice du Memokh Buch Yzkor du shtetl de Bershad, en Bucovine, actuelle Ukraine, 1946.

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communautés juives européennes et américaines, dřune pratique spirituelle à une pratique culturelle : la perte du sens religieux induit une dévaluation de lřautorité des élites religieuses, garantes de la préservation du rite, « action dramatique dans lřespace du sacré158 ».

Néanmoins, lřéloignement dřune observation scrupuleuse des rituels religieux ou son assouplissement déjà initié par le mouvement libéral réformé allemand au XIXe siècle, nřinduit pas systématiquement la disparition du sacré.

2.2. Proposition de mise en perspective des productions musicales au regard de lřhistoriographie de la Shoah

2.2.1. Une histoire intégrée de la Shoah (Saul Friedländer)

Le panorama international dřune historiographie de la Shoah, permettant de mettre en perspective les écritures nationales de cette rupture fondamentale, dégage des enjeux décisifs, dont cette étude est pour partie héritière. Le champ historiographique, sa profondeur comme son étendue, invite bien entendu à la plus grande modestie quant à lřapport éventuel dřune nouvelle étude. Néanmoins, les débats riches, parfois violents autour du génocide des Juifs dřEurope par les nazis, ont fourni des cadres théoriques quřune étude en histoire culturelle peut réinvestir pour partie, tout en proposant un éclairage Ŕ si ce nřest résolument différent Ŕ en tous les cas décentré. En effet, aborder les expressions musicales de la mort, notamment du meurtre individuel ou collectif, dans les milieux juifs dans un long XXe siècle implique dřenvisager la Shoah à la fois dans son incontestable spécificité et dans une logique de violence initiée antérieurement. Ce choix chronologique est motivé par les sources mêmes, tout particulièrement par des chants, dont certains écrits à New York par la seconde génération de Juifs immigrés dřEurope orientale, évoquant métaphoriquement (« Dona, dona, dona » de Sholom Secunda) ou dénonçant explicitement la violence des homicides antijuifs lors des pogroms. Or certains de ces chants, purs produits de la scène new-yorkaise, sont réinvestis Ŕ mélodie, texte, ou lřun et lřautre Ŕ par les victimes européennes du génocide nazi, dans les camps ou les ghettos.

158 BALANDIER, Georges, « Le sacré par le détour des sociétés de la tradition », in Cahiers internationaux de sociologie, vol. 100, Paris, Les Presses universitaires de France, janvier-juin 1996, pp. 5-12.

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Aussi, cette étude nřambitionne-t-elle pas même de remettre en question les démarches explicatives antérieures, mais Ŕ à partir de matériaux souvent abordés de manière partielle ou en négligeant une partie de leur parcours Ŕ dřenvisager les productions musicales de la Shoah en regardant vers lřamont, aussi bien que vers lřaval. C'est-à-dire, en dřautres termes, accepter de ne pas ghettoïser à nouveau arbitrairement des chants dont les itinéraires sřavèrent beaucoup plus amples que lřappellation réductrice et contestable de « chants du ghetto » ne lřindique a priori.

De fait, lřapproche dřune « histoire intégrée de la Shoah », défendue par Saul Friedländer159 postule dřune impossibilité intellectuelle dřun « cadre conceptuel unique qui puisse offrir une interprétation adéquate de lřextermination, non parce que nous sommes face à quelque événement métahistorique, mais vu quřen présence dřune convergence de multiples facteurs foncièrement hétérogènes, lřhistorien à la recherche dřun concept unificateur se trouve obligé de recourir à des notions trop générales pour avoir prise sur la trame serrée des données empiriques160. » Elle fournit également un cadre méthodique à cette étude qui ne peut que se ranger derrière les entreprises dřécriture de lřhistoire de la Shoah qui prennent en compte les points de vue des victimes elles-mêmes, tout particulièrement ici leurs productions musicales, sans arbitrairement les considérer comme les témoignages dřune « mémoire mythique » (Martin Broszat).

