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3. Application des possibilités d'Internet en classe

3.1.2. Apprentissage collaboratif

Guihot (1995b) reprend la conception de Doyon et Ouellet, selon laquelle "l'apprentissage coopératif est une organisation de l'enseignement qui met à contribution le soutien et l'entraide des élèves grâce à la création de petits groupes hétérogènes travaillant selon des procédés établis et assurant la participation de tous à la réalisation d'une tâche". D'après Guihot (1995b), Freinet (1994), Doyon et Ouellet sont les précurseurs de cette approche.

La communication électronique doit donc elle-même être replacée dans ce contexte : "Computer networking attempts to build on earlier collaborative learning models, including cooperative and task-based learning, peer editing/review, and cross-cultural exchanges" (Warschauer et al., 1994, p. 12). Renié cite (1995, p. 181), à propos d'apprentissage collaboratif, la classification de Deutsch (1949) qui distingue "trois catégories de situations dans lesquelles les élèves peuvent interagir dans les tâches d'apprentissage :

- l'apprentissage "coopératif" (ou collaboratif) : les élèves cherchent des résultats qui sont bénéfiques à tous les membres du sous-groupe.

- l'apprentissage compétitif : un élève peut réaliser son but seulement si les autres ne réalisent pas le leur.

- l'apprentissage individualiste : il n'y a pas de relation entre les buts des différents élèves ; chacun est préoccupé de son propre objectif et ne se préoccupe pas de celui des autres."

Elle considère la première solution comme "largement avantageuse, car favorable à l'ensemble des élèves" (p. 181). Dans l'application décrite au chapitre 4, ce sont les aspects compétition et coopération que l'on tente de mettre en oeuvre.

3.1.2.1.Evaluer l'apprentissage collaboratif

Si les configurations collaboratives semblent être les plus propices à l'intégration des technologies nouvelles, on doit alors envisager leur évaluation.

Pour Warschauer et al. (1994), la valeur de l'apprentissage collaboratif est reconnue par Paolo Freire dès 1970 (Freire, 1974). Renié, dans le même sens, fait référence à Vygotsky et Piaget : "Selon Vygotsky (1978) la collaboration entre les enfants favorise leur développement puisque l'on constate que leurs comportements sont plus avancés en groupe qu'individuellement. La notion de zone proximale de développement (zone qui s'étend du développement potentiel

au développement effectif) fait apparaître la collaboration comme nécessaire à tout développement cognitif et comme plus particulièrement favorable dans certaines situations d'interaction. Selon Piaget, l'interaction entre les participants d'une tâche d'apprentissage est bénéfique car elle suscite des conflits cognitifs qui mettent à jour les erreurs de raisonnement. De nombreux Piagetiens sont favorables à une plus forte intégration d'activités collaboratives dans les écoles (Slavin, 1983)." (Renié, 1995, p. 182).

Renié précise cependant (p. 182) que les "tentatives d'évaluation de l'apprentissage collaboratif et les tâches observées en laboratoire sont en général courtes et artificielles et ne reflètent pas les travaux effectivement réalisés à l'école17. Elles ne permettent pas réellement d'évaluer l'utilité de l'apprentissage collaboratif. Chercheurs et enseignants arguent d'ailleurs que d'un point de vue théorique les effets de l'apprentissage collaboratif n'ont pas été clairement spécifiés".

Elle cite cependant les critiques suivantes :

"Les détracteurs de ce type d'apprentissage notent (...) que si la différence de capacités cognitives entre les deux interactants est trop ou pas assez marquée, la collaboration peut être sans effet ou même nuisible au processus d'apprentissage, et que d'autre part travailler à plusieurs devient relativement difficile pour les apprenants de niveaux supérieurs (surtout s'ils n'y sont pas habitués). Miyake (1986) a constaté pour sa part que même lorsqu'une solution est atteinte par une paire d'apprenants, il se peut que chaque apprenant intériorise une solution différente (cité par Renié, 1995, p. 182).

et certains avantages :

"On remarque en sa faveur que les apprenants sont plus actifs à réparer leurs erreurs en travaux de groupe, qu'ils font rarement des fautes dans leurs corrections mutuelles et incorporent peu les erreurs faites par les interlocuteurs, que leur discours offre plus d'occasions de négociation du sens et d'autoréparation." (p. 182)

Certaines conditions doivent être remplies cependant pour qu'il y ait apprentissage, comme le recours à la "reformulation" plutôt qu'à "l'explication ou définition", un "objectif/enjeu commun aux deux locuteurs", la "sollicitation de l'autre", la "conscience des éventuels obstacles", la "proximité des niveaux de discours des interactants (cas où ce sont deux apprenants)", la "présence d'un contrat didactique" (elle se situe dans le cadre d'un apprentissage de langue étrangère) (p. 183).

Ces critères sont donc à considérer lors de la création d'une application : dans celle décrite au chapitre 4, on a effectivement tenté d'inclure un enjeu commun et la possibilité de solliciter l'autre, de ne pas recourir à l'explication et de permettre des reformulations suite à la prise de conscience des obstacles. L'explication de l'absence de recours des apprenantes à la fonction collaborative lors de

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l'expérimentation, décrite elle aussi au chapitre 4, est peut-être, dans cette optique, à chercher dans la disparité de leur niveau de français.

Ce parti pris pour un apprentissage ouvert et collaboratif va de pair avec une conception constructiviste de l'apprentissage.

3.1.3. Constructivisme

Toujours dans l'optique de confronter les caractéristiques des outils d'une part, et les caractéristiques de l'enseignement de l'autre, en vue d'une intégration, le cadre constructiviste est donc à prendre en compte.

A ce propos, Jones et Mercer (1993) distinguent deux conceptions : d'un côté le behaviorisme représenté par Skinner (1938), de l'autre le constructivisme, dans la lignée de Piaget.

Le premier considère le comportement comme une suite de manifestations distinctes et figées, observables et mesurables, l'apprentissage consistant au contraire pour l'autre en une interprétation active d'expériences : "Children construct their knowledge and understanding of the world - their own version of the knowledge and understanding of their culture (...) - not just through direct personal experience and discovery, but also through the intellectual sharing and support of those around them." (Mercer, 1993, p. 35).

Jones et Mercer notent que l'optique de Piaget aussi bien que celle de Papert (1980), représentative selon eux des courants constructivistes, restent des théories individuelles d'apprentissage. Dans le cadre de la théorisation d'un apprentissage collaboratif, les théories communicatives leur semblent plus appropriées, et notamment celle de Vygotsky (on a vu ci-dessus que Renié l'invoque également), qui prend en compte les interactions avec le contexte social. "Situated learning" dit Warschauer (1995). Dans cette optique, les représentations communes sont acquises lors d'activités sociales, à travers différents outils et pratiques culturelles, dont le langage.

Si l'attitude pédagogique recherchée comme la plus à même d'être le cadre d'intégration des technologies nouvelles s'interprète donc à travers des théories d'apprentissage élaborées de longue date, sa mise en pratique remonte à loin également.