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Chapitre I : Bibliographie

I.4 Facteurs influençant la CSC-I

I.4.2 Paramètres mécaniques

I.4.2.1Contrainte

La contrainte joue évidemment un rôle majeur dans la CSC-I. La majorité des essais en iode vapeur consistent en du fluage par pressurisation interne de tubes. Les courbes contraintes appliquées en fonction du temps à rupture pour ces essais ont une forme sigmoïdale avec présence d’un palier pour les temps longs qui définit une contrainte seuil, observée notamment par (Busby 1975) ou (Brunisholz 1987). Une telle forme est illustrée par les résultats de Jones pour des tubes en Zircaloy-2 à deux températures sur la Figure I.19 (Jones 1980). Lors de sa revue bibliographique, Une a mis en évidence que le rapport entre contrainte seuil (pour des essais de durées inférieures à 20h) et limite élastique dépendait linéairement de la limite d’élasticité du matériau dans les conditions d’études (Figure I.20) (Une 1984). Cette relation apparait valable pour des alliages détendus ou recristallisés, irradiés ou non. Les données de cette référence montrent l’existence d’un seuil proche de 250 MPa (Figure I.27). Bibilashvili a étudié l’influence de la contrainte et du temps sur la phase d’amorçage de fissures de CSC-I sur des tubes de Zr-1%Nb recristallisé à 380°C, via des essais de pressurisation interne interrompus suivis d’observation MEB de la surface exposée (Bibilashvili 1996). Il a ainsi mis en évidence que des fissures de quelques dizaines de microns pouvaient se former en 20 h à faible contrainte (170 MPa), mais en présence de plasticité (3%). La notion de contrainte seuil dépend ainsi du type d’endommagement recherché (amorçage ou rupture), du temps d’essais et de la présence ou non de plasticité. En méthanol iodé, peu d’études ont été menées à contrainte constante et aucune n’a cherché à déterminer la contrainte seuil. L’existence d’une corrosion intergranulaire sans contrainte macroscopique appliquée rend cette étape non essentielle. Fregonese a mené des essais à rupture sur des éprouvettes de traction Zircaloy-4 recristallisé pour une contrainte appliquée d’environ 75% de la limite d’élasticité à une concentration de 10-5 g.g-1 (Fregonese 2008). Elayaperumal a rompu des éprouvettes de Zircaloy-2 recristallisé en milieu méthanol iodé bouillant pour un chargement identique (Elayaperumal 1972). Pour des concentrations supérieures à 10-4 g.g-1, la contrainte appliquée multiplie par plus de 10 la perte de masse. Des observations par microscopie optique ont également montré que la contrainte entrainait une localisation importante de la corrosion. L’énergie d’activation de la dissolution intergranulaire est divisée par 2.5 en présence de contrainte. Cette activation serait liée à la présence de plasticité locale qui favoriserait l’adsorption de l’iode. Lors de ses essais de fatigue-corrosion, Schuster a évalué le taux de corrosion intergranulaire par l’observation des faciès de rupture d’éprouvettes de traction testées à 10-3 g.g-1 (Schuster 1989b). Celui-ci vaut environ 5 nm.s-1 à 300 MPa et 25 nm.s-1 à 410 MPa. Il n’a pas pu être évalué pour des contraintes plus faibles car la rupture par fatigue prenait alors le pas sur la corrosion. On constate donc l’effet négatif d’une contrainte sur la résistance à la corrosion intergranulaire. Cependant les niveaux de contrainte utilisés ne permettent pas d’exclure la présence de plasticité et donc de découpler les effets.

I.4.2.2Etat de contrainte

Du fait de la mise en diabolo de la pastille et de sa multifissuration, on peut s’interroger sur l’effet de l’état de contrainte sur la CSC-I. La plupart des études décrivent des fissures qui se développent perpendiculairement à la contrainte appliquée, que ce soit en iode vapeur ((Barö 1986), (Garlick 1973/74),...) ou méthanol iodé ((Jacques 1999b), (Serres 2008), …).

