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III. Méthodologie

III.2. Expériences

Deux types d’expériences ont été réalisés dans le cadre de cette étude au laboratoire de l’ISTO à Orléans : des expériences en piston-cylindre pour les plus hautes pressions (0,8 et 1,5 GPa), et des expériences en autoclave à chauffage interne pour des pressions les plus basses (0,2 et 0,4 GPa).

III.2.1. Piston-cylindre

Les expériences au piston-cylindre ont été réalisées à 0,8 et 1,5 GPa, pour des températures variant entre 850 et 1050 °C. Des assemblages ¾ de pouces ont été utilisés pour toutes les expériences (Fig. III.2). Ces assemblages sont constitués de l’extérieur au centre de talc (numéro 4, Fig.III.2a), de pyrex (5) et enfin d’un four en graphite (6). Les capsules sont contenues dans un cylindre en alumine emboité dans deux bouchons de MgO (Fig.III.2b). En général, 4 capsules sont insérées par assemblage. Afin d’éviter la présence de porosité entre les capsules, elles sont recouvertes de poudre constituée d’un mélange dans les proportions 50 : 50 d’hématite et de AlSiMag (Al+Si+Mg). La présence d’hématite implique un milieu oxydant, avec une fugacité de l’oxygène (fO2) estimée entre QFM et QFM + 2. La poudre doit bien être tassée tout autour des capsules pour éviter tout écrasement lors de la montée en pression. L’ensemble capsules – alumine – bouchons de MgO est ensuite inséré dans l’assemblage (Fig.III.2b). Deux plugs en inox (numéro 2, Fig.III.2a) entourés d’un anneau de pyrophyllite (1 ; Fig.III.2a) sont positionnés aux deux extrémités de l’assemblage. Le plug positionné au sommet ainsi que le bouchon en MgO du haut sont percés afin d’introduire le thermocouple (7 ; Fig.III.2a). Le thermocouple est de type B (Pt94Rh6-Pt70Rh30) et permet de mesurer la température au cours de l’expérience. Le talc, couche la plus externe de l’assemblage, joue un rôle de lubrifiant dans l’enclume. L’assemblage ainsi que les deux plugs en inox sont entourés de téflon afin de faciliter l’extraction de l’échantillon à la fin de l’expérience et de réduire les frictions.

Figure III.2. Photo et schéma de l’assemblage ¾ de pouces utilisé dans les expériences en piston cylindre. a) Plugs en inox et anneau de pyrophyllite (1 et 2) positionnés au cours des expériences aux extrémités de l’assemblage ¾ de pouces (3) qui est constitué d’un cylindre de talc (4), de pyrex (5) et de graphite(6) ; tige en alumine (7) percée de deux trous par lesquels vont être insérés les fils du thermocouple utilisé pour mesurer la température pendant l’expérience; b) Schéma de l’assemblage expérimental contenant les 4 capsules : les capsules sont contenues dans un cylindre en alumine rempli d’un

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mélange hématite-AlSiMag et encastré entre deux bouchons en MgO ; cet ensemble est inséré dans l’assemblage ¾ de pouces.

Le principe du piston cylindre est relativement simple (Fig.III.3a) : la pression solide est appliquée par pression d’huile sur les pistons, et l’assemblage est contenu dans une enclume centrale (enclume de pression, Fig.III.3b) maintenue par ce système de piston. L’enclume centrale est équipée d’un système de refroidissement (enclumes de refroidissement ; Fig.III.3b) permettant la circulation d’eau froide tout au long de l’expérience. Le piston cylindre permet en général d’administrer des pressions de 0,5 à 4 GPa. La pression appliquée directement sur l’assemblage est celle du piston poussant sous l’échantillon (« piston » ; Fig.III.3b). L’erreur de mesure sur la pression est estimée à ± 0,1 GPa (Dasgupta et al., 2004).

Un courant électrique circule au travers de tout le système expérimental, y compris dans le graphite qui permet ainsi la chauffe de l’assemblage par effet Joule. La température est mesurée par le thermocouple inséré dans l’assemblage, qui est relié à un eurotherme régulant l’intensité du courant, afin de maintenir la température souhaitée. L’erreur de mesure pour ce type de thermocouple et de piston cylindre a été estimée à ±12°C (Dasgupta et al., 2004). Des expériences réalisées par (Sifré et al., 2015) sur la même machine ont permis de reproduire les conditions P-T de fusion de la dolomite, ce qui indique la fiabilité de ces expériences.

