• Aucun résultat trouvé

Etablissement d’un gradient de reconnaissance

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 178-193)

COMPOSITEURS DE CULTURES JUIVES ASHKENAZES

3. Etablissement d’un gradient de reconnaissance

3.1. Compositeurs issus dřun milieu socioculturel juif dont la pratique musicale est directement liée au judaïsme religieux

Les compositeurs de musique liturgique, dont certains également cantors, constituent le premier degré de ce gradient de reconnaissance. Leur formation et leur pratique professionnelle sont exclusivement ou en très grande partie consacrées à lřinterprétation et à la création au service du rite. Cela ne signifie pas, loin de là, quřils adoptent systématiquement le point de vue du judaïsme orthodoxe : cette première catégorie de compositeurs, dont lřidentification au judaïsme culturel en général et religieux en particulier est claire, connaît elle-même des nuances importantes en fonction de lřappartenance au courant réformé, conservateur ou orthodoxe. Plus encore, ces sous-catégories ne sont pas fixes, certains pouvant travailler à la fois avec les institutions orthodoxes et conservatrices. De plus, il serait absurde de faire des sujets appartenant à cette première catégorie de « purs » compositeurs juifs. Lřoccasion nous a déjà été donnée de prendre toutes les distances nécessaires aux sciences humaines avec ce type dřassertions essentialistes. Ainsi, dans lřEurope centrale et orientale de la première moitié du XXe siècle, la formation des jeunes chantres, si elle sřeffectue dans les synagogues provinciales dans un premier temps, peut se poursuivre Ŕ si la famille lřaccepte et si les autorités y consentent Ŕ dans les conservatoires urbains de musique classique (Kiev, Saint-Pétersbourg, Moscou, Vienne, Budapest, Leipzig, Berlin, par exemple). Cette double formation, renforçant la technicité propre à lřart du chantre et sophistiquant les partitions, joue également un rôle dans les carrières professionnelles : face au cantor de bourgade, de formation pour partie autodidacte, sřimpose la figure du virtuose et technicien, parfois même du théoricien. Ainsi, lřun des premiers et des plus influents personnages « total » de ce type se retrouve dans la personne dřAbraham (ou Avrom) Moshe Bernstein (1866-1932). Le nombre très limité de ses enregistrements le fait certes pâtir dřun déficit de notoriété en face dřautres hazzan stars des premières décennies du XXe siècle (les frères Kusevitsky, Yossele Rosenblatt pour ne citer quřeux), mais son influence a été décisive sur la modernisation de la hazzanût. Depuis la Taharat Hakodesh Shul de Vilna dans laquelle

177

il exerce ses talents, Bernstein, né en Biélorussie, impose sa réputation de compositeur et dřérudit hébraïste. Sa connaissance, il lřa tire de la fréquentation de yeshivot : celle de Minsk, où il participe au chœur du hazzan de la ville, Israël Minsker, celle de Mir et enfin celle de Kovno, où il devient le disciple du hazzan Raphael Judah Rabinowitch. Homme de culture hébraïque, virtuose et pédagogue, Rabinowitch enseigne à Bernstein les fondements de son savoir et de sa technique. Après avoir officié à Bialystok et à Riga, Abraham Moshe Bernstein sřinstalle à Vilna, où il fonde un chœur de haut niveau et compose à son attention un répertoire liturgique renouvelé.

Des figures telles que celle de Bernstein, incarnent un idéal de piété au service de la maîtrise artistique (ou peut-être est-ce lřinverse ?), dřérudition, de capacité de transmission et enfin dřorganisation dřun système de formation. Le périmètre dřactivité des cantors de cette génération qui nřont pas eu à faire le choix de lřémigration, reste européen, voire est-européen. Dřautres, comme Jacob Beimel (1875-1944) ou Solomon (Shlomo) Rosowsky (1878-1962), couvrent un champ beaucoup plus vaste et doivent adapter ces qualités attendues des cantors modernes à des contextes différents de celui de la Russie tsariste, bolchévique puis soviétique.

