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La pensée utopique originelle du théâtre populaire (autour de la Revue d’Art

Le théâtre populaire depuis la fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle

C. La pensée utopique originelle du théâtre populaire (autour de la Revue d’Art

Dramatique)

Après avoir interrogé la notion de théâtre populaire dans toutes ses ambiguïtés, nous allons présenter la pensée et les activités concrètes des utopistes à la fin du XIXe siècle. Deux figures sont à mettre en avant dans ce contexte : Maurice Pottecher et Eugène Morel, l’un ayant fondé le Théâtre du Peuple à Bussang en 1895, l’autre ayant lancé « le projet des Théâtres Populaires » dans la Revue d’Art Dramatique en décembre 1900. Une revue à laquelle tous les deux ont collaboré assidument, en s’efforçant de donner une issue concrète à l’idéal du théâtre populaire à cette époque, et contribuant ainsi à faire de cette publication un espace d’observation et de proposition fondamental pour les perspectives du théâtre populaire à la fin du XIXe siècle.

Avant de nous intéresser à cette revue et aux utopistes qui l’animent, nous devons citer deux écrivains dont les idées autour du théâtre ont forcément influencé la conception du théâtre populaire du XXe siècle : Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et Jules Michelet (1798-1874). En 1758, dans la « Lettre à M. d’Alembert sur les spectacles », Jean Jacques Rousseau a formulé le rêve célèbre d’un spectacle festif capable de réunir toute une communauté, et d’annuler la frontière entre acteurs et spectateur :

Plantez au milieu d'une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle ; rendez-les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis96.

Bien que son texte soit un pamphlet violemment critique contre la forme théâtrale elle-même, son appel à la fête comme modèle de célébration populaire, va devenir, paradoxalement – un argument pour tous ceux qui souhaitent que le théâtre retrouve sa fonction éducative et élargisse son public, pour créer « une république réellement libre, réellement unie ». Ce rêve de Rousseau a eu une influence considérable sur les hommes du théâtre populaire du XXe siècle, en soulignant le lien entre le théâtre et la fête97. Nous pouvons en retrouver une application concrète dans le Théâtre du Peuple à Bussang en plein air, fondé par Maurice Pottecher, dans les tentatives en plein air de Firmin Gémier, et encore dans le Festival d’Avignon créé par Jean Vilar, qui sans doute l’événement théâtral le plus

96 Jean-Jacques Rousseau, « Lettre à M. D’Alembert sur les spectacles » (1758), in Œuvres complètes de J. J. Rousseau : avec des notes historiques, volume 3, Paris : Chez Furne, Libraire-Editeur, 1835, p. 171.

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connu, considéré en Chine comme un moment clé de l’histoire du théâtre populaire jusqu’à nos jours.

L’autre grande figure que nous devons citer est donc Jules Michelet, l’historien français, le premier qui, en France, ait pensé à faire de l’art un enseignement et du théâtre une école de moralité98. Michelet désirait « un théâtre qui ne soit plus destiné à une classe unique de la société, mais qui le soit à tous, au peuple, un théâtre qui ne s’adresse plus exclusivement à l’intellectualisme des délicats, mais à l’âme même de la foule99 ». De 1845 à 1848, Michelet se trouvait très absorbé par la composition du Peuple et par celle de l’Histoire de la

Révolution. Dans L’Etudiant, son cours au Collège de France pour l’année universitaire1847

et 1848, il a voulu et appelé de tous ses vœux le Théâtre du Peuple qui a fortement influencé la pensée de Romain Rolland dans son ouvrage publié en 1903. Comme le disait ce dernier: « C’est de la main de Michelet que l’idéal artistique de la Révolution et des penseurs du dix-huitième siècle est parvenu jusqu’à ceux d’entre nous qui, en France, ont entrepris de fonder le Théâtre du Peuple100». Nous pouvons trouver la pensée idéale de Michelet sur ce sujet dans sa correspondance avec George Sand :

Dans mon cours de 1847-1848, que j’ai imprimé, j’exprimais le vœu d’une rénovation morale par le théâtre. Je crois encore que la création d’un théâtre villageois, répandu dans la campagne, serait le moyen le plus puissant pour ramener le peuple dans le véritable esprit national. Des proverbes patriotiques qui, sous une forme très simple, nous remettraient sous les yeux la vie de nos héros (Danton, Hoche, Marceau, Kléber, Desaix, La Tour d’Auvergne, Kosciusko, etc.) de tels proverbes, dis-je, auraient grande action dans les campagnes. Il faudrait que le drame fût très simple, mais aidé d’une notice courte et pleine, qui permît aux acteurs improvisés d’étendre le libretto des paroles que leur propre émotion pourrait ajouter. A peu près comme le font les acteurs des petits théâtres italiens101.

