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Chapitre I : Revue bibliographique

II. Dépollution des sols contaminés par le plomb

La réhabilitation des sites pollués représentent aujourd'hui un des enjeux majeurs des états, dans le cadre de développement durable. D’où l’orientation des recherches, ces dernières décennies, au développement de techniques de dépollution de plus en plus efficaces et écologiques.

1. Les techniques physico-chimiques

Les techniques les plus utilisées pour décontaminer les sols pollués par les métaux lourds sont les techniques physico-chimiques (Tableau 2). Elles se font in situ ou ex situ. Parmi ces techniques, l’excavation consiste à enlever la couche de sol contaminé et à la déplacer (Mench et al., 2005). Cette technique pose problème car le sol contaminé n’est pas éliminé et il faut aussi disposer de sol non contaminé pour remplacer le sol enlevé (Maenpaa et al., 2002). La solidification est l’ajout au sol d’un élément de cimentation pour former un matériel non poreux, non lessivable et solide (Pierzynski, 1997). Le même résultat peut être obtenu en chauffant le sol pour le transformer en verre (vitrification) (Maenpaa et al., 2002). L’encapsulation ou la couverture du sol (capping) consiste à recouvrir le sol contaminé avec une couche imperméable (Pierzynski, 1997). Dans certains cas, le labourage des horizons profonds est effectué car cela permet de mélanger les couches superficielles contaminées avec les couches profondes non contaminées mais cela ne résout pas le problème du lessivage (Mench et al., 2005). Il existe plusieurs types d’extraction des métaux dont l’extraction électrique pour laquelle des électrodes poreuses sont implantées dans le sol et le courant généré fait migrer les ions métalliques vers la charge opposée à la leur, les polluants sont ensuite récupérés par pompage. L’extraction utilisant une solution acide, afin de solubiliser les éléments métalliques, est aussi possible. Si les sols ne peuvent pas être traités sur le site ils sont excavés et sont par la suite soit stockés dans des décharges soit traités, par exemple par un lavage sous haute pression d’eau ou par lavage avec de l’eau additionnée de tensioactifs (Paff et Bosilovich, 1995 ; Chandra Sekhar et al., 2005).

Les méthodes physico-chimiques de dépollution de sites in situ et ex situ présentent l’inconvénient d’être coûteuses et lourdes à mettre en œuvre. De plus, elles perturbent

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fortement l’activité biologique des sols et altèrent leur structure physique. Le besoin de nouvelles techniques économiquement compétitives et pouvant préserver les caractéristiques du sol s’est fait sentir et l’utilisation des biotechnologies s’est avérée être une alternative intéressante. C’est pourquoi actuellement de nombreuses recherches sont axées sur de nouvelles méthodes plus écologiques comme la bioremédiation.

Tableau 2 : Les techniques utilisées pour la remédiation d’une contamination métallique du sol

Techniques physiques Techniques chimiques

Excavation Adsorption

Solidification Lessivage

Vitrification Chaulage

Tamisage du sol Echange d’ions Couverture du sol Précipitation

Labourage des horizons profonds

2. La bioremédiation

La bioremédiation fait appel soit à des microorganismes et aux produits de leur métabolisme, soit à des végétaux supérieurs et aux bactéries de leur rhizosphère pour aboutir à la phytorestauration du milieu pollué (Pilon-Smits, 2005).

2.1. La bioremédiation par les microorganismes

Dans les nombreuses formes de bioremédiation, les microorganismes sont utilisés et gérés par le contrôle des facteurs environnementaux pour réduire la pollution de l'environnement. Les processus de bioremédiation utilisent des communautés microbiennes indigènes, y compris les PGPR (Plant Growth Promoting Rhizobacteria), les champignons ou les actinomycètes afin de réduire, éliminer, contenir ou transformer les métaux en produits inoffensifs. Alcanivorax

borkumensis a été utilisé pour éliminer les nappes de pétrole (Gertler et al., 2009). Des

bactéries telluriques du genre Clostridium ont également été utilisées pour la bio- immobilisation du sélénium par réduction indirecte (Le Cloirec and Andrès, 2005).

2.2. La bioremédiation par les plantes « Phytoremédiation »

La phytoremédiation est un cas particulier de la « bioremédiation » qui désigne l’ensemble de techniques qui vise à exploiter la capacité de certaines plantes pour dépolluer et stabiliser des

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sites (sols, eaux) (Pilon-Smits, 2005) contaminés par divers polluants (organiques et inorganiques) (Chaney et al., 1997).