L’assemblage est tout d’abord mis sous pression, puis la température est augmentée petit à petit jusqu’à atteindre la température souhaitée. Pour la plupart des échantillons, un « under-cooling » (pallier de haute température, par rapport à la température souhaitée) a été effectué : l’échantillon subit d’abord une température plus élevée que la température souhaitée (975 °C pendant environ 2h, en fonction des échantillons) afin d’assurer la fusion et la bonne homogénéisation de l’échantillon. Kjarsgaard (1998) a en effet montré que, pour la composition de départ choisie pour le premier type d’expérience, un seul liquide homogène est formé à 1000 °C et à 0,2 et 0,5 GPa (sub-liquidus). La température finale est ensuite atteinte en quelques minutes. Chaque expérience est arrêtée par une trempe isobarique (« quench » en anglais), qui s’effectue par la coupure du courant en maintenant la pression constante. Cette trempe permet ainsi de vitrifier instantanément les liquides silicatés. La durée des expériences varie en fonction des échantillons, globalement entre 2 et 5 jours.

Figure III.3. Photo et schéma du piston cylindre. a) Piston cylindre utilisé pour les expériences(ISTO); b) Coupe schématique du piston cylindre indiquant le montage expérimental mis en œuvre pour les expériences. L’assemblage contenant les capsules est inséré dans l’enclume de pression qui est positionnée au centre de tout le montage.

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III.2.2. Autoclave à chauffage interne

Des expériences ont également été réalisées en autoclave à chauffage interne (Fig.III.4a), pour des pressions de 0,2 et 0,4 GPa et des températures de 725 à 925 °C. Cet appareil consiste en une enceinte de haute pression à gaz (0,4 GPa au maximum) et de gros volumes pouvant contenir un four (Champallier, 2005). On distingue trois parties dans l’autoclave : une enceinte externe, une enceinte interne contenant le four, et 2 obturateurs surmontés de 2 bouchons placés aux extrémités du four (Fig.III.4b). Le circuit de refroidissement est situé entre l’enceinte externe et l’enceinte interne contenant le four. L’obturateur du haut est fixe et permet le passage de l’arrivée de gaz (Fig.III.4b). En revanche, l’obturateur du bas est mobile. Il peut être fixé au four, ainsi qu’à tous les branchements électriques (connectiques ; Fig.III.4b) permettant de contrôler et de mesurer à la fois la température et la trempe. Le four correspond à deux bobines de Molybdène ou de Kanthal (deux résistances) situées des deux côtés du four et se recouvrant en partie. Ces deux bobines entourent un cylindre de céramique et le chauffent lorsqu’un courant est envoyé. Les deux extrémités des bobines placées en haut et en bas du four sont contrôlées indépendamment afin d’éviter ou de réduire un possible gradient de température au cours de l’expérience (gradient estimé à ± 5°C ; Champallier, 2005).

Deux thermocouples de type S (Pt90Rh10) sont ancrés dans l’obturateur du bas (Fig.III.5). Les capsules sont positionnées soit dans une nacelle en alumine (Fig.III.5a), soit dans une cage en Pt (Fig.III.5b), suspendues tout en haut à l’aide d’un fil très fin de Pt ou de Rh (sous H2) aux cannes de trempe, qui sont associées au thermocouple du haut. Les échantillons sont ainsi situés dans la zone chaude pendant l’expérience (Fig.III.5b), et localisés entre les deux thermocouples (gradient < 2-3 °C le long des échantillons; Di Carlo et al., 2006; Andújar et al., 2013).

Les expériences consistent à mettre sous pression le four contenant les échantillons en injectant du gaz inerte tel que l’Ar. Un mélange d’Ar-H2 a également été utilisé dans les expériences afin de varier la fO2. Pour les conditions P-T-XH2 réalisées dans cette étude, la fO2 imposée par le mélange Ar-H2 dans une capsule saturée en H2O (i.e. a(H2O) = 1) est estimée entre NNO+2,1 et NNO+0,9 (estimation à partir de Gaillard et al., 2001), ce qui est équivalent à QFM+2,5 et QFM+1,5 (estimation à partir de Frost, 1991). La fO2 des capsules qui sont sous-saturées en eau est estimée abaissée de 0,5 unité-log, c’est-à-dire respectivement à QFM+2 et QFM+1.

De même que pour le piston cylindre, les deux thermocouples sont reliés à un eurotherme permettant de réguler la température au cours des expériences. Une fois l’autoclave mis sous pression, la température est augmentée petit à petit jusqu’à la valeur souhaitée. Les expériences ont été réalisées pendant 5 jours à 3 semaines pour les températures les plus basses (725 °C). Un « under-cooling » à environ 1000 °C a également été effectué pour chaque expérience, suivi d’une diminution de la température en quelques minutes. Une trempe rapide a également été effectuée pour ces expériences : cette trempe consiste à envoyer une décharge électrique dans les cannes de trempe, ce qui provoque la rupture du fil fin de Pt ou Rh, et ainsi la chute brutale des échantillons dans la zone froide (en bas, zone bleue ; Fig.III.4b).

