• Aucun résultat trouvé

Carbonatites et roches magmatiques alcalines : principaux gisements de métaux rares

I. Introduction

I.2. Les métaux rares dans les magmas alcalins

I.2.2. Carbonatites et roches magmatiques alcalines : principaux gisements de métaux rares

I.2.2.1. Les gisements associés aux carbonatites

Les carbonatites constituent les roches ignées les plus enrichies en métaux rares. Parmi les > 500 occurrences de carbonatites référencées dans le monde (Woolley and Kjarsgaard, 2008), seules quelques-unes sont actuellement exploitées, principalement en partie pour les REE et en partie pour le Nb (Fig.I.9).

18

Les principaux minéraux à REE dans les carbonatites sont des fluoro-carbonates tels que la bastnaesite ((Ce, La)(CO3)F) ou la synchysite (Ca(Ce, La, Nd, Y)(CO3)2F), et des phosphates tels que la monazite ((Ce, La, Nd, Th) PO4) et l’apatite (Ca5(PO4)3(OH, F, Cl)).

Figure I.9. Carte géologique des occurrences de mine et de gisement de REE et de Nb associés aux carbonatites et aux complexes alcalins, modifié d'après Woolley and Kjarsgaard (2008).

Les REE et particulièrement les LREE, sont exploitées dans 4 principaux gisements associés aux carbonatites (Kanazawa and Kamitani, 2006; Smith et al., 2016; Verplanck et al., 2016) :

- La mine de Bayan Obo en Chine, qui constitue la plus importante ressource mondiale en REE, avec des concentrations en REE2O3 > 6% poids (Yang et al., 2011; Lai et al., 2012; Verplanck et al., 2016).

- Les deux gisements conjugués de Maoniuping et de Dalucao (Mianing deposit) également situés en Chine, qui contiennent environ 3% poids de REE2O3 (Hou et al., 2009; Verplanck et al., 2016).

- Le gisement de Mountain Pass, associé à la carbonatite de Suphide Queen en Californie (Etats-Unis), qui contient environ 8% poids de REE2O3 (Mariano and Mariano, 2012; Verplanck et al., 2016). Ce gisement a constitué la principale source de REE au monde entre 1965 et 1995 (Castor, 2008) avant de se faire progressivement dépasser par ceux situés en Chine.

- Le gisement de Mount Weld en Australie, correspondant à une carbonatite primaire non économique et dont les processus d’altération supergène ont permis la reconcentration des REE (8% poids de REE2O3) dans la partie latéritisée de la carbonatite (Lottermoser, 1990, 1992; Verplanck et al., 2016).

Les Fe-carbonatites sont généralement considérées comme étant les plus enrichies en REE (Tableau I.2), bien que les grands gisements actuellement exploités soient associés à des Ca-carbonatites (e.g. Bayan Obo et Mountain Pass).

Les profils de ces carbonatites normalisées aux chondrites indiquent un fort enrichissement en LREE (Fig.I.10a), qui semble varier de manière importante au sein même de certain gisement. On peut par exemple observer une variation d’enrichissement de 4 ordres de grandeur pour la carbonatite de Bayan Obo (Fig.I.10a). D’autres carbonatites constituent également d’importantes cibles d’exploration, telles

19

que la carbonatite de Bear Lodge aux Etats-Unis (orange; Moore et al., 2015; Verplanck et al., 2016), celle de Kangankunde au Malawi (Wall and Mariano, 1996; Broom-Fendley et al., 2016; Verplanck et al., 2016), ou encore celle de Lofdal en Namibie (Verplanck et al., 2016; Bodeving et al., 2017). La plupart de ces gisements (et mines) sont associés à des complexes alcalins (Mountain Pass, Bayan Obo, Mount Weld, Bear Lordge etc…).

La deuxième substance la plus exploitée dans les carbonatites est le Nb (Fig.I.9). Ce métal est principalement exploité dans les mines d’Araxá (Traversa et al., 2001; Smith et al., 2016; Verplanck et al., 2016) et de Catalão au Brésil (Verplanck et al., 2016) pour des concentrations respectivement de 2.5 et de 0.9 % poids de Nb2O5, et à la mine de Niobec au Québec dans la carbonatite de Saint-Honoré pour des concentrations de 0.4% poids de Nb2O5 (Mitchell, 2015; Verplanck et al., 2016). Dans ces carbonatites, le principal minéral exploité pour le Nb est le pyrochlore de formule (Ca, Na, REE)2Nb2O6(OH,F), qui peut également être considéré comme un minerai de REE.

Tous ces gisements de REE ou de Nb associés aux carbonatites ont été qualifiés de « large deposits », pour un tonnage de ces métaux > 1,7 x 106 tonnes (Smith et al., 2016), à l’exception de l’important gisement de Bayon Obo qui est lui qualifiée de « giant deposit» (> 1.7x107 tonnes de REE ; Smith et al., 2016).

