centralisation, décentralisation et semi-décentralisation. En revanche, l’on peut douter
fortement de l’interprétation faite des propos d’A. de LAUBADERE, J. C. VENEZIA et Y.
GAUDEMET qui constatent que « dans les rapports, entre l’État et les collectivités ou
établissements décentralisés, en particulier, on rencontre des éléments qui ressortissent au
pouvoir hiérarchique. Et plus généralement les techniques mises en œuvre (approbation,
suspension, annulation, réformation, substitution…) qui caractérisent les schémas de
354 A. S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, thèse, Dalloz, 2011, 692 p., p. 469
355 D. de BECHILLON, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’État, Economica, coll. Droit public positif, 1996, p. 40
déconcentration, ne sont pas inconnues de la décentralisation »
357. D’une part, il faut préciser
à ce stade de quelle décentralisation administrative l'on parle : est-ce la décentralisation
territoriale ou la décentralisation fonctionnelle ? Au vu du vocabulaire employé, on se
rapproche plutôt de la seule décentralisation fonctionnelle. Ainsi, les professeurs de droit
administratif cités font référence à la relation entre l’État et les autres structures infra-étatiques
et non pas à la relation que peuvent entretenir des collectivités entre-elles. Dès lors, cela fragilise
initialement la comparaison proposée.
D'autre part et principalement, il est difficile de suivre l’auteur dans sa perception du
principe des blocs de compétences. Elle affirme qu’« une logique pyramidale peut caractériser
les relations entre les collectivités territoriales en considération de leurs fonctions
respectives »
358. Une confusion s’opère entre les compétences dévolues à chaque structure
territoriale et l’exercice de ces compétences qui peut provoquer un chevauchement. L’image
que l’on pourrait retenir est plutôt celle d’un segment (la répartition des compétences) que l’on
tronçonne de la meilleure façon possible entre les différentes collectivités. Il n’y a pas donc pas
de hiérarchie entre les collectivités territoriales dans le droit de la décentralisation territoriale.
On ne nie pas qu’elle puisse exister dans le concept de la décentralisation mais, en droit français,
le principe retenu est celui de l’absence de hiérarchie entre ces collectivités
359. Il se traduit
juridiquement par le principe de non-tutelle.
Le groupement de collectivités territoriales exprime à sa manière pleinement ce principe
de non-tutelle. A côté des collectivités territoriales, ceux-ci peuvent être le support de la
fonction de chef de file. Dans ce cas de figure, tous les collectivités appartiennent à une structure
qui est le chef de file pour une action commune. Or on ne peut dire que le groupement a une
quelconque autorité sur ses membres puisque son existence repose sur la mise en commun des
compétences et la participation de chaque collectivité à l'organe délibérant du groupement.
Il ressort que c’est moins la fonction de chef de file qui pose problème que l’entorse
faite au principe des blocs de compétences. Ce dernier a pour conséquence le développement
du principe de non tutelle entre les différentes collectivités territoriales. Le groupement ne se
voit pas véritablement appliquer ces principes, relevant avant tout de la décentralisation
territoriale. Cela confirme particulièrement notre hypothèse que la décentralisation
fonctionnelle est en arrière-plan de la réforme de 2003. L’extension au groupement de la notion
de chef de file élargit toutefois les structures susceptibles d’être concernées par cette notion
constitutionnelle.
357 A. de LAUBADERE, J. C. VENEZIA, Y. GAUDEMET, Traité de droit administratif, tome 1 « Droit administratif général », 15ème édition, LGDJ, 1999, p. 127
358 A. S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, op. cit., 474
359 Nous aurons l’occasion d’analyser ultérieurement les raisons de ce choix de l’égalité formelle entre les collectivités territoriales.
B. Les groupements « chefs de file » : un éventail plus large que celui des
groupements expérimentateurs
Le groupement de collectivités territoriales est particulièrement marqué par le caractère
fonctionnel du rôle de chef de file. Cette nature fonctionnelle, bien établie, ne nous a pas permis
de déterminer les structures susceptibles d’être concernées par le dispositif de chef de file. C’est
ce que reproche d’ailleurs M. HOUSER à la notion de groupement. Il estime que « le terme
« groupements » manque de consistance pour élaborer un statut constitutionnel propre à
l’EPCI »
360. Ce constat d’insuffisance du terme « groupements » nous incite à réfléchir sur les
différents enjeux constitutionnels qui ont conduit à insérer cette notion dans la norme
fondamentale. Malgré le foisonnement des structures recouvertes par ce terme qui donne
l’impression d’une notion trop large, nous avons pu écarter, grâce à la méthode du faisceau
d’indices, plusieurs types de groupements de collectivités territoriales dans le cadre
constitutionnel de l’expérimentation. A contrario et par rapport à ce dernier procédé, la fonction
de chef de file est beaucoup moins restrictive car aucune structure locale ne semble être écartée
par le Constituant. Il est vrai que l’on peut opposer qu’aucune loi organique n’est intervenue
pour préciser cet alinéa de la Constitution
361. Les travaux préparatoires de la loi organique
relative à l’expérimentation nous fournissent néanmoins l’occasion de mettre en exergue un
désaccord profond entre le Sénat et l’Assemblée nationale au sujet des groupements de
collectivités territoriales. Pourtant, la procédure suivie pour l’adoption de cette loi ne laisse
aucunement présager cette controverse juridique puisque la loi organique a été adoptée dans les
mêmes termes par les deux assemblées parlementaires. De plus, la loi relative à
l’expérimentation ne semble pas avoir de rapport direct avec la notion de chef de file. Quelle
est l'origine de cette controverse entre les deux assemblées ?
Ce désaccord, paraissant minime a priori, concerne la notion de groupements du point
de vue constitutionnel. Le rapporteur G. LONGUET exprime, en effet, une critique assez vive
à l’interprétation donnée par M. PIRON au sujet de l’expérimentation. Ce dernier indique
qu’« il n’est pas envisageable de penser qu’une même expérimentation pourrait être conduite,
par exemple, par un département et une commune, puisque l’expérimentation est une
dérogation à la loi régissant une compétence donnée. Or il paraît exclu, compte tenu du
principe de répartition par blocs de compétences entre collectivités qu’une même compétence
soit exercée à différents niveaux »
362. On a démontré que cette définition écartait les syndicats
mixtes regroupant des collectivités territoriales de niveaux différents. C’était là le fondement
360 M. HOUSER, op. cit., p.191
361 La loi du 13 août 2004 fait une application de cette notion sans en préciser le contenu.