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Chapitre I : Bibliographie

I.5 Modélisation de la CSC-I

pour le matériau plastique. La fissure progresse dans une bande de matériau adoucie et donc de résistance moindre, entrainant une baisse du KIseuil.

Lors de sa compilation de données issues de différents programmes de recherches, Lunde a observé que le matériau irradié garderait une sensibilité à la quantité d’iode pendant les essais (pour une quantité comprise entre 5 et 55 mg) alors que les effets de l’iode saturent sur le matériau vierge (entre 5 et 100 mg) (Lunde 1980). Une étude plus approfondie de cet effet est nécessaire.

I.5

Modélisation de la CSC-I

On a vu que la fissuration par CSC-I était influencée par un nombre très important de paramètres environnementaux, mécaniques ou microstructuraux et que les mécanismes mis en jeu ne sont pas clairement établis. Il est cependant nécessaire de pouvoir modéliser les ruptures par CSC-I, ne serait-ce que de façon phénoménologique, afin de garantir la non- rupture des crayons lors d’éventuels transitoires de puissance incidentels. Quelques modèles d’endommagement par CSC-I sont exposés ci-après. Les mises en équation des phénomènes renseignent sur les paramètres considérés comme les moteurs de l’endommagement.

I.5.1

Modèle de l’EPRI (Miller 1981)

Il s’agit d’un modèle unidirectionnel qui comprend aussi bien l’amorçage que les propagations intergranulaire et transgranulaire. Dans le cadre d’un calcul par éléments-finis, ce modèle est applicable à une ligne d’éléments situés dans le plan d’une éventuelle fissure de CSC-I. Dans leur article, les auteurs ne prennent pas en compte d’endommagement mécanique mais considèrent uniquement une quantité d’iode locale. Lorsque celle-ci dépasse une valeur critique locale, l’élément est supposé rompu. Pour le premier élément en face interne de la gaine qui va fissurer ou pour le premier élément en pointe d’une fissure existante, la concentration en iode suit l’équation suivante :

 = .. !"".##%$− ' Eq. I.4

Avec εc une déformation critique, ε la déformation en pointe de fissure, I la concentration en

iode de l’élément considéré et Ieff la concentration effective en iode dans le milieu, prise

inférieure ou égale à 10-1 mg.cm-2 (saturation des effets de l’iode au-delà). La rupture de l’élément se produit si I dépasse une concentration limite IR. Dès lors, la pointe de fissure se

déplace et le modèle s’applique à la nouvelle pointe de fissure.

La fissuration intergranulaire se produit pour une concentration constante IR = IIG =

10-3 mg.cm-2. La concentration limite de fissuration transgranulaire ITG dépend, quant à elle,

de la contrainte appliquée et de la contrainte seuil σCSC=448 MPa (équivalente au

dépassement du KIseuil) via :

(= )(.*+,+  -

.

Eq. I.5

En prenant IR=min(IIG, ITG), la fissuration débute et propage de façon intergranulaire

jusqu’à ce que la contrainte en pointe de fissure dépasse, au même titre que le facteur d’intensité des contraintes, une valeur seuil. La propagation est alors transgranulaire. Un seuil en déformation εR est également introduit pour la rupture ductile. Si la déformation

devient trop importante et que la concentration en iode I n’a pas eu le temps d’atteindre IR,

modification du comportement mécanique de la gaine et par un abaissement de la déformation critique εc.

La concentration locale en iode est donc le moteur de l’endommagement. Le couplage entre mécanique et chimie est très limité, la déformation permettant une meilleure diffusion de l’iode. L’absence de dommage mécanique cumulé fait que l’iode précède le dommage. En ne considérant que l’évolution de I comme critère de rupture, la condition IR=min(IIG, ITG)

avec ITG<IIG lors de la phase transgranulaire implique une vitesse de fissuration

transgranulaire plus élevée.

I.5.2

Modèle de Besson-Bugat (Besson 2006)

Ce modèle est écrit pour simuler la fissuration d’un matériau par éléments-finis à l’aide d’éléments de zones cohésives. Ce type d’éléments permet théoriquement de s’affranchir de l’influence de la taille des mailles sur la vitesse de propagation des fissures.

Le comportement mécanique de tels éléments est régi par une surface d’écoulement reliant l’ouverture équivalente u* et une contrainte effective T*. L’ouverture critique uc permet de

définir une variable d’endommagement D=u*/uc. Avec la limite d’écoulement T0, uc permet

de définir l’énergie de surface minimale nécessaire à la décohésion du joint G0=uc.T0. Le

dommage mécanique s’étend alors en amont de la pointe de fissure dans une zone appelée RPZ (Remote Process Zone), sur une étendue proportionnelle à G0/T0².

