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Participation des banques et performance des entreprises

I NTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

1.3.3.2. Participation des banques et performance des entreprises

Outre le financement, les banques, dites universelles dans certains pays comme l’Allemagne81 ou le Japon82, peuvent également jouer un rôle direct auprès des entreprises, en prenant des parts dans leur capital ou en participant activement à leurs conseils d’administration. Certaines études se sont penchées sur l’impact de ce mécanisme direct de contrôle sur la performance des firmes. Le débat est alors ouvert.

Certains y voient une incitation supplémentaire pour les banques à contrôler les sociétés qu’elles financent, mais également un moyen pour elles d’accéder plus facilement à des informations sensibles et de promouvoir leurs propres activités, soit en tant que banques commerciales (en offrant plus de financement aux entreprises), soit en tant banques d’investissement (en offrant plus de services de conseil aux entreprises). Cela bénéficie évidemment aux banques, qui améliorent leurs revenus, mais pourrait également être favorable aux firmes qui se voient offrir des crédits supplémentaires et les services éclairés d’un expert.

Mais selon d’autres, la participation des banques exacerbe les problèmes d’agence à plusieurs niveaux. Au niveau de la banque tout d’abord, il existe des conflits d’intérêt entre les différentes fonctions qu’elle assure qui, au-delà même des problèmes de régulation, affectent l’efficience des décisions. En particulier, le fait d’offrir du crédit à une entreprise et d’intervenir simultanément en capitaux propres peut conduire à une sous-optimisation des deux opérations. Le fait de détenir des actions d’une entreprise peut inciter à prolonger indûment une relation de crédit. Un autre conflit d’intérêt peut également exister entre la banque et actionnaires majoritaire de la firme emprunteuse : la banque peut être incitée à ne pas exercer un contrôle effectif des dirigeants, notamment lorsque ceux-ci sont particulièrement généreux envers eux (Black et Moersch, 1998 ; Wenger et Kaserer, 1998). Enfin, un conflit d’intérêt peut opposer la coalition banque/entreprise aux autres partenaires

81 La banque « maison » allemande (Hausbank pour les PME et Dominierende Bank pour les grandes entreprises) a longtemps été caractérisée par l’étroitesse de ses liens avec l’industrie qui lui a permis, au terme d’une relation stable, de devenir une composante solide de l’actionnariat des entreprises.

82 La complexité des participations croisées au Japon, au sein de keiretsu dont les banques sont membres, explique l’activisme de ces dernières auprès des entreprises : elles ne se contentent pas de financer les sociétés, mais détient également des parts dans leurs fonds propres et se trouve en mesure de placer des représentants dans des postes de direction stratégiques. Portant, dans ce pays, les banques ne sont pas autorisées à détenir plus de 5% du capital de la firme. Dans les faits, la participation de plusieurs banques dépasse souvent cette limite, puisque les filiales de trusts bancaires ne sont pas concernées par cette restriction (Li et al., 2006).

(créanciers, fournisseurs, clients, employés, etc.) : les premiers peuvent faire croire aux seconds que l’entreprise est en difficulté (alors qu’elle est saine) afin d’obtenir des concessions (Berlin, John et Saunders, 1996). A l’inverse, la coalition banque-entreprise peut créer une apparence trompeuse de solvabilité (alors que l’entreprise est en difficulté) qui peut faire durcir les conditions des autres partenaires et précipiter sa faillite83. Au final, un arbitrage entre les bénéfices et les coûts déterminait la participation des banques au capital ou au conseil d’administration des entreprises (Kroszner et Strahan, 2001).

