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Participation dans les domaines de la gestion et de la politique

Chapitre 1 Problématique

1.5 La variabilité autour de la participation

1.5.1 Participation dans les domaines de la gestion et de la politique

Le mouvement autour des approches participatives, quelque soit le domaine, politique, managérial, etc., prend ses racines dans des motivations idéologiques et pragmatiques. Idéologiquement, la démocratie comme action politique s’exprime à travers la participation des acteurs de la cité à la vie commune et à ce titre est l’expression de la liberté la plus noble (Arendt, 1995). Ce mode d’exercice du pouvoir politique par l’expression, directe ou représentative, des citoyens, se légitimise puisqu’il reflète, non pas l’avis d’une bourgeoisie mais de l’ensemble des citoyens. Les approches participatives s’appuient sur cette légitimité morale et sur les associations entre participation et transparence qui peuvent en découler (Abelson et al., 2003; Rowe & Frewer, 2000). D’un point de vue pratique, les approches participatives peuvent être instrumentalisées afin de s’assurer d’un large soutien citoyen pour des décisions politiques impopulaires (Abelson, et al., 2003).

La démocratie participative a initialement été mise en œuvre pour des fins de participation citoyenne directe sous Aristote, puis comme modalité de règlement des conflits de classes avec la Commune de Paris en 1871, et plus récemment comme une alternative aux

revendications sociales et aux limites de la démocratie représentative détenue par une élite (Sintomer, 2009). La globalisation est contrebalancée par les mouvements d’intérêt pour les communautés et un pouvoir local décentralisé. Depuis les années 1960, les voix des groupes minoritaires réclament une place dans les décisions politiques (ex : mouvement étudiant, groupes féministes, etc). L’efficacité des actions publiques est controversée et favorise l’émergence d’une nouvelle gestion publique redevable aux citoyens et qui mesure sa performance. Le statut d’intervention du citoyen se modifie pour occuper une place plus prépondérante. Pierre Mendès France dit de la démocratie et des limites du modèle représentatif (Mendès-France, 1962 ):

" La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans l’urne et à déléguer les pouvoirs à un élu puis à se taire pendant cinq ou sept ans. Elle est action continuelle du citoyen, non seulement sur les affaires de l’Etat, mais sur celle de la région, de la commune, de la coopérative, de l’association, de la profession… La démocratie n’est efficace que si elle existe partout en tout temps."

Il met ainsi en évidence la nécessité de la notion de pérennité de la participation, de l’intervention du citoyen. La démocratie participative s’opère par des formats divers : le budget participatif au Brésil implique les habitants dans l’élaboration du budget municipal, les conférences de consensus au Danemark informent des groupes de citoyens par les experts avant de discuter des enjeux, les jurys citoyen aux Etats-Unis sélectionnent des participants pour aboutir à une décision en quelques jours de discussion (Crosby, 1995), et d’autres formats comme les conseils de quartier municipal en France (Crosby, 1995), les discussions citoyennes organisées par le réseau canadien de recherche en politique publique depuis 2002 (RCRPP, 2006), les référendums (Polère, 2007), la participation citoyenne dans les projets humanitaires des agences internationales en Colombie (URD, 2010), etc. Cette tendance générale au développement de la participation s’étend à l’organisation des interventions par l’ajustement des théories de programmes (Potvin, Gendron, Bilodeau, & Chabot, 2005) et à des actions organisées au niveau stratégique comme à la planification stratégique participative.

