CHAPITRE 2 : LES SPECIFICITES DE L’ENTREPRENEURIAT FEMININ EN
2.2. Le contexte spécifique des femmes camerounaises créatrices d’entreprises
2.2.2. Approche multidimensionnelle des obstacles liés à la promotion de
2.2.2.4. Les difficultés intrinsèques
A côté de ces obstacles, qu’on qualifierait d’exogènes parce que liés à l’environnement des affaires, il est essentiel de souligner ceux qui sont liés à la personnalité même de la femme entrepreneur. Brush et Gatewood (2008) en évoquent un certain nombre tels que le manque de confiance en soi, le manque de détermination, le peu d’ambition qui caractérise certaines femmes entrepreneurs et surtout le fait de se résigner et d’annihiler ainsi son potentiel entrepreneurial. Or, les mêmes auteurs soutiennent qu’elles devraient plutôt surpasser ces obstacles en s’affirmant par leur créativité, leur esprit d’initiative, bref, leur volonté de voir les choses changer positivement. Dans ce registre, est également inscrit le faible niveau de partenariat d’affaires. En effet, dans une étude exploratoire menée en 2008 sur 38 femmes entrepreneurs propriétaires de micros entreprises et membres de la Coopérative d’Epargne et de Crédit pour la Promotrice (CECPROM), agence de Douala, quatre seulement ont déclaré avoir des partenaires d’affaires, ce qui corrobore la difficulté à rechercher des partenaires techniques et financiers (Aldrich, 1989 ; Shabbir et Di Gregorio, 1996). Les réticences ou l’incapacité à prendre des risques calculés constituent autant de problèmes qui freinent également le développement de leurs affaires. Le tableau 19 récapitule les difficultés majeures auxquelles sont confrontées les femmes entrepreneurs camerounaises.
79 Tableau 19 : Récapitulation des obstacles majeurs dans l’environnement
entrepreneurial des femmes au Cameroun
Dimensions Variables Exemples d’indicateurs
Institutionnelle
Développement et coordination de
politiques
Aucun forum formel incitant le partage des «meilleures pratiques».
Aucun mécanisme formel pour discuter des besoins et préoccupations des femmes comme chefs d’entreprise Cadre
réglementaire et juridique
Non approbation du Code de la famille Inaccessibilité au Code des investissements Régime foncier discriminatoire
Lourdeur du système d’administration des impôts non incitative
Procédures et formalités administratives
Multiplicité des formalités de conformation et les conflits permanents avec l’administration fiscale
Manque d’information et de compréhension du système d’enregistrement (la non vulgarisation et la non application des lois et règlements existants, mauvaise interprétation des textes et non-respect des procédures) Socioculturelle Préjugés sociaux Attitude négative vis-à-vis du statut de femme Coutumes et entrepreneur
traditions Prédominance de certains droits coutumiers
Economique
Accès aux ressources
Insuffisance des fonds propres
Difficulté d’accès au crédit institutionnel
Absence d’organismes de financement appropriés Manque d’éducation et de formation en entrepreneuriat Insuffisance ou manque de moyens de production adéquats
Difficulté d’accès à l’information utile (rétention de l’information)
Méconnaissance de l’appui conseil (ignorance de son importance et coût élevé) et des circuits de financements Manque de qualification du personnel
Manque de réseau structuré et fonctionnel
Accès aux marchés
Manque d’informations concernant le marché et les opportunités de marché
Mauvaise organisation et insuffisance des structures d’encadrement (manque d’infrastructures de communication)
Pressions fiscales, policières et douanières (mauvaise application des textes, ignorance de la législation fiscale) Problèmes d’acquisition de matières premières (coût élevé de la douane
Problème d’identification des fournisseurs, mauvaise qualité des produits proposés par les fournisseurs) Manque de mesures d’incitation gouvernementales pour la participation aux foires commerciales et coût élevé des services
Manque de soutien dans l’effort de développement.
Individuel
Attitudes
Perception négative de soi Manque de détermination Peur du risque
Allergie aux TIC (manque de curiosité, refus de l’innovation)
Capacités
Manque de qualification (formation de base insuffisante, manque de documentation et d’information, insuffisance des structures spécialisées
Incapacité à rechercher des partenaires technique et financier
80 Toutes ces difficultés nous amènent vers une compréhension aisée du choix du secteur informel par les femmes en affaires au Cameroun, caractérisé par des petits métiers, du commerce en détail et de très petites unités de production. Parallèlement, ce secteur n’exige pas des moyens complexes pour s’y installer et favorise le recours au financement informel ou aux fonds propres, généralement limités. Une raison du recours au secteur formel s’articule autour de l’incapacité à réunir les conditions requises pour l’octroi d’un crédit. En même temps, les femmes entrepreneurs du secteur informel devraient prendre conscience que ce choix, visiblement sans contraintes, les détournent d’une légitimité certaine qu’offre le secteur formel et donc des contrats plus intéressants, tel que nous confirme le témoignage du cas «Alpha» :
« Mon statut d’EPP ne me conférait pas une bonne notoriété (légitimité ou confiance) et certains gros contrats m’échappaient. D’où la transformation, en 2008, de mon EPP en SARL, spécialisée dans l’hygiène et l’assainissement»52.
Malgré un environnement hostile aux affaires, peut-on imaginer que certaines entreprises créées et dirigées par les femmes entrepreneurs camerounaises aient pu atteindre différents degrés de développement, en passant par des trajectoires plus ou moins similaires ? Ces entreprises représentent des modèles qui aideraient à influencer de façon positive les attitudes et les positions vis-à-vis des activités entrepreneuriales des femmes si une attention particulière leur est accordée pour comprendre comment ces femmes ont pu conduire leurs entreprises à ce stade de développement. L’exemple visualisé dans la figure 7 donne un aperçu de quelques degrés de développement.
81 La couleur grise représente les activités de subsistance, et le vert, l’impulsion d’une organisation justifiée par la création d’une entreprise sociétaire. La figure en elle-même montre de manière évidente le passage entre ces deux étapes clés du parcours illustrées par ces deux couleurs. Un deuxième questionnement, similaire au premier, nous interpelle : comment cette transition a-t-elle été possible dans un environnement aussi hostile aux affaires, à la lumière des nombreux obstacles évoqués précédemment ?
Il est certes possible d’apporter une première esquisse de réponse à ce questionnement. En effet, au niveau national, plusieurs dispositifs d’actions développés dans le paragraphe suivant ont été mis en place pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin et peuvent a priori expliquer le passage entre les deux stades initialement représentés sur la figure 7.
2.2.3. Dispositifs d’actions orientées vers la promotion de