Mais, la pensée de Michelet sur le peuple est une conception utopique, parce qu’il « parle pour le peuple, il écrit le Peuple. Mais le peuple, ce n’est pas le prolétariat. Virtuellement, il est la société tout entière102». Michelet définit aussi le prolétariat par l’aliénation et il souhaite une société sans classes. Mais les classes ne sont pas uniquement ou même essentiellement, définies par la possession, ou la privation économique. Que le peuple soit exclu de la culture, c’est moins une des conséquences de son aliénation fondamentale que cette aliénation elle-même103. L’idéal du théâtre du peuple et du théâtre populaire de Michelet se prolonge dans

98 Cf. René Maluski, « Le Théâtre du Peuple et M. Maurice Pottecher », La Foi et la vie, 16 Août 1900, p.246.

99 Ibid., p.246.

100 Romain Rolland, Le Théâtre du Peuple, op.cit., p. 83

101 M. G. Monod, « Michelet et George Sand, d’après le journal inédit de Michelet, et leur correspondance », Séances et travaux de l’académie des sciences morales et politiques (Institut de France), 65e année Nouvelle Série Tome soixante-troisième, 1905-Premier Semestre, Mars. Paris, Alphonse Picard & Fils, 1905, p. 290.

102Jules Michelet, Gaëtan Picon, L’étudiant. Précédé de Michelet et la parole historienne, Paris, Editions du Seuil, 1970, p.14.

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l’époque suivante. La dimension nationale et héroïque a été reprise par Romain Rolland et d’une certaine manière aussi la création d’un théâtre villageois souhaitée par Firmin Gémier et réalisée par Jacques Copeau avec leurs tentatives et aventures du théâtre populaire. Mais, au-delà de ces filiations, l’appel de Michelet nous rappelle l’importance de la fonction éducative qui sera attribuée au théâtre populaire pendant tout le XXe siècle.

Revenons à la Revue d’Art Dramatique104, une revue qui a donc incarné le combat pour un théâtre populaire à la fin du XIXe siècle. Cette publication née en 1869 avec des finalités exclusivement littéraires et esthétiques, évolue progressivement à partir de la moitié des années 90 du XIXe siècle vers une posture revendicative, subissant l’influence grandissante d’un groupe d’intellectuels qui saluent l’initiative de quelques expériences de théâtre populaire (à commencer par celle de Bussang) et créent un forum de discussion autour de celui-ci. Elle travaille donc pendant des années à doter la France d’un théâtre populaire et à fonder un Théâtre du Peuple à Paris. Parmi ses collaborateurs on signale Octave Mirbeau, Romain Rolland, Maurice Pottecher, Louis Lumet, Maurice Bouchor, Camille de Sainte-Croix, Lucien Descaves et Emile Zola, qui ont pour objectif commun de créer un théâtre populaire, démocratique, social et éducatif, afin de constituer la voie de la rénovation de l’art et des rapports sociaux105. La revue s’est activée : elle a étudié, consciencieusement, de nombreux projets, formulé un programme106. C’est elle qui a fait connaître Maurice Pottecher et sa son expérience rurale à Bussang, le « Projet des Théâtres Populaires » d’Eugène Morel et l’appel à un « théâtre social » de Jean Jaurès, qui invoque un « théâtre considéré comme moyen de lutte sociale, comme moyen de hâter la décomposition d’une société donnée, et de préparer l’avènement d’une société nouvelle 107» ; car le théâtre social est « destiné à s’affirmer bientôt, ce sera là un symptôme excellent du progrès de nos idées ; le drame, c’est

104 A propos de cette revue, voir l’article de Sophie Lucet, « La Critique théâtrale en questions dans la Revues d’Art Dramatique (1886-1909) », in Marianne Bury, Hélène Laplace-Claverie (dir.), Le Miel et le fiel. La Critique dramatique en France au XIXe siècle, Paris, PUPS, 2008, p. 55-67.

