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Intégrer Internet dans un enseignement de langue : selon quelles modalités ?

7. Systèmes existants

7.2.2.1. Modélisation dans PILEFACE

Huot et Lelouche (1991, p. 4) présentent ainsi leur démarche :

• "Il s'agira ainsi, pour désigner et structurer les variables, de récolter les données explicites relatives à ces variables et de tenir compte, notamment, des travaux sur la variation linguistique".

• "Dans une deuxième étape, il s'agit d'associer ces variables entre elles par la formulation d'un certain nombre de règles. Chaque association entre deux ou plusieurs variables se manifeste alors dans la situation par la présence d'une ou plusieurs règles. Par exemple, si le "lieu physique" (un bar, une salle de classe) et le "degré de familiarité" (familier, distant, protocolaire) devaient figurer dans la liste des variables retenues, des règles les associeraient entre elles. Une telle règle serait par exemple, "on peut parfois être plus familier dans un bar". De même, des règles comportant d'autres variables ressembleraient à "un professeur est supérieur à un étudiant" ou "il faut être respectueux quand on s'adresse à un supérieur".

Les auteurs notent d'ailleurs, en raison de la complexité de la tâche : "il est possible que l'étude de ces règles nous amène à réviser la structuration des variables." (Huot et Lelouche, 1993, p. 4).

• L'étape suivante est la hiérarchisation des règles. "En effet, ces règles peuvent être partiellement en conflit les unes avec les autres, et il est nécessaire de déterminer alors laquelle (ou lesquelles) devra avoir préséance sur les autres. C'est le cas, par exemple, des règles "un bar permet d'être familier" et "il faut être respectueux quand on s'adresse à un supérieur", pour lesquelles une certaine hiérarchie permettrait de savoir quelle règle s'applique lorsqu'il s'agit de s'adresser à un supérieur dans un bar." (Huot et Lelouche, 1993, p. 5).

Il arrive que "la préséance d'une règle sur l'autre" soit subordonnée à certaines conditions, associant alors un champ d'application à la règle.

• La hiérarchisation peut concerner également les variables : "Par exemple, si la règle demandant à un étudiant d'être respectueux envers un professeur l'emporte sur celle qui lui permet d'être familier dans un bar, on pourra peut-

être en déduire que les variables concernant le statut social de l'interlocuteur sont plus déterminantes que celles concernant le lieu physique." (p. 5).

Les connaissances générales impliquées concernent le lieu (continent, pays, région, ville, type de bâtiment, type de pièce), le temps (année, période de l'année, jour, moment de la journée), les individus (nom, prénom, âge, sexe, statut social,), leurs comportements (signification de la poignée de main par exemple), leur rôle (relations familiales / professionnelles, relations affectives, relations psychologiques (timidité, humour, etc.) (Lelouche, 1994, p. 13).

Les paramètres situationnels retenus sont (Lelouche, 1992, p. 34) :

"the degree of mutual acquaintance"

"the degree of freedom"

"the relative social level of the speaker"

"the degree of intensity of the exchange" ("the speaker would rather not communicate, but is forced to by circumstances" / "the intention to communicate corresponds to usual practice, but is not personalized" / "the intention to communicate is positively personalized") (p. 35)

"locutor's psychological state" (Lelouche, 1994, p. 17).

L'auteur définit également un registre d'échange : "We thus define an arbitrary border, called the exchange style, as a compulsory intermediate step of the system cognitive process." (Lelouche, 1992, p. 33).

Ce registre est composé de cinq variables (Lelouche, 1994, p. 14) :

"the exchange style level" (poli, respectueux, ou familier)

"the personalization index" (impersonnel, nominatif, affectueux, et/ou intime).

"the realization tonality" (sérieux, désinvolte, et/ou incongru)

"the realization insistance (marqué, normal, et/ou atténué)

"the retained addressing style ("tu" / "vous")

Lelouche et Huot donnent l'exemple suivant "tiré d'un système partiel implanté de façon exploratoire" (Huot et Lelouche, 1991, p. 5) :

"Le degré de personnalisation de l'échange et l'utilisation de mots affectifs, du prénom ou du nom dans les réalisations linguistiques impliquent que le locuteur (ici l'ordinateur en mode génération) observe des règles comme les suivantes :

si le degré de connaissance mutuelle est aucune connaissance ou simple

connaissance, alors l'indice de personnalisation peut être impersonnel.

si le degré de connaissance mutuelle est simple connaissance, et si le rapport de forces social est différent de inférieur, avec un degré de liberté de l'échange autre que formel, alors l'indice de personnalisation peut être nominatif.

si le degré de connaissance mutuelle est camaraderie, alors l'indice de personnalisation peut être nominatif,

si le degré de connaissance mutuelle est camaraderie, et si le degré de liberté de l'échange est décontracté, alors l'indice de personnalisation peut être affectif.

si le degré de connaissance mutuelle est camaraderie, si le degré de liberté de l'échange est neutre, et si le rapport de forces social est différent de supérieur, alors l'indice de personnalisation peut être affectif."

• typological rules : "an office is a working place",

• situational rules : "a working place is a formal place",

• socio-cultural rules : "there exists a repulsion between X and Y",

• relational rules : belle-mère, etc.,

• behavioral rules (personnalité) : quelle priorité on donne à telle et telle chose,

• language rules.

Les auteurs visent donc une systématisation générale, et utilisent des variables éventuellement applicables dans d'autres langues. La définition d'un "style d'échange" notamment, permet d'envisager séparément les aspects pragmatiques des caractéristiques propres à une langue spécifique.

