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Intégrer Internet dans un enseignement de langue : selon quelles modalités ?

5. Modélisation linguistique

5.2.1. Paramètres situationnels

Costanzo (1995, p. 112) par exemple, parle de "la complexité de la communication qui, dans tout échange, est conditionnée par les facteurs suivants :

• caractéristiques des participants à l'échange (âge, sexe, ...) ;

• relations de groupe entre ces participants ;

• rapports sociaux ;

• rapports affectifs ;

• intentions de communication ;

• cadre physique (lieu, moment, durée, ...) ;

• thème de l'échange."

Les auteurs du Niveau Seuil (Coste et al., 1976, p. 88) donnent quant à eux comme paramètres :

• le canal,

• "l'ordre" de l'acte de parole (par exemple quand on donne à quelqu'un la permission de partir avant ou après qu'il ait sollicité cette permission),

• le contexte syntaxique (on répond différemment à Est-ce que je peux sortir, ou à Je voudrais sortir),

• le statut des interlocuteurs dans la situation,

• le référent de l'acte de parole ("on ne demande pas de la même manière de nous passer le sel, de nous prêter la voiture ou de nous laisser tranquille").

"Il y aurait sans doute bien d'autres paramètres à isoler", notent-ils (p. 88), "par exemple le fait de devoir se faire entendre dans le bruit, ou au contraire de chuchoter pour que les voisins ne s'aperçoivent pas qu'on parle, impose des restrictions formelles différentes sur le choix des énoncés".

Selon Moirand (1982, p. 14), décrire une situation de communication revient à se demander : "Qui1 parle ? A qui2 ? Qui communique ? En présence de qui ? A

propos de quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pour quoi faire ? Quelles sont les relations entre qui1 et qui2 ? Entre qui1 et quoi , qui2 et quoi ? (...)"

Pour Taleb (1996, p. 116) dans le cadre du dialogue homme-machine cette fois, ces paramètres situationnels forment le "contexte", "les informations non- linguistiques dont l'analyste a besoin pour interpréter et comprendre les énoncés." "Il peut s'agir :

• du lieu d'énonciation ;

• de l'identité du locuteur ;

• de son état mental (stress) ;

• de ses intentions ;

• de sa tâche ;

• des compétences du locuteur (novice ou expert) ;

• de la position du locuteur par rapport à ses propres productions ;

• de la relation avec l'interlocuteur (place ou rôle de chacun) ;

• du cadre dans lequel ils conversent ;

• de l'environnement physique appelé "environnement immédiat observable" ;

• des connaissances du monde appelé "mémoire à long terme" ;

• "des connaissances encyclopédiques, etc."

Elle note "la difficulté de faire le tour de toutes ces connaissances extralinguistiques".

Huot et Lelouche (1991, p. 8) présentent le tableau de paramètres situationnels de Preston (1986, p. 34-35), qui met en correspondance cinquante paramètres (âge, rôles, lieu, canal, etc.) avec les auteurs concernés en fonction des paramètres qu'ils ont chacun sélectionnés : ils ont tous des inventaires différents (Cassidy 1972, Ervin-Tripp 1964, Gregory 1967, Halliday 1978a, Hymes 1972, Sherzer et Darnell 1972, Stewart 1968).

Dans le cadre d'une modélisation informatique, les choix peuvent là encore être divers (c.f. ci-dessous, 7.1. Systèmes existants, 7.2.1. ELEONORE, 7.2.2. PILEFACE). Le système décrit au chapitre 4 utilise des paramètres liés aux caractéristiques du locuteur, de l'interlocuteur et du référent.

On note, parmi les paramètres proposés, la présence de l'intention de communication. Ce paramètre semble devoir revêtir un statut particulier.

5.2.2. Intention

C'est en effet d'intention dont il s'agit lorsque Kerbrat-Orecchioni, laissant de côté les classifications et les inventaires d'actes de langage, retient le principe selon lequel "tout énoncé est illocutoirement marqué" (Kerbrat, 1980, p. 186), et note "la spécificité des valeurs illocutoires par rapport aux contenus informationnels" Elle affirme ainsi que "tout énoncé quel qu'il soit peut être considéré comme comportant, outre son contenu propositionnel (correspondant à ce qui est dit), un marqueur illocutoire, qui peut être complexe, et doit spécifier le statut

pragmatique de l'énoncé (ce à quoi vise le dire : obtenir tel type de comportement- réponse, mais aussi, par exemple, l'adhésion du destinataire aux contenus assertés)". (Kerbrat, 1980, p. 188).

Pour Gardiner (1989), c'est bien l'intention du locuteur qui fait d'une suite de mots une "phrase". Selon lui, "la qualité phrastique, ce caractère de la phrase qui révèle l'intention spécifique du locuteur, n'est en effet rien d'autre que l'indication linguistique des relations particulières unissant les facteurs du discours qui constituent la situation présente de l'énoncé, et c'est à l'auditeur de déduire la façon dont le locuteur a voulu concevoir ces relations." (Gardiner, 1989, p. 171). Le locuteur choisit de parler, il choisit la manière d'influencer l'auditeur, il sélectionne les "choses" auxquelles il fait référence, il élabore la forme pour les présenter.

Pour Wilkins encore (1974, p. 120, cité par Besse et Galisson, 1980, p. 92), "l'intention du locuteur est un facteur beaucoup plus important" que le contexte situationnel, "et ce n'est que rarement qu'elle [en] découle".

Portine (1996) de même, note que "la signification n'est pas que le produit d'une interaction entre réseau(x) d'oppositions et contextes d'emploi, elle suppose aussi un objectif du locuteur et une action dirigée vers un objectif".

"Les faits linguistiques apparaissent au service d'intentions communicatives" dit encore Hickel (Hickel, 1991, p. 141).

On retrouve cette notion d'intention dans le cadre "actionnel" proposé par Ozkan (1994, cité par Taleb, 1996, p. 42) : "Elle envisage la communication dans un cadre actionnel, "c'est-à-dire en tant que processus dynamique, relevant d'effets visés et d'effets produits, contraint par les relations sociales qui lient les interlocuteurs, et engendrant, au fur et à mesure de son déroulement, un univers commun aux interlocuteurs.""

L'intention est encore un élément déterminant avec la "reconnaissance des plans" : "Des chercheurs, s'inspirant des travaux de Cohen32, Perrault, Allen33, conçoivent le dialogue comme un mécanisme de planification [Siroux J., Guilloux M., Guyomard M., Sorin C., 1989] : "les participants d'un dialogue produisent des énoncés qui sont des éléments d'un plan d'action conçu en fonction d'un objectif à atteindre. Ces actions sont capables de modifier les connaissances, les croyances et les buts d'un auditeur" (Taleb, 1996, p. 22).

Intention de communication et acte de langage (c.f. ci-dessous, 5.3.1. Actes de langage) semblent donc indissociables ; savoir s'ils sont ou non confondus est difficile à établir. Ainsi, Moirand (1990, p. 83) elle-même parle tantôt d'intention sous-jacente à l'acte de langage, les deux étant donc distincts - "s'il y a toujours acte de parole dès que l'on prend la parole, il n'y a pas toujours de trace formelle qui rende compte de l'intention sous-jacente : celle-ci peut découler de la seule situation, ou de l'intonation ou du contexte, l'entourage linguistique de l'énoncé." - , et tantôt d'acte de parole sous-jacent à l'énoncé - des "actes de parole sous- jacents aux énoncés produits (l'intention de communication du locuteur)" - acte et intention apparaissant comme confondus.

32 Cohen, 1992

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