Figure I.21 : Effet du rapport de biaxialité en iode vapeur à 350°C, sur la déformation à rupture de tubes de Zircaloy-2 détendu sollicités en traction-pressurisation à 350°C (gauc he, d’après (Nakatsuka 1982)) et sur la réduction de section d’éprouvettes uniaxiales et de déformation plane en Zircaloy-2 recristallisé (droite, d’après (Une 1979b)).

Figure I.22 : Effet positif du rapport de biaxialité sur le temps à rupture pour différentes contraintes circ onférentielles pour des tubes de Zircaloy-4 testés à 360°C (gauche). Tracé des vitesses de déformation circonférentielle moyennes en fonction du temps à rupture, regroupement des différents rapports sur une même tendance (droite) (Syrett 1981).

Nakatsuka a étudié la rupture de tubes en Zircaloy-2 détendu, à 350°C et 1 mg.cm-2, sollicités en pression interne et traction axiale pour des rapports de contrainte (circonférentielle sur axiale) de 0, 0.5, 1, 2 et ∞ (Nakatsuka 1982). Des observations par microscopie optique ont montré que les fissures sont toujours perpendiculaires à la contrainte principale, passant d’une fissuration axiale à circonférentielle. Pour évaluer la sensibilité à la CSC-I, il choisit la déformation équivalente à rupture calculée à partir des variations de dimensions des tubes après essais. Le minimum de déformation, avec ou sans iode, est atteint pour un rapport de biaxialité de 0.5 et il en conclut que la biaxialité augmente la sensibilité à la CSC-I ((Figure I.21), gauche), même si la baisse relative de déformation due à la présence de l’iode est minimale pour ce rapport. Une a étudié l’effet du rapport des contraintes avec des éprouvettes uniaxiales et de déformations planes en Zircaloy-2 détendu et recristallisé en iode vapeur à 350°C également (Une 1979b). Elle évalue la sensibilité à la CSC-I par la réduction de section des éprouvettes après rupture et elle trouve un maximum de sensibilité pour un rapport de 0.66, comparativement à 0, 1.28 et ∞, confirmant ainsi les observations de Nakatsuka. Pour lui, la perte relative est aussi maximale pour ce rapport.

I.4 Facteurs influençant la CSC-I 39 Syrett s’est intéressé au cas du Zircaloy-4 détendu à 360°C avec une méthode d’essais identique à celle de Nakatsuka (Syrett 1981). Mais il caractérise la sensibilité à la CSC-I du point de vue du temps à rupture et non d’un critère de ductilité qu’il juge peu fiable du fait de l’impact inhérent de la biaxialité sur le comportement mécanique. Lui aussi retrouve un minimum de déformation à rupture pour une biaxialité proche de 0.5. Cependant, pour une même contrainte circonférentielle, il trouve des temps à rupture beaucoup plus importants pour un état biaxial comparativement à un état uniaxial (Figure I.22, gauche). Par exemple, pour une contrainte circonférentielle de 380 MPa, le temps à rupture passe de 0.8 à 4.4 h. Pour une contrainte supérieure à 300 MPa, la variation est monotone pour un rapport de 0 à 1. En dessous, il y a davantage de dispersion et l’effet de biaxialité semble plus complexe, mais il apparait que la contrainte seuil varie avec la biaxialité. D’après Syrett, le paramètre critique serait la vitesse de déformation circonférentielle, car le temps à rupture suit une seule et même tendance en fonction de celle-ci (Figure I.22, droite). L’effet de la biaxialité serait lié à l’influence d’un chargement multiaxial sur cette vitesse. Aucune explication n’est avancée pour comprendre l’impact de la vitesse de déformation selon cette direction. L’étude portant sur un alliage détendu, on peut penser que la forme allongée des grains dans la direction du tube expliquerait l’importance de la direction circonférentielle, qui est alors normale à la grande majorité des joints.

L’effet de l’état de contrainte sur la résistance à la CSC-I, même s’il peut être très important n’a donc été étudié qu’en fluage en milieu iode vapeur et n’est pas véritablement compris. En particulier, l’impact de l’état de contrainte sur l’amorçage intergranulaire des fissures n’a pas été déterminé.