Malgré cela, un modèle de ce type, tout comme celui de Renié (1995), semble bien exploitable dans la perspective d'une application informatique visant à combiner les possibilités d'Internet et une approche pragmatique de la langue, dans le cadre d'un enseignement communicatif, et selon les principes dégagés ici jusqu'à présent.

Ces principes sont paradoxalement peu exploités par les applications actuellement disponibles sur Internet. Ainsi, si les logiciels, dans leur majorité on l'a vu, laissent peu de place à la pragmatique, et sont souvent peu adaptés à un enseignement qui privilégie la mise en situation, on peut formuler les mêmes critiques à l'égard d'Internet. Les modules destinés à un apprentissage linguistique y sont pour la plupart de forme classique, tests de closure ou QCM.

7.3. Mise en œuvre actuelle sur Internet

Les applications actuellement disponibles sur Internet pour l'apprentissage des langues utilisent le réseau, pour la plupart, comme un support pour la transposition d'un cours traditionnel.

S'il est vrai, comme l'indique Ellis (1995), qu'Internet doit être considéré comme un outil parmi d'autres, et ne peut se substituer au contenu lui-même, il est vrai aussi que les spécificités de l'outil doivent être prise en compte. Une chose est de transmettre un enseignement par un nouveau canal, une autre est de repenser l'enseignement en fonction des nouvelles possibilités offertes. La particularité d'Internet est en effet la capacité à n'être plus seulement auxiliaire, mais à la fois outil de diffusion, d'accès et de conception, même si celle-ci requiert toujours le même soin dans le cadre pédagogique.

Les applications mises à disposition actuellement sur Internet dans le domaine de l'enseignement/apprentissage des langues sont donc, malgré cette spécificité, surtout des test de closure ou des QCM, des dictionnaires, lexiques ou des cours magistraux, apportant par là peu d'innovations par rapport aux logiciels déjà disponibles.

Un inventaire relativement complet pour le français langue étrangère est disponible à l'adresse : http://www.swarthmore.edu/Humanities/clicnet/fle.html. Des exemples divers sont fournis en annexe (c.f. Annexes, 15-) - ressources phonétiques, dictionnaires et lexiques, grammaire, orthographe, vocabulaire, exercices à effectuer à distance -, tous de forme classique en effet.

Il serait faux cependant de prétendre qu'aucun site ne tente d'exploiter pleinement les possibilités spécifiques d'Internet.

Ainsi, http://www.has.vcu.edu/fln/faculty/smoore/intro.html, The WWW

Notebook for Teachers of French (Sonja Moore, USA: Virginia Commonwealth University), propose des questions de compréhension sur des documents issus de serveurs web divers, pour l'apprentissage du français. Les réponses peuvent être envoyées par formulaire électronique,

http://www.lamc.utexas.edu/fr/home.html, First Year French @at Austin (USA),

fonctionne selon le même principe,

http://pages.infinit.net/@@KcdsfxcA*UIrPrKQ/jaser2/, Exercices de français de

Réal Saint-Jacques (Canada) ; ce site manifeste une volonté de créer des activités plus variées et interactives.

Des aspects ludiques sont parfois mis en oeuvre :

http://titania.cobuild.collins.co.uk/, Collins Cobuild, propose un jeu de

définitions, pour l'apprentissage de l'anglais,

http://193.190.97.21:80/franca/fram001.htm, Jeux de langue (Site officiel de la

Communauté française de Belgique) aborde les aspects ludiques, mais sous forme d'inventaire et non sous forme de jeux à effectuer à distance,

http://pages.infinit.net/@@XVEFlRcA*UKJJJ3j/gulliver/, Machines 1 et 2

(Cadavres exquis et Générateur poétique) de Gina Bernier (Canada), illustrent aussi cette approche plus ludique de la langue.

Certains sites enfin, adoptent la technique de mise en situation ou de simulation, et semble en ce sens sur la voie d'une réelle intégration des spécificités d'Internet :

http://www.ambafrance.org/ALF/, Say it in French (Ambassade de France à

Ottawa), se présente sous la forme d'une mission à accomplir, à travers l'audition de messages et la réalisation de tâches diverses. Des sites web en rapport sont indiqués au fur et à mesure,

http://www.mygale.org/00/moncade/, "Activités inspirées de l'Immeuble de

Francis Debyser (Debyser et Yaiche, 1986) (Collège Moncade, France)", simule un immeuble, animé par les contributions électroniques de chaque "habitant". La rentabilité d'une application mise à disposition sur Internet est certainement à prendre en compte quand on examine des inventaires de ressources. En effet, étant donné les difficultés de facturation liées à la mise en service sur Internet, on comprend que la priorité ne soit pas donnée à des projets de grande envergure intégrant cet outil.

Au-delà du constat de difficultés dans la concrétisation de l'approche communicative en classe, de l'insuffisance des manuels, mais aussi des logiciels, et enfin du champ laissé libre encore sur Internet dans le domaine de la mise en situation pour l'apprentissage d'une langue, c'est maintenant un cahier des charges pour une application que l'on peut proposer - à la croisée des exigences d'un enseignement communicatif et des possibilités des nouveaux outils - et mettre en

oeuvre, au sein d'une simulation ludique et collaborative mettant en scène une grammaire pragmatique partielle.

Le chapitre 4 présente la configuration type pour un logiciel répondant à ces critères, et le système au sein duquel ils ont été appliqués : PARLE Français, Enquête Collaborative et Ludique pour l'Apprentissage d'éléments de Pragmatique en Français.

CHAPITRE 4