La planification stratégique participative permet d’établir les grandes orientations à venir et sur lesquelles l’institution désire, peut et va se concentrer dans la mesure où les contingences imprévues n’affectent pas en profondeur les prévisions. En effet, la

planification ne se réalise pas nécessairement comme initialement anticipée, ce qui est le point central des critiques portées à cette démarche qui se veut rationnelle dans ces choix et qui prétend connaître l’environnement futur, bien que la rationalité collective d’une organisation soit soumise à des contradictions d’intérêt, à l’incertitude des données et que l’environnement soit changeant. Daft et coll. (1984) et Mintzberg (1994) ont été parmi les auteurs à cerner les limites de l’exercice de planification stratégique en fonction de l’incertitude de la situation non proportionnelle avec la rationalité de l’exercice et en fonction des pratiques managériales qui souvent ne sont pas ancrées dans les données probantes. De plus, la vision traditionnelle de la planification stratégique ne prend pas ou peu en compte les variables qualitatives et la notion de service (Blanc, Abdessemed, & Kahane, 1997). L’émergence de nouvelles pratiques en parallèle à la planification stratégique permettent d’incorporer la créativité et l’initiative aux différents échelons. Ces initiatives sont parfois intégrées dans l’exercice même de planification en le transformant en une procédure de mobilisation, de communication et d’échange dans une culture participative. Ainsi, des villes développent des démarches participatives de planification stratégique pour le développement local au travers d’ateliers thématiques par secteur d’activités puis d’exercices de concertation avec l’ensemble des ateliers et éventuellement par une interface de consultation informatisée (Roy, ND). Mexico a mené un processus de planification stratégique local avec des acteurs désignés par la communauté (Cardenas & Moreno, 2004). Des démarches similaires ont eu lieu au niveau des institutions comme l’hôpital général de Toronto (MacDonald, Beange, & Blachford, 1992) ou encore dans le secteur éducatif (Weimer & Jonas, 1995).

La participation élargie aux intervenants, aux citoyens, aux clients, peut également s’opérer à des échelons moins stratégiques. Au niveau de la gestion participative des opérations, les entreprises privées, comme les institutions publiques, ont mis en place des approches participatives laissant davantage d’autonomie aux travailleurs tant dans les processus de travail qu’à la production. Pekruhl (2007) présente la gestion participative des entreprises helvétiques sous les aspects d’autonomie laissée aux employés. Les éléments comme l’ordre des tâches, la cadence de travail, la participation des employés à la résolution de problèmes, à la réorganisation de leur travail et à la réorganisation du travail en équipe incluant les rotations et la répartition des tâches par compétence sont discutés. La gestion locale et participative de l’eau en France partage le pouvoir décisionnel à travers une

structure co-décisionnelle composée d’une instance désignée par le préfet, de représentants des services de l’état et de représentants d’usagers (Richard-Ferroudji, 2005). Dans les camps de réfugiés, des projets sont parfois implantés avec l’aide obligatoire directe et/ou indirecte de la communauté civile (URD, 2010). Les outils mis en place pour impliquer les communautés dans les projets de PED sont nombreux (Kumar, 2002). Des projets participatifs communautaires ont ainsi pu influencer la réorganisation de services au niveau gouvernemental (Murwira, Wedgwood, Watson, Win, & Tawney, 2000). En Haïti, des agences internationales mènent des évaluations avec la participation de professionnels haïtiens agissant à titre d’évaluateur dans le programme qu’ils gèrent (Coupal & Simoneau, 1998). Au Libéria, les expériences ont montré que les programmes à succès dans le domaine humanitaire impliquaient la communauté pour l’ensemble du cycle de projet (ALNAP, 2003). Ce type de démarche participative de gestion réduit (Charpentier, 2004) ou vise à réduire, les approches plus technocratiques (Cummings, 1997) et la main mise des logiques de gestion et d’acquisition de connaissance par une classe minoritaire sur les populations démunies (Chambers, 1997). Chambers (1997) insiste sur le fait que les approches participatives, notamment celles qui renforcent le pouvoir d’agir, tentent et doivent agir sur les jeux de pouvoir.

Cette thèse porte sur les évaluations qui ont pour objectif principal l’utilisation des résultats et des processus d’évaluation plutôt que sur les évaluations qui visent aussi principalement le renforcement du pouvoir d’agir.

1.5.2 Participation dans les domaines de la recherche et de