difficultés marginales dans leur reconnaissance par l’État
157, il en va différemment des
groupements qualifiés de public. En effet, l’organisation même de l’État va nécessiter
l’utilisation de la personnalité juridique à côté d’autres techniques d’organisation. Cette
personnalité est l’un des critères pour qualifier les collectivités territoriales et les établissements
publics. Elle participe aussi à la différenciation des processus de décentralisation ou de
déconcentration. Or les normes relatives à l’organisation de l’État se situent sur le plan législatif
mais également, et prioritairement, sur le plan constitutionnel. La Constitution du 4 octobre
1958 mentionne toutefois les groupements mais rien ne permet de présumer de l’octroi de la
personnalité juridique. Cependant, on peut le supposer car les articles mentionnant le
groupement font toujours référence à une collectivité territoriale ou un de leurs groupements.
De cette manière, le « ou » induit une équivalence entre la collectivité et le groupement. Elle se
traduit logiquement par la présence de la personnalité juridique pour la première entité et, par
voie de conséquence pour la seconde. Ainsi, le groupement implique la personnalité juridique.
En s’interrogeant maintenant sur les conférences et ententes intercommunales et la
commission syndicale des biens indivis, dispositions existant encore dans notre législation, on
s’aperçoit que ces premiers instruments rudimentaires de coopération se sont forgés à partir de
la confusion de deux problèmes d’organisation nationale et locale des personnes morales de
droit public. Cette confusion se poursuit notamment sur l’utilisation du vocabulaire et le régime
juridique défini par le législateur ou le pouvoir exécutif.
D’une part, une confusion peut être soulignée sur le terme « entente ». Si l’entente
intercommunale ne bénéficie pas de la personnalité juridique, il n’en va pas de même pour les
ententes interdépartementales et interrégionales. L’imbrication des législations successives y a
fortement contribuée et ne facilite pas la compréhension du paysage institutionnel des
groupements de collectivités territoriales. La loi du 10 août 1871 a introduit les ententes
157 L’intervention du législateur se cantonne davantage à interdire l’attribution de la personnalité civile à des groupements privés qu’à l’autoriser. Ainsi, la Cour de cassation souligne dans son arrêt du 28 janvier 1954 que
« la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés », Cass., 2e sect. civ., 28 janvier 1954, Comité d'établissement de Saint-Chamond c/ Ray, n°540708
interdépartementales sans leur octroyer la personnalité civile. Le décret-loi du 5 novembre 1926
n’a pas modifié ce régime mais a ajouté les syndicats interdépartementaux, sur le modèle des
syndicats intercommunaux. En revanche, la loi du 9 janvier 1930, même si elle se veut une loi
« d’amodiation » a donné la personnalité civile et l’autonomie financière aux « ententes et
institutions interdépartementales » en s’appliquant aux trois articles de la loi de 1871 tout en
abrogeant les dispositions relatives aux syndicats interdépartementaux. La codification de ces
textes en 1996 a considérablement modifié la portée de ces textes. En effet, en remplaçant
l’article 91 de la loi de 1871 par l’article complémentaire prévu par la loi du 9 janvier 1930, il
a fait disparaître une disposition intéressant le contrôle préfectoral sur l’organisation de ces
conférences ou ententes. De ce contresens découle deux conséquences préjudiciables : la
première est d’ôter la personnalité juridique aux ententes et conférences interdépartementales
et la seconde est de couper le lien entre ces coopérations et la personnalité civile. L’attribution
aux organismes et institutions interdépartementales du statut d’établissement public est, à cet
égard, éloquente puisqu’il contredit le texte de 1930. Les travaux parlementaires le démontrent
aisément. D’une part, la proposition de loi prévoyait, dans son alinéa 3, que « [les institutions
et les organismes] sont administrés conformément aux règles édictées pour la gestion des
établissements publics ». Après une discussion entre le rapporteur L. MEJEAN et le sénateur J.
CAILLAUX sur la notion d’établissement public
158, le texte final, intégré maintenant à l’alinéa
3 de l’article L. 5421-1 du CGCT est devenu « [les institutions et les organismes] sont
administrés conformément aux règles édictées pour la gestion départementale ». Il paraît alors
paradoxal d’introduire dans cet article le statut d’établissement public. D’autre part, l’abandon
du statut d’établissement public confirmé par l’abrogation des dispositions relatives aux
syndicats interdépartementaux, reposant sur le statut d’établissement public. Le décret-loi du 5
novembre 1926 n’avait fait que reprendre les dispositions relatives aux syndicats
intercommunaux pour les appliquer aux départements. Cette perte de la personnalité morale
pour les ententes interdépartementales aurait pu être acceptée si l’objectif avait été d’harmoniser
le vocabulaire. Or les ententes interrégionales, groupements de collectivités territoriales datant
de 1992, bénéficient, quant à elles, de la personnalité juridique ! Par un phénomène curieux, les
institutions d’utilité commune interrégionales ont subi le même sort que les ententes
interdépartementales. Dotées par la loi créant les régions en 1972 du statut d’établissement
public, ces institutions ont perdu lors de la codification réglementaire de 2000 leur personnalité
juridique au point que le glossaire relatif à la loi du 16 décembre 2010 les définit comme des
« groupements sans personnalité juridique ». C’est sans doute la raison pour laquelle ces
institutions n’ont pas été intégrées dans la liste législative. Néanmoins, il nous semble que
l’absence de statut relatif à ces institutions n’interdit pas la création de ce groupement par deux
ou plusieurs régions sous la forme qu’elles auraient elles-mêmes déterminées. On en déduit que
le critère de la personnalité juridique est insuffisant. En revanche, nous avons la confirmation
que la création d’un groupement doté de la personnalité morale de régions sur un fondement
associatif ou, plus largement, conventionnel n’intéresse pas l’État et, qu’il n’appartient pas,
pour cette raison, à la liste des groupements de collectivités territoriales.