Après avoir éduqué à la yeshiva, Beimel reçoit lui aussi sa formation vocale dans un chœur, à Berditchev, mais se dirige vers lřEurope centrale et entre au Meisterschüle für Musicalische Komposition de lřAcadémie Royale des Arts. Son professeur de composition, Friedrich Gernsheim (1839-1916), a fréquenté la société musicale parisienne du Second Empire (Camille Saint-Saëns, Edouard Lalo) et revendique lřinfluence très marquées, dans son propre répertoire, de Johannes Brahms et Robert Schumann, tout en faisant parfois appel à des matériaux thématiques juifs. Auprès de Gernsheim, Beimel se forme à lřexigeante technique symphonique allemande, tout en consolidant, parallèlement, sa maîtrise de la hazzanût. Nommé directeur de la musique à la synagogue An der Potsdamer Bruecke de Berlin, Jacob Beimel dirige le Mendelssohn Chor tout en publiant des compositions, des arrangements folkloriques. Il écrit également dans les journaux culturels juifs, comme dans Die Welt et Ost und West (1907-1912) : il installe la réputation dřun musicien dont la culture dépasse le seul champ hébraïque. Il sřinstalle à Copenhague en 1911, comme cantor et chef de chœur à la Synagogue orthodoxe et dirige Hasomir, une société de chant laïque juive quřil a lui-même fondée, avant dřémigrer.

Arrivé aux Etats-Unis, il poursuit ses activités musicales et didactiques associatives : cantor au Nouveau Centre Juif, il dirige la Paterson Singing Society, de 1915 à 1921, lřune des plus anciennes sociétés de chant juive et rencontre Abraham Wolf Binder (1895-1966) qui

178

contrairement à Beimel, est né sur le sol américain. Binder est dřailleurs lřun des premiers natifs américains à se faire une place dans le milieu musical juif traditionnel et les sociétés académiques. Ensemble, ils font substantiellement évoluer le style mélodique et lřart vocal en vogue dans les années 1920-1930 dans les congrégations orthodoxes et conservatrices. Lřun comme lřautre ont une intense activité dřédition : des recueils chants en Yiddish, en Ukrainien ainsi que de la musique synagogale pour Beimel (qui enregistre également pour Columbia Gramophone Co.), une troisième version de lřUnion Hymnal (1932) initialement publié par le mouvement réformé en 1897310 (la deuxième édition date de 1914) comme un appendice officiel de son Union Prayerbook. Binder y introduit des chants des traditions ashkénazes dřEurope occidentale, centrale, orientale et des œuvres chorales des grands maîtres Salomon Sulzer, Louis Lewandowski, Samuel Naumbourg et Eliezer Gerovitch. Tous deux sřimposent également comme des références intellectuelles et musicologiques : Beimel publie son propre journal, Jewish Music et sřimpose comme le spécialiste des nusachot (chants des prières traditionnelles) ; Binder est quant à lui lřun des fondateurs et des membres les plus actifs de lřAmerican Palestine Music Association Ŕ la MAILAMM (lřacronyme de makhon aretz [eretz] israel [yisra'el] la-mada'ey [l'mada'ey] musika) dont les objectifs étaient dřassister le Palestine Institute of Musical Sciences, de promouvoir un lien musical entre la Palestine et la Diaspora et dřencourager la créativité musicale juive par des concerts, des séminaires scientifiques et programmes éducatifs à travers les USA. Après avoir rompu avec la MAILAMM, il crée le Jewish Music Forum.