105 Cf. Romain Rolland, Le Théâtre du Peuple, op.cit., p.187-192. Voir aussi l’article de Nathalie Coutelet, « Octave Mirbeau propagandiste du théâtre populaire », Cahier Octave Mirbeau, n° 11, 2004, p. 185-203. Voir aussi Nathalie Coutelet, « La place du théâtre populaire dans la pensée d’Octave Mirbeau », in Octave Mirbeau Passions et anathèmes, Laure Himy-Piéri et Gérard Poulouin (dir.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2007, p. 103-115. Dans cet article, l’auteur a présenté les membres et leurs travails concernant le théâtre populaire : « En effet, Mirbeau s’est intégré à un comité visant la création d’un théâtre populaire parisien, dès novembre 1899. Maurice Pottecher a fondé en 1895 le Théâtre du Peuple de Bussang, dans les Vosges ; Louis Lumet, le Théâtre civique, en 1897 ; Maurice Bouchor, la Société des lectures populaires ; Camille de Sainte-Croix et Bouchor, l’Association populaire d’art dramatique et lyrique ; Romain Rolland tente de composer un répertoire spécifique, le Théâtre de la Révolution, et publie quelques années plus tard, en 1903, une brochure consacrée à ses théories ; Emile Zola a érigé le peuple en figure romanesque. »

106 Cf. Octave Mirbeau, Gens de théâtre : auteurs et critiques, comédiens et comédiennes, la censure, le théâtre

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déjà en quelque mesure le prologue de la Révolution elle-même, puisque, comme la Révolution, il met les foules en mouvement108».

En mars-avril 1899, la revue a travaillé à la réunion d’un Congrès international du théâtre populaire, auquel ont participé Lucien Besnard, directeur de la revue à cette époque, Maurice Pottecher, Gabriel Trarieux et Romain Rolland109. En novembre 1899, elle a poursuivi son effort dans l’édification d’un théâtre populaire en lançant un concours doté d’un prix de 500 fr. afin de récompenser le meilleur projet dans ce domaine. Le numéro de décembre 1900 consacré au théâtre populaire a annoncé qu’Eugène Morel et son « Projet de Théâtres Populaires » avait gagné ledit concours. Le journal Aurore du 4 décembre 1899 se fait l’écho de cette nécessité de créer un théâtre populaire et mentionne le projet lancé par la Revue d’Art

dramatique:

Y a-t-il à Paris un théâtre pour le peuple ? Non. Nous possédons, à la vérité, un grand nombre de théâtres qui sont autant de variétés du théâtre bourgeois. Nous n’avons pas de théâtre populaire.

Ce théâtre qui est dans l’air, que tout le monde désire ou semble désirer voir se fonder. Peut-être va-t-il bientôt naître, cher de la partie laborieuse de la nation et à lui rendre accessibles les trésors de la connaissance humaine, mouvement d’où est sortie l’Université populaire du faubourg Saint-Antoine, les jeunes gens qui président aux destinées de la Revue, Lucien Besnard, G. Trarieux, R. de Fleurs, R. Brussel… Mais créer ce théâtre nouveau exige d’innombrables concours. La Revue ne veut en négliger aucun110.

Dans l’interview sur la fondation et la réalisation de ce théâtre, le journal a également signalé les questions pratiques posées par M. Coquelin sur les conditions matérielles :

Mode d’administration d’un théâtre populaire ? Collectif ou unitaire ? Mixte ? Elections, pouvoirs, durée des pouvoirs des directeurs, des comités etc… ? Sera-t-il uniquement français ? Ou les traductions étrangères y auront-elles droit de cité ? Comment constituer un répertoire nouveau ? Notre théâtre doit-il prendre parti dans l’action politique ? Ou s’ouvre-t-il à tout idéal111?

D’ailleurs, sur le théâtre populaire, il a aussi souligné l’avantage des pièces classiques et il a proposé de donner quelques pièces du théâtre étranger comme l’Ennemi du Peuple d’Ibsen ; il a évoqué aussi la question des acteurs du théâtre populaire : « des professionnels ? Ou bien devrait-on les tirer du peuple ? » En résumé, il a pensé que « le théâtre populaire auquel la

Revue d’Art dramatique se dévoue est quelque chose d’excellent, qu’il faut encourager et dont

je souhaite vivement la réussite112».