La simulation de la corrosion sous contrainte est assurée par un couplage entre l’endommagement mécanique local et la pénétration de l’iode dans le matériau. Celle-ci est supposée régie par un phénomène de diffusion. La présence locale de l’iode fragilise le matériau en diminuant son énergie de surface locale. La diffusion de l’iode dans le matériau est favorisée par l’endommagement mécanique. L’iode va donc principalement diffuser dans la RPZ : le dommage mécanique précède l’iode. La transition entre fissuration intergranulaire et transgranulaire est prise en compte par une augmentation du coefficient de diffusion de l’iode quand la déformation plastique locale atteint un seuil. L’augmentation de la déformation plastique est supposée favoriser la propagation transgranulaire en permettant un accès de l’iode aux plans de base, par l’accumulation de bandes de déformation sur les joints de grain ou l’activation de nouveaux systèmes de glissement. Contrairement au modèle de l’EPRI, l’étape limitante de la fissuration n’est pas uniquement la diffusion de l’iode ; l’accumulation d’un dommage mécanique est nécessaire. Il est à noter que la loi d’endommagement retenue s’apparente au formalisme de la loi de Kachanov (Kachanov 1986).

I.5.3

Modèle Kachanov-EPRI du CEA (Le Boulch 2008)

Ce modèle est écrit pour simuler la fissuration d’un matériau par éléments-finis à l’aide d’éléments massifs. Il a été couplé aux lois de comportement disponibles dans MISTRAL (Limon 2010) utilisable dans CAST3M (CEA) et permet un couplage entre mécanique, endommagement et pénétration de l’iode dans le matériau.

L’endommagement total D est la somme d’un endommagement purement mécanique Dméca

et d’un endommagement de CSC-I DCSC. L’évolution des dommages suit une loi de

Kachanov (Kachanov 1986). En particulier, l’évolution du dommage de corrosion s’écrit : /+,+= ). . 0

11 − /2+3 − 4' 53

Eq. I.6

σp est la contrainte principale maximale et σ0 une contrainte seuil Les paramètres AI, BI et

I.5 Modélisation de la CSC-I 51 concentration en iode I est décrite de la manière suivante : si I est inférieure à une concentration limite I0, AI est nul et aucun dommage de corrosion ne se développe. Si I

dépasse une concentration de saturation I1>I0, AI prend une valeur positive et constante

afin de simuler une saturation de l’effet de la concentration de l’iode. Entre I0 et I1, AI varie

linéairement avec I.

La pénétration de l’iode dans le matériau est inspirée du modèle de l’EPRI (Miller 1981), l’iode n’est supposé être présent que dans le premier élément non rompu. L’iode ne diffusant pas dans le matériau non contraint, son transport est couplé à la mécanique. La loi de Fick est considérée avec un tenseur anisotrope de diffusion. Les coefficients de diffusion sont reliés à la vitesse de déformation plastique 0 , par des équations non détaillées ici. L’augmentation locale de la concentration en iode est nécessairement liée à une mise en charge du matériau. Cette approche est importante pour la prise en compte d’essais à chargements complexes. En effet, les auteurs mentionnent le cas d’essais CSC-I sur tubes en iode vapeur par écrouissage-relaxation, ne menant pas à la rupture malgré des contraintes supérieures à celles causant des ruptures lors d’essais de pressurisation standard.

Ce modèle choisit la contrainte principale comme moteur de l’endommagement mais le transport de l’iode est assuré par une déformation plastique active. Une distinction est alors introduite entre fragilisation par l’iode (pénétration et activation d’un dommage associé) et fissuration (accumulation d’un dommage mécanique). Aucune distinction n’est faite entre fissuration inter- et trans-granulaire.