Chez les plantes, il existe une variété de réponses à un environnement contaminé. Ces réponses correspondent à une tolérance ou non et sont liées ou non à une capacité d’accumulation du métal (Clemens, 2006). Différentes technologies de décontamination basées chacune sur une réponse particulière ont pu être développées. Elles sont classées en cinq catégories (figure 2) : la phytodégradation, la phytoextraction, la phytostabilisation, la phytovolatilisation et la rhizofiltration. Toutes ces technologies sont non exclusives donc complémentaires (Yang et al., 2005).

Figure 2 : Les principales de techniques de phytoremédiation (Moussavou, 2010).

Les ETMs représentés en rouge peuvent s’accumuler dans la plante en conservant la même forme ou être transformés (symboles roses) de différentes manières : dégradation dans le sol ou dans la plante (symboles en croissant), volatilisation dans l’atmosphère (ronds ailés) ou stabilisation dans le sol (carrés).

Dans le cas de la pollution par le Pb, les techniques envisageables pour les sols sont la phytoextraction et la phytostabilisation et pour les eaux, la rhizofiltration.

2.2.1. La phytostabilisation

C’est une technique qui permet de réduire la fraction disponible des polluants dans le sol rhizosphérique, de manière chimique ou biologique, en les stockant dans le système racinaire ou en favorisant son insolubilisation dans la rhizosphère. L'implantation d'un couvert végétal sur un sol pollué limite les risques d'érosion et de lessivage du sol et le transfert des polluants

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vers d'autres milieux (Kumpiene et al., 2009). La phytostabilisation nécessite des végétaux qui réunissent un certain nombre de propriétés notamment une croissance rapide avec un système racinaire important afin d’augmenter les surfaces de contact sol-plante, une capacité élevée de colonisation du site, être tolérantes aux contaminants, une faible translocation du métal vers les parties aériennes, un cycle de vie long, un fort taux de reproduction et des avantages commerciaux/économiques pour rentabiliser le site contaminé (Mench et al., 2005).

Cette technique peut être améliorée par un apport d'amendements aux sols dans le but de réduire la mobilité et la disponibilité des ETMs. L'ajout des amendements va ainsi augmenter l’adsorption des contaminants sur les phases porteuses solides du sol et favoriser des réactions physico-chimiques (augmentation du pH) ou biologiques qui font diminuer le pool labile en contaminants notamment dans la solution du sol (Gupta and Sinha, 2006). L’ajout de phosphate par exemple dans le sol entraine la formation de précipités stables avec le Pb qui se traduit par une diminution de la biodisponibilté de cet ETM.

2.2.2. La rhizofiltration

La rhizofiltration est une technique qui met en jeu les systèmes racinaires de certaines espèces terrestres ou aquatiques qui absorbent, concentrent et stockent les contaminants des eaux polluées (Ghosh and Spingh, 2005 ; Pilon-Smits, 2005). La rhizofiltration est utilisée pour le traitement des rejets industriels et des effluents agricoles. Elle est particulièrement efficace pour l’élimination du Pb, Cd, Cu, Ni, Zn et Cr, éléments retenus dans les racines (Chaudhry et

al., 1998). Cette méthode présente l’avantage de pouvoir être appliquée in-situ ou ex-situ avec

des espèces végétales pas nécessairement hyperaccumulatrices. Les plantes terrestres sont les plus appropriées pour la rhizofiltration parce qu'elles produisent des racines plus longues et plus importantes et souvent fibreuses avec de grandes surfaces d’absorption de métaux (tableau 3).

On peut citer Helianthus annuus qui est utilisée depuis de nombreuses années pour son potentiel à assainir les eaux polluées par l’uranium et le Pb (Dushenkov et al., 1995 ; Dushenkov et al., 1997) et la fougère Pteris vittata, qui est capable, en culture hydroponique, d’accumuler de grandes quantités d’arsenic (As) (Wang et al., 2002). Le jonc, le roseau et l’iris sont couramment utilisés dans les bassins filtrants. D’autres espèces sont citées dans le tableau 3.