Plus encore, fonder un travail dřhistoire sur les sources musicales produites dans les ghettos ou dans les camps ne conduit pas en ligne droite à forger une histoire « juive » de la Shoah, mais implique de procéder à lřétude du rôle de tous les acteurs : producteurs, bien sûr (poète et musicien, chœur, chanteur ou musicien de théâtre, de cabaret ou de la rue), mais également autorités du Judenrat (comme commanditaires des œuvres pour les revues officielles ou au contraire comme censeurs), soldats et officiers nazis (auditeurs et spectateurs des revues, cibles des auteurs en même temps que leurs bourreaux). Concernant les populations juives elles-mêmes, les nombreuses études microhistoriques consacrées à des individus, des groupes ou des lieux, empêchent aujourdřhui dřenvisager les victimes du génocide comme un groupe cohérent, pire encore comme une « masse » sur laquelle sřest abattue la catastrophe. Le morcellement du judaïsme européen dřavant-guerre, ses divisions idéologiques et sa complexité sociologique ne sřeffacent pas avec lřavènement du Troisième Reich ou avec la mise en place de la Solution finale. Plus encore, si lřon nřenvisage plus seulement le génocide

159 Saul FRIEDLÄNDER, « Pour une histoire intégrée de la Shoah », Conférences Marc Bloch, 2008, [en ligne], mis en ligne le 11 juin 2008. http://cmb.ehess.fr/document302.html.

160 Saul FRIEDLÄNDER, « pour une histoire intégrée de la Shoah », op.cit.

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dans le cadre même de sa réalisation, mais si lřon prend par exemple en compte sa compréhension Ŕ progressive, lacunaire Ŕ par les communautés américaines ou par celles du Yishouv, on prend la mesure de la grande complexité dřun tel phénomène. Une démarche culturaliste, fondée sur lřétude des sources musicales, conduit nécessairement à inscrire lřétude dans cette multiplicité de points de vue Ŕ pas tant par principe que, de manière très concrète, par la nature même des sources. Quand les chants les plus interprétés dans les ghettos, voire dans les camps, sont des productions américaines évoquant les persécutions des Juifs européens antérieures au génocide, on se confronte à un effet de profondeur et à une mise en abîme de la souffrance représentée dont les cadres interprétatifs globaux ne permettent pas lřentière mesure.

Le concept dř « histoire intégrée de la Shoah », invite quant à lui à mettre à distance ces concepts interprétatifs globaux qui fournissent chacun une perception du phénomène sans Ŕ bien entendu Ŕ lřépuiser.

2.2.2. Sur la notion de « résistance spirituelle »

Lřhistoriographie de la Shoah a beaucoup évolué dans les années 1960, notamment à la suite du procès Eichmann à Jérusalem, du compte rendu dřHannah Arendt et des controverses provoquées par elle sur les Conseils juifs et également à la suite des procès des gardiens SS de Auschwitz à Francfort en 1963 : un travail considérable de collecte de témoignages a également conduit à une prise en compte plus importante des « sources juives ». Ce renouveau historiographique sřest accompagné de polémiques autour des formes de résistances juives. Cřest à cette époque que le concept dřamida apparaît : il recouvre la capacité à « tenir bon » élargie à la grande variété des résistances non armées et des tentatives de maintien de la culture juive. Lřune des principales controverses oppose Shaul Esch, qui forge le concept de « Kidoush a‘hayim » ou sanctification de la vie, à Lucy Dawidowski qui lřattaque radicalement. Roger Gottlieb a quant à lui cherché à proposer une définition solide et stable du concept de résistance juive161 alors que Joan Ringelheim162 pointe plutôt du doigt le flou qui entoure ce type de controverse :

161 GOTTLIEB, Robert, « the concept of resistance : the jewish resistance during the holocaust », in Social Theory and Practice, 9/1, 1983, pp. 31-49.

162 RINGELHEIM, Joan, « Women and the Holocaust : A Reconsideration of Research », in Signs, vol. 10 - n°4, 1985, p. 760.

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« Quřappelle-t-on résistance ? Est-ce que tout acte accompli par une femme opprimée est un acte de résistance ? Et quřen est-il de celui qui se suicide ? Le suicide devient-il alors résistance ? Et si, parfois, le suicide peut être un acte de résistance, cela est-il toujours le cas ? Est-ce que la mort est une résistance ? Est-ce

« Quřappelle-t-on résistance ? Est-ce que tout acte accompli par une femme opprimée est un acte de résistance ? Et quřen est-il de celui qui se suicide ? Le suicide devient-il alors résistance ? Et si, parfois, le suicide peut être un acte de résistance, cela est-il toujours le cas ? Est-ce que la mort est une résistance ? Est-ce

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