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II. Etat de l’art

II.3. Comportement des éléments traces entre cristaux et liquides magmatiques

II.3.1. Partage des métaux rares entre cristaux et liquides silicatés

Le partage des éléments entre cristaux et liquides peut à la fois être décrit à partir de leur distribution dans les roches naturelles, ainsi qu’à partir d’expériences.

Les minéraux présents dans les roches silicatées alcalines naturelles sont principalement des clinopyroxènes, des amphiboles, des feldspathoïdes et des feldspaths alcalins. Kjarsgaard (1998) a aussi montré expérimentalement la formation de grenat, minéraux du groupe de la mélilite, wollastonite et calcite, pour des conditions P-T variables, et en coexistence avec des liquides de type néphélinitiques-phonolitiques et des liquides carbonatés. Brooker and Kjarsgaard (2011) ont également observé la formation de calcite dans le système CNAS-CO2. D’autres minéraux accessoires susceptibles de concentrer les métaux rares tels que la titanite, la perovskite, le pyrochlore, l’apatite ou encore l’eudialyte, la steenstrupine et les phosphates de REE ont également été identifiés dans les roches naturelles du Rift Est Africain (Peterson, 1989; Dawson et al., 1994) ou encore à Ilimaussaq (Larsen and Sørensen, 1987; Marks and Markl, 2003, 2015).

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De nombreux travaux expérimentaux ont permis de caractériser les coefficients de partage des éléments traces – et notamment des métaux rares - entre différents types de minéraux et liquides silicatés, dans des systèmes de compositions variés. Les coefficients de partage entre pyroxènes et liquides silicatés sont les plus étudiés expérimentalement. Ils ont été décrits dans des systèmes de composition basaltiques (Shimizu, 1980; Colson et al., 1988; Johnson, 1998; Green et al., 2000; Di Stefano et al., 2019), tonalitiques (Klein et al., 2000; Barth et al., 2002) et également dans des systèmes simplifiés de type CNMAS (Blundy and Dalton, 2000; Hill et al., 2000, 2011). Hammouda et al. (2009) et Sweeney et al. (1995) ont également caractérisé les coefficients de partage entre clinopyroxènes et éclogites carbonatées. En revanche, peu d’études expérimentales similaires ont été réalisées dans le système alcalin. Certaines études ont caractérisé les coefficients de partage entre clinopyroxène et liquide silicaté riche en volatils tels que les kimberlites (Keshav et al., 2005), entre clinopyroxène et liquide de type basanitique (Green et al., 2000; Adam and Green, 2006) ou encore de type basalte alcalin (Shimizu, 1980). Une seule étude expérimentale a permis de caractériser ces coefficients dans le système phonolitique (Beard et al., 2019), entre des clinopyroxènes de type aegirine et des liquides phonolitiques. Pour les autres types de compositions de magmas alcalins (néphélinite à phono-trachyte), les coefficients sont estimés à partir des roches naturelles (matrice ou roche totale) et des cristaux qu’elles contiennent (Larsen, 1979; Olin and Wolff, 2010; Mollo et al., 2016; Baudouin and France, 2019).

La Figure II.13a présente les patterns typiques des coefficients de partage des métaux rares (REE, Hf, Zr, Ta et Nb) entre clinopyroxènes et liquides silicatés, pour les expériences réalisées dans les systèmes alcalins tels que les basaltes alcalins (en noir ; Shimizu, 1980), les basanites (marron, Green et al., 2000; Adam and Green, 2006) et les phonolites (rouge ;Beard et al., 2019). Les HFSE (Hf, Zr, Ta et Nb) sont incompatibles dans les clinopyroxènes des basanites (rouge ; DHFSECPx/LS < 1), avec un fractionnement plus marqué pour le Ta et Nb. On peut observer la même tendance dans les roches naturelles (gris, Fig.II.13a ; Olin and Wolff, 2010; Mollo et al., 2016; Baudouin and France, 2019). En revanche, ces éléments sont compatibles dans les clinopyroxènes des phonolites (rouge, DHFSECPx/LS

>

1 ;Beard et al., 2019), à l’exception du Ta et du Nb dans certains échantillons.

