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Chapitre I : Revue bibliographique

III. Le Plomb et la plante

2. Le Pb et l’activité racinaire

Une des principales voies d’exposition des plantes dans les sols contaminés par les métaux correspond au contact des racines avec la solution du sol : les racines sont ainsi le premier organe du végétal exposé aux métaux (Lynch and Whipps, 1990 ; Piechalak et al., 2002). Afin de contrer les effets délétères induits par la présence du Pb dans leur milieu de culture, les plantes ont mis en place différents types de stratégies : les stratégies d’exclusion, d’évitement et les stratégies de tolérance. Les mécanismes d’exclusion limitent la pénétration du métal, l’excluant ainsi des tissus de la plante (Mishra et al., 2006). Quant à l’évitement, il consiste à: 1) accumuler le Pb dans l’apoplasme et/ou 2) le séquestrer rapidement dans les vacuoles s’il parvient jusqu’au symplasme. Ces mécanismes ne sont pas exclusifs (Yang et al., 2005 ; Clemens, 2006). Les plantes présentant des mécanismes de tolérance sont capables d’accumuler, de stocker et d’immobiliser le métal. Le premier système de défense fonctionne au niveau racinaire. Il met en jeu les processus de chélation et de séquestration et d’immobilisation du Pb par les composés pariétaux de la paroi squelettique. La tolérance pourrait aussi impliquer la membrane plasmique soit en réduisant l’absorption soit en stimulant l’efflux des métaux lourds ayant été absorbés. Dans le cas de plantes hyperaccumulatrices, les racines transfèrent le Pb vers les parties aériennes où il sera accumulé (Hanc et al., 2009).

Ces différents mécanismes de réponse racinaire au Pb sont développés dans une revue « Effect of lead on root growth » (Fahr et al., 2013), ainsi que les effets du plomb au niveau physiologique et biochimique sur le développement racinaire. La revue, dont je suis premier auteur, est jointe à cette thèse.

2.1.Réponse racinaire au Pb

Les plantes ont développé plusieurs mécanismes de tolérance en réponse au Pb (Figure 4). La première stratégie consiste à bloquer le métal entrant dans les tissus des racines (Mishra et

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al., 2006). Les racines répondent ainsi rapidement à la présence du Pb en formant une barrière

mécanique. Certaines plantes synthétisent une couche de callose entre la membrane plasmique et la paroi cellulaire. Cette structure nouvellement formée fonctionne comme une barrière contre différents stress, y compris les stress métalliques (Bacic et al., 2009 ; Krzesłowska, 2011). Chez Lemna minor L., les racines exposées à 15 µM du Pb ont montré, pendant 6h, la formation et le dépôt de callose au niveau de la paroi des jeunes cellules du protoderme au centre des extrémités racinaires (Samardakiewicz et al., 2012). Après ce dépôt, le Pb a été localisé uniquement dans les cellules superficielles. Des observations similaires ont été faites chez d'autres espèces exposées au Pb comme Arabidopsis thaliana (Lummerzheim et al., 1995) et Funaria hygrometrica (Krzeslowska et al., 2009). Cependant, la synthèse de callose n’est pas une propriété générale de toutes les plantes. Chez Zea mays et Glycine max, l’exposition au Pb n’induisent pas la synthèse de cette barrière au niveau des tissus racinaires, alors qu’elle est formée quand les plantes sont exposées au Cd et Zn (Pirselova et al., 2012). La formation de callose varie donc selon l’espèce, la nature du métal et le degré de stress.

Chez d’autres espèces, la formation des plaques de Fe et de Mn sur la surface de racines peut fournir un moyen d'exclusion des métaux. De telles structures ont été observées chez Typha

latifolia (Qian et al., 2012 ; Feng et al., 2013). Chez certains cultivars de riz, les plaques de Fe

affectent l’absorption et l'accumulation du Pb (Hansel et al., 2002). Les racines de plants de riz avec plaque accumulent des concentrations plus faibles du Pb en comparaison des racines de plantes sans plaque. Mais les fonctions de la plaque sont limitées car elles ne sont efficaces que dans des sols ou les concentrations du Pb sont relativement faibles ou modérées (Liu et

al., 2011).

Au niveau cellulaire, la première barrière contre les agressions extérieures est constituée par la paroi squelettique (Wang et al., 2008). Au niveau des racines de plusieurs espèces, y compris Pisum sativum (Malecka et al., 2009) ; Allium sativum (Jiang and Liu, 2010) et

Athyrium yokoscense (Nishizono et al., 1987), la paroi cellulaire peut immobiliser et

accumuler une partie ou même la plupart des ions Pb. Le rôle important de la paroi cellulaire dans la réponse de défense des plantes aux éléments traces métalliques a été récemment rapportée par Krzesłowska (2011). La capacité des parois squelettiques à fixer des cations métalliques divalents dépend principalement de la quantité de polysaccharides avec des groupements carboxyle (Inoue et al., 2013).

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La composition de la paroi varie au cours de la croissance cellulaire et aussi en fonction des espèces. La paroi primaire est approximativement composée de 30 % de cellulose, 30 % d’hémicelluloses comme des xyloglucanes, 35 % de composés pectiques et 5 % de glycoprotéines (Cosgrove, 1997). Les pectines jouent un rôle privilégié dans le piégeage des métaux par la paroi. 70 à 90 % des métaux piégés par la paroi le sont par des composés pectiques, le reste est séquestré par des glycoprotéines pariétales (Macfie and Welbourn, 2000). Matsunaga et Ishii (2004) ont montré que chez la betterave et la vigne, des dimères de rhamnogalacturonanes de type 2 ont la capacité de se lier au Pb. Le site de liaison du Pb à ce type de dimère n’a cependant pas été mis en évidence.