Solomon Rosowsky est, quant à lui, une figure marquante de la vie musicale juive européenne, palestinienne et américaine, bien connu comme musicologue, collecteur et éditeur de musique sacrée et populaire juive. Né à Riga et formé au conservatoire de musique de Leipzig (1905), il poursuit des études de droit à lřuniversité de Kiev et diplômé du Conservatoire Impérial de Saint-Pétersbourg (1911). En 1908, Rosowsky contribue à fonder la Society for Jewish Folk Music de Saint-Pétersbourg. Critique musical au Dyen de Saint-Pétersbourg et en 1918, il devient également le directeur musical du Yiddish Art Theater de la ville. De retour à Riga en 1920, il fonde et enseigne au Conservatoire Juif de Musique et officie en tant que critique musical. Rosowsky émigre ensuite en Palestine, où il enseigne

310 La compilation de la partie musicale de lřUnion Hymnal de 1897 est lřœuvre de William Sparger et de Aloïs Kaiser (1840-1908), président de la Central Conference of American Rabbis à plusieurs reprises. Kaiser est originaire de Szobotist en Hongrie (actuelle Sobotińte, Slovaquie). Il suit les cours de lřécole de la congrégation, de la Realschule et enfin du Séminaire des Professeurs et au Conservatoire de Musique de Vienne. A dix ans, il a chanté dans le chœur de Salomon Sulzer. Il devient, en 1859, assistant cantor à Fünfhaus, dans la banlieue de Vienne, avant dřobtenir, de 1863 à 1866, le poste de cantor à la Neusynagoge de Prague. Il immigre, en juin 1866, à New York et devient cantor à la congrégation Oheb Sholem de Baltimore.

179

entre 1940 et 1946 au Conservatoire de Musique, dirigeant notamment les recherches sur la cantillation. Il est également élu président de la Fédération de lřAssociation des Musiciens de Palestine en 1946. Il émigre aux Etats-Unis en 1947 afin de trouver une maison dřédition pour ses propres travaux. Installé à New York, il enseigne au Cantor‘s Institute of The Jewish Theological Seminary et à la New School for Social Research.

Appartenant à la génération suivante, Moshe Ganchoff (1904-1997), né à Odessa - le cœur dřune longue tradition de lřart cantorial Ŕ est issu de deux familles assez antagonistes.

Sa mère vient dřune famille orthodoxe très religieuse alors que son père était bundiste et fréquentait les milieux socialistes. Bien que Ganchoff ait fréquenté dès lřenfance des figures majeures de lřart cantorial, cřest aux Etats-Unis quřil est formé à la hazzanût de manière professionnelle, après avoir été repéré dès lřenfance dans le chœur de lřécole. La ville de Toledo, dans lřOhio, là où la famille Ganchoff sřest installée, compte de nombreux cantors de renom. Parmi eux, Irving Kobrin, qui est lui-même le fruit de la double formation (hazzanût et technique classique), lřinitie au solfège. Cřest néanmoins, pour partie, en autodidacte que Ganchoff construit sa réputation de musicien de première catégorie, au point de faire figure dřun des cantors émigrés les plus cultivés, à la technicité la plus élevée.

Parmi ces cantors « américains » de formation européenne, le cas de Leib Glantz (1898-1964), né à Kiev, est assez emblématique. Fruit dřune éducation académique complète (piano, analyse, contrepoint, harmonie et composition avec Reinhold Glière), Glantz devient par ailleurs chef du chœur pour les grandes fêtes du calendrier liturgique à la petite synagogue (shtibl ou kloyzl) du Talna Hassidim ŕ les fidèles du rebbe Talna ŕ où son propre père était cantor, et y introduit des œuvres inspirées du répertoire occidental de Salomon Sulzer, Louis Lewandowski. Très lié au mouvement sioniste, Glantz trouve son premier poste à la petite synagogue sioniste de Galaz, Bessarabie (partie de la Roumanie). Délégué officiel au XIVe Congrès Sioniste Mondial, il représente par la suite les Etats-Unis, où il sřinstalle en 1926, à sept conférences. Aux Etats-Unis, il partage son temps entre musique cantoriale et actions sionistes aux côtés de Keren Kayemetŕ le Fonds National Juif. En 1941, il devient le cantor du Sinai Temple de Los Angeles puis de la Congrégation Shaarei Tefillah. Il est par ailleurs élu président de la campagne Histadrut ou United Federation of Labor Unions in Israel en Californie. Professeur invité à lřUniversité du Judaïsme de Los Angeles, il enseigne lřart cantorial et se produit dans des tournées en Amérique du Nord, Afrique du Sud et Palestine.