L’évolution des coefficients de partage des REE est souvent caractérisée par une parabole, montrant un fractionnement entre les LREE et les MREE-HREE (Fig. II.13a). Les REE sont de manière générale incompatibles dans les clinopyroxènes des basaltes alcalins et des basanites et sont plutôt concentrées dans les liquides silicatés (DREE

CPx/LS

< 1, noir et marron Fig.II.13a). Dans les échantillons naturels de composition de type néphélinite, phonolite, et phonotrachyte, les LREE sont généralement incompatibles et les MREE-HREE varient entre un comportement incompatible et compatible (gris, Fig.II.13a). En revanche, les coefficients expérimentaux dans les phonolites (rouge, Fig.II.13a) indiquent globalement une préférence des REE pour les clinopyroxènes (DREE

CPx/LS

> 1). De plus, certaines données montrent également un comportement différent des HREE, et notamment de Yb et Lu, avec une augmentation des coefficients de partage qui se traduit par la forme sigmoïdale de la courbe des coefficients de partage. On peut observer cette tendance pour les compositions de type phonolitiques dans les données expérimentales (rouge, Beard et al., 2019), ainsi que les néphélinites (rond vide gris,Baudouin and France, 2019) et les phonolites naturelles (croix grises, Olin and Wolff, 2010). Cette tendance a également été caractérisée pour des compositions naturelles de rhyolite , (Olin and Wolff, 2010).

Le comportement des métaux rares semble donc fortement varier dans les clinopyroxènes des systèmes alcalins, montrant une forte préférence pour le liquide silicaté ou au contraire pour les cristaux. Cette forte variation n’a pas encore été expliquée.

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Figure II.13. Coefficients de partage des métaux rares entre cristaux et liquides silicatés dans le système alcalin. Les coefficients de partage expérimentaux des métaux rares (Hf, Zr, Ta, Na, REE) entre clinopyroxènes et liquides silicatés notés DCpx/LS (a) et entre grenats et liquides silicatés DGnt/LS (b) sont représentés pour les compositions de type basalte alcalin (noir, Shimizu, 1980), les basanites (marron, Green et al., 2000 ; Adam and Green, 2006) et les phonolites (rouge, Beard et al., 2019). Les coefficients de partage pour les clinopyroxènes de roches naturelles sont également présentés (en gris ; Îles Canaries, Olin and Wolff, 2010 ; wollastonite du Ol Doinyo Lengai, Baudouin and France, 2019; Campi Flegrei en Italie, Mollo et al., 2016).

Le comportement des éléments traces entre les grenats et les liquides silicatés a été caractérisé dans les mêmes gammes de compositions présentées ci-dessus, à savoir dans les systèmes de type basaltiques (Shimizu, 1980; Johnson, 1998), tonalitiques (Klein et al., 2000; Barth et al., 2002), kimberlitiques (Girnis et al., 2006) et éclogitiques (Hammouda et al., 2009). De même que pour les clinopyroxènes, peu de données expérimentales de partage des éléments traces entre grenat et liquide alcalin

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saturé en silice sont disponibles, à l’exception des basanites (Green et al., 2000; Adam and Green, 2006) et des basaltes alcalins (Shimizu, 1980). Pour ces compositions, les HFSE et les LREE sont fortement incompatibles dans les grenats (noir et marron, Fig.II.13b). Les coefficients de partage augmentent de manière conséquente pour les HREE (DHREE

Gnt/LS

> 1) et indiquent ainsi une préférence de ces éléments pour les grenats.

Enfin, les coefficients de partage des éléments traces ont également été caractérisés expérimentalement entre la tinatite et les liquides silicatés dans des systèmes simples de type CNKAS (Prowatke and Klemme, 2005, 2006a) et des systèmes de type lamproite (Tiepolo et al., 2002). Olin and Wolff (2012) ont également étudié le comportement des REE et HFSE entre la titanite et les phonolites naturelles provenant des Îles Canaries. Tous les métaux rares (REE, Hf, Zr, Ta et Nb) sont compatibles dans la titanite (Fig.II.14), indiquant ainsi que ce minéral est fortement susceptible de concentrer ces métaux. Pour les REE, le « pattern » général des coefficients de partage présente une différence de comportement pour les MREE qui partitionnent plus dans la titanite que les LREE et les HREE (DMREE Ttn/LS > DLREE Ttn/LS et DHREE Ttn/LS

). De plus, Prowatke and Klemme (2005) ont montré que l’enrichissement en métaux rares (courbes bleues claires, Fig.II.14) varie très fortement en fonction de la composition des liquides silicatés, sur deux ordres de grandeur.

Figure II.14. Coefficients de partage des métaux rares entre titanites et liquides silicatés. Ces coefficients ont été définis expérimentalement pour des compositions de liquides silicatés simples de type CNKAS (bleu clair, Prowatke and Klemme, 2005) et également de type lamproites (bleu foncé, Tiepolo et al., 2002). Olin and Wolff (2012) ont également caractérisé le partage de ces éléments entre titanite et phonolite naturelles des Îles Canaries (gris).

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Le partage des éléments a aussi été caractérisé entre les apatites et les liquides silicatés (Prowatke and Klemme, 2006b), et montre que les REE sont fortement compatibles dans l’apatite. En revanche, peu de données de partage de ces éléments entre calcite ou pérovskite et liquides silicatés alcalins existent.