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CHAPITRE 5 : UNE LECTURE CONVENTIONNALISTE DU BUSINESS MODEL :

5.1. Le Business Model comme principal outil d’analyse des cas

5.1.2. Le modèle GRP : une structure praxéologique du Business Model

5.1.2.3. Le partage de la valeur

Les possesseurs des ressources adhèrent et participent au Business Model et deviennent ainsi parties prenantes, c’est-à-dire acceptent d’apporter leurs ressources pour impulser l’organisation parce qu’elles sont intéressées par les échanges que cette adhésion induit. Dans cette partie du BUSINESS MODEL, ces relations d’échange sont décrites.

Ainsi, le Business Model met l’entreprise au cœur d’un réseau d’affaires composé d’un collectif partageant la représentation des affaires proposées et avec qui la

147 réussite va être partagée. D’un point de vue managérial, la constitution du réseau suscite deux préoccupations permanentes (Verstraete, 2003). La première concerne l’identification des partenaires sur la base qu’ils possèdent une ressource nécessaire au projet, qu’ils sont accessibles et qu’ils peuvent être intéressés par l’échange. La seconde répond à un objectif de pérennité et conduit à mettre en place des politiques permettant d’optimiser les relations avec les parties prenantes (politique salariale pour les échanges avec les salariés, politique d’achat pour les échanges avec les fournisseurs, etc.), ces politiques devenant effectives dans une perspective de croissance de l’organisation impulsée. Dans tous les cas, le créateur doit comprendre, non seulement, l’échange « naturel » ou « normal », par exemple, l’échange d’une matière première ou d’un service contre une rémunération, mais aussi l’échange « exceptionnel » ou « singulier ». Ce dernier type concerne l’identification des éléments qui vont orienter le choix d’un partenaire à vouloir travailler davantage pour le Business Model proposé que pour un autre. A cet effet, une matrice est proposée au créateur pour appréhender simultanément la nature de l’échange et sa singularité (voir tableau 39).

Tableau 39 : Matrice des parties prenantes

Ressources nécessaires au projet (1) Partie prenante (2) Valeur attendue par la PP (3) Valeur à tirer de la PP pour le projet (4) Pouvoir de la PP (5) Attitude de la PP (6)

Source : Verstraete, Saporta (2006)

Cette matrice mentionne d’abord l’inventaire des ressources nécessaires au projet (colonnes 1). A chaque ressource est associée une partie prenante (colonne 2). Les 2 autres colonnes aident à établir la relation d’échange : la valeur attendue par la partie prenante et celle à tirer pour le projet (colonnes 3 et 4). Les colonnes 5 et 6 renseignent sur le rôle de la partie prenante dans l’équilibre et la pérennité du

Business Model. Mais ce pouvoir et cette attitude de la partie prenante sont à

relativiser en tenant compte de l’importance de la ressource apportée et à la position de la partie prenante au sein du réseau. De manière explicite, cette matrice est un outil lié au positionnement de l’entreprise vis-à-vis des parties prenantes. Elle anticipe l’analyse concurrentielle dans la mesure où les concurrents souhaitent également posséder les meilleures ressources, donc les meilleurs échanges, les

148 meilleurs stakeholders, le meilleur réseau au sein de leur domaine d’activité. Par exemple, un bon positionnement vis-à-vis des clients suppose que ceux-ci soient satisfaits, c’est-à-dire qu’ils tirent des échanges avec l’entreprise une valeur correspondant au moins à leurs attentes. A défaut, ils se tourneront vers la concurrence, si celle-ci est accessible. A l’inverse, l’entreprise doit tirer de la relation avec la clientèle une valeur lui permettant d’évoluer. Tout créateur d’entreprise doit ainsi être sensibilisé au fait qu’il doit entretenir avec chaque catégorie de parties prenantes des relations optimisant l’échange de valeur, ce qu’on pourrait appeler une stratégie « gagnant-gagnant ».

Finalement, la compréhension de la singularité de l’échange est conditionnée par un exercice de conviction déployé par l’entrepreneur. Pour cela, une révision du processus de négociation individuel réalisé avec chaque partie prenante est nécessaire. L’effet de mimétisme décrit par la théorie des conventions doit également être considéré ainsi que le processus adopté par l’entrepreneur qui a conduit à la création du collectif rassemblé autour de la convention. Pour cela, l’entrepreneur va relater la chronologie d’adhésion des différentes parties prenantes et procéder à l’analyse structurelle de son réseau. Le tableau ci-après synthétise les thèmes concernant le partage de la valeur.

Tableau 40 : Synthèse des sous-composantes du partage de la valeur

P A R T A G E Ecosystème

Mode de répartition de la valeur dans l’écosystème

Participation à cet écosystème et incidence sur la répartition de la valeur

Etc. Conventions

Conventions dans l’écosystème (dans le monde des affaires, du secteur d’activité, celles avec lesquelles composent les parties prenantes…)

Etc.

Parties prenantes

Identification des parties prenantes (effectives ou potentielles)

Optimisation des échanges de valeur avec elles (gagnant-gagnant)

Tableau des parties prenantes

Etc.