En 1954 Glantz « fait lřAliya », cřest-à-dire quřil sřinstalle de manière permanente en Israël. Il devient alors le principal cantor de la synagogue Tiferet Tzvi de Tel Aviv, où son chant parvient à attirer un public non religieux. Cet attrait pour le Yishouv, où les compositeurs et

180

les cantors sřinstallent définitivement ou font des séjours, a également concerné Julius Chajes (1910-1985), né à Lwóv (Lemberg) en Galicie. Il séjourne en Palestine de 1934 à 1936, où il est nommé Président du département de piano de lřAcadémie de musique Beit L‘viyim de Tel-Aviv et reçoit lřinfluence de ce quřil est convenu dřappeler le « style méditerranéen » développé par dřautres compositeurs juifs européens installés en Palestine. Son répertoire sřimprègne alors des chants des pionniers, des folklores arabe et hébreu de Palestine.

Lřinfluence de ce style orientaliste est manifeste lorsquřon sait, par exemple, que Chajes reçoit deux prix du Jüdische Kulturbund de Berlin pour de la musique chorale, en 1937 et en 1938. Il gagne les Etats-Unis en 1938 pour sřinstaller à Detroit où il devient une figure importante de la communauté juive et continue à développer son écriture musicale.

Le cas dřHugo-Chaim Adler (1894-1955) et de son fils Samuel Adler (né en 1928) est également intéressant et représentatif de lřadaptation des acteurs culturels à leur contexte professionnel et culturel. Le père, né en Belgique, sřinstalle à Mannheim en 1922 où il occupe la charge de cantor et compositeur à la Haupt-Synagogue avant dřimmigrer aux Etats-Unis en 1939. Juif attaché au courant libéral, il trouve alors un poste au Temple Emanuel de Worcester dans le Massachusetts. Son fils Samuel, né à Mannheim et immigré à dix-sept ans aux Etats-Unis, appartient lui aussi au mouvement réformé, mais travaille également auprès du mouvement conservateur et collaborations avec le cantor Samuel Rosenbaum à lřEastman School of Music de Rochester. Les enjeux professionnels, sur le territoire américain, permettent ainsi de travailler à la fois avec le courant réformé (le plus libéral) et le courant conservateur (proposant une via media entre libéraux et orthodoxes). Samuel Adler joue, de plus, un rôle majeur dans les instances pédagogiques juives, universités et conservatoires, comme notamment la prestigieuse School of Sacred Music of Hebrew Union College. Ainsi, nombre de compositeurs liés aux milieux liturgiques juifs américains, évoluent professionnellement entre les différents courants du judaïsme Ŕ du moins réformé, conservateur et orthodoxe. Ainsi, Max Janowski (1917-1991), né à Berlin où il a suivi ses études au Conservatoire Schwarenka, est certes attaché au courant réformé mais travaille à la fois auprès de la Hebrew Union College's School of Sacred Music, à la Cantor's Assembly of the Conservative Movement et à la United Synagogue of America, actuelle United Synagogue of Conservative Judaism. Janowski a par ailleurs fondé lřassociation Friends of Jewish Music qui a permis lřédition et la publication de ses propres œuvres.