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Figure III.4. Photo et schéma de l’autoclave à chauffage interne. a) Photo de l’autoclave de l’ISTO et nommée « gros vert » ; b) Coupe schématique de la structure interne de l’autoclave (schéma de Ferraina, 2018). Les capsules sont positionnées tout en haut du four pendant les expériences, dans la « zone chaude » (rouge).

Figure III.5. Mise en place des capsules sur les cannes de trempe de l’obturateur. Les capsules sont insérées dans une nacelle en alumine (a) ou dans une cage en Pt (b), accrochée au niveau des cannes de trempe, et situées entre le thermocouple du haut et le thermocouple du bas.

Les tableaux récapitulatifs des conditions expérimentales (pression, température, durée, type de capsules, etc…) sont présentés dans les chapitres de résultats relatifs aux deux types d’expériences, à savoir les expériences d’immiscibilité de type néphélinite-carbonatite-cristaux (chapitre IV et VI), et les expériences d’immiscibilité de type néphélinite-phonolite-carbonatite-cristaux ± F, Cl et P (chapitre V et VI).

III.2.3. Polissage des échantillons

Après les expériences, les capsules sont pesées afin de vérifier une éventuelle perte de matière. La plupart des capsules ont ensuite été sciées à l’aide d’une micro-scie (1, Fig.III.6a) : les capsules sont

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d’abord fixées (2 ; Fig.III.6a), puis sciées dans la longueur (3). De l’éthanol est utilisé pour scier plutôt que l’eau qui peut dissoudre les phases carbonatés. Cette méthode permet de récupérer le plus possible de matière et de conserver au mieux les assemblages de phases formés pendant les expériences. Certaines capsules ont également été ouvertes manuellement à l’aide de pinces, et les petits morceaux d’échantillon ont été directement récupérés.

Les échantillons (moitiés de capsule ou morceaux) sont ensuite enrobés de résine de type epoxy (EpoFIX Resin, Struers). Après durcissement de la résine, les plots sont polis à l’éthanol suivant deux étapes : une première étape de polissage manuel à l’aide de tapis de polissage de taille de grains (silice) variant de grossier à très fin, puis une deuxième étape à l’aide d’un appareil de polissage automatique avec des tapis de polissage de 9, 3 et 1 µm (voir 0,5 µm pour les échantillons présentant des surfaces difficiles à polir) et de stick diamantés. La dernière étape (1 ou 0,5 µm) permet d’affiner le polissage afin d’obtenir une surface nette et lisse. Les sections polies (4 ; Fig.III.6a) sont ainsi prêtes pour les différentes analyses.

Figure III.6. Préparation des échantillons pour analyse. a) Préparation des capsules après expérience : une micro-scie (1) est utilisée pour scier les capsules qui sont fixées sur un petit sucre (2) ; les capsules sont sciées en longueur (3), puis sont polies dans un plot en résine (4). b) Echantillons pour analyse à la nano-SIMS : les capsules sciées sont extraites de la résine, placées dans un plot en Al et incorporées dans de l’indium, ou alors les morceaux d’échantillons très petits sont polis dans des carrés de résine (< 2 mm d’épaisseur) et collés sur les mêmes plots par un scotch en cuivre. Les deux types d’échantillons sont métallisés à l’Au.

Une préparation particulière a été effectuée pour les échantillons analysés à la nano-SIMS. Les capsules ont été polies selon le protocole présenté précédemment, puis ont été extraites des plots en résine en les chauffant légèrement sur une plaque chauffante afin de ramollir la résine (50°C). Les moitiés polies ont ensuite été fixées dans de l’indium pur qui a été chauffé afin d’être plus facilement manipulable. L’ensemble capsule-indium a ensuite été tassé dans un anneau en Al (1 cm de diamètre) afin de bien faire affleurer l’échantillon à la surface, en faisant bien attention de ne pas le rayer (Fig.III.6b). Pour les morceaux d’échantillon, la préparation a été plus difficile. Le dos des plots en résine a d’abord été réduit jusqu’à atteindre une épaisseur de 2mm au maximum. Puis la surface des échantillons a été repolie. Les « galettes » ainsi obtenues < 2mm ont ensuite été chauffées: ceci a permis de ramollir la résine pour pouvoir facilement découper des petits carrés (1 à 3 mm de côté) autour des échantillons. Ces petits carrés ont ensuite été fixés sur du scotch cuivre collé sur des plots en Al (1 cm de diamètre ; Fig.III.6b).

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