107 Jean Jaurès, « Le théâtre social », Revue d’art dramatique, décembre 1900, p. 1065.

108 Ibid., p. 1066.

109 Cf. Romain Rolland, Le Théâtre du Peuple, op.cit., p. 187-192.

110 M. L. Havet, « Le Théâtre populaire à Paris », L’Aurore, 4 décembre, 1899.

111 Ibid.

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Est-ce que le « Projet de Théâtres populaires » d’Eugène Morel a répondu à ceux qui émettaient des doutes sur la réalisation d’un tel théâtre à ce moment-là ? Ou a-t-il lancé un projet utopique ? Nous allons étudier maintenant son projet et nous examinerons les influences et les résultats ultérieurs dans les chapitres suivants.

Dans son projet, Eugène Morel développe trois aspects en détails : la question des ressources, celle de l’organisation et celle de l’extension, puisque son projet, nous allons le voir, prévoit non pas un théâtre populaire, mais des théâtres populaires à implanter progressivement sur tout le territoire national. Son objectif est de donner au public l’habitude d’aller au théâtre et il souhaite atteindre un autre public qui ne se limite pas aux élites ; il a ainsi lancé un appel assez utopique : « Nous espérons pouvoir agir sans subvention. Nous voudrions que le peuple fonde lui-même son théâtre, Notre moyen, c’est l’abonnement113». Plus concrètement, il a suggéré un abonnement hebdomadaire pour que l’ouvrier puisse aller toutes les semaines au théâtre. Et il a fait appel à l’aide de l’Etat non pas pour obtenir une subvention mais pour réunir les abonnements. Pour faire venir le public, il a pensé aussi à un complexe système de propagande, y compris aux conférences, aux réunions des abonnés, à des publications régulières qui informent les spectateurs et qui recueillent leurs avis, etc. L’ambition d’Eugène Morel n’était pas uniquement dirigée sur Paris, mais sur toute la France et elle visait à donner aux « millions de Français presque autant de théâtres et d’aussi beaux qu’il y en avait chez les quelques milliers d’habitants de la Grèce 114». Concernant l’abonnement, il a proposé le « bon de théâtre (supposé de 25 francs) » en trois parties : titre au porteur, tire personnel, 25 billets de théâtre ; il a composé aussi un bon à participation en indiquant la gratuité pour les enfants. (voir en Fig. le tableau du prix). Il a proposé la création d’une seconde sorte de bon qui est venue de « la Ville, l’Etat, des particuliers, des souscriptions, des syndicats, des associations…», en suggérant par exemple qu’une association ouvrière pourrait donner une grosse part, afin d’avoir le théâtre à elle une fois par semaine.

Le système qu’il propose vise donc d’un côté à une sorte d’actionnariat populaire, qui permettrait de réunir des ressources provenant du public populaire lui-même, via des abonnements collectifs, en comptant notamment sur les organisations syndicales ; de l’autre à un mécénat élargi à des donateurs plus aisés, puisque l’abonnement est en même temps un « titre au porteur ».

113 Eugène Morel, « Projet de théâtres populaires », Revue d’Art dramatique, décembre 1899, p. 1117.

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Cette vision à la fois pragmatique et utopique, nous éclaire sur la relation envisagée par Eugène Morel entre l’Etat et le théâtre. Il pense que « le théâtre est, actuellement, une industrie. L’Etat peut intervenir pour protéger, favoriser, récompenser les inventions, créer des débouchés nouveaux, surveiller, faire appliquer des lois… Or, notre but est d’augmenter le nombre des théâtres, non de le réduire115». Ce théâtre populaire, qui ne peut que rester une « industrie », devra donc assurer sa viabilité économique de manière autonome, en s’appuyant surtout sur la grande masse de son public.

A propos de ce public, justement, il a clairement évoqué « un théâtre pour les pas riches », « un théâtre pour la grande masse normale du peuple, qui a un gîte, et de quoi vivre en travaillant, mais qui ne trouve actuellement, pour se divertir, que des spectacles grossiers, et des places mauvaises où l’on accède après des heures de queue, qui ne peut y mener sa femme et ses enfants…bref, qui le plus souvent y renonce116».