Le Pb peut pénétrer à l’intérieur des cellules mais à ce jour, le processus d’absorption de ce métal n’est pas totalement établi. Le Pb n’étant pas un élément essentiel pour les plantes, il n’existe pas de transporteur spécifique pour son absorption. Quelques études suggèrent que le Pb pourrait pénétrer grâce à un transporteur de type CNGC (Arazi et al., 1999 ; Sunkar et al., 2000).

La membrane plasmique représente une barrière active de la cellule permettant de limiter aussi la diffusion des ions Pb2+. L’invagination du plasmalemme et des vésicules de dictyosomes et de réticulum endoplasmique (ER) pourraient empêcher la circulation du Pb dans le cytoplasme.

La vacuole est finalement l'un des principaux sites de stockage pour la séquestration des métaux (Sharma and Dubey, 2005 ; Clemens, 2006). Au niveau des racines d'Allium sativum, des peptides riches en cystéine communément appelés phytochélatines (PC) ont été détectés après seulement 2 h d'exposition au Pb (Jiang and Liu, 2010). Piechalak et son équipe (2002) ont démontré que la synthèse de PC a lieu, après traitement au Pb, dans les cellules profondes des plantes appartenant à 3 espèces de la famille des Fabacées: Pisum sativum, V. faba, et

Phaseolus vulgaris. Le complexe PC-Pb formé est ensuite transporté à travers le cytosol vers

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Figure 4 : Schéma des différent réponses racinaires au Pb chez les plantes: (a) sequestration du Pb par

les plaques Fe/Mn; (b) Fixation du Pb par la callose ; (c) l’efflux du Pb à travers la membrane plasmique ; (d) formation du complexe Pb-phytochélatine au niveau du cytoplasme ; (e) Transport du

Pb-phytochelatine vers la vacuole (Fahr et al., 2013). 2.2. Effet du Pb sur l’activité racinaire

Le ralentissement du développement racinaire est la première réponse des plantes cultivées dans un milieu contaminé par le Pb (Potters et al., 2007). Ceci est dû probablement à l’inhibition de la division des cellules racinaires (Eun et al., 2000), comme il a été montré chez Lemna minor (Samardakiewicz and Wozny, 2005). Chez plusieurs espèces, comme

Triticum aestivum (Dey et al., 2007 ; Kaur et al., 2013), Z. mays L. (Kozhevnikova et al.,

2009), Pisum sativum (Malecka et al., 2009) et Sedum alfredii (Gupta et al., 2010), une réduction en longueur et en biomasse sèche des racines a été observée après traitement au Pb (Munzuroglu and Geckil, 2002). Verma et Dubey (2003) ont également montré que la croissance des racines du riz est inhibée de manière significative entre 0,5 et 1 mM du Pb2 +; une réduction jusqu'à 40% de la longueur des racines a été observée chez des plants de riz âgés de 20 jours.

En présence du Pb, les racines peuvent aussi répondre par des changements en volume et en diamètre, avec l’induction ou l'inhibition de la formation des racines latérales. En outre, la distension de la paroi cellulaire, la formation des protubérances ou d’encoches ont été observés en réponse à différentes concentrations du Pb chez Triticum aestivum (Kaur et al., 2013) et Elsholtzia argyi (Islam et al., 2007). Kaur et al. (2013) ont observé des distensions et des lésions dans la paroi des cellules racinaires de Triticum aestivum en raison de l'activation de certaines enzymes de dégradation des parois en réponse au Pb. Au niveau des racines de

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Z. mays, le traitement au Pb a entraîné une accumulation du Pb dans le méristème des deux

voies apoplastiques et symplastique, associée à des changements dans l'organisation des microtubules (Eun et al., 2000).

Le Pb est connu également pour la perturbation de l’homéostasie minérale, en perturbant le prélèvement et le transport des nutriments, tels que le Ca, le Fe, le Mg, le Mn, le P et le Zn. En bloquant leur entrée ou en se liant à ces composés, le Pb les rend indisponibles pour les plantes (Xiong, 1997). Une réduction des concentrations en ions Ca2+, Zn2+, Cu2+ et K+ a été signalée chez d’autres espèces (maȉs, tomates et plusieurs variétés de moutardes) (White and Broadley, 2003 ; Sharma and Dubey, 2005). Cette réduction a été expliquée par une inhibition du transport de ces ions par le Pb (Wojas et al., 2007) ou par un remplacement de ces ions par le Pb2+, en raison de sa grande affinité au site de fixation de Ca2+ (Habermann et al., 1983). Chez les racines de Lathyrus sativus exposées au Pb, une augmentation de la concentration en ce métal est observée en parallèle de celle des ions Na2+ qui sont absorbés pour compenser la perte des ions K+ (Brunet et al., 2008).

D’autre part, la présence du Pb induit indirectement une contrainte oxydative et par conséquent la production d’espèces réactives de l’oxygène (ERO) (Malecka et al., 2001). Liu et al., (2012) ont rapporté que les racines de Ficus microcarpa produisent de fortes concentrations de H2O2 avec une augmentation de l'accumulation de l'anion superoxyde d'O2-

après traitement au Pb. L’O2- est produite par le nicotinamide-adénine-dinucléotide-phosphate

(NADPH) oxydase dans la membrane plasmique. L’O2- est converti en H2O2 par des voies

non enzymatiques ou par le superoxyde dismutase (SOD) (Passardi et al., 2004).

Le Pb augmente la production de proline au niveau des racines de deux cultivars de Brassica

napus (Gohari et al., 2012). La proline joue un rôle essentiel en réduisant les stress abiotiques,

y compris celui induit par les métaux lourds. Le Pb active également la production de peptides et de phytochélatines au niveau des racines de V. faba et P. sativum (Piechalak et al., 2002).