I.5.4

Modèle de Diard-Musienko-Cailletaud

Sur la base d’une modélisation polycristalline du comportement et d’un endommagement intergranulaire proposés par Diard, Musienko a développé un modèle de CSC-I à l’échelle du grain permettant de faire propager des fissures de CSC-I de façon inter- ou trans-granulaire (Diard 2002; Musienko 2009). Les calculs sont effectués sur des agrégats de grains avec des polyèdres de Voronoï, principalement en 2D. Les joints de grains sont maillés par des éléments massifs (par opposition aux zones cohésives notamment), pour une épaisseur totale de joint égale à 0.1 µm. L’endommagement intergranulaire D ne dépend que de la contrainte dans les joints, via ses composantes normale σn et tangentielles τ par une évolution de type

Kachanov et de la concentration en iode :

/ = 678+ :8 1;2 <

=

11 − /2> Eq. I.7

A est un paramètre décroissant exponentiellement avec la concentration en iode C. Bien qu’un mécanisme d’adsorption-fragilisation soit admis, un transport de l’iode est possible dans les joints de grains, décrit par une équation standard de diffusion. Le coefficient de diffusion est décroissant avec l’endommagement, comme dans le modèle de Besson-Bugat mentionné. La grande particularité de ce modèle concerne la propagation transgranulaire. Seul le clivage selon les plans de base est considéré, par l’introduction d’une déformation inélastique normale à ces plans quand la contrainte dans cette direction dépasse un seuil critique. Une évolution de cette déformation avec le temps et un comportement adoucissant permettent une régularisation de la fissuration tout en obtenant des vitesses de propagation importantes. Le modèle complet avec les deux modes de fissuration permet de retrouver des caractéristiques de la fissuration observées dans différentes études expérimentales. La propagation est initialement intergranulaire et devient transgranulaire, principalement au niveau des points triples (Figure I.28), mais également au milieu d’un joint quand les grains entourant la fissure présentent des systèmes de déformation activés très différents.

Figure I.28 : Chemin de fissuration mixte inter- et trans-granulaire obtenus par le modèle de Musienko sur deux agrégats 2D de grains, de taille moyenne égale à 10 µm. Un chargement en vitesse de déformation imposée (2 10-4 s-1) est appliqué le long de la vertic ale aux images (Musienko 2009).

Le modèle autorise également un retour à une fissuration intergranulaire après clivage d’un ou plusieurs grains (Figure I.28). Les vitesses de propagation transgranulaires simulées sont bien supérieures à celles intergranulaires.

Si ce modèle adopte une échelle pertinente pour l’étude des paramètres critiques de la CSC- I, plusieurs points limitent son utilisation. Les simulations polycristallines nécessitent des temps de calculs très importants, encore plus quand de l’endommagement est introduit. L’auteur constate des variations de chemins de fissuration quand la densité de maille est trop faible. Les simulations en 3D sont limitées à un agrégat de 20 grains, surement inférieur au volume élémentaire représentatif pour les mêmes raisons. La propagation transgranulaire ne consiste qu’en du clivage sur les plans de base. Or de nombreuses études montrent que le flutting est bien souvent majoritaire, notamment lors de sollicitations selon la direction circonférentielle (ou transverse pour les plaques) à cause d’une texture globalement normale. Il reste également à identifier les paramètres du modèle pour retrouver des résultats expérimentaux données, comme les temps à l’amorçage, les vitesses de propagation ou les KIseuil.

I.5.5

Bilan et autres approches

Les modèles présentés considèrent une évolution de l’iode dans le matériau et son impact, progressif ou instantané, sur l’endommagement. Tous sont phénoménologiques dans le sens où ils ne s’appuient pas directement sur des mécanismes possibles. Ils considèrent une pénétration de l’iode dans la fissure et son évolution locale pour rendre compte de la fragilisation locale du matériau. L’échelle de la modélisation (à l’exception du modèle polycristallin) et l’absence de consensus sur les mécanismes ne permettent pas d’établir de modèles physiques. Les variables choisies comme moteur de l’endommagement ou du transport de l’iode diffèrent selon les modèles. La transition entre intergranulaire et transgranulaire est soit directement contrôlée par le facteur d’intensité des contraintes pour le modèle de l’EPRI tandis qu’un critère de plasticité est retenu par Besson, et qu’une contrainte limite normale aux plans de base est introduite par Musienko. La transition n’est pas considérée dans le modèle du CEA. L’activation thermique des phénomènes ne semble pas prise en compte dans les modèles de Besson et de Musienko.

On peut également citer d’autres modèles ne tenant compte de la chimie que par la baisse des propriétés mécaniques en présence d’iode ou par le mode de rupture. Jernkvist utilise un couplage entre un code crayon industriel et des calculs par éléments finis (Jernkvist 1995). Pour une taille de défaut et des sollicitations mécaniques, il calcule par éléments finis l’intégrale J de Rice en pointe de fissure, la compare au KIseuil. Si la valeur est dépassée, un

I.6 Bilan et démarche de l’étude 53