Pour atteindre cette « grande masse normale du peuple », Morel se pose donc une série de question concrètes, parfois même concentrées sur de petits détails organisationnels qui concernent les conditions matérielles de la construction d’un théâtre populaire : des mesures qui préfigurent, parfois de manière étonnamment précise, une série de mécanismes de « fidélisation » du public qui seront mis en place à partir des années 50 dans les théâtres publics, et notamment au TNP de Jean Vilar:

- Tout ménage ayant souscrit deux places pourra amener gratuitement ses enfants de 6 à 14 ans… Cette gratuité pourrait peut-être s’étendre à d’autres cas. Il y a le soldat, il y a le vieillard117.

- Jours et heures pour l’ouvrier, créer une combinaison bien simple la lui laissera choisir. Ce n’est pas le théâtre qui règlera ces heures, c’est l’abonné lui-même qui fixera son heure en prenant son bon118.

- Le Théâtre populaire aurait intérêt à publier un journal envoyé gratuitement aux abonnés, et distribué même à d’autres. Ce serait d’abord la propagande du théâtre. Le journal est un programme du théâtre, mais un programme littéraire, instructif. Il paraît toutes les semaines, donne la distribution des rôles, décors, etc., aussi l’annonce du spectacle prochain, si possible, le texte de la dernière pièce…Il reste un souvenir, il est l’embryon d’une petite bibliothèque intéressante119.

-Les conférences. Il est bon pourtant, sans l’imposer, de fournir quelque éducation littéraire au peuple. Suffisamment clairs et amusants, sans rien de professoral, des commentaires dans le journal peuvent être bien accueillis120.

-Musique. Un théâtre d’opéra créé concurremment avec le Théâtre populaire, par le même système, ou un analogue, rien de mieux. Mais cela est moins urgent121.

115 Ibid.p.1125. 116 Ibid.p.1126. 117 Ibid.p.1126. 118 Ibid.p.1138. 119 Ibid.p.1139-1140. 120 Ibid.p.1141. 121 Ibid.p.1141.

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-Transport des abonnés. Le public du Théâtre populaire, abonné, est très fixe. Nous connaissons les adresses de nos abonnés, nous pouvons les grouper. Nous avons demandé à notre client son heure, nous pouvons lui demander quel système de locomotion il veut employer122.

-Le dîner. Notre but d’habituer le peuple à un spectacle intelligent ne sera pas atteint si nous laissons sans solution cette question du repas. On pourrait, dans le théâtre même, installer un bar où se vendraient à bon compte des portions chaudes ou froides (bouillon, charcuterie, etc.) qu’il serait aisé de manger sur le pouce123.

- Bals et fêtes. Nous avons qualifié d’assurance notre système d’abonnement. Nous pourrions dire association, ou club, ce qui est plus distingué. Un club que nous provoquerons nous-mêmes par notre propagande, un club de gens qui ne se connaissent pas, mais qui, dans un milieu où l’on se lie vite, feront vite connaissance124.

- Corps de métiers. Nous avons dit le mot association. Les associations actuelles, les syndicats, par exemple, ne pourraient-ils nous fournir des groupes d’abonnés125?

Le but est évidemment celui de faire en sorte que ce public populaire se sente « chez lui » dans un théâtre qui, selon Morel, doit lui appartenir. C’est là l’intérêt le plus important de ce projet utopique par son excès de pragmatisme, qui se préoccupe de prévoir en détail des mesures qui permettront à la « grande masse normale du peuple » de venir au théâtre « comme à une fête intime126 ». Mais Morel a aussi discuté des acteurs (qu’il prévoit de recruter parmi les élèves du conservatoire), du bâtiment à construire où « récupérer » (il envisage par exemple de réutiliser les structures démontables de l’Exposition Universelle de 1900, de la disposition de la scène (pour laquelle il imagine un ingénieux système de rotation qui permettrait de changer les décors à moindre frais), ainsi que de répertoire. On comprend, après cette courte liste, que la préoccupation principale de Morel est organisationnelle et économique. Concernant ce dernier point, en effet, le répertoire, il avoue qu’il n’a pas d’idées