En résumé, il s’avère que la personnalité juridique est nécessaire pour caractériser le
groupement de collectivités territoriales mais qu’elle ne suffit pas. L’intérêt de l’État doit être
pris en compte et ce critère ressort encore davantage en le confrontant à un autre organisme de
coopération de droit public, le groupement d’intérêt public.
B. Les groupements d’intérêt public
Le groupement d’intérêt public (GIP) n’a pas été non plus intégré dans la liste des
groupements de collectivités territoriales. Pourtant, ce groupement peut être composé
uniquement de collectivités territoriales. Les lois de 1982 et de 2011 le prévoient explicitement.
En effet, l’article 98 de la loi du 17 mai 2011, reprenant l’architecture de l’article 21 du 15
juillet 1982 relatif aux GIP du secteur de la recherche publique, dispose que « Le groupement
d’intérêt public est une personne morale de droit public dotée de l’autonomie administrative et
financière. Il est constitué par convention approuvée par l’État soit entre plusieurs personnes
morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes
morales de droit privé ». En raison de l’évolution de la législation relative à cette structure entre
1982 et 2011, celle-ci peut prétendre à la qualification de groupement de collectivités
territoriales.
A titre préliminaire, on doit préciser que la nature du GIP n’était pas clairement définie
jusqu’à l’adoption de la loi de 2011. Les interrogations légitimes de la doctrine ou du Conseil
d’État sur la nature publique ou privée se fondaient sur le régime juridique applicable et,
notamment, l’attrait de l’application des règles de droit privé. A cela s’ajoutait le rejet de
l’application du régime des établissements publics. Si l’on recherchait sa place dans la
taxinomie des structures juridiques, on pourrait le considérer comme une espèce différente de
l’établissement public dans la galaxie des structures de droit public, hypothèse développée par
le Conseil d’État. Le législateur s’est donc inspiré des travaux de ce dernier et a opté clairement
pour l’appartenance du GIP aux organismes de droit public. De ce fait, il remplit la première
condition nécessaire d’être une structure de droit public pour faire partie de la catégorie que
nous étudions.
Le rapprochement avec la notion de groupements de collectivités territoriales devient
encore plus évident en raison de l’utilisation du terme « groupement ». Sachant qu’il existe des
GIP regroupant exclusivement des collectivités territoriales, on peut se poser la question de
savoir pourquoi le GIP ne fait pas partie de la liste législative. Certes, la loi du 16 décembre
2010 est antérieure à la nouvelle définition du GIP. Le législateur aurait cependant pu intégrer
cette structure par la loi de 2011 et changer, de ce fait, la liste déjà évoquée. Ainsi, un certain
nombre de dispositions du corpus régissant les GIP ont modifié d’autres lois. Par exemple, le
régime de l’Institut de la décentralisation et des services publics, créé par la loi de 1992, sans
avoir d’ailleurs d’existence concrète, a été corrigé en fonction de ces nouvelles dispositions. Il
reste que le législateur a abordé cette question indirectement lors de l’élaboration de la loi du
17 mai 2011 et que le choix effectué semble juridiquement discutable eu égard à la récente
jurisprudence constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales.
Le législateur s’est, en effet, refusé à considérer le GIP comme un groupement de
collectivités territoriales. Il l’a inscrit dans la loi dans l’alinéa 3 de l’article 98 en posant
l’interdiction suivante : « Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas
constituer entre eux des groupements d'intérêt public pour exercer ensemble des activités qui
peuvent être confiées à l'un des organismes publics de coopération prévus à la cinquième partie
du code général des collectivités territoriales ». Cet alinéa n’a pas été adopté sans difficulté
puisque le Sénat a initialement rejeté ce texte afin de laisser libre les collectivités territoriales
dans les choix de leur coopération. La discussion de cet article en commission mixte paritaire
résume l’ambiguïté du texte et la place particulière du GIP. Ainsi, le rapporteur E. BLANC
indique « Le Sénat souhaite laisser les collectivités territoriales libres de choisir entre un GIP
et un EPCI pour accomplir en commun certaines missions. L'Assemblée nationale préfère
clarifier la situation ; sa rédaction me semble plus simple »
159.
Deux conséquences peuvent être déduites de cette interdiction à la lecture des travaux
parlementaires. D’une part, le groupement d’intérêt public n’appartient pas à la catégorie
législative des groupements de collectivités territoriales telle qu’elle est définie par la loi du 16
décembre 2010. Autrement dit, un objectif, déjà esquissé précédemment, apparaît comme
consubstantiel au groupement législatif des collectivités territoriales, c’est celui de
rationalisation de l’organisation administrative de l’État français. Il y a donc une séparation
nette entre les organismes publics de coopération locale et les autres groupements de droit
public. On voit que la nature publique du groupement de collectivités territoriales est une
condition nécessaire mais pas suffisante pour caractériser cette structure.
D’autre part et principalement, il y a une remise en cause de la libre administration des
Dans le document
La notion constitutionnelle de groupements de collectivités territoriales
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