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Tableau 3 : Plantes proposées pour la rhizofiltration du Pb (Fahr et al., 2013)

Espèce Aire d’application Références

Carex pendula Système aquatique (Yadav et al., 2011)

Pistia stratiotes Eau contaminé (Baharudin, 2008 ; Vesely et al., 2012) Eichhornia crassipes Système aquatique (Tiwari et al., 2007)

Scripus americanus Phaseolus vulgaris

Système aquatique Eau contaminé

(Santos-Díaz and Barrón-Cruz, 2011) (Piechalak et al., 2002)

2.2.3. La phytoextraction

La phytoextraction est une des stratégies de la phytoremédiation basée sur l’utilisation de végétaux (hyper)accumulateurs qui vont absorber les métaux ou métalloïdes du sol et les accumuler dans les organes faciles à récolter (Remon, 2006). C’est la voie dans laquelle les chercheurs se sont le plus investis depuis le début de cette décennie. C’est l’approche qui parait la meilleure pour isoler et éliminer les contaminants du sol sans détruire sa structure et sa fertilité (Ghosh and Spingh, 2005 ; Pilon-Smits, 2005). Les espèces végétales concernées absorbent, concentrent et stockent les métaux toxiques du sol contaminé dans leurs organes aériens (tiges, feuilles, etc.) (Henry, 2000 ; Gisbert et al., 2003 ; Eapen and D'Souza, 2005). Les plantes le plus souvent utilisées pour la phytoextraction des métaux appartiennent aux familles des Brassicaceae et des Fabaceae (Pilon-Smits, 2005). On trouve d’une part, la phytoextraction assistée par des chélateurs de métaux qui est désignée également par la phytoextraction induite et d’autre part la phytoextraction continue.

Une décontamination par la phytoextraction nécessite une répétition de cycles de culture avec récolte de la biomasse à la fin de chaque cycle. Ces cycles se succèdent jusqu'à ce que la concentration de métal dans le sol atteigne une valeur acceptable, ce qui conduit à l’accumulation de biomasse végétale potentiellement dangereuse. Celle-ci doit être stockée de manière à ne présenter aucun risque de contamination pour l’environnement (Blaylock and Huang, 2000). La biomasse peut être traitée par compostage, par compaction, par combustion, par gazéification ou par pyrolyse (Blaylock and Huang, 2000 ; Garbisu and Alkorta, 2001).

La phytoremédiation est une « technologie verte » qui est aussi écologique qu’esthétique, lorsqu’elle est convenablement implantée. Son avantage majeur reste son faible coût par

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rapport aux méthodes classiques de décontamination des sols. Cependant, la plante idéale pour répondre à cette approche doit conjuguer la capacité d’accumuler des métaux en grande quantité dans ses parties aériennes -récoltables- avec une biomasse importante et une croissance rapide. Dans le cas du Pb, le seuil d’hyperaccumulation est de 1000 µg.g-1

(Baker and Brooks, 1989). Malheureusement, la plupart des plantes hyperaccumulatrices, bien qu’ayant la capacité de stocker de grandes quantités de métaux dans leurs parties aériennes, n’ont ni une forte biomasse, ni une croissance rapide. L’efficacité de cette technique est aussi limitée par le climat. Un climat défavorable limite la croissance des plantes, la production de biomasse et donc l’efficacité du système. De plus, la phytoremédiation fait intervenir des processus lents : la dépollution d’un site peut prendre plusieurs dizaines d’années. Par exemple, une dépollution par N. cearulescens des sites pollués par du Cd et du Zn nécessite 28 et 15 ans respectivement (McGrath et al., 1997). Un autre inconvénient est que la pollution ne peut être traitée qu’en surface, de quelques dizaines de centimètres (utilisation des herbacées) à quelques mètres (utilisation des arbres) (Pilon-Smits, 2005). Dans le cas de la phytoextraction, l’utilisation de plantes hyperaccumulatrices d’ETMs peut être une source d’introduction des ETMs dans la chaine alimentaire si les plantes utilisées sont broutées par les animaux. La biodisponibilité du polluant dans le sol est un autre facteur important, dont va dépendre la dépollution. Dans le cas où le Pb est présent en grande quantité dans le sol, il est souvent sous une forme peu biodisponible par la plante. L’ajout d’un agent chélatant comme l’EDTA favorise significativement l’assimilation du Pb par les plantes et augmente sa concentration dans les feuilles (Huang and Cunningham, 1996). Cependant, l’ajout d’agent chélatant doit être utilisé avec vigilance. Ces chélateurs peuvent augmenter le risque de dispersion du métal et induire une pollution des nappes phréatiques, par exemple.

Pour une utilisation optimale de la phytoremédiation, il est indispensable de comprendre et d’étudier les réactions des plantes vis-à-vis du Pb dans l’environnement, les effets de ce métal sur leur développement et les bases moléculaires de l’accumulation du Pb. L’identification des gènes conférant à ces espèces la capacité de croître dans les zones polluées est une première étape vers une compréhension des processus évolutifs impliqués et permettra d’améliorer les pratiques de phytoremédiation.