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Approches participatives pratiques en évaluation

Chapitre 1 Problématique

1.5 La variabilité autour de la participation

1.5.4 Approches participatives pratiques en évaluation

Plusieurs auteurs ont proposé des conceptualisations des évaluations participatives pratiques d’intervention (Cousins, et al., 2004; Greene, 1988a; Turnbull, 1999; Weaver & Cousins, 2004), apportant des éclairages différents et complémentaires sur les processus et ses composantes.

Greene (1988) distingue le processus, les extrants et les contributions du processus à l’utilisation de l’évaluation sans expliciter les facteurs contextuels dans et à partir desquels évolue le processus d’évaluation. Le mécanisme principal se centre sur une participation conséquente d’une pluralité de détenteurs d’enjeux qui vont faire l’expérience affective et cognitive d’apprendre sur l’intervention évaluée et sur l’évaluation per se. Ce processus participatif et pluriel doit conduire à de meilleures compréhensions des résultats pour que des actions soient décidées sur une base probante. Bien que l’apprentissage et la participation de plusieurs acteurs soient requis, le modèle ne fait pas mention de processus ou de conditions pour que ces acteurs travaillent conjointement ni pour qu’ils emploient des méthodes rigoureuses qui différencient les évaluations des pseudo évaluations (Stufflebeam, 2001). Toutefois, le cas étudié par Greene (1988) réfère à des habitudes de travail en groupe sur des modes d’interactions faiblement hiérarchisées comme étant des conditions favorables à l’évaluation. Ces facteurs sont d’ailleurs cohérents avec la pratique d’évaluation pluraliste.

Cousins (2001) séquence la modélisation des évaluations participatives en fonction des contextes, du processus et des conséquences. Le contexte propre à l’évaluation inclut les ressources, l’expertise, certaines compétences de l’évaluateur. Le contexte politique et décisionnel reprend le support administratif, le besoin informationnel, la culture, etc. Tout comme Greene, le processus est centré sur la participation et la participation est caractérisée selon cinq dimensions, le contrôle exercé sur les décisions techniques de l’évaluation, les relations de pouvoir, la profondeur de la participation, la rigidité du processus évaluatif et la diversité des participants. La diversité des participants semble comprendre la diversité des parties prenantes au sein du processus d’évaluation et la diversité des opinions prises en compte pour porter un jugement (Ridde, 2006). L’évaluation participative pratique va, selon Cousins (2001) mener à une production de connaissances qui permettra des utilisations instrumentale, conceptuelle et symbolique des résultats et des processus.

Le contexte politique semble inclure à la fois des facteurs environnementaux et des facteurs liés à une dynamique organisationnelle, par exemple la micro-politique. L’emphase sur le contexte organisationnel est aussi mentionné à travers des voies de flux d’information et les systèmes d’incitatifs existants (Cousins, et al., 2004). Le processus évaluatif mène à des utilisations traditionnellement classifiées (Weiss, 1979) comme instrumentale (Cousins, 2001; Cousins, et al., 2004), conceptuelle (Cousins, 2001; Cousins, et al., 2004; Greene, 1988a) et symbolique (Cousins, 2001; Cousins, et al., 2004).

Turnbull propose un modèle d’évaluation participative basé sur un questionnaire (1999). Il précise les conditions, le processus et les conséquences. L’efficacité de la participation à avoir atteint les objectifs fixés est une résultante de la participation. Cette participation est le mécanisme central des évaluations participatives sous l’influence du climat de participation, des controverses perçues comme constructives dans l’organisation, de l’existence de buts organisationnels partagés, etc.

Alors que Cousins a séquencé clairement les conditions, le processus (notamment la participation) et les conséquences sur l’utilisation et les connaissances, Turnbull met l’accent sur le climat organisationnel favorable aux évaluations participatives et sur les conséquences liées à des objectifs propres à l’évaluation en cours, la compréhension du programme et des points de vue pluriels. Greene identifie la compréhension du programme et des enjeux autour des évaluations. Elle met entre autre l’accent sur les mécanismes cognitifs et affectifs en cours lors de la pratique évaluative.

Un modèle générique reprenant les apports de chaque auteur est présenté dans Smits et coll. (2008), et actualisé dans la figure 1 à la lumière de la théorisation du concept d’attitude face aux évaluations participatives (Smits, Champagne, & Blais, 2009).

Ce modèle stipule que sous la commande d’un besoin d’améliorer un programme dans un contexte politique, décisionnel, organisationnel et évaluatif, un processus d’évaluation participative se déroule avec le ou les évaluateurs et l’équipe d’intervenants (Figure 1). Des données sont recueillies afin de permettre de générer et de répondre aux questions d’évaluation. Les processus de l’évaluation participative, notamment la participation, génèrent des connaissances tant au niveau de l’évaluation que du programme et ce chez les intervenants et les évaluateurs dans des degrés variés. Généralement, l’évaluateur débute avec un bagage en évaluation tandis que l’intervenant débute avec un bagage de connaissances sur l’intervention. Le processus évaluatif est censé, par la participation, les échanges, le travail en commun, etc, permettre le développement et le renforcement d’attitudes, d’intentions, de comportements plus informés à propos du programme et de l’évaluation dans un contexte éventuellement changeant.

Le modèle proposé des évaluations participatives pratiques d’intervention s’appuie sur les théories d’apprentissage et de l’utilisation des connaissances et est en partie corroboré par des études empiriques en évaluation et en politique (Smits & Champagne, 2008) et par une étude de cas (Connors & Magilvy, 2011).

Figure 1. Modélisation de la dynamique des évaluations participatives pratiques V Environnement politique et décisionnel Practiciens Évaluateurs Utilisation instrumentale: amélioration des décisions sur le projet Conditions

initiales

Processus de l’évaluation participative Utilisation des résultats Utilisation conceptuelle Utilisation symbolique S/P E Contexte de l’évaluation S/P E V Besoin d’amélioration Production de données Co-construction de connaissances Contexte local de l’action Utilisation processuelle Connaissance

du terrain Sensibilité à l’évaluation

Connaissance

en évaluation Sensibilité au terrain

Attitude Intention envers l’évaluation Intention envers l’évaluation Attitude

V : valeur, E : expérience, S : structure, P : processus

Source : Adapté de Smits, P., & Champagne, F. (2008). An assessment of the theoretical underpinnings of practical participatory evaluation. American Journal of Evaluation, 29(4), 427-442.

Nous avons ici résumé des conceptualisations des évaluations participatives pratiques à partir de plusieurs auteurs. Le détail de la modélisation de la dynamique des évaluations participatives pratiques et la comparaison des conceptualisations des EPP fait l’objet de la section suivante qui a été publiée sous forme d’article.

L’article 1 met aussi en exergue le déficit de connaissances empiriques pour valider la dynamique des EPP et l’intérêt de comprendre les processus qui favorisent les EPP au niveau des praticiens.

Article 1

An assessment of the theoretical underpinnings of

practical participatory evaluation

1.6 An assessment of the theoretical underpinnings of practical