I.4.2.3Déformation

La déformation plastique est l’un des facteurs pouvant mener à la dépassivation du matériau. L’existence d’une déformation plastique seuil est attestée sur plusieurs études en iode vapeur. Bibilashvili constate une déformation seuil de 1.4% au-delà de laquelle on observe les premières fissures de CSC-I sur des tubes de Zr-1%Nb recristallisé testés en fluage à 170 MPa à 380°C (Bibilashvili 1996). Au-delà de ce seuil, la densité de courtes fissures (2-3 µm) augmente exponentiellement avec la déformation. Kubo a également observé l’augmentation de la densité de fissures avec la déformation macroscopique appliquée sur des éprouvettes en Zircaloy-2 recristallisé sollicitées en traction à vitesse de déformation imposée en iode vapeur à 350°C. Jones a tracé les déformations à rupture (mesurées post-essai) en fonction du temps à rupture pour ses essais sur tubes de Zircaloy-2 et Zircaloy-4 détendus en iode vapeur à 320°C et 360°C (Jones 1980). Les points obtenus définissent une courbe en U dont le minimum met en évidence un seuil en déformation. La forme en U montre aussi que la déformation macroscopique n’est pas toujours pertinente pour décrire la sensibilité à la CSC-I. Dans sa revue des valeurs seuils de la CSC-I en iode vapeur, Une montre que la déformation plastique seuil est comprise entre 0.5% et 1% (Une 1984).

Jacques a montré que la densité de fissures était intimement liée à la déformation plastique locale à partir d’observations MEB et de mesures locales par grille sur des éprouvettes de traction en zirconium et Zircaloy-4 recristallisé (Jacques 1994). Cela est notamment illustré pour le zirconium en méthanol iodé sur la Figure I.18 et reste vrai pour le Zircaloy-4 et également en milieu iode vapeur.

La déformation plastique locale semble donc jouer un rôle déterminant sur l’amorçage des fissures. En méthanol iodé, on ne dispose pourtant pas de données sur une éventuelle déformation seuil.

Figure I.23 : Limite du domaine de sensibilité à la CSC-I en vitesse de déformation : cas du Zr-1%Nb en iode vapeur à 360°C (gauche, (Goryachev 1992)) et du Zirc aloy-4 à température ambiante en milieu méthanol iodé (droite, (Hirao 1988)). Sur la figure de droite, les ronds désignent les essais sans iode et les symboles pleins les essais sur matériau irradié aux neutrons.

Figure I.24 : Courbes de vitesse de propagation des fissures en fonction du facteur d’intensité des contraintes, obtenues sur tubes pré-fissurés en milieu iode vapeur à 350°C. Comparaison entre Zirc aloy-4 et Zr-1%Nb recristallisés (gauche, (Bibilashvili 1995)), et comparaison entre avant (triangles) et après irradiation (ronds) sur du Zirc aloy-4 détendu (droite, (Schuster 1995)). On note des KIseuil compris entre 1 et 5 MPa.m1/2.

I.4.2.4Vitesse de déformation

La vitesse de déformation est également un élément important puisque de nombreuses études ont montré qu’il existe un domaine de vitesse de déformation propice à la CSC-I, où la perte de ductilité est plus importante. Citons Peehs qui a étudié la CSC-I de tubes en Zircaloy (non précisé) pour des vitesses comprises entre 4 10-9 et 5 10-6 s-1 (Peehs 1979). Si une perte de ductilité est observée sur tout ce domaine pour une concentration en iode de 10-2 mg.cm-2, elle est divisée par plus de 4 seulement entre 6 10-8 et 5 10-7 s-1, avec un maximum à 1.5 10-7 s-1. Mais les valeurs critiques de vitesse d’une étude à l’autre varient fortement et bien souvent les études relatives à l’effet de vitesse de déformation ne déterminent que la borne supérieure du domaine. C’est notamment le cas de Goryachev sur

I.4 Facteurs influençant la CSC-I 41 des éprouvettes de traction en Zr-1%Nb recristallisé à 350°C et 900 Pa d’I2 et d’Hirao sur

barreaux de Zircaloy-4 recristallisés irradiés ou non testés à température ambiante en méthanol iodé à 10-2 g.g-1 (Hirao 1988; Goryachev 1992). Dans ces deux études, la limite supérieure de sensibilité à la CSC-I, du point de vue des essais à rupture, est proche de 10-4 s-1 (Figure I.23). Au-dessus, on n’observe pas de perte de ductilité. En compilant les données de différentes études, Une montre que le maximum de sensibilité à la CSC-I en iode vapeur peut différer de deux ordres de grandeur selon les conditions expérimentales.

