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Chapitre I : Revue bibliographique

III. Le Plomb et la plante

4. Mécanismes de la tolérance et de l’accumulation du Pb

4.1. Absorption et transport des ions Pb 2+

La mobilité des éléments minéraux est un facteur limitant (Vamerali et al., 2010) si bien que les bactéries et les plantes exsudent des chélateurs afin de mobiliser ces éléments et les rendre disponibles. Dans le cas où l’ion métallique entre librement dans la plante, il est pris en charge par des molécules qui s’apparentent aux chélateurs internes.

28 4.1.1. Les chélateurs externes

En réponse aux déficiences en nutriments, certaines plantes synthétisent des chélateurs. Chez les graminées par exemple, des molécules appelés phytosidérophores comme les acides mugénique et avénique sont sécrétés lors d’une culture dans un sol pauvre en fer (Devez et

al., 2009). Les sidérophores sont des ligands spécifiques au Fe (III) qui peuvent également

former des complexes avec d’autres métaux tels que Cd, Cu, Ni, Pb et Zn (Nair et al., 2007).

Des chélateurs synthétiques sont connus pour stimuler la libération de métaux dans la solution du sol et donc améliorer le potentiel d'absorption par les racines (Lasat, 2002). Ainsi, de nombreux chélateurs artificiels, possédant la capacité à lier les métaux et en particulier le Pb, ont été utilisés tel que : l’EDTA (ethylene diamine tetraacetic acid), l’HEDTA (hydroxylethylene diamine tetraacetic acid), le DTPA (diethylene triamino pentaacetic acid), le CDTA (trans-1,2-cyclohexylene dinitrilo tetraacetic acid), l’EGTA (ethylene bis[oxyethylenetrinitrilo] tetraacetic acid), l’EDDHA (ethylenediamine-N,N0bis(o- hydroxyphenyl)acetic acid) et l’HBED (N,N0-di(2-hydroybenzyl) ethylene diamine N, N0- diacetic acid). Tous ces chélateurs n’ont pas la même efficacité sur la quantité du Pb absorbée par la plante. Certains peuvent même avoir l’effet inverse (Evangelon et al., 2007). L’EDTA reste le chélateur le plus utilisé, surtout pour le Pb vu sa haute affinité pour ce métal (Chen et

al., 2004).

La solubilisation par chélation de métaux lourds avec des agents complexants organiques suit l'ordre de leurs constantes de stabilité, qui est déterminée par le rapport 1:1 du métal et l'agent chélatant. Par exemple chez Brassica juncea, les plantes cultivées, pendant 48h dans un milieu contenant 0.5 mM du Pb(NO3)2 et 0.5 mM d’EDTA, ne présentent pas de signes de

toxicité contrairement aux mêmes plantes cultivées sans EDTA, qui présentent des nécroses (Vassil et al., 1998).

4.1.2. Les chélateurs internes

Une fois à l’intérieur de la plante, le Pb est pris en charge par des chélateurs internes tels que le glutathion, les métallothionéines, les phytochélatines, les acides organiques ou les acides aminés.

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Le glutathion (GSH ; γ-glutamyl-cysteinyl-glycine) est un tripeptide formé par l’association de 3 acides aminés (glutamate, cystéine, glycine) Il est synthétisé dans le cytosol et les chloroplastes (Noctor and Foyer, 1998) grâce à deux enzymes : l’γ-glutamylcystéine synthétase (γ-ECS) et la glutathion synthétase (GSHS) (Hell and Bergmann, 1988 ; Hell and Becerril, 1990 ; Meister, 1995). Le GSH peut former des complexes avec les ions métalliques notamment le Pb et le Cd (Reddy et al., 2005 ; Pawlik-Skowronska et al., 2007) grâce à une enzyme la glutathion-S-transférase (GST) (Peuke and Rennenberg, 2005). En présence du Pb, l’activité de la GST est stimulée chez Macrotyloma uniflorum et Cicer arietinum (Reddy et

al., 2005) et la teneur en GSH doublée par deux chez Sesbania drummondii (Ruley et al.,

2006).

b. Les métallothionéines

Les métallothionéines (MTs) sont des petites molécules qui séquestrent certains ions métalliques en excès (Rauser, 1999). Ce sont des protéines de faible poids moléculaire (6- 7KDa) riches en résidus cystéines présentant trois motifs conservés : Cys-Cys, Cys-X-Cys et Cys-X-X-Cys. La transcription des gènes de MT est induite par les métaux lourds via des séquences nucléotidiques appelées « Metal Response Element » (MRE) qui sont présents en une ou plusieurs copie(s) au niveau du promoteur proximal de ces gènes (Bourdineaud et al., 2006). Les MTs sont regroupées en trois classes basées sur l’arrangement des cystéines (Cobbett and Goldsbourgh, 2002). Chez les plantes, les MTs répondent à différents stimuli tels que les ions métalliques (Chaney et al., 1997 ; Mejáre and Bulow, 2001), les hormones végétales, les agents oxydatifs (Akashi et al., 2004) et les infections virales, la salinité, la sécheresse (Akashi et al., 2004). Les MTs interviennent également dans la réponse aux métaux lourds, comme il a été montré pour le Cd chez des tabacs transgéniques, exprimant une MT1 de souris. Par contre, l’expression de cette MT n’a que peu d’effets sur le transport du métal des racines vers les parties aériennes (Elmayan and Tepfer, 1994). Huang and Wang (2009) ont montré que le Pb induit l’expression du gène codant pour la MT2 chez Bruguiera

gymnorrhiza et de 6 gènes codant les MTs chez Oriza sativa (Xu et al., 2007).

c. Les phytochélatines

Les phytochélatines (PCs) représentent le deuxième groupe de chélateurs intracellulaires, uniquement rencontrés dans le règne végétal. Elles sont caractérisées par des structures composées de deux à 11 répétitions du dipeptides γ-GluCys. La synthèse des PCs est induite par de nombreux métaux dont le Pb (Gupta et al., 1999 ; Piechalak et al., 2002), ceux-ci se

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lient à une enzyme constitutive, la phytochélatine synthase (PC synthase) qui catalyse la biosynthèse de la PC à partir du gluthation (GSH). Une molécule de PC se lie à un ion Pb2+ (Clemens, 2001). Chez Salvinia minima, l’exposition au Pb induit une augmentation concomitante de la PC synthase et des PCs (Estrella-Gómez et al., 2009). Les complexes PC-métaux lourds peuvent ensuite être séquestrés dans les vacuoles (Cobbett and Goldsbourgh, 2002 ; Piechalak et al., 2002).

d. Les acides organiques et les acides aminés

Les acides organiques représentent un autre groupe de chélateurs naturels. Sous cette dénomination sont classées des molécules diverses tels que des acides dicarboxyliques (acides fumarique, malique, oxalique) ou des acides tricarboxyliques (comme l’acide citrique). A cause de la réactivité des ions métalliques avec les atomes de soufre, d’azote et d’oxygène, les acides carboxyliques et les acides aminés sont des chélateurs potentiels. Toutes ces petites molécules sont clairement impliquées dans les phénomènes d’accumulation des métaux. Ces acides sont impliqués dans plusieurs processus dont le transport des métaux par le xylème et la séquestration des métaux dans les vacuoles (Rauser, 1999). Cependant aucune corrélation entre les concentrations en acide organique et en métal n’a encore été identifiée (Clemens, 2001).

En conclusion, la prise en charge des ions métalliques tels que Pb2+ par divers chélateurs externes et internes permet un meilleur transport du métal dans la plante et son stockage dans les vacuoles.