On le voit, lřactivité professionnelle et associative de ces cantors a évolué, en particulier pour ceux qui ont immigrés aux Etats-Unis. La variété de leur champ

181

dřinvestigation peut également toucher aux milieux ouvriers et socialistes. Ainsi, Meyer Posner (1890-1931), né à Plock, dans la partie polonaise de lřEmpire russe, essentiellement connu comme compositeur de musique liturgique, dirige, après son installation à New York en 1919, le Workmen's Circle Choir (Arbiter Ring Kor). Organisation yiddishiste fondée en 1900, promouvant à la fois la justice sociale et la culture ashkénaze, le Workmen‘s Circle ou Ring était très liée au mouvement bundiste à ses débuts. Meyer Posner compose et arrange ainsi, pour les choristes du Ring, des transcriptions de chansons en Yiddish qui sont par ailleurs publiées chez Metro Music (1927-1930). Lazar Weiner311 lui succède comme chef du Workmen's Circle Choir après sa mort en 1931.

3.2. Compositeurs issus dřun milieu socioculturel juif qui traitent de thématiques paraliturgiques tout en évoluant dans un milieu professionnel non exclusivement religieux

Egon Wellesz (1885-1974), né en 1885 dans une influente famille viennoise dřorigine juive, étudie la musicologie à lřUniversité de Vienne auprès de Guido Adler. Parallèlement, il suit des cours particulier dřharmonie, de contrepoint et de fugue avec Arnold Schönberg (il a même été lřun de ses premiers élèves). Wellesz, dont les œuvres ne subissent que partiellement publie par ailleurs la première biographie consacrée à Schönberg en 1920. Il assiste également à lřexécution de Der Freischütz sous la direction de Gustav Mahler à lřOpéra de Vienne : il rapporte que cette interprétation lřa convaincue de devenir composteur à son tour. A Vienna Wellesz poursuit une double carrière de compositeur et de musicologue, notamment comme professeur de musique à lřUniversité (il y est un spécialiste reconnu de musique baroque, notamment de lřopéra du XVIIIe siècle et de musique byzantine). Entre 1914 et 1931, sa réputation bien assise, il compose neufs partitions pour la scène, quatre ballets et cinq opéras, favorablement accueillis en Allemagne et en Autriche, parmi lesquels Die Bakchantinnen (dřaprès la tragédie dřEuripide) créé en 1931 au Staatsoper de Vienne sous la direction de Clemens Krauss. Il entretien notamment une amitié avec Hugo von Hofmannsthal (le librettiste de Richard Strauss) avec lequel il collabore à plusieurs occasions.

Wellesz prend la décision dřémigrer en Angleterre, lorsquřil apprend à Amsterdam (où il

311 Lazar Weiner (1897-1982), compositeur, professeur de musique, chef dřorchestre, chef de chœur et pianiste, il a été directeur musical de la Synagogue Centrale de Manhattan et donc, à la mort de Posner, de la Workmen‘s Circle Choral Society.

182

assistait à une exécution par Bruno Walter de son poème symphonique Prosperos Beschwörungen) que lřAnschluss a eu lieu. Il obtient un poste de professeur au Lincoln College dřOxford et continue de composer de la musique symphonique et de la musique de chambre dans la tradition austro-allemande.

Herbert Fromm (1905-1995), né à Kitzingen en Allemagne, compositeur et chef dřorchestre à Frankfurt-am-Main, appartient à la section du Jüdischer Kulturbund qui offrait aux musiciens juifs les seules opportunités dřexercer leur lřart jusquřen 1939. Après son immigration aux Etats-Unis, Fromm compose pour la synagogue et construit un répertoire de musique sérieuse à thématique juive. Il est lřun des musiciens les plus prolifiques et les plus en vue parmi les Juifs allemands et autrichiens qui ont trouvé refuge aux Etats-Unis durant le Troisième Reich. Fromm appartient également à un cercle lié au mouvement réformé, composé dřIsadore Freed (1900Ŕ1960), de Frederick Piket (1903Ŕ74), de Julius Chajes (1910Ŕ1985) et de Hugo Chaim Adler (1894Ŕ1955). Dřabord directeur musical du Temple Beth Zion à Buffalo, il prend poste ensuite à New York puis au Temple Israel de Boston jusquřà sa retraite en 1972.