Un certain nombre d’études ont été conduites, essentiellement au Japon et en Allemagne, mais également aux Etats-Unis, pour mesurer l’effet de ce type de configuration sur la performance des entreprises84. Les études menées aux Etats-Unis montrent que les banques, qui siègent aux conseils d’administration des entreprises, sont essentiellement motivées par la promotion de leurs services d’expertise et de conseil, et ont un impact négatif sur le taux d’endettement des sociétés (Byrd et Mizruchi, 2005). Güner, Malmendier et Tate (2008) précisent qu’aux Etats-Unis, lorsque les banques participent aux conseils en offrant leur expertise financière, elles exercent une influence significative sur les décisions des entreprises, mais pas forcément dans l’intérêt des actionnaires. Il en résulte un effet négatif sur les Q de Tobin futurs de l’entreprise. Par ailleurs, Güner, Malmendier et Tate (2008) montrent que, dans un tel cas de figure, le financement externe des entreprises s’accroît, mais n’est pas forcément alloué de manière efficiente (puisque seules les firmes ayant une bonne qualité de crédit, mais de faibles opportunités d’investissement, en bénéficient). Au Japon, Gibson (1995) et Morck et Nakamura (1999) trouvent que la participation des banques dans le capital a un impact négatif en terme d’investissement et de performance des entreprises. Mais Morck, Nakamura et Shivdasani (2000) nuancent ces résultats en montrant que la relation entre la participation des banques au capital et la valeur des firmes (mesurée par le Q Tobin) est non linéaire et pourrait être mitigée voire nulle si la participation des banques est élevée. En suisse, pays où les banques universelles sont également actives, Loderer et Peyer (2002) ne trouvent pas non plus d’impact significatif de la présence des banques dans les conseils sur le Q de Tobin des entreprises.

83 Cette dernière possibilité est battue en brèche par l’argument de Rajan et Winton (1995) selon lequel le signal favorable transmis par la dette bancaire retarde la faillite, plus qu’il ne l’accélère.

84 Il convient, encore une fois, de considérer les résultats de ces travaux avec précaution dans la mesure où ils n’ont pas tous pris en compte les effets de causalité inverse, ni l’ensemble des variables de contrôle.

Les premières études conduites en Allemagne vantent les mérites de la participation des banques à la gouvernance des entreprises : selon Cable (1985), Gorton et Schmid (2000), Lehmann et Weigand (2000) et Edwards et Nibler (2000), elle aurait un impact positif sur la rentabilité et la performance des grandes firmes. Ces résultats complèteraient donc ceux des travaux menés sur les PME, puisqu’ils suggèrent que les banques sont également des composantes importantes pour les grandes sociétés, qui ont également accès à d’autres sources de financement. Mais depuis ces études, certaines mesures ont été entreprises en Allemagne, et ont conduit les banques à se désengager progressivement de la gouvernance des entreprises85. Ces changements permettent, sur la base de données récentes, de voir si les banques allemandes contribuent toujours à créer de la valeur pour les actionnaires. Meyer et Prilmeier (2006) mènent une étude d’événement sur la base d’un échantillon de 92 retraits de banques allemandes du capital de sociétés non financières cotées. Les résultats laissent penser que le marché allemand préfère les actionnaires de bloc pour surveiller les firmes, particulièrement lorsque ceux-ci sont non financiers. Plus précisément, le marché réagit de manière (positive) plus importante aux retraits des banques si de forts actionnaires de bloc, non financiers, sont présents et si les banques se défont également de leur droit de contrôle. Dittman, Maug et Schneider (2008) analysent le rôle de 11 banques dans les conseils d’administration de 137 sociétés non financières allemandes, de 1994 à 2005, et trouvent que cette présence contribue à la baisse de la valeur des firmes. De plus, les banques n’utilisaient leurs sièges ni pour contrôler de manière plus efficiente les firmes, ni pour leur offrir des services d’expertises, ni encore pour les aider à surmonter leurs contraintes financières. La représentation aux conseils n’irait que dans les intérêts des banques. Les auteurs concluent que les changements institutionnels auraient contribué à priver le système financier allemand de l’un de ces traits distinctifs.

85 Les banques allemandes ont notamment la possibilité, depuis 2002, de se défaire de leurs participations dans certaines entreprises sans pays d’impôts sur les plus-values. La part moyenne des banques dans le capital des sociétés non financières a donc baissé de 4,1% en 1994 à 0,4% en 2005. Dans le même temps, le nombre de sièges occupés par les banques dans les conseil d’administration est passé de 9.6% à 5.6% et le nombre de conseils dans lesquels les banques sont représentées a décliné de 51% à 33% (Source : Dittman, Maug et Schneider, 2008).