Si la limite supérieure en vitesse est associée à l’apparition d’un endommagement purement mécanique, Jones attribue la présence d’une limite inférieure à une vitesse nécessaire pour casser un film fin en surface en cours de formation, ce dernier pouvant être la couche d’oxyde ou une couche d’iodure solide (Jones 1979). Sans la cassure de ce film, la fissure ne peut progresser. Dans sa revue, Une a observé que les expériences utilisant une circulation continue d’iode, avec maintien à une même pression partielle pendant toute la durée de l’essai, ne présentaient pas de limite inférieure en vitesse, contrairement aux essais « clos » avec une quantité d’iode fixe (Une 1984). Une transformation progressive de l’iode en iodures de zirconium, moins volatils ou agressifs, dans les atmosphères fermées et pour des temps longs (et donc des vitesses faibles) expliquerait l’apparente vitesse limite inférieure.

I.4.2.5Facteur d’intensité de contraintes

Le facteur d’intensité des contraintes est un paramètre très important de la propagation des fissures de CSC-I. La vitesse de propagation et le mode de fissuration (inter- ou trans- granulaire) semblent être contrôlés par le facteur d’intensité des contraintes (KI). Ainsi

Videm a observé sur des tubes pré-fissurés en Zircaloy-2 recristallisé à 340°C que la vitesse de propagation augmente de manière affine avec KI (Videm 1979). Pour un KI inférieur à

7 MPa.m1/2, la propagation est purement intergranulaire ; au-delà, elle est mixte jusqu’à 8 MPa.m1/2, puis complètement transgranulaire. Une telle transition de mode de fissuration est également observée en milieu méthanol iodé à température ambiante. A partir de la forme des fissures et de formules analytiques pour KI, Farina a trouvé que le facteur

d’intensité des contraintes correspondant à la transition intergranulaire-transgranulaire (KItrans) était en moyenne de 11 MPa.m1/2 pour du Zircaloy-4 recristallisé dans du méthanol

notamment (Farina 2004).

Pour une éprouvette avec pré-fissure ou un défaut, le KIseuil ou KISCC est défini comme étant

la valeur à franchir pour qu’une fissure fragile se propage. Il représente donc la ténacité du matériau en présence d’iode. Ce KIseuil est le plus souvent obtenu en traçant l’évolution de la

vitesse de propagation des fissures (en échelle logarithmique) en fonction de KI, comme

illustré sur la Figure I.24.

Parce que les faciès d’échantillons fissurés sont principalement transgranulaires et que les vitesses de propagation intergranulaires sont souvent très faibles, le KIseuil est parfois

assimilé au KItrans. Ce n’est pas rigoureusement vrai puisque des fissurations intergranulaires

mixtes peuvent être observées sur des échantillons entaillés (Knorr 1982; Norring 1982; Serres 2008). De plus Videm a noté l’absence de seuil sur ces essais et une dépendance en puissance 9 de la vitesse de propagation par rapport au KI (Videm 1979). Avec la forme des

courbes présentées, on définit le seuil de propagation « rapide » de la fissure, mais pas une ténacité au sens strict.

La plupart des vitesses de propagation sont calculées par la détermination de l’étendue intergranulaire après essai et sa division par le temps d’essais (cas des pré-fissures). Serres a étudié la propagation de fissures de CSC-I dans du Zircaloy-4 recristallisé en milieu méthanol iodé par suivi électrique (Serres 2008). Elle a ainsi pu observer une dépendance

quasi linéaire de la vitesse avec KI, un seuil de fissuration proche de 6 MPa.m1/2 et une

transition de fissuration (intergranulaire vers mixte) pour environ 13 MPa.m1/2.