149 Le modèle GRP ainsi développé par Verstraete et Jouison-Laffitte (2009) offre une grille d’analyse générique du Business Model des entreprises, chacun de ses utilisateurs pouvant l’adapter aux objectifs spécifiques liés à l’utilité de son déploiement. Au-delà de son aspect analytique, la théorisation du BUSINESS MODEL ouvre de nouvelles perspectives d’analyse de l’entreprise et permet d’appréhender l’organisation comme un tout, depuis le cœur de l’affaire jusqu’à son réseau de valeur.

Le tableau 41 recense les différents thèmes du modèle GRP qui nous a aidés à déterminer et à codifier les unités d’analyse, étape préalable au processus d’analyse.

150 Tableau 41 : Récapitulatif des thèmes du modèle GRP

Composantes Sous-composantes Unités d’analyse retenues

G ENE R AT IO N

Entrepreneur(s) ou porteur(s) du projet entrepreneurial Histoire Profil Motivations Expériences Ambitions Entourage Etc. Histoire Niveau d’étude Formation Motivations Expériences Ambitions Entourage Environnement Proposition de valeur

Idée (source, mise au point, protection…) Marché (attractivité, cible,

concurrence…) Ambition Position Etc. Idée Marché/Cible Ambition Position Fabrication de la valeur

Captation des ressources Organisation des ressources Délivrance de la valeur Etc. Ressources cognitive, Matérielle, financière, Humaine, immatérielle, Organisationnelle, managériale RE MU NE R AT IO N Sources de la rémunération

Les canaux par lesquels les revenus parviennent Les payeurs Etc. Opportunités Appels d’offre Prospection Payeurs Volume de la rémunération Chiffre d’affaires Part de marché Etc. CA Part de marché

Eléments non financiers : Nombre d’employés, lignes de produits, clients,

Fournisseurs, partenaires

Performances

Performance financière

Performance non financière (notoriété…) Etc. Part de marché Seuil de rentabilité Pourcentage objectifs atteints Degré de satisfaction PA RT AG E Ecosystème

Mode de répartition de la valeur dans l’écosystème

Participation à cet écosystème et incidence sur la répartition de la valeur

Etc.

Effet de mimétisme (professionnalisme et/ou recommandation)

Conventions

Conventions dans l’écosystème (dans le monde des affaires, du secteur d’activité, celles avec lesquelles composent les parties prenantes…)

Etc.

Dynamique de la convention (éléments à identifier)

Parties prenantes

Identification des parties prenantes (effectives ou potentielles)

Optimisation des échanges de valeur avec elles (gagnant-gagnant)

Tableau des parties prenantes

Etc.

Analyse structurelle du réseau (nature des liens) Nouvelles adhésions

151 Les unités d’analyses ainsi retenues constituent les unités d’information ou catégories que nous avons codifiées pour permettre l’enregistrement des segments de contenu à considérer comme unité de base en vue du comptage fréquentiel ultérieur (Hlady, 2002).

Finalement, si le bon sens conduit à relever que tout projet nécessite des partenaires apportant des ressources pour que l’offre puise être générée et que des revenus puissent en être tirés, le Business Model résulte de la cristallisation de ce collectif autour du projet dont le cœur est une représentation partagée de l’affaire naissante. Dans cette optique, le Business Model est une convention autour de laquelle un ensemble de partenaires apporte les ressources nécessaires au projet. La théorie des conventions est donc mobilisée pour expliquer cette nature. Dans notre étude, pour capter les ressources, la femme entrepreneur doit convaincre leurs possesseurs qu’elles seront utilisées par la mise en place d’une organisation. Mais les parties exigent quelque chose en échange de ce qu’elles apportent et apprécient également le potentiel de l’affaire. Ces exigences sont prises en compte de manière explicite dans le modèle d’affaires, dans la mesure où la femme entrepreneur y intègre et y combine les attentes des partenaires, le collectif ainsi constitué participe à l’effort de développement. Le Business Model est ici assimilable à une convention évolutive à laquelle la femme entrepreneur doit faire adhérer d’autres partenaires (organismes, institutions ou individus) possédant d’autres ressources indispensable à l’organisation établie. En d’autres termes, la femme entrepreneur doit concevoir une convention, en considérant les changements environnementaux, organisationnels, etc., ou les objectifs à atteindre, autour de laquelle des possesseurs de ressources vont s’accorder pour y voir une bonne façon de faire des affaires en pariant que le projet régulera de façon optimale, entre toutes les catégories de parties prenantes, les échanges de ressources escomptés. Un réseau se crée ainsi autour du Business Model proposé, devenu convention, la femme entrepreneur étant celle qui impulse l’organisation correspondante. En effet, dans sa structure conceptuelle, la place de l’individu est considérée comme l’unité de base d’analyse conventionnaliste à laquelle s’ajoute une seconde, la convention elle-même qui va contenir des règles de conduite et donc, l’action (Gomez, 1995). Par ailleurs, il est admis dans la littérature qu’un individu ne peut agir isolément sans tenir compte des « hypothèses d’environnement » (Gomez, 1995), bref, du contexte qui interpelle l’adoption de la

152 convention. Fort de tout ce développement, il nous paraît donc nécessaire de porter un regard conventionnaliste sur la dynamique des Business Model analysés, afin de mieux « enrichir l’analyse du réel » (Gomez, 1995).