Les parents dřHerman Berlinski (1910-2001) ont émigrés de Łodź en 1905. Berlinski, quant à lui, naît à Leipzig. Sřil est éduqué dans une famille dřEurope orientale, marqué par le contexte du judaïsme allemand, il reçoit à Paris (à partir de 1933) lřéducation savante occidentale auprès de Nadia Boulanger (sans quřelle ne comble par ailleurs ses attentes). Il entre alors à la Scola Cantorum et reçoit des cours du compositeur de synagogue séfarade Léon Algazi. Au cours de ces années parisiennes, il rencontre des membres du groupe Jeune France (en particulier Daniel-Lesur et Messiaen) qui lřencouragent à accepter comme source dřinspiration le patrimoine juif. Pour vivre, compose des musiques pour Le Théâtre Juif dřAvant-garde de Paris et en ainsi en contact avec des émigrés juifs ukrainiens, polonais, lituaniens. La guerre ayant éclaté, en 1940 Varian Fry lřaide à falsifier son identité (Soviétique) pour émigrer vers les Etats-Unis, où il arrive en 1941. Son père choisit de prendre la citoyenneté polonaise (résident en Allemagne) plutôt que le passeport officiel apatride (la citoyenneté allemande de plein droit étant très difficile à obtenir). Aux Etats-Unis, Berlinski est accueilli par Moshe Rudinov qui le fait entrer dans le Jewish Music Forum et devient assistant organiste de Saminsky au temple réformé Emanu-El. En 1963, il obtient le poste de directeur musical de la Washington Hebrew Congregation, lřun des plus anciennes et prestigieuses institutions réformées des Etats-Unis.

183

3.3. Compositeurs issus dřun milieu socioculturel dont les productions et lřactivité musicale sont liées aux institutions promouvant la culture juive (Yiddish Theatre notamment)

Il a déjà été question des compositeurs spécialisés dans lřécriture pour le Yiddish Theater en Europe et aux Etats-Unis. Cette catégorie de la typologie est particulièrement importante, en cela quřelle fonctionne comme un espace interstitiel : en effet, des figures déjà évoquées font figure de passeurs culturels, exportant des éléments du répertoire liturgique (modes, mélodies) dans celui du Yiddish Theatre (le rôle dřadaptateur hors-pair dřAbraham Goldfaden est ici fondamental) ou mettant à profit leurs techniques liturgiques pour interpréter un répertoire léger (Sigmund Mogulesco ou plus tardivement Richard ou Reuben Tucker).

Plus encore, les phénomènes de mobilité jouent ici un rôle fondamental : ainsi, le théâtre, par le biais dřacteurs culturels jouant le rôle de passeur, permet lřimportation de chansons européennes reprises intégralement, adaptées ou cités (avec ou sans respect des droits dřauteurs312) outre-Atlantique. Lors de ses voyages américains, Sholom Aleikhem a largement contribué à faire connaître le répertoire de son ami Mark Warshawsky (1845-1907) et les thématiques nostalgiques ou douloureuses (les pogroms par exemple) de ces chansons, évoquant une expérience partagée, ont été adoptées par les immigrés de Brooklyn ou du Lower East Side.

3.4. Compositeurs auxquels les conjonctures historiques ont largement imposé cette identification

Cette catégorie dřagents culturels renvoie bien entendu au critère dřassignation extérieure dřune identité juive quřils ne revendiquaient pas a priori ou ne plaçaient pas au

Cette catégorie dřagents culturels renvoie bien entendu au critère dřassignation extérieure dřune identité juive quřils ne revendiquaient pas a priori ou ne plaçaient pas au

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 178-193)