I.2.2.2. Les gisements associés aux complexes magmatiques alcalins

Les gisements à métaux rares peuvent également être associés aux roches magmatiques alcalines sous-saturées en silice. A l’inverse des gisements associés aux carbonatites, ils sont bien plus enrichis en HREE (et en Y). On distingue deux principaux types de gisements: ceux associés aux complexes alcalins lités liés aux grandes provinces magmatiques alcalines (roches de type syénites néphéliniques), et ceux associés aux granites péralcalins.

Les gisements à métaux rares les plus importants sont ceux liés à des grandes provinces magmatiques alcalines intrusives constituées de complexes alcalins sous-saturés en silice et très différenciés de type syénite néphélinite (Kogarko, 1990; Dostal, 2016). Ces complexes alcalins présentent des textures caractéristiques constituées de cumulas de cristaux lités en bandes successives, contenant le plus souvent des minéraux à REE. La minéralogie en REE des complexes alcalins est bien plus compliquée que celle des carbonatites (Dostal, 2016): les principaux minéraux de REE sont des silicates tels que l’eudialyte et la steenstrupine, des fluorocarbonates (bastnaesite, synchisite), de la loparite (pérovskite à REE et Nb) ou encore des phosphates (apatite, monazite et xénotime). L’eudialyte et la steenstrupine ne sont pas encore considérés comme des minerais à REE ; des études sont actuellement en cours afin de proposer un procédé de traitement économique de ces minéraux.

Les complexes les plus connus sont (Fig.I.10b):

- Le complexe magmatique d’Ilimaussaq situé dans la province du Gaardar au Groenland (Sørensen et al., 2006; Marks and Markl, 2015; Dostal, 2016) contenant plus de 200 espèces minérales exotiques dont certaines ne proviennent que de cet endroit. De plus, ce complexe constitue la localité-type des roches dites agpaïtiques (syénites néphéliniques péralcalines). - Les complexes alcalins de Khibiny et de Lovozero dans la péninsule de Kola en Russie

(Zaitsev et al., 1998; Arzamastsev et al., 2001; Kogarko et al., 2010; Dostal, 2016). Le complexe principalement constitué de syénites est actuellement exploité pour l’apatite (engrais phosphatés) et la loparite (minerais de Nb et REE) ; on y trouve également une carbonatite qui ne présente pas d’enrichissement en métaux rares particulier.

20

Figure I.10. Composition en REE des gisements associés aux carbonatites (a) et aux complexes alcalins (b), normalisés aux chondrites (McDonough and Sun, 1995). a) Les profils des carbonatites normalisés aux chondrites correspondent aux mines de Bayan Obo (Yang et al., 2011; Lai et al., 2012), Mianing deposits (Hou et al., 2006), Mountain Pass (Verplanck et al., 2016) et Mount Weld (Verplanck et al., 2016), ainsi que des gisements de Bear Lodge (Moore et al., 2015; Verplanck et al., 2016), Lofdal (Bodeving et al., 2017) et Kangankunde (Verplanck et al., 2016) ; b) Les profils de complexes alcalins normalisés aux chondrites correspondent à Lovozero et Khibiny (Arzamastsev et al., 2001, 2008), Thor Lake (Sheard, 2010) et d’Ilimaussaq (Bailey et al., 2001; Sørensen et al., 2006).

Le profil de ces complexes normalisés aux chondrites (Fig.I.10b) indique un enrichissement en HREE qui se traduit par un fractionnement beaucoup moins prononcé entre les LREE et les HREE, en comparaison aux carbonatites (Fig.I.10a). L’enrichissement en REE peut également varier fortement au sein même d’un gisement, ce qui peut soit être dû aux processus de formation des gisements, soit au caractère cumulatif de certains niveaux de ces complexes lités.

21

Tous les autres complexes alcalins, tels que ceux de Norra Kärr (Suède) et de Red Wine Mountains (Canada), sont en cours d’exploration (Dostal, 2016). Dans tous ces complexes, les REE sont principalement contenus dans la steenstrupine et l’eudialyte. L’extraction des REE dans ces minéraux se révèle très difficile à cause de leur structure cristalline très complexe (Chakhmouradian and Wall, 2012; Dostal, 2016).

Le deuxième type de magma alcalin qui peut constituer des gisements à métaux rares correspond aux granites peralcalins. Ces granites formés dans les mêmes contextes géodynamiques, ne présentent pas de structure litée, mais plutôt des niveaux pegmatitiques contenant la minéralisation en REE (Dostal, 2016). Le granite peralcalin le plus connu est celui de Strange Lake au Canada (Dostal, 2016; Vasyukova and Williams-Jones, 2019a, 2019b) et est actuellement en cours d’exploration.